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Liste
NO: 248 |
18/7/2002 LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNE LA TURQUIE POUR LE MEURTRE D’UN AVOCAT KURDE CLASSÉ “ NON ÉLUCIDÉ ” PAR ANKARALa Turquie devra verser au total près de 24.000 euros à Mme Ulku Ekinci, dont le mari, un avocat d’Ankara suspecté de sympathies pour le nationalisme kurde, a été assassiné en 1994, a indiqué le 16 juillet la Cour européenne des droits de l'homme. La Cour européenne a estimé que les autorités turques n'avaient pas mené “ d'enquête adéquate et effective ” sur les circonstances du décès de cet avocat. En revanche, la Cour n'a pas reconnu, comme le soutenait Mme Ekinci, que son mari avait été tué dans des circonstances engageant la responsabilité des autorités turques en raison de l'absence “ d'éléments de preuve suffisants ”. Son frère Dr. Tarik Ziya Ekinci a été député de Diyarbakir et secrétaire général du parti ouvrier de Turquie dans les années 1960. Yusuf Ekinci, membre d'une famille kurde très connue, a été retrouvé mort le 25 février 1994 le long d'une autoroute dans la banlieue d'Ankara. Son corps avait été criblé de onze balles. Selon son épouse, ce meurtre est l'un des quelque 400 assassinats “ perpétrés par des auteurs non identifiés ” cette même année dont l'existence est établie par Amnesty International et la Fondation turque des droits de l'homme. Yusuf Ekinci, qui avait été “ dans une certaine mesure actif sur le plan politique jusqu'en 1990 ”, a été tué dans des circonstances analogues à celles de l'un de ses clients assassiné un mois auparavant, Behçet Canturk, un homme d'affaires soupçonné de financer le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et figurant à ce titre sur la fameuse liste Çiller d’une centaine de personnalités kurdes à éliminer sans procès. Selon la Cour européenne, un rapport commandé par le gouvernement turc et publié en 1998 “ donnait à penser que des agents de l'Etat étaient effectivement impliqués dans le meurtre ” de cet homme d'affaires. Un rapport préparé en 1998 à la demande du nouveau Premier ministre Mesut Yilmaz par l’inspection générale de ses services avait établi que ces meurtres avaient été approuvés par les hautes autorités de l’Etat et Mme Çiller s’était publiquement félicitée de ces actions patriotiques. LA TURQUIE RECONNAIT DEVANT LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME SA RESPONSABILITÉ DANS LES MAUVAIS TRAITEMENTS INFLIGÉS À UN KURDE ET UNE MILITANTE GAUCHISTELa Cour européenne des droits de l'Homme a, le 16 juillet, communiqué que la Turquie a reconnu sa responsabilité dans les mauvais traitements infligés à un militant du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et à une militante de gauche et a accepté d'indemniser les victimes Au terme d'un accord amiable, un militant du PKK âgé de 37 ans recevra environ 32.000 euros pour réparer son préjudice, après avoir été torturé en janvier 1994 dans les locaux de la direction de la sûreté d'Istanbul. Une jeune femme de 29 ans, membre de l'organisation illégale Dev-Sol (Gauche Révolutionnaire), victime de mauvais traitements lors de sa garde-à-vue à Istanbul en avril 1993, recevra du gouvernement turc une indemnité totale de près de 30.500 euros. Dans une déclaration quasi-identique pour les deux cas, le gouvernement “ regrette la survenance, comme en l'espèce, de cas individuels de mauvais traitements infligés par les autorités à des personnes en garde-à-vue, malgré la législation turque existante et la détermination du gouvernement d'empêcher de tels incidents ”. Le gouvernement “ s'engage à édicter les instructions appropriées et à adopter toutes les mesures nécessaires pour garantir l'interdiction de pareilles formes de mauvais traitements ”. La semaine dernière, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a vivement critiqué les violations persistantes des droits de l'Homme en Turquie, candidate à l'adhésion à l'Union européenne. La réforme de la formation de la police, engagée depuis trois ans, “ n'a encore donné aucun résultat visible et concret ”, a regretté l'exécutif de l'organisation dans une résolution. LE SECRÉTAIRE ADJOINT AMÉRICAIN PAUL WOLFOWITZ EN VISITE EN TURQUIE POUR SONDER ANKARA SUR L’INTERVENTION MILITAIRE EN IRAKLe secrétaire adjoint américain à la Défense Paul Wolfowitz a exprimé lors de sa visite à Ankara les 16 et 17 juillet la détermination de son pays à renverser le régime de Saddam Hussein en Irak, recherchant le soutien de son allié stratégique turc, réticent à des frappes militaires. Le responsable américain a cependant indiqué aux autorités turques que le gouvernement des Etats-Unis n'avait pas encore pris de décision concernant l'Irak ni demandé à Ankara d'en prendre une, lors d'une conférence de presse avant son départ de Turquie. “ Je ne suis pas venu avec une idée précise de ce que devrait être le rôle de la Turquie (dans une éventuelle opération militaire contre l'Irak, ndlr) ni avec la décision d'une opération, car nous n'avons nous-mêmes pas pris de décision ”, a-t-il déclaré au terme de deux jours d'entretiens avec les responsables civils et militaires turcs. “ Nous ne sommes pas venus chercher une décision du gouvernement turc, mais pour profiter des points de vue de la Turquie ”, a-t-il ajouté “ Le régime irakien, hostile aux Etats-Unis et suppôt du terrorisme, est un danger que nous ne pouvons nous permettre d'affronter indéfiniment. Mais résoudre ce problème implique une série de décisions que le président (George W.) Bush n'a pas encore prises ”, a ajouté M. Wolfowitz. La Turquie a, de son côté, expliqué à M. Wolfowitz, accompagné du numéro trois du département d'Etat (ministère américain des Affaires étrangères), Marc Grossman, et du général Joseph Ralston, commandant des forces américaines en Europe, pourquoi elle voulait éviter une option militaire : sa hantise de la création d'un Etat kurde dans le cas de l'éclatement de l'Irak et les répercussions défavorables pour son économie en crise. Elle a également réclamé de son allié-clé un mécanisme de consultation plus étroit. “ Nous ne voulons pas de surprise. Nous leur avons dit de nous consulter à chaque étape de leur décision et de ne pas se contenter de nous informer la veille d'une éventuelle opération ” militaire, a précisé un responsable turc sous couvert de l'anonymat. Les autorités ont en outre demandé la possibilité au numéro deux du Pentagone d'effacer la dette de la Turquie découlant des ventes d'armes américaines, se chiffrant à plus de 4 milliards de dollars. Cengiz Candar, éditorialiste du journal islamiste Yeni Safak, relevait que la position d'Ankara consistait désormais davantage à “ réclamer des garanties économiques et politiques des Etats-Unis qu'à s'opposer à des frappes ”. Selon lui, la décision du gouvernement de coalition du Premier ministre turc Bulent Ecevit de convoquer des élections anticipées en novembre pourrait permettre d'avoir un gouvernement stable à Ankara avant le lancement au début de l'année prochaine d'une opération contre l'Irak. Les menaces américaines contre l'Irak se précisent alors que la Turquie a accru ces dernières années ses efforts pour revitaliser son commerce avec son voisin. Le volume commercial entre les deux pays avant la guerre du Golfe s'élevait à 4 milliards de dollars par an. Actuellement, il est de deux milliards de dollars par an. Ankara chiffre à environ 40 milliards de dollars ses pertes liées à l'embargo multiforme imposé contre l'Irak. LA TURQUIE ACCULÉE À DES ELECTIONS ANTICIPÉES SUR FOND DE DÉBAT SUR L’ADHÉSION À L’UNION EUROPÉENNELe président du Parlement turc Omer Izgi a annoncé le 17 juillet qu'il avait rappelé les parlementaires afin qu'ils se réunissent le 22 juillet pour participer à un vote sur la tenue d'élections anticipées. Le Premier ministre Bulent Ecevit a accepté à contrecœur l'organisation d'un scrutin en novembre, soit dix-huit mois plus tôt que prévu, après la défection de la moitié des membres de sa formation, le Parti de la gauche démocratique (DSP). Le DSP a perdu la majorité au Parlement mardi, après le départ de près de la moitié de ses députés en dix jours. Du coup, la coalition gouvernementale DSP-MHP (Parti de l'action nationaliste)-ANAP (Parti de la Mère patrie) ne possède plus que 272 des 550 sièges après les nouvelles démissions. L'opposition ne peut toutefois pas demander un vote de censure pour renverser le gouvernement car il lui manque 10 sièges. M. Ecevit et le Parti de la Mère Patrie (ANAP), l'un de ses partenaires au sein de la coalition, souhaitaient une réunion des parlementaires en août. Mais deux partis de l'opposition turque ont demandé que les parlementaires se retrouvent à compter de la semaine prochaine afin qu'une date soit fixée immédiatement pour les élections anticipées. Le parti de la Justice et du Développement (AK) et le parti de la Juste voie (DYP) de l'ancien Premier ministre Tansu Ciller ont aussi souhaité que le Parlement soit rapidement convoqué pour traiter des réformes destinées à progresser vers une admission d'Ankara dans les rangs de l'Union européenne. Les membres du Parlement devaient normalement se réunir, après une pause estivale, le 1er septembre pour approuver la tenue d'un scrutin anticipé le 3 novembre -date proposée par la coalition gouvernementale pour des législatives. Le Premier ministre turc, Bulent Ecevit, a promis le 17 juillet de surprendre ses voisins européens en adoptant, avant les élections législatives anticipées du 3 novembre, des réformes cruciales pour l'éventuelle adhésion de la Turquie à l'Union européenne. La candidature d'Ankara bute toujours sur un certain nombre de réformes, comme l'abolition définitive de la peine de mort et l'amélioration du sort réservé à la minorité kurde. Les Quinze doivent publier en octobre prochain un rapport sur les progrès faits par Ankara sur la voie d'un renforcement de ses institutions démocratiques et des droits de l'Homme. Les mouvements pro-européens souhaitent faire avancer les réformes avant cette date afin d'obtenir un satisfecit de l'UE et décrocher, en décembre, une date claire pour l'ouverture des négociations sur l'adhésion. Or, l'allié de droite d'Ecevit, le Parti nationaliste du mouvement (MHP), s'oppose à ces réformes et refuse de faire des concessions aux 15 millions de Kurdes de Turquie. “ Il y a des opinions divergentes entre nous ”, a reconnu Ecevit. “ Le MHP a une position différente (...) mais, dans les prochains jours, nous allons voir de nouveaux exemples de dialogue entre les partis, au-delà de la coalition, sur des sujets controversés ”. “ Que ce soit sur la peine de mort, la langue, la culture, je crois qu'il y aura un climat propice au compromis au sein du parlement les prochains jour ”, a pronostiqué le Premier ministre. Le MHP a fait savoir qu'il ne s'opposerait pas à ce que les projets de réforme soient inscrits à l'ordre du jour parlementaire, mais ne devrait pas les voter. En revanche, Ecevit pourrait compter sur des parlementaires de l'opposition, notamment ces islamistes réformistes qui voient dans l'adoption des nouvelles lois une manière de se débarrasser d'une série de textes répressifs auxquels ils s'opposent. |