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NO: 251 |
10/10/2002 VIVE TENSION ENTRE ANKARA ET LE PARTI DEMOCRATIQUE DU KURDISTANLe Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Massoud Barzani, l'une des deux formations kurdes qui administrent le Kurdistan irakien, a exprimé le 29 août, par la voix du chef de son Département de relations internationales, Hoshyar Zebari, sa volonté d'apaiser une récente tension avec la Turquie. Depuis plusieurs semaines, Ankara et le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) échangeaient des propos critiques après que la presse turque eut affirmé que le KDP œuvrait pour la création d'un Etat kurde en Irak. Le PDK avait accusé le 21 août Ankara de recourir au “ langage de la menace ” contre les Kurdes d'Irak, réagissant aux propos du ministre turc de la Défense Sabahattin Cakmakoglu qui avait affirmé que la Turquie avait un “ droit de regard historique dans le nord de l'Irak ”. M. Cakmakoglu réagissait à des questions sur des plans attribués à ces deux formations d'étendre lors d'une éventuelle opération militaire contre l'Irak leur contrôle sur deux autres villes, Kirkouk et Mossul, riches en pétrole, qui sont actuellement sous le contrôle du pouvoir central irakien. De plus, le vice-président ultranationaliste du parlement turc Murat Sokmenoglu s'était prononcé le 6 septembre en faveur d'une autonomie pour les Turcomans d'Irak, une minorité de quelques dizaine de milliers de membres vivant à Kirkouk et dans certains de ses districts. Au terme d'une rencontre avec le directeur du Département du Proche-Orient du ministère des Affaires étrangères Turkekul Kurttekin, M. Zebari a indiqué aux journalistes avoir transmis aux autorités turques un message de M. Barzani dans lequel il indique que son mouvement ne veut pas de tension avec la Turquie. La Turquie et le PDK “ sont d'accord pour prendre les mesures nécessaires afin de rétablir les relations sur la base du respect mutuel comme ce fut le cas dans le passé ”, a indiqué M. Zebari, responsable des relations internationales du KDP. Il a en outre souligné que les parties étaient dans le droit chemin pour surmonter la tension résultant selon lui d'une “ érosion de confiance ”. Ankara et le KDP vont échanger des visites pour apaiser la tension Une délégation turque doit se rendre prochainement au Kurdistan irakien. Cette visite sera suivie de celle d'un haut responsable du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) à Ankara pour tenter de résorber la tension entre les deux parties, a indiqué le 6 septembre un porte-parole du PDK. Selon ce responsable, qui a requis l'anonymat, la délégation turque était attendue “ dans les prochains jours ” au Kurdistan. De son côté, Nechirvan Barzani, Premier ministre du nouveau gouvernement régional kurde d’Erbil devrait se rendre “ à la fin du mois ” à Ankara “ pour assainir les relations entre les deux parties ”. LEYLA ZANA SALUE LES RÉFOMES EN TURQUIELeyla Zana, ex-députée du parti de la démocratie (DEP-dissous) et condamnée à 15 ans de prison par la justice turque, a salué les réformes démocratiques adoptées récemment par le Parlement turc, et appelé l'Union européenne à fixer une date d'ici fin 2002 pour entamer les négociations d'adhésion avec Ankara. Dans une lettre écrite de prison, authentifiée par son avocat Yusuf Alatas et datée du 29 août, Mme Zana, ex-membre du parti de la démocratie (DEP), estime que malgré des carences, “ les réformes revêtent une importance historique dans la voie de la fraternité entre Turcs et Kurdes ”. La lettre est adressée notamment au Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE. Mme Zana estime que si la date des négociations d'adhésion reste dans le flou cette situation renforcera la main des opposants à l'intégration de la Turquie à l'Union. “ L'annonce d'une date pour l'amorce des négociations d'adhésion au sommet (européen) de décembre ouvrirait pour de bon la voie de la Turquie ” précise la lauréate du prix Sakharov pour la liberté d'expression du parlement européen dans sa lettre rédigée depuis sa prison d'Ankara, estimant que sinon, la mise en œuvre des réformes serait retardée. Mme Zana et trois autres députés du DEP ont été condamnés à 15 ans de prison en 1994, la Cour européenne des droits de l'Homme avait jugé leur procès inéquitable et le Conseil de l'Europe a demandé en janvier 2002 à Ankara de réviser leur procès, mais le gouvernement turc n’a, à ce jour, donné aucune suite à ces demandes. Ankara réclame avec insistance une date pour les négociations d'adhésion, mais la Commission européenne a annoncé le 5 septembre attendre la “ mise en œuvre réelle et effective ” des réformes. MORT DE DEUX GRÉVISTES DE LA FAIMDeux détenues turques sont décédées des suites de leur grève de la faim, portant à 56 le nombre de victimes de ce mouvement de protestation contre la détention dans des cellules isolées de haute sécurité. Gulnihal Yilmaz, 37 ans, et Fatme Kose-Tokay, 35 ans, détenues depuis 1993 pour leur appartenance au Parti révolutionnaire pour la libération du Peuple (DHKP-C, mouvement marxiste-interdit), ont succombé respectivement le 25 et le 31 août, après une grève de la faim de plus de 400 jours. Le mouvement des prisonniers d'extrême gauche et de leurs proches a été lancé en octobre 2000, pour protester contre leur transfert dans des cellules d'isolement, à la merci de leurs gardiens. Les autorités pénitentiaires estiment que la détention dans les grands blocs où des centaines de prisonniers se côtoient sont incontrôlables et servent en fait de camp de formation idéologique. DEUX MEMBRES DU HADEP CONDAMNÉS À 45 MOIS DE PRISONDeux membres du parti de la Démocratie du Peuple (HADEP, pro-kurde) ont été condamnés le 4 septembre à 45 mois de prison par une Cour de Sûreté de l'Etat pour aide à Abdullah Ocalan. Les condamnés sont deux hauts responsables de la branche stambouliote du HADEP, formation elle-même menacée de fermeture par la justice pour “ soutien du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) ” Necla Yildirim et Abdulvahap Oner avaient été inculpés à l'automne dernier quand la police avait investi des locaux du HADEP dans le quartier de Küçükçekmece (banlieue de la rive européenne d'Istanbul) et y avait trouvé des portraits d’Ocalan accrochés au mur et des publications interdites. Le juge a estimé que les suspects diffusaient de la propagande en faveur du PKK et les a condamnés pour “ aide à une organisation terroriste ”. Le HADEP est menacé de fermeture pour “ liens organiques ” avec le PKK. Il a toutefois été admis parmi les formations autorisées à présenter des listes pour le scrutin législatif anticipé du 3 novembre prochain. Le HADEP est harcelé par les autorités qui emprisonnent ou interpellent régulièrement ses membres sous l'accusation de séparatisme. En mai dernier, une délégation de l'Union Européenne en visite en Turquie avait prévenu que “ si le HADEP est fermé, ce sera un sérieux revers pour les relations entre l'UE et la Turquie ”, alors que la Turquie a le statut de candidate à l'intégration de l'Union. Cette délégation avait estimé que les autorités turques n'avaient pas pu fournir de “ preuve concrète ” d'un lien entre ce parti et le PKK. UNE DIVA TURQUE S’ATTIRE L’IRE DE L’ARMÉE ET DES ULTRANATIONALISTES POUR AVOIR CHANTÉ EN KURDELa Turquie a beau adopter des “ réformes démocratiques ” en faveur de ses minorités pour s'aligner sur les normes européennes, chanter des chansons folkloriques en kurde, en arménien ou en grec provoque toujours l'ire des ultranationalistes du pays. Sezen Aksu, l'une des plus célèbres chanteuses pop de Turquie, a défrayé la chronique après un concert le 30 août lorsqu'elle a interprété des chansons en kurde, en arménien, en grec et en hébreu dans les amphithéâtres antiques d'Ephèse (ouest) et d'Aspendos (sud). Baptisés “ Chansons de Turquie ”, ces deux concerts exceptionnels ont attiré des milliers de fans enthousiastes. Mais le premier des concerts, salués par la grande majorité de la presse, a été boudé par un important hôte de marque: le général Hursit Tolon, commandant militaire des régions occidentales du pays. Il a motivé son absence par le fait que l'événement coïncidait avec la “ journée de la Victoire ”, marquant l'offensive décisive des troupes de Mustafa Kemal Ataturk contre les forces grecques, le 30 août 1922, lors de la guerre turque d'indépendance. À quatre mois d'une décision de l'Union européenne sur une demande d'adhésion de la Turquie, le Parlement turc avait adopté des réformes, octroyant notamment des droits culturels à la minorité kurde, dont l'autorisation d'enseigner et de diffuser des émissions radiotélévisées en langue kurde. Le gouvernement n'a pas encore mis en œuvre ces réformes. Il s'est contenté de critiquer la date du concert sans pour autant parler de son contenu. Le parti de l'Action nationaliste (MHP), partenaire de la coalition gouvernementale qui s'est opposé à ces réformes, n'a pas mâché ses mots. “ Que Sezen Aksu aille chanter ses chants en Arménie et en Grèce ”, a martelé l'un de ses députés, Mehmet Gul, accusant la diva de faire de la propagande séparatiste. Le ministre de la Culture, Suat Caglayan, a qualifié les propos du député de “ remarques racistes ”, tout en indiquant comprendre “ les sensibilités ” des militaires dans ce pays où ils jouent un rôle important dans la vie politique. CAMPAGNE POUR LES ELECTIONS LÉGISLATIVES TURQUESLa voie est désormais ouverte pour Tayyip Erdogan, chef du parti islamiste de la Justice et du Développement (AK). Il était poursuivi pour “ incitation à la haine sur des critères religieux ” pour un discours public prononcé en 1997 et risquait 10 mois de prison selon les termes d'une loi anti-terroriste qui lui avait déjà valu quatre mois de prison en 1998, mais l'amendement récent de cette loi lui a cette fois permis d’obtenir un non-lieu. Le Haut Conseil Electoral (YSK) devrait encore entériner, le 11 septembre avec les autres candidatures aux 550 siéges de députés, sa participation officielle au scrutin. Le quotidien Milliyet du 7 septembre précise d’autre part qu'un appel de cette décision renverrait le dossier devant la Cour de Cassation, qui devrait se prononcer d'ici le 26 septembre par une décision qui pourrait annuler la décision du YSK d'accepter la candidature de M. Erdogan. Les ennuis de M. Erdogan avec la Justice ne sont peut-être pas terminés, puisque le 1er août dernier, un procureur a déposé une plainte à l'encontre du parti AK, en utilisant les mêmes discours de M. Erdogan, pour prouver que cette formation n'est qu'une résurgence du Parti de la Vertu, dissous pour activités anti-laïques visant à l'instauration d'un islam radical en Turquie. Les élections ont été fixées au 3 novembre, 18 mois avant la date normalement prévue, Bulent Ecevit n'étant plus capable de maintenir la cohésion de la coalition. Le parti islamiste modéré de la Justice et du Développement (AK) est donné en tête par les sondages pour ce scrutin, avec quelque 20 % des voix, en l'absence d'union des autres partis de droite ou de gauche dont plusieurs, notamment le parti de M. Ecevit, sont menacés de disparaître du parlement faute de réunir les 10% des voix nécessaires à l'échelle nationale. Le Premier ministre turc Bulent Ecevit, qui a vu la défection de plus de la moitié de ses députés au parlement, a invité le 28 août la “ gauche nationaliste ” à rejoindre les rangs de son parti de la Gauche démocratique (DSP). La gauche et le nationalisme font bon ménage, a dit le Premier ministre, estimant qu' “ il ne faut pas avoir honte d'être nationaliste (...) de sauvegarder les intérêts et l'unité de sa patrie ”. La “ gauche ” présente aux élections trois listes notamment, celles du DSP, du parti de la Nouvelle Turquie (YTP) de l'ex-chef de la diplomatie Ismail Cem, constitué d'une soixantaine des quelque 70 députés rebelles du parti de M. Ecevit, et du Parti républicain du Peuple (CHP) de Deniz Baykal auquel a adhéré, le 23 août, l'ancien ministre turc de l'Economie, Kemal Dervis, rendu populaire par son programme de réformes destinées à redresser le pays. MESUT YILMAZ SOUTIENT L’ARMÉE QUI S’INGÈRE DANS LA VIE POLITIQUELe vice-Premier ministre turc Mesut Yilmaz, chargé des relations avec l'Union européenne, a indiqué le 28 août que l'UE devait comprendre la position de l'armée turque qui n'hésite pas à intervenir pour peser sur la vie politique contre l'islam politique et le séparatisme kurde. “ Nous expliquons à nos interlocuteurs européens que les militaires sont sensibles sur deux questions : le caractère laïque du régime et l'indivisibilité du pays ”, a dit M. Yilmaz devant la presse. Il a estimé que quand les partis politiques turcs cesseront d'utiliser ces thèmes pour des buts électoraux “ pour avancer vers une attitude plus mature, l'armée n'aura plus de raisons de faire preuve de ces sensibilités ”. “ Mais tant que ces deux sujets continueront d'être exploités, la poursuite de cette situation est inévitable ”, a-t-il déclaré. M. Yilmaz, un partisan déclaré de l'intégration de son pays à l'UE, avait pourtant provoqué par le passé l'ire des militaires qu'il accusait de s'opposer à l'adoption de réformes nécessaires pour entamer des négociations d'adhésion avec l'UE. M. Yilmaz a appelé les Quinze à évaluer la Turquie dans cette perspective singulière. “ Aucun pays ne peut rester indifférent aux menaces à son intégrité territoriale et ne pas regarder si un parti utilise la démocratie pour détruire la démocratie ”, a-t-il ajouté. LE CHEF D’ETAT-MAJOR CHANGE MAIS SON DISCOURS RESTEL'armée turque a averti 27 août qu'elle n'aurait pas de tolérance pour l'islamisme et pour le séparatisme kurde et a déclaré que la Turquie, pays musulman mais laïque, devait continuer à les combattre. Cette mise en garde est intervenue alors que la Turquie se prépare pour des élections anticipées en novembre, qui pourraient voir l'arrivée au pouvoir d'un parti ayant des racines islamistes et le renforcement du HADEP, parti pro-kurde qui n'est pas parvenu jusqu'à présent à entrer au parlement. “ Tout le monde doit savoir que les forces armées turques ne tolèreront pas que les possibilités de la démocratie soient mises à profit par les ennemis du système pour dynamiter les principes fondamentaux de l'Etat ”, a déclaré au cours de la cérémonie de passation des pouvoirs le chef sortant de la puissante armée turque, le général Huseyin Kivrikoglu. “ Bien que des progrès aient été accomplis dans ce domaine, les menaces séparatiste et réactionnaire sont toujours potentiellement présentes. Toutes les mesures doivent être prises contre ce danger même s'il prend le masque de l'activité politique ”, a poursuivi le général. Le général Kivrikoglu, qui prend sa retraite le 30 août, n'a toutefois nommé aucun parti ni fait aucune référence directe aux élections. Son successeur, Hilmi Ozkok, a renchéri: “ Les forces armées turques feront toujours preuve de détermination dans l'éradication des menaces séparatiste et réactionnaire ”. Les militaires, farouchement hostiles aussi bien au courant islamiste qu'aux aspirations kurdes, ont une influence déterminante dans l'orientation de la politique du pays à travers leur présence au sein d'une instance qui jouit de pouvoirs politiques très étendus : le Conseil national de sécurité. Par trois fois depuis 1960, les militaires sont directement intervenus pour renverser le gouvernement en place et ils ont eu une influence déterminante dans l'obligation qui a été faite au premier gouvernement islamiste turc de présenter sa démission en 1997 |