|
Liste
NO: 279 |
13/1/2004 LA SYRIE ET LA TURQUIE RÉAFFIRMENT LEUR OPPOSITION À UN ETAT KURDE EN IRAKLe président syrien Bachar el Assad est arrivé le 6 janvier à Ankara avec son épouse et ses deux enfants pour une visite d'Etat, la première par un président syrien. Il s'est entretenu le 6 janvier avec son homologue turc Ahmet Necdet Sezer et dans la soirée Recep Tayyip Erdogan, puis le lendemain avec le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gul et avec le chef d'état-major des armées, le général Hilmi Ozkok, avant de rencontrer les ambassadeurs arabes en poste à Ankara. Syriens et Turcs se sont félicités de cette visite “ historique ” estimant qu'elle contribuait à normaliser les relations entre les deux voisins et à promouvoir le dialogue inter-régional. Le président syrien a déclaré que sa visite officielle en Turquie avait dépassé ses espérances. La venue de Bachar el Assad a marqué un “ dégel ” spectaculaire entre deux pays voisins qu'opposaient depuis des années des contentieux sur des territoires, le partage des eaux de l'Euphrate ou le soutien de Damas au parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) de Turquie. Durant sa visite, la Syrie et la Turquie se sont élevés d'une seule voix contre le feu vert apparent des Etats-Unis à une autonomie des Kurdes irakiens. Les deux pays redoutent qu'un tel développement n'incite leurs populations kurdes à revendiquer à leur tour des statuts analogues. Ils ont adressé le 6 janvier une mise en garde conjointe contre toute atteinte à l'unité territoriale de leur voisin irakien. “ Nous sommes d'accord sur le fait qu'il faut absolument protéger l'intégrité territoriale de l'Irak et maintenir son unité ”, a notamment affirmé M. Assad à l'issue d'entretiens avec Ahmet Necdet Sezer. “ Nous condamnons toutes les visées qui pourraient mettre en danger l'intégrité territoriale de l'Irak ”, a-t-il ajouté. M. Sezer a également appelé à un retour à la stabilité le plus rapidement possible en Irak. Le président syrien Bachar al-Assad s'était déclaré opposé à la création d'un Etat kurde en Irak, affirmant qu'un tel cas de figure violerait “ les lignes rouges ” de son pays, dans un entretien à la chaîne CNN-Turk diffusé le 5 janvier, à la veille de sa visite. Interrogé pour savoir si la Syrie, à l'instar de la Turquie, est préoccupée par les aspirations de Kurdes d'élargir leur autonomie dans le Kurdistan irakien et d'avancer, à terme, vers un “ possible Etat indépendant ”, M. Assad a répondu: “ Bien évidemment ”. “ Nous ne sommes pas seulement opposés à un Etat kurde mais à toute action dirigée contre l'intégrité territoriale de l'Irak ”, a-t-il déclaré, estimant qu'une dislocation de l'Irak affecterait tous les voisins et provoquerait l'instabilité dans toute la région. “ L'avenir de l'Irak a un lien avec l'avenir de nous tous. Pour cette raison, un éclatement de l'Irak devrait être une ligne rouge pas seulement pour la Syrie et la Turquie mais tous les Etats de cette zone ”, a-t-il ajouté. Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, se rendra fin janvier aux Etats-Unis pour une première visite officielle largement consacrée à l'Irak, en particulier sa partie kurde. Bachar el Assad, qui a rencontré des hommes d'affaires et des responsables à Istanbul avant de quitter la Turquie le 8 janvier, s'est à nouveau prononcé durant sa visite de 72 heures pour un Proche-Orient sans armes de destruction massive. En 1998, Turcs et Syriens s'étaient trouvés à deux doigts d'un conflit armé avant que Damas expulse Abdullah Öcalan, chef du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Ankara avait arraché ce geste à la Syrie après l'avoir menacée d'une guerre. Un réchauffement progressif s'est observé depuis lors entre Damas et Ankara. En novembre, la Syrie avait remis à la Turquie 22 personnes soupçonnées d'implication dans une vague d'attentats suicide perpétrés à Istanbul. A l'occasion de la visite de Bachar el Assad, les deux pays ont signé une série d'accords en matière de taxation, d'investissements et de tourisme. Les media turcs et syriens se sont félicités de l'amélioration des liens bilatéraux et de la visite “ historique ” de M. Assad. “ La Syrie est désormais un pays allié ” de la Turquie, titrait le 7 janvier le quotidien turc Radikal, soulignant que les deux pays ont scellé trois importants accords de coopération qui devraient constituer le fondement de leurs futures relations économiques. Selon ce journal, les deux pays voisins ont tourné la page sur leur méfiance mutuelle et avancent vers un “ partenariat ” sur des sujets d'intérêt commun, dont la préservation de l'unité territoriale de l'Irak et la paix au Proche-Orient. De son côté la presse officielle syrienne met l'accent sur la “ solidité ” des relations syro-turques et “ l'accueil chaleureux ” réservé à M. Assad. Cette visite constitue “ un tournant stratégique dans le processus des relations bilatérales ”, traditionnellement tendues entre les deux voisins, selon le journal du parti au pouvoir en Syrie, Al-Baas. “ Elle renforcera la coordination syro-turque sur les questions sécuritaires, le processus de paix et le conflit israélo-arabe, selon ce quotidien. Le porte-parole du département d'Etat, Richard Boucher, a estimé que les Etats-Unis et la Turquie avaient une approche commune face aux problèmes de la région et a démenti que cette visite puisse inquiéter Washington. Les diplomates arabes, qui se sont entretenus à Ankara avec M. Assad, ont estimé pour leur part que la Turquie et la Syrie avaient mis l'accent lors de cette visite sur le renforcement de leur coopération, notamment économique, en évitant d'aborder leurs différends, concernant notamment la revendication syrienne sur la région d'Hatay (l'ancienne Alexandrette annexée en 1939 par la Turquie). Le gouvernement islamiste de T. Erdogan, à l’instar de son prédécesseur, N. Erbakan, cherche activement à améliorer les relations de la Turquie avec le monde arabo-musulman. La perspective d’un Kurdistan autonome en Irak sert de ciment à l’entente d’Ankara avec l’Iran et la Syrie qui abritent d’importantes populations kurdes privées des droits culturels et linguistiques. Malgré leurs différends nombreux et leurs orientations idéologiques fort différentes, ces pays ont toujours su s’entendre sur le dos des Kurdes. LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNE LA TURQUIE POUR TRAITEMENTS INHUMAINS ET DÉGRADANTS ET POUR L’INCENDIE DES MAISONS DE VILLAGEOIS KURDESLa Cour européenne des droits de l'Homme a, le 8 janvier, condamné la Turquie pour des “ traitements inhumains et dégradants ” infligés par des policiers à trois hommes arrêtés en 1994 et 1995 pour leur appartenance présumée à l'organisation kurde PKK. La Cour a accordé 12.000 euros de dédommagement à Abdullah Colak et Omer Filizer, âgés respectivement de 34 et 39 ans, et 5.000 euros de dommages et intérêts à Sadik Onder, 34 ans pour violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants). Dans le premier cas, les requérants, soupçonnés d'appartenir au PKK, avaient été placés en garde à vue en avril 1995. Selon M. Colak, pendant les six jours de sa détention dans les locaux de la section anti-terrorisme de la Direction de la sûreté d'Istanbul, il fut étranglé, battu, frappé à coups de pied, pendu par les bras et menacé par les policiers. M. Filizer a affirmé pour sa part, qu'on lui avait bandé les yeux et qu'il avait été frappé à la tête, à l'estomac, au ventre et dans les reins et pendu par les bras. On lui avait également comprimé les testicules et fait subir des électrochocs par l'intermédiaire d'électrodes appliquées à ses organes sexuels et à ses orteils. Le 2 mai 1995, les deux hommes avaient été contraints de signer des dépositions concernant leurs activités au sein du PKK. Dans la seconde affaire, M. Onder avait, selon son témoignage, été déshabillé et pendu par les bras, électrocuté, menacé et insulté. Dans cette dernière affaire, la Cour a précisé que la violation de l'article 3 découlait du fait qu' “ aucune enquête officielle effective n'a été effectuée ” après la plainte pour mauvais traitements du requérant. Par ailleurs, la Turquie a été condamnée le même jour par la Cour européenne des droits de l'Homme à verser en tout 185.000 euros à cinq Kurdes dont les maisons et biens avaient été incendiés par les forces de sécurité en octobre 1993 en raison, selon eux, de leur sympathie supposée pour l'organisation PKK. Les requérants, âgés de 37 à 69 ans, vivaient à l'époque des faits dans la ville de Lice, dans la région de Diyarbakir. Entre le 22 et le 23 octobre 1993, leurs maisons et biens avaient été incendiés, selon eux, dans le cadre d'une opération prévue à l'avance et menée par les forces de sécurité pour punir les habitants de la ville de leur sympathie supposée pour le PKK. Ils avaient tout perdu et été contraints de quitter Lice. Lors de l'audience, le gouvernement turc avait affirmé que les forces de sécurité défendaient alors la ville contre des attaques du PKK. La Cour a alloué des sommes allant de 20.100 euros à 26.200 euros aux cinq requérants pour les dommage matériels subis et 14.500 euros à chacun d'entre eux pour le dommage moral. Elle a constaté la violation des articles de la Convention européenne des droits de l'Homme portant sur l'interdiction des traitement inhumains ou dégradants, le respect de la vie privée, la protection de la propriété et le droit à un recours effectif. TURQUERIE : DEUX DIRIGEANTS LOCAUX DU PARTI DEHAP INCULPÉS POUR AVOIR DIT “ MONSIEUR OCALAN ” ET UN KURDE POURSUIVI POUR AVOIR PEINT SA MAISON AUX COULEURS INTERDITESDeux dirigeants locaux d'un parti pro-kurde ont été inculpés et écroués, le 5 janvier, par la cour de sûreté de l’Etat de Diyarbakir pour avoir appelé le chef du PKK, Abdullah Ocalan, “ Monsieur Ocalan ”. Nedim Bicer et Sadiye Surer, responsables du Dehap (parti démocratique du peuple) de la petite ville de Bismil, à une cinquantaine de km à l'est de Diyarbakir, ont été inculpés aux termes d'un article de la loi anti-terroriste bannissant “ la propagande terroriste ”. Ils se sont référés à “ Monsieur Ocalan ”, utilisant le terme “ sayin ” en turc qui comporte une nuance de respect et d'estime, lors d'une conférence de presse, le 3 janvier, pour dénoncer les manquements aux droits de l'Homme dans les prisons de Turquie. Par ailleurs, selon le quotidien turc Milliyet daté du 6 janvier, un habitant de Hakkari a été placé le 12 décembre en garde à vue au commandement de la gendarmerie de la province et est poursuivi auprès de la Cour de sûreté de l’Etat de Van pour avoir peint sa maison en rouge, vert et jaune. ANKARA SIGNE LE PROTOCOLE N°13 DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME RELATIF À L’ABOLITION DE LA PEINE DE MORT Y COMPRIS EN TEMPS DE GUERRELa Turquie a signé, le 9 janvier, le protocole n°13 de la Convention européenne des droits de l'Homme concernant l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances, y compris en temps de guerre. Le document a été signé à Strasbourg par l'ambassadeur de Turquie auprès du Conseil de l'Europe, Numan Hazar. Il y a un an, la Turquie avait déjà signé le protocole n°6 de la Convention européenne des droits de l'Homme concernant l'abolition de la peine de mort en temps de paix, après un vote du parlement turc en août 2002 abolissant la peine de mort, sauf en temps de guerre. Le texte avait été ratifié en novembre dernier, avec l'espoir de voir la Turquie se rapprocher des normes de l'Union européenne. Le protocole numéro 13 portant sur l'abolition de la peine de mort “ en toutes circonstances ”, même pour des “ actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre ”, en vigueur depuis le 1er juillet dernier, n'a en revanche toujours pas été signé par la Russie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan. LU DANS LA PRESSE TURQUEPRODI ET ZANA LE MÊME JOUR ! Alors que Romano Prodi, le président de la Commission européenne, se rend en Turquie pour une visite officielle, des journalistes s’étonnent que cette visite soit prévue le même jour que la 10ème audience du procès de Leyla Zana et de ses collègues du parti de la Démocratie (DEP). Yalçin Dogan, journaliste au quotidien Hurriyet, écrit sous le titre de “ Prodi et Zana le même jour ” ses doutes sur le hasard du calendrier. Par ailleurs, en visite à Berlin le 11 janvier, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, n’a pas hésité à comparer ses trois mois de prison avec le cas de Leyla Zana en déclarant “ Où était l’Union européenne lorsque j’étais emprisonné pour avoir lu un poème ”. Le Premier ministre turc qui oublie les 9 ans de prison des députés kurdes voudrait-il se venger de l’UE de cette manière ? Voici de larges extraits de l’article de Yalçin Dogan publié le 13 janvier : (…) Le président de la Commission européenne, Romano Prodi, sera vendredi [ndlr : 16 janvier] à Ankara. À dire vrai, la visite est symbolique, les messages qu’il compte délivrer sont presque entièrement connus. Cela dit, à l’instar de Verheugen [ndlr : commissaire européen chargé de l’élargissement], il fait tantôt des déclarations positives et à d’autres moments plutôt négatives. Toutefois, les nouvelles et les attentes de la part de Bruxelles sont cette fois-ci favorables. Prodi pense utiliser la thèse confortant la vocation européenne de la Turquie et ainsi délivrer des messages lui donnant le feu vert. La question la plus saillante reste sans nulle doute la question chypriote (…) Néanmoins, la date de cette visite n’est pas normale ! C’est un curieux hasard. Le vendredi 16 janvier, l’audience du procès de Leyla Zana se tient à Ankara. Après le paquet de la démocratisation, l’ancienne députée du parti de la démocratie (DEP-dissous) sera à nouveau présentée devant la cour. Et cela n’a pas une grande importance [ndlr : Le 16 janvier se déroulera la 10ème audience de ce procès réouvert en mars 2003] Le plus important c’est que sept à huit députés du Parlement européen viennent assister au procès comme observateurs [ndlr : des députés européens ont assisté à de nombreuses audiences jusqu’à présent] Les députés qui devraient venir sont les membres européens de la commission mixte parlementaire Turquie-Union européenne. C’est-à-dire des observateurs et connaisseurs de la Turquie. Ce n’est certes pas leur visite qui est importante mais la raison de ce voyage, car la Turquie est habituée à recevoir ce genre d’observateurs pour ce genre de procès. Mais il y a plus cette fois-ci. Leyla Zana a reçu l’année dernière le prix Sakharov [ndlr : En fait, elle l’a plutôt reçu en 1995], les parlementaires européens veulent venir à Ankara pour lui attribuer dans la prison son prix mais la Turquie ne l’entends pas de cette oreille. ils viennent ainsi à l’audience pour voir Leyla Zana. Vont-ils vouloir donner le prix dans la salle, Peuvent-ils le faire, que vont-ils faire ? Nul ne le sait encore. Cette situation d’intrigue dresse les poils d’Ankara. Encore un problème sorti de nulle part tout d’un coup !… Le même jour il y a la visite de Prodi, Le vendredi 16 janvier ! (…) Pas de hasard si douteux ! Vendredi il va y avoir de la joie ! |