20/12/2002
L’AVOCAT DES DÉPUTÉS KURDES EMPRISONNÉS APPELLE LE PRÉSIDENT TURC À LES LIBÉRER Dans une lettre adressée au président turc Ahmet Nejdet Sezer, Yusuf Alatas, l’avocat des députés kurdes emprisonnés en Turquie a officiellement demandé la libération de ses clients. «Conformément à la décision de la Cour européenne, l’exécution de la peine devrait cesser. Cependant, le moyen d’intervention dans cette affaire appartient au gouvernement. Aussi me permets-je de vous demander de prendre en considération cette affaire dans un cadre juridique et non politique…» souligne Me Alatas. La demande, envoyée au ministère turc de la justice par la présidence, serait ensuite transférée sans examen au parquet de la Cour de sûreté de l’Etat d’Ankara. La cour de sûreté de l’Etat d’Ankara, saisie à son tour, a rejeté la demande du défenseur en précisant que les arrêts de la cour européenne n’ont pas d’effet direct sur la justice turque. L’avocat précise que l’appel a d’ores et déjà été formé auprès de l’Etat et du gouvernement turcs et que la cour de sûreté de l’Etat N°2 a accueilli la recevabilité de cette demande. Me Alatas précise que si sa demande n’aboutit pas favorablement, il saisira alors en dernier ressort le Comité des ministres du Conseil de l’Europe mais que malheureusement cela prendra du temps.
L’ARBITRAIRE POLICIER ET JUDICIAIRE CONTINUE AU KURDISTAN Malgré les récentes réformes constitutionnelles entreprises en Turquie, la pratique policière et judiciaire reste alarmante au Kurdistan. Ainsi, la garde-à-vue, limitée officiellement à quatre jours dans le pays, atteint trop souvent quarante jours au Kurdistan, placé sous le régime d’état d’urgence (OHAL). Selon le quotidien turc Radikal du 10 décembre, sur le fondement du décret-loi 432 alinéa 3/c, toujours en application, deux membres présumés du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) se trouvent placés en garde-à-vue depuis 40 jours et quatre autres personnes, après une garde-à-vue de 24 jours à Diyarbakir, ont été emprisonnées.
Pis encore, à l’origine appliquée à ceux qui avouent, le décret-loi connu aussi sous le nom de la «loi d’exil et de la censure», voit son application s’accroître dans la région OHAL depuis les réformes constitutionnelles de septembre dernier. En l’espèce, le journal donne l’exemple d’Emrullah Karagöz et de Mustafa Yasar, accusés de «propagande pour le compte du PKK», placés en garde-à-vue le 29 octobre 2001, présentés le 1er novembre au parquet de la Cour de sûreté de l’Etat (DGM) où ils dénoncent les tortures qu’ils ont subies. Bien que leur incarcération à la prison de Diyarbakir soit décidée, les prévenus ont été remis pour interrogatoire à la gendarmerie pour une période de 10 jours sur le fondement du décret-loi 432. Saisi par l’avocat de la défense contestant après ces 10 jours une seconde prorogation du délai de la détention, l’assesseur de la cour de sûreté de l’Etat s’est prononcé contre la décision du parquet mais la cour N°3 a annulé cette décision sur le fondement du décret-loi. En somme E. Karagöz et M. Yasar, sont restés en garde-à-vue sans aucune assistance d’avocat et sans aucune visite pendant 41 jours après quatre prorogation de 10 jours consécutifs. L’application de ce décret-loi va au-delà de la région OHAL et est en pratique dans toutes les provinces kurdes.
LA TURQUIE ATTIRÉE PAR LE PÉTROLE DU KURDISTAN IRAKIEN Kenan Veziroglu, chef de la société d'Etat de pétrole TPAO, a, le 11 décembre, indiqué que la Turquie envisageait de prospecter du pétrole au Kurdistan d’Irak, une région qui échappe au contrôle de Bagdad et est contrôlée par deux partis kurdes. Selon le quotidien turc Milliyet, M. Veziroglu a précisé dans la ville kurde de Batman que sa société envisageait dans un premier temps de forer dix puits. Selon le quotidien Cumhuriyet, la prospection devrait commencer en janvier prochain dans une zone contrôlée par le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Massoud Barzani.
Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères n'a pas souhaité commenter cette information. Ankara a d'étroites relations avec le PDK, qui contrôle des régions frontalières avec la Turquie alors que son rival, l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) de Jalal Talabani, tient des zones proches de la frontière iranienne.
La Turquie, confrontée à une crise économique aiguë et qui affirme avoir perdu plus de 35 milliards de dollars en raison de l'embargo de l'ONU contre Bagdad, a mené récemment une série de discussions avec l'Irak pour redynamiser les relations commerciales entre les deux pays. Par ailleurs, une équipe américaine dirigée par Ryan Crocker, vice-secrétaire d'Etat adjoint pour les affaires du Proche-orient, s’est rendue en mission de médiation au Kurdistan irakien pour rencontrer des membres du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK). Philip Reeker, porte-parole adjoint du département d'Etat, a déclaré à ce propos que «cette délégation est une première étape dans ce processus de médiation» et que la mission de M. Crocker doit servir à démontrer «l'engagement continu des Etats-Unis au côté de l'opposition irakienne». Elle permettra également, notamment, d'évaluer la mise en œuvre du programme pétrole-contre-nourriture au Kurdistan , a souligné M. Reeker.
UNE CINQUANTAINE DE KURDES D’EAST SEA OBTIENNENT L’ASILE POLITIQUE EN FRANCE L’association Forum Réfugiés a, le 12 décembre, annoncé que cinquante Kurdes syriens, accueillis dans la banlieue de Lyon après l'échouement du navire East-Sea en février 2001 sur une plage du sud-est de la France, ont obtenu le statut de réfugié. L'association estime que 145 à 150 des 910 réfugiés - hommes, femmes et enfants - de l'East Sea se trouvent encore dans ses structures d'accueil, à Villeurbanne, mais aussi Istres, Manosque, Migennes et Lagrasse. «Dans les autres centres (de Forum Réfugiés), certains ont déjà obtenu le statut de réfugié, et si les dossiers ont été bien préparés, ils devraient tous l'obtenir à terme», a estimé Mourad Talbi, responsable du service d'accueil d'urgence de Forum Réfugiés. Pour les 50 personnes accueillies à Villeurbanne - 27 adultes et 23 enfants-, Forum Réfugiés propose désormais des cours de français et une démarche d'insertion par le travail et la recherche d'un logement autonome.
Neuf cent dix personnes avaient été recueillies sur le navire échoué dont 380 enfants et 430 adultes. Plus d'une centaine avaient déposé une demande de séjour en France comme réfugié politique.
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