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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 278

16/12/2003

  1. LORS DE LA DIXIÈME AUDIENCE DU PROCÈS DES ANCIENS DÉPUTÉS KURDES, LE PARLEMENT EUROPÉEN S’APPRETERAIT À INVITER LEYLA ZANA À STRASBOURG POUR LUI DÉCERNER LE PRIX SAKHAROV REÇUE EN 1995
  2. APPEL AU BOYCOTT D’UN CHANTEUR QUI A OSÉ CHANTER EN KURDE, SA LANGUE MATERNELLE
  3. DES HAUTS MEMBRES DU PARTI DE LA JUSTICE ET DU DÉVELOPPEMENT (AKP) QUALIFIENT LA JUSTICE TURQUE DE PARTIALE ET PARTISANE
  4. LE BILAN 2003 DE LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME EN TURQUIE PLUS CRITIQUE QU’EN 1999 SELON L’ASSOCIATION TURQUE DES DROITS DE L’HOMME
  5. LE COMMISSAIRE EUROPÉEN CHARGÉ DE L’ELARGISSEMENT, GUNTER VEURHEUGEN, DÉCLARE QUE LA SITUATION ACTUELLE DE CHYPRE CONSTITUE UN OBSTACLE À L’ADHÉSION DE LA TURQUIE DANS L’UE
  6. RECRUDESCENCE DES AFFRONTEMENTS ENTRE LE PKK ET L’ARMÉE TURQUE QUI ANNONCE LA COOPÉRATION AVEC LES ETATS-UNIS POUR LUTTER CONTRE LES COMBATTANTS DU PKK
  7. LU DANS LA PRESSE TURQUE : QUAND DES JOURNALISTES SONT FICHÉS COMME DES “ CLIENTS ” DU SERVICE DE RENSEIGNEMENT TURC (MIT)


LORS DE LA DIXIÈME AUDIENCE DU PROCÈS DES ANCIENS DÉPUTÉS KURDES, LE PARLEMENT EUROPÉEN S’APPRETERAIT À INVITER LEYLA ZANA À STRASBOURG POUR LUI DÉCERNER LE PRIX SAKHAROV REÇUE EN 1995


Selon les médias turcs, le Parlement européen s’apprête à venir avec une importante délégation à la dixième audience du procès de Leyla Zana et de ses collègues du parti de la Démocratie (DEP), prévue le 16 janvier. Le quotidien turc Milliyet daté du 15 janvier relève que cette délégation formulera une invitation importante à cette occasion à Leyla Zana, lauréate du Prix Sakharov 1995. Selon le journal qui reprend les informations de la télévision d’information turque CNN-turc, la délégation va inviter Leyla Zana pour la fin du mois de janvier à Strasbourg pour lui remettre son prix. Le président de la Commission de l’Union européenne, Romano Prodi, sera également à Ankara par le hasard des calendriers à la même date, et le journal précise qu’il évoquera très certainement la question des anciens députés kurdes emprisonnés en Turquie depuis 1994 pour délit d’opinion. Il sera difficile pour le gouvernement d’évoquer l’indépendance de la justice turque alors que des membres du parti au pouvoir n’ont pas manqué ces derniers jours de pointer du doigt la partialité de cette justice lors des discussions sur la réforme de l’immunité parlementaire, une des promesses du candidat Recep Tayyip Erdogan lors des dernières élections, mais aujourd’hui compromise faute de confiance en la justice turque accusée de partialité par le parti du Premier ministre turc.

APPEL AU BOYCOTT D’UN CHANTEUR QUI A OSÉ CHANTER EN KURDE, SA LANGUE MATERNELLE


Le chanteur le plus populaire de la Turquie Ibrahim Tatlises, aussi célèbre dans son pays qu'au Moyen-Orient, fait l'objet d'une campagne de boycott et de pressions de la part des milieux nationalistes après avoir chanté une chanson en langue kurde. Le parti de la grande Unité (BBP- ultranationaliste) a, le 12 décembre demandé que l'artiste, d’origine kurde, mais n'ayant jamais chanté dans sa langue pour bâtir une carrière florissante, “ s'excuse devant la nation turque ”. “ Le peuple peut pardonner si la proclamation est faite qu'ils sont contre toute forme de terrorisme et de séparatisme et qu'ils protègeront l'intégrité indivisible de notre pays ”, a déclaré Ismaïl Turk, un des dirigeants du BBP. Ce dernier a rangé Ibrahim Tatlises parmi les “ instruments de ceux qui veulent détruire les fondations unitaires, les foyers de la trahison interne et étrangère ”. L'association des jeunesses du parti de l'Action nationaliste (MHP- ultranationaliste), avait lancé plus tôt un appel au boycott des disques, cassettes et divers produits du chanteur, accusé d'être une “ tâche noire ”.

Lors de sa participation à une émission de télévision la semaine dernière, le chanteur s'était dit satisfait que le gouvernement ait adopté des lois autorisant la diffusion audiovisuelle de programme en langue kurde, estimant que c'était là “ un premier pas ”. Immédiatement après, quelques dizaines de membres ultranationalistes s'étaient réunis devant son domicile pour protester contre ces déclarations. Dans le journal Cumhuriyet daté du 12 décembre, le chanteur, qui est également un des hommes d'affaires les plus riches du pays, a rétorqué “ aimer sa patrie ” et vouloir son “ unité ”.

DES HAUTS MEMBRES DU PARTI DE LA JUSTICE ET DU DÉVELOPPEMENT (AKP) QUALIFIENT LA JUSTICE TURQUE DE PARTIALE ET PARTISANE


Au lendemain de la décision du Parlement turc d’envoyer devant la Haute Cour de justice l’ancien premier ministre turc Mesut Yilmaz et cinq autres anciens ministres- Husamettin Ozkan, Cumhur Ersumer, Zeki Cakan, Recep Onal et Gunes Taner- accusés de “ corruption, favoritisme, népotisme et d’irrégularités ”, le président de la commission d’enquête parlementaire relative à l’immunité, Husrev Kutlu, a, le 11 décembre, déclaré tout simplement que “la Justice n’étant pas indépendante, ils ont décidé de ne pas toucher à la législation sur les immunités ”. Commentant ces déclarations, le vice-Premier ministre, Mehmet Ali Sahin, issu du même parti de la Justice et du Développement (AKP) a ajouté pour sa part que “ les députés doutent de l’indépendance de la Justice” en donnant l’exemple de l’ancien procureur général auprès de la Cour de cassation Vural Savas, qui dans un de ses livres “ reconnaît avoir fourni beaucoup d’efforts pour barrer la route de l’actuel Premier ministre Recep Tayyip Erdogan ”. Aussitôt le président de la Cour de Cassation, Eraslan Ozkaya et son homologue du Conseil d’Etat, Nuri Alan, ont vivement réagi, M. Ozkaya a déclaré “ ceux qui ne sont plus au pouvoir, le simple citoyen et les bureaucrates se présentent devant la Justice… on ne va pas importer une justice d’ailleurs ou le remplacer par une autre instance…personne ne peut avoir le luxe de dire qu’il ne veut pas aller devant une telle justice… La justice n’est pas parfaite, mais vous ne faites rien pour l’améliorer et puis vous vous permettez de la critiquer ”. Le vice-président du groupe parlementaire du Parti républicain du peuple (CHP- seul parti d’opposition au Parlement turc), Kemal Anadol, a réagi en déclarant : “ il nous reste donc deux choses à faire, soit il faut mettre en vacance tous les tribunaux du pays ou alors il faut que les 70 millions de citoyens bénéficient de l’immunité en accédant à la députation. Autrement, cela voudrait dire que les citoyens sont en danger face à une telle justice ”.

LE BILAN 2003 DE LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME EN TURQUIE PLUS CRITIQUE QU’EN 1999 SELON L’ASSOCIATION TURQUE DES DROITS DE L’HOMME


L’association turque des droits de l’homme a, le 2 décembre, publié une évaluation récente de la situation des droits de l’homme en Turquie dans le cadre du 6ème et 7ème paquets d’harmonisation adoptés par Ankara en vue d’une adhésion à l’Union européenne. Voici quelques extraits de ce bilan couvrant la période de janvier à septembre des cinq dernières années :

Nombre de personnes torturées ou ayant été victimes de traitements inhumains et dégradants :
  • 472 victimes entre janvier et septembre 1999
  • 508 victimes entre janvier et septembre de l’année 2000
  • 762 victimes entre janvier et septembre 2001
  • 456 victimes entre janvier et septembre 2002
  • 770 victimes entre janvier et septembre 2003
Atteinte portée à la liberté de l’expression en nombre de personnes poursuivies :
  • 103 personnes poursuivies entre janvier et septembre 1999
  • 254 personnes poursuives entre janvier et septembre 2000
  • 1921 personnes poursuives entre janvier et septembre 2001
  • 2432 personnes poursuives entre janvier et septembre 2002
  • 1292 personnes poursuives entre janvier et septembre 2003
Par ailleurs, l’Association indique que le nombre d’organisations politiques, de maisons d’édition et de centres culturels perquisitionnés étaient de 250 en 1999 et 48 en 2003. Le nombre de publications confisquées ou interdites étaient de 242 en 1999 et de 102 en 2003.

LE COMMISSAIRE EUROPÉEN CHARGÉ DE L’ELARGISSEMENT, GUNTER VEURHEUGEN, DÉCLARE QUE LA SITUATION ACTUELLE DE CHYPRE CONSTITUE UN OBSTACLE À L’ADHÉSION DE LA TURQUIE DANS L’UE


Dans une interview accordée au quotidien turc Zaman, le commissaire européen chargé de l’élargissement, Günter Verheugen, déclare qu’il serait difficile pour la Turquie de commencer les négociations d’adhésion avec l’Union européenne tant que les soldats turcs seront déployés illégalement à Chypre. Voici de larges extraits de cet article publié le 4 décembre alors que les élections législatives dans la partie turque de l’île n’ont fait émerger aucune majorité mais avec 48% des voix, les partis d'opposition ont décroché 25 sièges (11 sièges dans l'assemblée sortante) soit le même nombre que les partisans du statu quo qui ont eu l'appui de 46% de l'électorat :

“ C’est d’abord avec mes amis turcs que j’ai parlé de cette question. Personne ne devrait s’étonner aujourd’hui (…) J’ai dit à la première réunion avec Denktas en 2000 que Chypre adhérera à l’UE le 1er mai 2004. Je l’avais dit à Ismail Cem en 1999. J’ai insisté sur le fait qu’à partir de 1er mai 2004, la situation stratégique ne sera plus la même. Nous avons encore le temps, mais le dénouement de cette question est avant tout profitable à la Turquie”

Interrogé sur le fait de savoir si la commission a cédé au chantage grecque, Günter Verheugen, répond “ Ce n’est pas un chantage mais une réalité politique… J’ai dit à Denktas que 105 millions d’Européens n’attendraient pas qu’il condescende à trouver une solution avec Clerides. Il le savait donc mais il ne m’a pas cru… J’espère toujours que Denktas, à son âge, prendra des décisions justes pour son peuple”

Günter Verheugen refuse de qualifier de “ condition ” à l’adhésion la résolution de la question chypriote pour la Turquie, mais parle plutôt d’ “ obstacle ” en ajoutant que “ Chypre est une réalité politique. Si la situation n’y change pas je ne pourrais pas convaincre les 15 ou les 25 pays d’entamer les négociations avec la Turquie, qui est le seul pays au monde qui ne reconnaît pas un de nos futurs Etats membres. Tout le monde sait que le conseil de sécurité de l’ONU juge illégal le stationnement permanent des soldats turcs sur l’île. Croyez-vous que nous pourrions engager des négociations d’adhésion avec un pays dont les soldats stationnent d’une manière permanente sur le territoire d’un de nos Etats-membres ? Je ne le crois pas pour ma part… je l’ai toujours exprimé… la seule différence c’est que pour la première fois nous l’avons indiqué dans le rapport. Nous y étions obligé, puisque si la Turquie découvrait la portée de cet obstacle au dernier moment, elle aurait été on ne peut plus surprise”

Le commissaire européen n’hésite pas à critiquer Rauf Denktas en déclarant que “ ce n’est pas être homme d’Etat que de jouer avec les listes électorales avant les élections… ”. “ Il suffit de regarder les chiffres. Cette année il y a 20 000 électeurs de plus que 1998. Depuis septembre dernier, il y a 4000 électeurs de plus. Ce n’est bien évidemment pas dû à l’augmentation du taux de natalité ! Tout le monde sait à combien de Turcs Denktas a accordé la nationalité (…) ” a-t-il ajouté en précisant que “ nous ne reconnaissons pas la République turque de Chypre comme un Etat souverain. Nous ne reconnaissons pas non plus son assemblée. Aussi ne pouvons-nous pas comparer ses élections avec celles des pays souverains et démocratiques. Elles ont cependant une importance politique ”

Günter Verheugen revient également sur le problème de non application des réformes adoptées par Ankara et déclare à propos des lettres “ q, x, w ”, qu’il est important de mettre en relief sur “ les problèmes d’applications des lois en Turquie ”, “ personne ne demande le changement de l’alphabet turc mais ce que l’on voulait tout simplement dire c’est de cesser les obstacles à l’enregistrement des noms kurdes ”.

RECRUDESCENCE DES AFFRONTEMENTS ENTRE LE PKK ET L’ARMÉE TURQUE QUI ANNONCE LA COOPÉRATION AVEC LES ETATS-UNIS POUR LUTTER CONTRE LES COMBATTANTS DU PKK


Deux combattants kurdes ont été tués le 3 décembre par l'armée turque à Diyarbakir. Les forces turques ont encerclé une maison et ont ouvert le feu en direction des militants qui refusaient de se rendre, a expliqué le chef de la police locale Attila Cinar. Par ailleurs, cinq soldats ont été tués et quatre blessés le 1er décembre lorsque leur véhicule a sauté sur une mine à Nusaybin, dans la province de Mardin. La veille, un policier avait été tué lorsque des hommes armés avaient ouvert le feu sur un commissariat à Dargecit, plus au nord dans la même province, toujours selon les autorités turques.

Le PKK, replié dans le Kurdistan irakien, à la frontière iranienne, a pourtant annoncé dans le quotidien pro-kurde Ozgur Politika daté du 2 décembre, qu'il allait prolonger pour une durée indéterminée un cessez-le-feu unilatéral afin de donner une nouvelle chance à la Turquie de déclarer à son tour la fin des violences. Les affrontements avec l'armée étaient tombés ces dernières années à un niveau “ proche de zéro ”, selon le précédent chef d'état major, mais ils ont connu depuis quelques mois une certaine recrudescence.

Par ailleurs, les Etats-Unis se sont déclarés d'accord le 4 décembre pour coopérer avec Ankara dans sa lutte contre le terrorisme, a indiqué le chef d'état-major interarmes adjoint américain, le général Peter Pace, en visite à Ankara pour deux jours, qui a souligné l'importance particulière accordée par son pays à la “ lutte anti-terroriste, en premier lieu contre le PKK et ses successeurs ”, d’après l’agence de presse turque semi-officielle, Anatolie. Dans ce cadre, il existe une communion de vues entre la Turquie et les Etats-Unis sur la manière de lutter contre toutes les organisations terroristes, et sur les méthodes, les buts et les ressources pour cette lutte, d'après la même source.

LU DANS LA PRESSE TURQUE : QUAND DES JOURNALISTES SONT FICHÉS COMME DES “ CLIENTS ” DU SERVICE DE RENSEIGNEMENT TURC (MIT)


Le rédacteur en chef du quotidien turc Hurriyet, Ertugrul Ozkok, dans ses colonnes du 9 décembre relate un briefing ordinaire organisé par les services de renseignement turc (MIT) à l’attention de quelques journalistes turcs, qui sont qualifiés des “ clients ” par le chef du MIT. Le journaliste qui n’est pas troublé outre mesure par ce qualificatif revient sur le même thème le lendemain en dévoilant le nom des journalistes “ clients ” conviés par le MIT pour le briefing et communique l’explication du chef du MIT sur le terme utilisé : “ Nous utilisons le mot client à l’égard des individus ayant fait l’objet d’instructions et fichés par nos services…parmi les 10 journalistes, 4 sont fichés comme “ marxistes ”, 2 comme “ loups gris ”, et 4 autres comme “ réactionnaires ” ” Le journaliste conclue en disant qu’ils sont curieux de savoir qui sont les 4 journalistes classés “ propres ” par le MIT. Voici de larges extraits de l’article publié le 9 décembre :

“ Le chef des renseignements généraux turc (MIT), Senkal Atasagun, a, jeudi dernier (4 décembre), invité 14 correspondants à Ankara de journaux nationaux. Dès le début du repas il a dit sous le ton de la plaisanterie : “ j’ai regardé à la liste des invités, 10 parmi les 14 invités sont nos clients ”. Autour de ce dîner, étaient réunis 14 journalistes (…) Le but de ce dîner était de donner un briefing aux correspondants des différents journaux sur les derniers développements en Turquie et avant le départ des journalistes, on a précisé que les propos tenus pourraient être utilisés sans précision des sources. Toutefois le lendemain un coup de fil du MIT est venu préciser que tout ce qui avait été dit était “ off the record ” donc demandé de ne pas utiliser les informations… Notre correspondant à Ankara, Sedat Ergin, n’a pas pu participer au dîner (…) mais a pu obtenir et me rapporter le contenu de la discussion…

Personnellement, je me suis attardé sur le mot “ client ”. Atasagun n’a pas précisé ce qu’il voulait dire avec ce mot et sachant probablement la portée de ce mot, mes confrères ne lui ont pas demandé des précisions… Il doit sous entendre soit les journaux qui recueillent les indiscrétions du MIT, ou encore les journaux “ accrédités ” par lui même… Le chef du MIT a ensuite ajouté “ nous savons aussi qu’il y a parmi vous des amis qui s’entretiennent avec des éléments des services secrets étrangers ”. Et c’est cette phrase qui m’a plus dérangé et non le mot “ client “.