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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 221

9/11/2001

  1. EN UNE SEMAINE PLUS D’UN MILLIER DE RÉFUGIÉS KURDES ARRIVENT SUR LES CÔTES GRECQUES
  2. LE PREMIER MINISTRE TURC PARLE D’ANNEXER CHYPRE DU NORD
  3. COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME : LA TURQUIE ACCEPTE D’INDEMNISER À L’AMIABLE QUATRE FAMILLES KURDES POUR LA DISPARITION DE LEURS PROCHES
  4. LA VEUVE DE FEU PRÉSIDENT OZAL DÉCLARE QUE LA MORT DE SON MARI EST “ UNE AFFAIRE POLITIQUE ”
  5. LA DESCENTE DE LA POLICE TURQUE DANS DEUX MAISONS D’ISTANBUL CONTRE DES GRÈVISTES DE LA FAIM, FAIT QUATRE MORTS
  6. LA TURQUIE ENVOIE UNE UNITÉ DE FORCES SPÉCIALES DE 90 HOMMES EN AFGHANISTAN
  7. LU DANS LA PRESSE


EN UNE SEMAINE PLUS D’UN MILLIER DE RÉFUGIÉS KURDES ARRIVENT SUR LES CÔTES GRECQUES


Les garde-côtes grecs ont, le 5 novembre, remorqué dans un port de l'île ionienne de Zante un navire battant pavillon turc, qui dérivait avec plus de 1.000 immigrants clandestins en raison d'un feu dans la salle des machines.

Tous les clandestins, Kurdes pour la plupart, sont restés à bord du bateau d'une cinquantaine de mètres de long, qui avait a été aperçu dérivant à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Zante. Par ailleurs, plusieurs femmes et enfants sont soignés à l'hôpital de l'île pour des blessures mineures.

D’autre part, la police portuaire grecque a, le 1er novembre, retrouvé et arraisonné au nord-est de l'Egée un petit chalutier turc conduit par deux Turcs et un Roumain, qu'elle suspecte d'avoir débarqué 138 immigrés clandestins kurdes irakiens parmi lesquels sept femmes et cinq enfants. Conduit par deux Turcs et un Roumain, qui ont été arrêtés, le bateau “ Baba Yusuf ” a finalement été localisé au large de l'île de Psaras, non loin des côtes turques. Il a été ramené sur l'île proche de Chios, et saisi.

Selon le bilan des autorités grecques, depuis le début de l'année, la police portuaire a arrêté 5.242 immigrés clandestins, 105 passeurs et saisi 83 bateaux.

LE PREMIER MINISTRE TURC PARLE D’ANNEXER CHYPRE DU NORD


Au cours d’une interview accordée, le 4 novembre, à Fikret Bila, journaliste du quotidien turc Milliyet, le Premier ministre Bulent Ecevit a déclaré que “ si les Chypriotes grecs étaient admis à l’Union européenne, la Turquie n’aura que deux options : une annexion complète ou un statut spécial ”. Bulent Ecevit qui est le responsable de l’intervention armée turque en Chypre en 1974 a poursuivi ainsi : “ L’adhésion de Chypre du Sud à l’UE, voudrait dire que le Nord capitule face à Chypre du Sud. Face à cela, la République turque de Chypre du Nord (KKTC) peut décider de se rattacher à la Turquie. Quant au statut spécial, il permettra d’être indépendant dans les affaires intérieures et d’être lié à la Turquie pour les affaires étrangères et la défense. En plus, j’avais déjà mis à l’ordre du jour ce modèle ”.

Les propos du Premier ministre viennent en écho de celui de son ministre des affaires étrangères, Ismail Cem, qui avait déclaré pour la question chypriote : “ nous ferrons le nécessaire même s’il faut payer un prix lourd ”. Le vice-Premier ministre Devlet Bahçeli avait surenchéri en martelant “ la Turquie sacrifiera tout pour Chypre ”.

Chypre est un des pays-candidats les mieux placés pour l’adhésion à l’UE. L’armée turque, qui risque de perdre ses privilèges et ses ingérences dans la vie civile si la Turquie venait à entrer dans l’Union européenne, est peu encline à la démocratisation. Ce qui laisse à penser que l’ombre des généraux turcs a pesé sur la dernière sortie du Premier ministre.

COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME : LA TURQUIE ACCEPTE D’INDEMNISER À L’AMIABLE QUATRE FAMILLES KURDES POUR LA DISPARITION DE LEURS PROCHES


La Cour européenne des droits de l'Homme a, le 6 novembre, indiqué que le gouvernement turc a reconnu ses torts et accepté d'indemniser à l'amiable quatre familles pour la disparition de leurs proches lors d'une opération policière au Kurdistan en 1994.

Les quatre familles, qui ont perdu l'une un frère, les autres un mari ou un fils, dans le village de Kirkagac, recevront chacune la somme de 34.000 livres sterling de dédommagement.

La Cour européenne, saisie des plaintes des familles, a décidé de rayer l'affaire du rôle après un règlement amiable qui comporte une déclaration du gouvernement turc déplorant “ la disparition de certains parents proches des requérants et l'angoisse causée à leurs familles ”.

Ankara “ reconnaît que les privations de liberté non enregistrées et les investigations insuffisantes menées sur les cas de disparition alléguées constituent des violations aux articles 2 (droit à la vie), 5 et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l'Homme ”.

“ Le gouvernement [turc] s'engage à édicter des instructions appropriées et à adopter toutes les mesures nécessaires pour assurer à l'avenir un enregistrement complet et détaillé par les autorités de toutes les privations de liberté et la conduite d'investigations effectives sur toute allégation de disparition, conformément aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention ”.

LA VEUVE DE FEU PRÉSIDENT OZAL DÉCLARE QUE LA MORT DE SON MARI EST “ UNE AFFAIRE POLITIQUE ”


Les dernières déclarations de la veuve de l’ancien président turc Turgut Özal viennent confirmer l’énigme autour des circonstances de son décès. Interrogée, le 4 novembre, par le quotidien turc Hurriyet, Semra Ozal, a répondu à la question “ est-ce que vous avez toujours des doutes sur la mort de Turgut Ozal ” : “ Mes doutes sont encore plus graves. Pour le moment, je n’ai pas encore complété toutes les preuves le démontrant. J’ai eu des informations de l’extérieur et j’examine cela maintenant. Un de vos journalistes avait relaté les propos de Husamettin Cindoruk [ndlr : ancien conseiller de Suleyman Demirel, aujourd’hui député] qui avait déclaré “ Ozal va mourir dans trois mois ”. On lui avait demandé à l’époque d’où il tenait cela, il avait alors répliqué : “ C’est Monsieur Suleyman qui me l’a dit ”. Bien sûr cela peut être une coïncidence. ”

Madame Ozal poursuit en déclarant “ La question n’est pas de le [ndlr : Suleyman Demirel] soupçonner. Il aurait pu lui-même tenir cela de quelqu’un d’autre. Mais pourquoi est-ce qu’il n’y a pas eu d’autopsie ? On a dit qu’il avait été exhumé, ce n’est pas vrai. S’il a été empoisonné préalablement, il fallait attendre que ses cheveux poussent pour démontrer cela… Il y a quelqu’un qui est venu de l’étranger et a dit qu’il avait été empoisonné. Après sa mort, on lui a pris du sang. Mes doutes grandissant, Ahmet [ndlr : le fils Ozal] est allé à l’Hôpital Hacettepe et a réclamé les échantillons de son sang. Le laborantin lui a dit “ nous avons le sang. Comme il était intéressant, nous l’avons gardé ”. Le lendemain, il y est retourné pour les récupérer, mais on lui a répliqué que les flacons d’échantillons avaient été brisés. Ces échantillons y étaient gardés depuis tellement d’années, pourquoi est-ce qu’ils ont été cassés ce jour-là au bout de cinq ans ? ”

“ Je pense que c’est une affaire politique dont la source est étrangère ” soutient Mme Ozal. Elle poursuit en indiquant que le défunt avait adressé pour l’an 2000 cinq lettres dont “ l’une pour ses petits-enfants, l’autre à moi et à son parti. Il les avaient confiées au directeur général de la Poste, mais toutes ont disparu, est-ce un hasard ? Nous avons porté plainte, je pense que tout cela a un lien avec sa mort ”

Sur la question de savoir à qui pouvait profiter la mort de Turgut Ozal, sa veuve déclare que “ s’il était resté en vie, aujourd’hui la carte du monde aurait changé. Il avait tout préparé et bouclé dans sa tête ”.

LA DESCENTE DE LA POLICE TURQUE DANS DEUX MAISONS D’ISTANBUL CONTRE DES GRÈVISTES DE LA FAIM, FAIT QUATRE MORTS


Quatre militants du front-parti communiste révolutionnaire du peuple (DHKP-C), soutenant le mouvement de prisonniers contre leurs conditions de détention se sont, le 5 novembre, immolés par le feu, lors de l'intervention de la police dans deux maisons d'Istanbul pour déloger les protestataires.

D'après le mouvement de soutien aux prisonniers Ozgur Tayad, l'une des victimes, Arzu Guler, faisait la grève de la faim depuis cinq mois. Les trois autres, Baris Kas, Sultan Yildiz, Bulent Durgaç, étaient des sympathisants des grévistes de la faim. Selon les responsables turcs, les quatre militants sont morts de leurs brûlures ou d'intoxication par l'oxyde de carbone et 14 personnes ont été blessées lors du raid de la police et hospitalisées.

Trois autres militants du mouvement de protestation se sont le lendemain immolés dans leur cellule pour protester contre l’intervention de la police. Eyup Samur a perdu la vie des suites de ses blessures tandis que ses deux camarades, Kemal Aydin et Nail Çavus, sont hospitalisés dans un état grave.

La délégation de l’association turque des droits de l’homme (IHD), qui s’est rendue sur les lieux, a déclaré que “ les morts et les blessures sont les conséquences des violences extrêmes qui ont été déployées au cours de l’opération de police ”.

Par ailleurs, le ministère turc de la justice a déposé au Parlement un projet de loi prévoyant une peine allant jusqu’à 20 ans de prison pour les organisateurs et instigateurs de la grève de la faim.

LA TURQUIE ENVOIE UNE UNITÉ DE FORCES SPÉCIALES DE 90 HOMMES EN AFGHANISTAN


La Turquie a, le 1er novembre, annoncé qu'elle allait envoyer en Afghanistan une unité de forces spéciales, forte de 90 hommes, pour participer, à la demande des Etats-Unis, aux opérations militaires, soutenir les actions humanitaires et entraîner les troupes de l'Alliance du Nord.

Selon Ankara, ces forces spéciales qui combattent depuis quinze ans le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) au Kurdistan de Turquie, région montagneuse comparable à certains paysages afghans, pourront renforcer les forces d'opposition aux talibans. L'unité conduira aussi des missions de reconnaissance, participera aux opérations militaires, contribuera aux actions humanitaires et aidera à protéger et évacuer les civils, précise un communiqué du bureau du Premier ministre Bulent Ecevit : “ Le succès des opérations menées par les Etats-Unis est pour le bien de l'humanité ”, note le communiqué qui annonce le déploiement de troupes. Environ 90 “ bérets bordeaux ”, des soldats d'élite, seront envoyés en Afghanistan à la suite d'une demande en ce sens des Etats-Unis parvenue à la Turquie le 26 octobre dernier, précise le communiqué.

L'unité turque adoptera sans doute un “ profil bas ” pour ne pas vexer d'autres pays musulmans. Le communiqué gouvernemental s'en prend d'ailleurs à “ ceux qui veulent présenter l'opération comme une action contre l'islam sont en contradiction avec les valeurs sacrées de cette religion de paix ”. Plusieurs manifestations se sont tenues en Turquie, pays musulman à plus de 90 %, pour dénoncer l'opération américaine, notamment autour de mosquées. Le Parti islamiste du Bonheur (SP), avait demandé l'arrêt “ immédiat ” des frappes américaines en Afghanistan et s'était opposé à l'envoi de troupes turques.

La Turquie s'est, dès le départ, rangée aux côtés de son allié américain, et lui a ouvert son espace aérien et ses bases ainsi que ses renseignements sur l'Afghanistan. Elle s'est également déclarée prête à participer à une force de maintien de la paix, une fois le "régime archaïque" des talibans renversés. Le Parlement turc a, le 10 octobre, autorisé le gouvernement à envoyer des troupes à l'étranger et à abriter des troupes étrangères dans le cadre de l'opération menée par les Etats-Unis. Ankara soutient traditionnellement les ethnies turcophones en Afghanistan, en premier lieu les Ouzbeks du général Abdul Rashid Dostam, mais aussi les Turkmènes, les Tadjiks et les Aymaks, soit plus de 30 % de la population.

La presse turque est très partagée par l’envoi des troupes en Afghanistan, des voix s’élèvent pour dire que la Turquie, fortement touchée par une grave crise économique, s’est une nouvelle fois “ vendue ”. Necati Dogru, du quotidien turc Cumhuriyet écrit ainsi dans ses colonnes du 5 novembre : “ Les fruits du soutien militaire turc aux USA ont été rapidement récoltés. Le PKK a également été décrété organisation terroriste. L’on a déclaré que les responsables de l’organisation “ Karases kaplancilar ” [islamiste] seront renvoyés d’Allemagne en Turquie. Les dettes militaires ont été retardées. Le FMI… a donné le feu vert pour un crédit de 3 milliards de dollars à la Turquie, suivi d’un crédit complémentaire de 10 à 15 milliards de dollars. Et puis, en ce qui concerne le projet d’oléoduc Bakou-Ceyhan, en sommeil depuis que les 3,3 milliards de dollars nécessaires pour l’investissement n’ont pas été trouvés, l’on a déclaré que ce sont les firmes pétrolières américaines qui couvriront ces dépenses et non la Turquie. Envoie tes soldats… et nous installerons l’oléoduc… ”

LU DANS LA PRESSE


Fatih Altayli, journaliste au quotidien turc Hurriyet, revient avec une plume caustique sur l’acquittement des prévenus poursuivis dans le cadre de l’assassinat du “ roi des casinos turcs ”, Omer Lutfu Topal. Voici de larges extraits de son article publié le 9 novembre :

“ Après les protagonistes de l’affaire de Susurluk, les prévenus poursuivis dans le cadre de l’assassinat d ’” Omer Lutfu Topal ”, faisant partie après tout de la même équipe, ont également été acquittés.

Le motif est “ preuves insuffisantes ”. De toute façon j’aurais été surpris s’il y avait suffisamment de preuve. Notre respect est sans limites pour la justice. Mais nous avons aussi du respect pour ceux qui ne rassemblent pas les preuves nécessaires pour la Justice.

Il y a beaucoup de ressemblances entre les protagonistes de l’affaire de Susurluk et les prévenus de l’assassinat d’Omer Lutfu Topal. Par exemple, les voitures qu’ils conduisent pour venir au tribunal. Leur “ shah ”, Ibrahim Sahin, [ndlr : chef des forces spéciales turques à la Direction générale de la police] ayant détruit sa Range Rover de 120 000 dollars dans un accident de voiture, n’a pu venir au tribunal qu’avec une Mercedes de 250 000 DM.

Les accusés de l’assassinat d’O. L. Topal étaient venus tout sourire aux audiences avec des voitures luxueuses, des BMW, des Mercedes, et sont repartis allégrement, relaxés…

Nous vivons dans un tel pays que même un simple officier de police peut s’acheter une Mercedes ou un BMW. Nous pleurons en disant que le revenu national par tête est de $2000. Mais voilà la preuve du niveau de vie.

Eloignés depuis des années de leur métier, rémunérés officiellement 400 millions de livres turques par mois [ndlr : 1800 Frs], on trouve des voitures luxueuses sous ces policiers, des voitures que seuls des riches peuvent s’en procurer en Europe… Avec une Mercedes, les poches remplies, mais pourquoi voulez-vous que ces enfants aillent tuer telle ou telle personne.

Heureusement qu’ils ont été acquittés.

De toute façon si vous me l’aviez demandé, je vous aurais dit qu’Omer Lutfu Topal a tout simplement été victime d’un coup du mauvais œil. ”.