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Liste
NO: 266 |
27/5/2003 TROISIÈME AUDIENCE POUR LES ANCIENS DÉPUTÉS DU DEP : LA COUR DE SURÊTÉ DE L’ETAT REFUSE LA REMISE EN LIBERTÉ ET REJETTE SYSTÉMATIQUEMENT TOUTES DEMANDES SUSCEPTIBLES DE SERVIR À DÉCHARGELors de la troisième audience du procès des anciens députés du parti de la Démocratie (DEP), le 23 mai, la Cour s’est cantonnée à poursuivre l'audition des témoins de l'accusation tout en rejetant la demande de remise en liberté des avocats ainsi que toutes les demandes d’audition de témoins à décharge. Comme pour les précédentes audiences, le procès s'est déroulé sous haute surveillance policière, en présence de nombreux avocats, défenseurs des droits de l'homme, diplomates, journalistes, ainsi que des députés du Parlement européen. Luigi Vinci, député italien au Parlement européen venu en observateur a dénoncé le refus des autorités turques de remise en liberté en déclarant : “ Ce procès a une valeur hautement politique et symbolique. Ce serait une erreur [pour Ankara] de sous-estimer son importance ”. Selon lui, la Cour de sûreté de l'Etat (DGM) qui juge les ex-députés aurait dû déjà décider de la libération conditionnelle des prisonniers. “ Le fait de ne pas les avoir libérés jusqu'à présent a maintenant des répercussions sur les relations euro-turques ”, a-t-il estimé. Il a souligné que la Cour européenne des droits de l'Homme de Strasbourg qui avait jugé le premier procès inéquitable avait aussi, par cette décision, sommé la Turquie, candidate à l'intégration à l'Union européenne, de libérer les ex-députés kurdes. La prochaine audience a été fixée au 20 juin. Leyla Zana et ses trois collègues--Hatip Dicle, Orhan Dogan et Selim Sadak--doivent leur nouveau procès à une décision du parlement turc qui a autorisé de nouveaux procès pour les personnes dont les sentences ont été condamnées par la Cour de Strasbourg. Il s'agit du premier procès de ce type depuis l'adoption des nouvelles mesures par le parlement en janvier 2003. LE TÉMOIN-CLÉ DU PROCÈS DES DÉPUTÉS DU DEP, POURSUIVI PAR LA JUSTICE TURQUE POUR SES AFFAIRES MAFIEUSES, INVOQUE SEREINEMENT LA COMPLICITÉ DE L’ETAT DANS SES BASSES ŒUVRESL’ancien député du parti de la Juste Voie (DYP) et chef de la tribu Bucak, Sedat Bucak, a été pour la première fois entendu par la Cour d’Assises N°2 d’Istanbul pour son implication dans le scandale de Susurluk [ndlr : accident de voiture le 3 novembre 1996 dans la ville de Susurluk mettant en lumière les collusions existant entre l’Etat, la mafia et la police en Turquie]. Poursuivi pour “ dissimulation d’informations relatives à Abdullah Çatli, recherché par un mandat d’arrêt ”, “ constitution de bande criminelle ” et “ possession d’armes de catégorie sérieuse et grave ”, sanctionnés de 11 à 20 ans de prison, Sedat Bucak, qui ne bénéficie plus de son immunité parlementaire, son parti n’ayant pas franchi la barre de 10 % aux dernières élections, s’est présenté à la Cour libre de ses mouvements et accompagné d’une horde de gardes, membres de sa tribu. “ Les événements ont débuté en 1991 avec mes engagements dans la politique. À l’époque, j’avais fait la connaissance de Leyla Zana et de Sedat Yurttas, élus tous les deux sur la liste du parti de la Démocratie (DEP), ils demandaient constamment à me rencontrer et me suggéraient de ne pas prendre de position du côté de l’Etat. J’ai informé immédiatement le secrétariat général du Conseil national de sécurité (MGK) et commencé à agir selon les directives du MGK. J’ai également informé le Premier ministre de l’époque Suleyman Demirel qu’Abdullah Ocalan voulait me rencontrer. S. Demirel m’a demandé d’aller immédiatement à la direction de sûreté d’Ankara. Je m’y suis d’ailleurs rendu avec la voiture officielle de Demirel. Mehmet Cansever, chef de la direction de la sûreté d’Ankara, m’a reçu dans son bureau où se trouvaient de nombreux personnels de différents organes des renseignements et même du MIT [ndlr : services secrets turcs]. C’est eux qui ont décidé de mes agissements ” a déclaré S. Bucak. L’ancien député a également mis l’accent sur le fait qu’il avait été approché par de nombreuses personnalités, du Premier ministre aux ministres, sans parler de l’Armée, pour qu’il collabore avec l’Etat. “ Lorsque Demirel m’a demandé mon aide, j’ai répliqué que la tribu Bucak avait toujours collaboré avec l’Etat, mais que mon oncle avait été jugé pour cette collaboration sous le régime militaire, c’est pourquoi je craignais que cela m’arrive un jour. À cela, Demirel s’est énervé en rétorquant “ Ecoute-moi, je suis le Premier ministre. À partir de maintenant je suis ton père aussi bien que ton oncle. Il ne t’arrivera rien. Apporte donc ton aide ” ”. Interrogé sur sa collaboration au cours des périodes régies par les lois anti-terreur, il a déclaré que son rôle consistait à “ attirer le peuple du côté de l’Etat pour constituer le corps de gardiens de village. Dans chaque famille de ma tribu, l’on trouve des gardiens de village et tout mon combat consistait en cela. ” Pour ce qui concerne sa rencontre avec les protagonistes de l’affaire de Susurluk, il a déclaré : “ J’avais fait la connaissance de Huseyin Kocadag avant le coup d’Etat de 1980, alors qu’il était directeur de la sûreté à Urfa. Abdullah Çatli [ndlr : mafieux, homme de main de l’Etat, décédé dans l’accident], que je connaissais sous le nom de Mehmet Özbay, je l’ai rencontré à Istanbul en 1994 au cours d’un dîner auquel de hauts fonctionnaires de l’Etat, de l’Armée, des renseignements généraux et de la Direction, étaient conviés. ” Confirmant les nombreuses visites d’A. Çatli à Siverek chez les Bucak, il a ajouté “ A. Çatli était toujours entouré de hauts fonctionnaires de l’Etat et de l’Armée. À l’époque, malgré les poursuites, A. Çatli ne semblait pas être inquiété par les poursuites de l’Etat et portait toujours des armes dans son sac ” “ J’ai retrouvé Çatli à Istanbul après un coup de téléphone pendant mon retour de Siverek. Puis nous avons rejoint Huseyin Kocadag, sommes partis pour Yalova puis à Izmir. À notre retour vers Istanbul, nous avons eu cet accident. Je ne me souviens pas de ce qui s’est passé après l’accident et je ne sais rien à propos des armes ” a poursuivi Sedat Bucak, alors que le coffre de la voiture accidentée était bourré d’armes. Interrogé sur les photos prises à Siverek avec A. Çatli et de nombreux autres hauts fonctionnaires de l’Etat, il a confirmé l’existence de ces photos mais “ pour ma sécurité et la sécurité de l’Etat je ne veux pas produire ces photos ” a-t-il lancé. La Cour a ajourné le procès en statuant que Sedat Bucak n’avait pas l’obligation de se présenter aux prochaines audiences. LE 6ÈME PAQUET DE RÉFORMES POUR L’ADHÉSION À L’UNION EUROPÉENNE FICELÉ PAR L’ARMÉE TURQUELe 6ème “ paquet de réformes ” relatif à l’adhésion à l’UE, objet de critique de la part du général Tuncer Kilinç, secrétaire général du Conseil national de sécurité (MGK), a été, le 22 mai, envoyé au conseil des ministres par le ministre de la justice Cemil Çiçek. Constitué de 19 articles exigeant la réforme de 10 lois turques, le paquet reste cependant très équivoque pour ce qui concerne les droits et libertés des Kurdes et conjugue avec des subterfuges. Ainsi, à la demande de l’Etat-major turc, l’article relatif au droit à “ la propagande en kurde ” au cours des élections a été retiré, alors que le droit de porter des prénoms kurdes serait, dans les textes, autorisé. La loi relative aux œuvres cinématographiques, vidéo et musicales devrait également être modifiée et le représentant du secrétariat général du MGK ne devrait plus siéger au comité de contrôle, appelé “ le comité de censure ”. Par ailleurs, des chaînes de télévision privées devraient prendre en charge la diffusion d’émissions en kurde alors que selon la presse turque, l’armée turque aurait préféré des diffusions par la chaîne nationale turque (TRT). Les autorités turques annoncent également l’abrogation de l’article 8 de la loi anti-terreur, régissant “ la propagande séparatiste ”. En coulisse, le ministre de la justice ne trouve pas moins des arguments susceptibles de séduire les plus réticents. “ On se doit de l’abroger puisque nous sommes condamnés par la Cour européenne des droits de l’homme. De plus, elle peut être compensée par une autre loi du code pénal turc, par exemple l’article 312 ” aurait déclaré M. Çicek, selon le journal Radikal du 22 mai. Par ailleurs, le projet de loi relatif à la réforme du code pénal turc présenté la semaine dernière au Parlement turc par M. Çicek, prévoit le nouvel article 356 qui vient aménager l’article 125 du même code relatif “ au crime contre l’Etat ”, appliqué entre autres lors de la condamnation d’Abdullah Ocalan. “ Celui qui fait de la propagande pour l’accomplissement du crime décrit dans le premier alinéa (aujourd’hui l’article 125) est passible de trois à cinq ans de prison ”. Ainsi, l’abrogation de l’article 8 de la loi anti-terreur ne sera qu’une coquille vide. LE PRÉSIDENT DE LA COUR DE CASSATION TURQUE DÉCLARE QUE LA CONSTITUTION TURQUE EMPECHE L’IMPARTIALITÉ DES JUGEMENTSAu cours du symposium organisé à Ankara, le 21 mai, par les facultés de droit sur le thème du “ droit au jugement impartial ”, le président de la Cour de cassation turque, Eraslan Ozkaya, a déclaré dans son discours d’ouverture qu’il est impossible de parler de jugement impartial et indépendant en Turquie tant que perdureront les articles 140, 144 et 159 de la Constitution, de même que le code du Haut Conseil de la magistrature et plus particulièrement certaines dispositions de ce code. Il a souligné que le principe d’impartialité de la justice est régi par la Constitution de 1982 et certaines dispositions législatives, mais que la Constitution de 1982 est beaucoup plus coercitive au regard des droits et libertés individuels et du droit à une justice impartiale que la Constitution de 1961. Selon M. Ozkaya, élaborée par un principe philosophique limitant les droits et les libertés individuels, la Constitution de 1982 porte par voie de conséquence préjudice à l’impartialité du jugement. “ Tant que ces dispositions ne seront pas abrogées, la justice turque continuera à perdre de sa crédibilité ” a-t-il déclaré. Le symposium s’est déroulé en présence du ministre turc de la justice, Cemil Çiçek, du procureur général près de la Cour de cassation, Nuri Ok, de son prédécesseur Sahib Kanadoglu et les magistrats de la Cour de cassation turque. L’ALLEMAGNE COMPTE 600 000 RESSORTISSANTS ORIGINAIRES DE LA TURQUIESelon le quotidien turc Hurriyet du 22 mai, l’Allemagne compte 600 000 ressortissants originaires de la Turquie. L’Ambassade de Turquie à Berlin annonce que plus de 100 000 d’entre eux ont obtenu la naturalisation après la réforme de 2000 et que cela constitue un électorat de 470 000 personnes. MASSOUD BARZANI REÇOIT UNE DÉLÉGATION TURQUE DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ETRANGÈRESLe leader du parti démocratique du Kurdistan (PDK) d’Irak, Massoud Barzani, a, le 24 mai, accueilli une délégation du ministère turc des affaires étrangères dans son fief de Selahaddin. Composée des ambassadeurs Ecvet Tezcan et de Selim Karaosmanoglu et aussi du directeur du bureau d’Irak du ministère des affaires étrangères, Kerim Uras, la délégation a reçu un accueil convivial par M. Barzani qui a déclaré qu’ “ une nouvelle page s’ouvrait avec la Turquie ”. E. Tezcan, quant à lui, déclaré que “ la démocratie et la liberté existent réellement [au Kurdistan] ” “ Il est temps d'améliorer notre coopération. (...) Nous avons le projet d'ouvrir des consulats à Souleimanieh et Erbil. L'invitation en est venue du nord de l'Irak ”, avait déclaré, le 18 mai, le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gul. LE CHEF D’ETAT-MAJOR TURC NIE TOUTE IDÉE DE “ COUP D’ETAT ” LANCÉE PAR LA PRESSE TURQUELa scène politico-médiatique turque est ébranlée par une nouvelle controverse publiée, le 23 mai, par la quotidien kémaliste Cumhuriyet selon laquelle le chef d’état-major turc, le général Hilmi Ozkok aurait avisé au cours d’une récente réunion le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan sur le fait que de “ jeunes officiers ” seraient mécontents par les réformes proposées à l’Union européenne susceptibles, selon eux, d’encourager les activités islamistes. Interpellé sur la question, le Premier ministre turc a catégoriquement nié les allégations sans réussir à convaincre l’opinion publique, qui garde en souvenir l’intervention de l’armée turque en février 1997, qualifiée de “ coup d’Etat post-moderne ” par l’armée turque et provoquant la démission du Premier ministre islamiste de l’époque, Necmettin Erbakan. Aussi, le chef d’état-major a-t-il convoqué pour le 26 mai quelques dizaines de journalistes pour un briefing sur la question. Les principaux journaux turcs reprennent le lendemain en Une les déclarations du général Ozkok : “ Ne m’abîmez pas ” titre le quotidien Hurriyet en ajoutant : “ le chef d’état-major, le général Hilmi Ozkok a réfuté la nouvelle embarrassant l’opinion publique depuis des jours selon laquelle “ les jeunes officiers [sont] contrariés ”, et “ ne m’abîmez pas ” a-t-il dit ”. Le quotidien Milliyet met en manchette d’autres paroles du général : “ Il n’y a pas de vieux ou de jeunes ”, “ dans l’armée il n’y a pas de différence entre les jeunes et les vieux officiers. S’il y a des contrariétés, ce n’est pas propre à un certain rang mais à l’ensemble des forces armées turques ”. Au cours de l’audience accordée aux journalistes, le général Ozkok a donc déclaré qu’ “ il n’y a pas au sein de l’armée d’antagonisme entre les faucons et les colombes. Je maudis ces allégations… Je ne veux même pas entendre parler du mot coup d’Etat…Affirmer l’harmonie avec le gouvernement ne devrait pas être vu comme une copie carbone…Nous avons de profondes préoccupations et sensibilités. Et le fait que des personnes impliquées dans les activités réactionnaires soient placées dans la hiérarchie de l’Etat augmente cette inquiétude. L’armée turque et toutes les autres instances observent les agissements de ces individus… ” “ Je suis le commandant en chef des forces armées turques. M’abîmer veut dire affaiblir l’armée lors que l’on a besoin d’elle, et personne ne veut de cela… ” a conclu le tout puissant général turc. AFFRONTEMENTS À GIRESUN ET DANS LA PROVINCE KURDE DE DERSIM ENTRE LES SOLDATS TURCS ET LES MEMBRES DU TIKKO ET DU PKKTrois membres d'une organisation maoïste clandestine ont été tués lors d'un affrontement avec les forces turques à Giresun (sur le littoral de la mer Noire, près de la frontière géorgienne), tandis qu'un soldat a été tué au cours d'un accrochage avec des combattants kurdes à Dersim, selon les autorités turques le 21 mai. L'incident à Giresun s'est produit dans la localité d'Alucra lorsque des militants extrémistes du TIKKO (armée de libération des paysans et des ouvriers de Turquie, illégale) ont répondu par des tirs aux appels à la reddition, selon les autorités. À Dersim, un accrochage a eu lieu près du village d'Ataclar entre des militaires en mission de ratissage et un groupe du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). |