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Liste
NO: 268 |
27/7/2003 QUATRIÈME AUDIENCE DU PROCÈS DES DÉPUTÉS DU DEP : LES AVOCATS S’INSURGENT CONTRE LA PARTIALITÉ DE LA COURAu cours de la quatrième audience du procès des députés kurdes du parti de la Démocratie (DEP), les avocats de la défense ont, le 23 juin, dénoncé la partialité de la Cour de sûreté de l’Etat et ainsi la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme relative au principe de l’impartialité d’un procès. “ Le second procès se déroule comme la suite du premier, violant les réformes apportées à la Constitution et les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ” a déclaré Me Sezgin Tanrikulu pour la défense. “ La Cour a toujours accepté les demandes du parquet tout en refusant toutes demandes formulées par la défense. Le principe de base aurait dû imposer un traitement égal entre les avocats de la défense et le parquet et de mettre fin à toutes les violations constatées jusqu’aujourd’hui. Mais depuis le début nous assistons ici à un faux et superficiel procès… Le président de la cour n’a pas fait preuve de distance égale entre la défense et le parquet. Il a pris toutes ses décisions au regard des allégations du ministère public… À chaque fois qu’il a été procédé à l’audition des témoins, le parquet a fait tout son possible pour y mettre fin et a exigé que l’on pose des questions collectivement. Finalement, nous n’avons pas pu interroger des témoins qui étaient cités de toute façon à charge… ” a souligné Me Tanrikulu. À la demande de Me Yusuf Alatas, avocat de la défense, la Cour a décidé à la majorité et malgré l’objection du parquet, de procéder à l’audition de quatre témoins. “ La Cour écoute des témoins pour des faits vieux de plus de 10 ans mais lorsqu’il s’agit des témoins de la défense, elle refuse en soutenant que les témoins ne peuvent pas apporter d’éléments fiables vu le délai écoulé depuis les faits ”, ajouté Me Alatas. “ Je suis de la tribu Dorken qui a refusé de faire partie des protecteurs de village. Le fils des chefs des protecteurs de village Abdullah Dursun, a décidé de gagner le maquis. Il était le seul à avoir fait des études. Dans cette affaire, la tribu Dursun a tenu pour responsable la mienne. Etant le seul à avoir étudié, ils m’ont alors kidnappé et séquestré. Leyla Zana a servi de médiatrice pour trouver une solution à cette affaire ”, a déclaré l’un des témoins, en ajoutant “ selon nos traditions, lorsqu’une femme sert de médiatrice, on ne peut qu’accepter la solution… Mais ces faits n’ont rien d’acte politique”. L’ancien député Hatip Dicle a souligné que c’est avec les encouragements du président de l’époque Turgut Ozal qu’ils ont pris l’initiative de servir d’intermédiaire pour en finir avec les souffrances, les larmes et l’effusion de sang. Selim Sadak a ajouté pour sa part que “ Turgut Ozal devrait figurer parmi les martyres de la démocratie. Il voulait trouver une solution à la question kurde. Et son cœur ne s’est pas arrêté de battre seul, mais a été arrêté ”. Orhan Dogan a indiqué que “ N’oubliez pas les Rosenberg… C’est 53 ans après que le témoin de l’affaire Rosenberg a surgi… Nous nous sommes affichés courageusement comme une alternative à de mauvaises politiques. Ils nous ont proposé des ministères, des présidences de commissions ou encore des marchés publics, mais nous avons refusé ”. Leyla Zana n’a pas pu prendre la parole par manque de temps. La cour a une nouvelle fois refusé la libération provisoire des députés et a ajourné au 18 juillet la prochaine audience pour interroger quatre autres témoins. LA JUSTICE TURQUE CONDAMNE L’ANCIEN PRÉSIDENT DU PARTI PRO-KURDE DEHAP ET TROIS DE SES DIRIGEANTS À PRÈS DE DEUX ANS DE PRISONL'ex-président du parti démocratique du peuple (Dehap, pro-kurde), Mahmut Abbasoglu, et trois anciens dirigeants du parti ont été condamnés le 26 juin à près de deux ans de prison chacun pour “ falsification dans les documents officiels ”. Les quatre personnes étaient accusées d'avoir falsifié des documents ayant trait à l'ouverture des sections du parti dans le pays afin de pouvoir présenter des candidats aux élections législatives de novembre 2002. Vingt-deux autres ex-responsables du parti ont été acquittés dans cette affaire. M. Abbasoglu ne s'était pas présenté pour un nouvel mandat lors d'un congrès de son parti le 8 juin. Il a été remplacé à la tête du parti par Tuncer Bakirhan. Le Dehap, qui nie tout lien avec le PKK, est menacé de fermeture par la justice turque pour “ liens présumés avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan ” (PKK- rebaptisé KADEK). Le parti a été fondé en 1999 par des sympathisants du parti démocratique du peuple (HADEP), formation qui a été interdite le 13 mars par la Cour constitutionnelle pour “ association avec les rebelles sécessionnistes kurdes ”. LA TURQUIE OUVRE SES BASES MILITAIRES AUX AMÉRICAINS MAIS DÉFIE TOUJOURS LE KURDISTAN IRAKIENLa Turquie va ouvrir ses bases militaires, ports et aéroports aux forces de la coalition en Irak afin de fournir un soutien logistique et de permettre l'acheminement de l'aide humanitaire dans le pays, a affirmé le 24 juin Abdullah Gul, le ministre turc des Affaires étrangères. Il n'a pas précisé la date d'entrée en vigueur de cette décision, ni si les bases militaires étaient concernées. Abdullah Gul a annoncé que des troupes de maintien de la paix pourraient utiliser ces bases pour une année. Il a expliqué que la présence de ces troupes sur le sol turc n'était pas soumise à l'approbation du parlement, contrairement à l'utilisation de bases pour des opérations militaires. Autoriser l'utilisation d'infrastructures à des fins humanitaires n'exige pas l'approbation du parlement, selon des responsables. Cette annonce apparaît comme une tentative de réchauffement des relations entre Ankara et Washington, après que le parlement turc eut décidé en mars 2003 de ne pas autoriser les forces américaines à utiliser des bases turques pour les opérations militaires en Irak. La Turquie permet déjà aux forces de la coalition d'acheminer l'assistance humanitaire dans le Kurdistan irakien par un de ses ports du sud et par la frontière entre les deux pays. Selon des diplomates, Ankara devrait maintenir comme condition qu'aucun soldat ou arme n'entre en Irak par son territoire. Selon des responsables, les Etats-Unis n'ont pas encore répondu à la proposition turque. La Turquie avait fermé pour un jour le poste-frontière de Habur le 18 juin après que le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) eut empêché la veille 40 Irakiens se disant hommes d'affaires originaires de la ville de Kirkouk de se rendre en Turquie sans documents de voyage. Par ailleurs, l'envoyé spécial de l'Onu en Irak, Sergio Vieira de Mello, a effectué le 19 juin une visite à Erbil dans le Kurdistan irakien pour s'entretenir avec des responsables du Parti démocratique du Kurdistan (PDK). Durant sa brève visite, M. Vieira de Mello a également inspecté plusieurs projets menés par des agences de l'Onu et rencontré des parents d'Irakiens disparus sous le régime déchu de Saddam Hussein. LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNE LA TURQUIE POUR “ TRAITEMENT INHUMAIN ET DÉGRADANT ”La Cour européenne des droits de l'homme a, le 19 juin, condamné la Turquie pour des mauvais traitements infligés pendant sa garde-à-vue à un Kurde condamné pour “ séparatisme ”, dont elle a par ailleurs estimé le procès inéquitable. La Cour a estimé que Hulki Gunes, un Kurde de 40 ans arrêté en 1992 près de Diyarbakir, soupçonné d'avoir participé à une fusillade où un soldat avait trouvé la mort, avait subi un “ traitement inhumain ou dégradant ” lors de sa garde-à-vue. M. Gunes s'était notamment plaint d'avoir subi des électrochocs et des coups sur différentes parties du corps. La Cour a d'autre part estimé que le procès du requérant, condamné le 11 mars 1994 à la réclusion à perpétuité pour “ séparatisme et atteinte à la sûreté de l'Etat ”, avait été inéquitable, car la Cour de sûreté de l'Etat qui l'avait condamné comportait un juge militaire. La CEDH a enfin condamné Ankara pour n'avoir pas laissé au requérant la possibilité de faire interroger par la Cour de sûreté les gendarmes qui l'accusaient, et dont le témoignage était le seul à charge. “ La Cour ne méconnaît pas les indéniables difficultés de la lutte contre le terrorisme (...), mais elle estime que ces facteurs ne peuvent conduire à limiter à tel point les droits de la défense d'un accusé, quel qu'il soit ”, estiment les juges. Le requérant, actuellement détenu à Diyarbakir, s'est vu allouer 25.000 euros de dommages et intérêts, ainsi que 3.500 euros pour les dépens. SIX COMBATTANTS DU PKK TUÉS EN MOINS DE DEUX SEMAINES AU KURDISTAN DE TURQUIEDeux combattants kurdes du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK rebaptisé Kadek) ont été tués, le 24 juin, lors d'un accrochage avec l'armée turque près du village de Meselidere, province de Siirt. Deux combattants PKK avaient été tués le 19 juin lors d'un accrochage avec l'armée turque dans la province kurde de Bingol, où deux autres combattants du PKK avaient été tués le 15 juin. Depuis plusieurs semaines, des organisations civiles de la région organisent des manifestations dans le pays pour réclamer une amnistie générale pour les combattants kurdes afin d'établir une paix durable. Le ministre turc de l'Intérieur, Abdulkadir Aksu, a proposé le 27 juin une amnistie aux combattants kurdes. La proposition de loi, dévoilée lors d'une conférence de presse télévisée, propose le pardon pur et simple pour certains et des réductions de peine pour d’autres. “ Il s'agit d'un pas nouveau et très important du gouvernement pour rétablir la paix ”, a notamment déclaré le ministre. La proposition de loi, qui pourrait être soumise au parlement dès la semaine prochaine, envisage le pardon pour ceux qui se rendent et qui n'ont pas commis de crimes de sang et des réductions de peine pour les autres, à condition qu'ils donnent des informations sur leur organisation. Les dirigeants sont exclus de toute offre d'amnistie. Les personnes déjà condamnées se verront offrir des réductions de peine de moitié ou des trois-quarts, à condition de coopérer avec les autorités. L'offre du gouvernement, la huitième du genre, a été dénoncée par Tuncer Bakirhan, le dirigeant du Parti démocratique du peuple (DEHAP-pro-kurde), qui réclame une amnistie générale. “ TROP DE ROUGE, VERT ET JAUNE ” LE DÉCOR D’UNE PIÈCE DE THÉATRE SAISI PAR LA POLICE TURQUELa police turque est intervenue, le 17 juin dans un théâtre du de la province kurde de Hakkari pour saisir un décor qui comportait à leur goût trop de rouge, vert et jaune, les couleurs du drapeau kurde. L'intervention a eu lieu après qu'un professeur, qui avait assisté à une répétition de la pièce, eut téléphoné aux autorités pour dénoncer un soit-disant complot, rapporte, le 19 juin, le quotidien turc Radikal. La représentation des trois couleurs donne souvent lieu à des accusations de propagande et de soutien au séparatisme. Les acteurs, qui ont été interpellés pour témoigner devant le procureur, ont annulé les représentations, selon le quotidien turc Milliyet. L'un deux, Mahir Gunsiray, a démenti que la pièce, intitulée Gavara, ait quoi que ce soit à voir avec le problème kurde, et dit sa “ surprise ” face à la saisie du décor. “ Cet incident représente vraiment un mauvais coup à un moment où le parlement travaille à l'adoption de réformes pour permettre au pays de rejoindre l'Union européenne ”, a-t-il déclaré. L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L’EUROPE ACCUSE LA TURQUIE DE “ COLONISER ” LA PARTIE TURQUE DE CHYPRELa Turquie et la République turque de Chypre du nord (RTCN, reconnue seulement par Ankara) ont, le 25 juin, dénoncé un rapport adopté la veille à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (ACPE) et qui accuse la Turquie de “ coloniser ” la partie turque de Chypre. “ Ce n'est pas vrai. Ces allégations sont dénuées de fondement ”, a déclaré à la presse le chef de la diplomatie turque Abdullah Gul. Le rapport accuse la Turquie de procéder à une “ colonisation déguisée ” dans le nord de Chypre depuis l'intervention militaire turque de 1974 qui a divisé l'île en secteurs turc et grec (sud). Sur les quelque 200.000 habitants de la RTCN, 115.000 sont des colons venus essentiellement d'Anatolie, selon le document. Des milliers de Chypriotes-turcs ont quitté leur pays pour la Grande-Bretagne et d'autres pays du Commonwealth. L'ACPE a adopté, le 24 juin, par 68 voix contre 15 et 2 abstentions une recommandation demandant “ à la Turquie, ainsi qu'à l'administration locale subordonnée chypriote turque du nord de Chypre, de mettre fin au processus de colonisation par les colons turcs ”. “ La Turquie n'est pas une force d'occupation et n'a jamais eu de telle intention ”, a souligné M. Gul. “ Ce rapport inéquitable et partial ne reflète pas les réalités à Chypre ”, a déclaré pour sa part le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Huseyin Dirioz. Le président de la RTCN Rauf Denktas a qualifié le rapport de contre-productif dans la recherche d'une solution à la division de l'île. “ Si ce rapport vise à apporter la paix et un consensus sur l'île, il ne sert sans doute pas cet objectif ”, selon M. Denktash. Le rapport qui n'a pas de caractère contraignant recommande au conseil des ministres du Conseil de l'Europe de charger le Comité européen sur la population (CAHP) d'effectuer un recensement à Chypre et de promouvoir “ l'idée de créer un fonds qui financerait les éventuels retours volontaires des colons turcs en Turquie ”. Des efforts sont en cours pour relancer le dialogue entre les dirigeants chypriotes grecs et turcs sur la base d'un plan de réunification de l'île mis en avant par le secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, et sur lequel les négociations avaient échoué en mars 2003. Des mesures de confiance ont été mises en place depuis, notamment l'ouverture par les autorités chypriotes-turques de la ligne de démarcation séparant les deux secteurs. La République de Chypre a signé le 16 avril un traité d'adhésion à l'Union européenne, laissant pour l'instant la RTCN au ban de l'Europe. LE COMITÉ ANTI-TORTURE DU CONSEIL DE L’EUROPE DÉNONCE LA PERSISTANCE DE LA TORTURE DANS LES COMMISSARIATS TURCSLe Comité anti-torture du Conseil de l'Europe (CPT) a dénoncé dans un rapport publié le 25 juin la persistance de la torture dans les commissariats turcs, notamment dans les provinces kurdes. Les experts du CPT indiquent que des cas de chocs électriques, de coups et de privation de sommeil contre des prisonniers en garde-à-vue leur ont été rapportés. Lors de deux visites en Turquie, en mars puis en septembre 2002, les experts du CPT ont interrogé “ un nombre considérable ” de personnes ayant été placées en garde-à-vue dans la province kurde de Diyarbakir, placée sous état d'urgence jusqu'à fin novembre 2002. “ Environ la moitié des personnes interrogées ont affirmé qu'elles avaient subi des mauvais traitements lors de la garde-à-vue dans les locaux de la police ou de la gendarmerie ”, affirme le CPT, dans ce rapport publié avec l'accord des autorités d'Ankara. Les experts de l'organisation européenne font notamment état de “ coups, compression des testicules, aspersion d'eau glacée sur les prisonniers nus qui sont ensuite maintenus au froid, privation de sommeil, position debout prolongée (...), chocs électriques sur les orteils, les parties génitales et/ou les oreilles ”. Au vu de ces informations, le CPT demande que soit organisée une enquête, par un organe judiciaire indépendant, sur les méthodes utilisées par le service anti-terroriste de la police de Diyarbakir pour interroger les prisonniers gardés à vue. Le Comité dénonce par ailleurs la non-confidentialité des examens médicaux subis par les prisonniers. Ainsi, “ les personnes qui ont été maltraitées peuvent être facilement dissuadées d'en informer le médecin, et le médecin peut être facilement dissuadé de soulever le problème auprès du détenu. De plus, (...) certains médecins qui avaient tenu à faire état des blessures qu'ils avaient observées ont fait l'objet de menaces et/ou ont été mutés à un autre poste ”, relèvent les experts. ACQUITTEMENT ET ELOGE PAR LA JUSTICE TURQUE D’UN CHEF DE TRIBU IMPLIQUÉ DANS LE SCANDAL DE SUSURLUKL’ancien député du parti de la Juste Voie (DYP), Sedat Bucak, impliqué dans l’affaire de Susurluk [ndlr : accident de voiture dans la ville de Susurluk en 1996 mettant en lumière les collusions entre la mafia, la police et les hommes politiques en Turquie], a, le 26 juin, été acquitté par le Tribunal correctionnel d’Istanbul au cours de la seconde audience de ce procès. Le procureur Orhan Erbay a non seulement requis l’acquittement contre Sedat Bucak mais n’a pas manqué non plus de saluer la collaboration avec l’Etat de ce chef de tribu en faisant largement l’éloge de ce témoin clé du premier procès des députés du DEP qui eux ont été condamnés à 15 ans de prison sans jamais avoir eu le droit d’interroger S. Bucak. |