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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 29

29/4/1996

  1. QUATRE EX-DÉPUTÉS KURDES CONDAMNÉS À 1 AN 2 MOIS DE PRISON
  2. CONDAMNATION À MORT DE 7 MILITANTS KURDES
  3. EXÉCUTION SOMMAIRE DE 4 KURDES À MERSIN
  4. LA POSITION DU DÉPARTEMENT D'ETAT AMÉRICAIN SUR LE PORBLÈME KURDE EN TURQUIE
  5. L'APPROCHE MILITAIRE REPREND LE DESSUS À ANKARA
  6. PROJET DE RÉARMEMENT TURC: 150 MILLIARDS DE DOLLARS POUR LES DEUX DÉCENNIES À VENIR
  7. L'ACCORD MILITAIRE TURCO-ISRAÉLIEN SUSCITE DES TENSIONS AVEC PLUSIEURS PAYS DU PROCHE-ORIENT
  8. LA TURQUIE N'A PAS LES MOYENS DE RECRUTER PLUS DE "PROTECTEURS DE VILLAGES"
  9. UNE AFFAIRE D'ESPIONNAGE ENVENIME LES RELATIONS IRANO-TURQUES
  10. DES UNIVERSITAIRES TURCS DÉNONCENT L'USAGE DES NOUVELLES MÉTHODES DE TORTURE EN TURQUIE
  11. SELON UN RAPPORT DE MISSION PARLEMENTAIRE DU DSP DANS LE SUD-EST KURDE, L'ÉTAT NE FAIT PAS CONFIANCE À LA POPULATION ET CELLE-CI NE PAS CONFIANCE À L'ÉTAT
  12. GREENPEACE DÉNONCE LA POLLUTION DE L'EAU PAR SHELL DANS LES PROVINCES KURDES DE MARDIN ET DE DIYARBAKIR


QUATRE EX-DÉPUTÉS KURDES CONDAMNÉS À 1 AN 2 MOIS DE PRISON


La Cour de Sûreté de l'État N° 1 d'Ankara a condamné, le 11 avril, les ex-députés kurdes Mahmut Alinak, Sirri Sakik, Ahmet Türk et Sedat Yurtas à un an et deux mois de prison et à une amende de 116 666 000 LT (environ 8340 FF) chacun. En décembre 1994, la Cour de cassation turque avait invalidé un précédent jugement de la Cour de Sûreté condamnant à des peines plus lourdes ces hommes politiques kurdes, poursuivis pour délit d'opinion et demandé qu'ils soient rejugés. Le verdict du 11 avril est prononcé en vertu de l'article 8 de la loi dite anti-terreur. Les 4 ex-députés, présents à l'audience, ont réaffirmé qu'ils n'avaient fait qu'exprimer au Parlement et dans les média leurs opinions sur les moyens de régler pacifiquement le problème kurde et que loin d'être des séparatistes, ils défendaient l'intégrité territoriale de la Turquie d'Edirne (en Thrace, extrémité occidentale du pays) à Sirnak (à l'extrême est, à la frontière de l'Irak). Ahmet Turk et ses camarades ont déclaré qu'ils allaient faire appel de ce verdict. Si la Cour de cassation turque confirme les peines prononcées en première instance, les ex-députés kurdes seront privés de leurs droits politiques. C'est sans doute ce que veulent les autorités turques qui mènent depuis des décennies une politique systématique de décapitation des élites politiques et culturelles kurdes afin d'étouffer dans l'oeuf toute expression politique pacifique de la population kurde.

CONDAMNATION À MORT DE 7 MILITANTS KURDES


Loin des capitales et dans le silence général, les Cours de Sûreté de l'Etat turques des provinces kurdes travaillent à plein régime. Celles de Diyarbakir et de Malatya ont, le 4 avril, condamné à la peine capitale 7 militants kurdes: Serdar Güzel, Zülküf Birgül, Yasar Kirmizi, Kerim Avsar, Haci Özer, Tayfur Dolan et Hivzullah Mutlu, tous accusés de "propagande séparatiste" et de "terrorisme". D'autres lourdes peines de prison ont été prononcées par la Cour de Sûreté de Malatya contre Cihan Deniz et Murat Kaplan, respectivement condamnés à 36 et 12 ans de prison. Quant à la Cour de Sûreté d'État de Kayseri, elle a condamné à la réclusion à perpétuité deux Kurdes: Haci Ali Bastürk et Kemal Derman, pour "appartenance au PKK".

EXÉCUTION SOMMAIRE DE 4 KURDES À MERSIN


Des policiers et des membres d'une unité spéciale de lutte contre le terrorisme ont, le 15 avril, exécuté sommairement en plein jour 4 jeunes Kurdes à Mersin, sur la côte méditerranéenne. Après avoir investi vers 16h une maison dans le quartier Günes de cette ville à la recherche de «terroristes», ils ont fait sortir ses deux occupants, Selahattin Ekin, 24 ans, et sa compagne. Ceux-ci, surpris, les mains en l'air et sans armes, ont été alignés le long d'un mur et passés par les armes devant les habitants du quartier non sans avoir menacé ceux-ci de les abattre aussi sur le champ s'ils ne rentraient pas de suite chez eux. Le même jour, dans une orangeraie du quartier Çello de Mersin deux autres jeunes, H. Yusuf Daloglu, 19 ans et Kadriye Özay, 17 ans, soupçonnés d'être des prisonniers en cavale ont été abattus alors que non armés ils se rendaient aux policiers turcs. Dans une conférence de presse, Me Hamza Yilmaz, président de la section locale de l'Association des droits de l'homme a vivement dénoncé «l'exécution extra-judiciaire de 4 personnes sans armes». Il a aussi souligné que «ces victimes d'une véritable chasse à l'homme» sont présentées par la police comme des «terroristes tués lors des affrontements avec les forces de sécurité». Cette nouvelle tuerie intervient une semaine après l'exécution extrajudiciaire de «deux suspects» dans les districts Göztepe et Kisikli d'Istanbul.

LA POSITION DU DÉPARTEMENT D'ETAT AMÉRICAIN SUR LE PORBLÈME KURDE EN TURQUIE


Le 27 mars dernier, l'influent congressman démocrate Lee Hamilton est intervenu à la Chambre des représentants pour informer ses collègues de la réponse du Département d'État à la lettre qu'il avait adressée au secrétaire d'Etat Warren Christopher au sujet de la politique américaine vis-à-vis de la Turquie, des violations massives des droits de l'homme perpêtrées dans ce pays de l'usage des armes américaines contre les populations kurdes et des perspectives d'un règlement du problème kurde.

Extraits de la réponse du Département d'État:

"Les auditions, rapports et publications du Congrès sont déterminants pour le gouvernement américain dans son attitude en matière des droits de l'homme vis-à-vis de la Turquie (..) Le gouvernement turc a le droit de se défendre militairement contre le terrorisme...Mais nous nous sentons préoccupés de la manière dont ces opérations sont conduites dans le Sud-Est. Nous en avons fait état dans nos rapports annuels sur les droits de l'homme et le rapport spécial soumis au Congrès le mois de juin dernier sur la situation au Sud-Est qui mentionnait les pertes civiles, les évacuations et les destructions de villages (..) Nous nous sentons profondément préoccupés. Nous indiquons régulièrement à la Turquie que ses opérations militaires légitimes ne lui permettent pas de viser les civils et les non-combattants. Nous l'avons fait très clairement, et nos décisions relatives aux aides financières et à l'usage et à la vente des armes exportées prennent en considération la question des droits de l'homme qu'on suit de près et celle-ci pèse dans la prise des décisions concernant la vente des équipements militaires. Nous avons dit à plusieurs reprises à la Turquie que la seule solution militaire n'est pas la réponse au problème du Sud-Est. On les pousse pour opter des solutions politique et sociale. Ceci doit inclure la pleine égalité des droits comme les droits culturels et linguistiques pour tous les citoyens de la Turquie y compris les Kurdes (..) En définitive, un dialogue entre le gouvernement et les représentants des Kurdes est nécessaire pour trouver une solution durable pour le Sud-Est. Il est nécessaire pour ceux qui prétendent parler au nom des Kurdes de le faire sincèrement et de le faire d'une manière constructive. Dans ce contexte, vous avez mentionné si les ex-députés du DEP qui ont été déchus de leur immunité parlementaire et ont fui en Europe pourraient le faire. Malheureusement, quelques-uns parmi eux ont rejoint "Le Parlement kurde en exil" qui est financé et contrôlé par le PKK. On ne peut, cependant, promouvoir des négociations avec ce Parlement. Il y a des interlocuteurs légitimes avec qui le gouvernement peut négocier la question kurde (..) Les représentants américains continueront à promouvoir les droits de l'homme...Nos représentants rencontrent régulièrement les représentants élus de du Parlement et de l'administration turcs. Nous sommes également en contact avec les ONG internationales et turques (..) Nous allons continuer à soutenir ceux qui défendent les droits de l'homme et les réformes démocratiques, y compris les ONG turques....Le vrai changement démocratique doit venir des citoyens turcs".

L'APPROCHE MILITAIRE REPREND LE DESSUS À ANKARA


Malgré les récentes déclarations du nouveau Premier ministre turc, M. Yilmaz, à Paris et lors des festivités du Nouvel an kurde, le 21 mars dernier à Igdir, que "la question kurde ne pourra être résolue par la force", ces dernières semaines la Turquie semble continuer de ne voir la question kurde que sous un angle militaire: en témoignent les opérations militaires opposant l'armée avec les maquisards du PKK commencées le 6 avril et qui sont toujours en cours. Selon le dernier bilan officiel, établi le 15 avril , le nombre des tués du côté de l'armée s'élève à 33 et à 200 dans les rangs du PKK. D'habitude l'armée turque expose ses "trophées": corps des maquisards tués et munitions saisies; invités sur la scène des opérations par l'armée, les journalistes cette fois-ci n'ont pu constater que les cadavres de trois militants du PKK, selon une dépêche de Reuters. Les pertes militaires turques, largement médiatisées par les médias contrôlés par le pouvoir ont choqué l'opinion publique turque qui demande vengeance. Et dans ce contexte, les faucons turcs ont le vent en poupe. "Les opérations vont continuer jusqu'à l'anéantissement des terroristes" déclare le ministre de l'intérieur, Ulku Guney. Même son de cloche du côté de Mme. Çiller, partenaire de M. Yilmaz et qui devrait reprendre les rênes du pouvoir en janvier prochain, selon le jeu d'alternance conclu entre les deux partis conservateurs, "Nous ne devons pas adopter une approche dans le cadre de la démocratie de cette question. Personne ne doit opter pour une solution politique" a-t-elle déclaré devant les membres de son parti de la Juste Voie (DYP).

Le journaliste libéral Ahmet Altan, condamné récemment à 20 mois de prison pour ses articles dénonçant les violations des droits de l'homme par l'armée, écrivait dans le quotidien Yeni Yuzyil du 10 avril que "Les leaders civils qui prononcent des mesures sensées au début de leur mandat changent par la suite leur discours en se comportent illogiquement, cela pose un vrai problème: qui réellement dirige le pays ? (..) Ce n'est pas sûr si cette guerre va aboutir à l'anéantissement du PKK, ce qui est sûr ce qu'elle est en train de tuer nos enfants et gaspille beaucoup d'argent à cause d'une obstination maladive". L'offensive turque en cours jette aussi une lumière crue sur le système d'information (ou de désinformation) turque sur la couverture des événements du Kurdistan. Nombre d'opérations meurtrières, les destructions de villages, les victimes civiles des bombardements de l'aviation sont complètement tus par les média. Puis, soudain au moment où tel ou tel dirigeant politique évoque l'idée d'un dialogue et d'un projet de réforme pour régler le problème kurde, l'armée de sa propre initiative lance une opération sanglante en plein cessez-le-feu unilatéral du PKK. Les pertes turques sont surmédiatisées et les voix demandant un règlement politique sont étouffées par les clameurs des faucons. C'est ce que, à sa manière très prudente, le directeur du quotidien Hurriyet, Ertugrul Ozkök, écrit dans son éditorial du 10 avril: "Le PKK avait décrété avant les élections (du 24 décembre) un cessez-le-feu unilatéral. La situation semblait calme dans la région depuis quelque temps. Mais ces derniers temps on a commencé à constater un nouveau durcissement de la tension dans les déclarations d'A. Ocalan (chef du PKK) (..) Il apparaît que cela est dû au succès de certaines opérations des forces armées (turques). Les forces de sécurité: avant cette dernière opération (lancée le 6 avril) ont effectué deux opérations et obtenu de très bons résultats. Mais celles-ci n'ont pas été annoncées à l'opinion publique car les photos des cadavres des gens du PKK sont utilisées comme matériel de propagande par cette organisation (..) D'après des informations que j'ai obtenues hier, la dernière opération n'allait pas non plus être annoncée à l'opinion publique. Mais quand, de façon tout à fait inattendue, il y a eu 30 martyrs, il est devenu inévitable de l'annoncer (..) Il y a également des développements qui coïncident dans le temps avec cette opération (..) On affirmait (dans les milieux gouvernementaux) qu'il n'y a aura pas de nomination pour le poste de préfet de la Région d'état d'urgence (OHAL, provinces kurdes soumises à l'état d'urgence). Mais, à la suite d'on ne sait quoi, dans le décret signé avant hier par le président de la République il y a une nomination à ce poste. Or le Premier Ministre Mesut Yilmaz avait affirmé que l'état d'urgence allait être levé avant la fin de son terme actuel".

PROJET DE RÉARMEMENT TURC: 150 MILLIARDS DE DOLLARS POUR LES DEUX DÉCENNIES À VENIR


Parallèlement à sa campagne de printemps dans le Kurdistan, l'armée turque mène une vaste offensive de lobbying auprès de la classe politique, des médias et du secteur privé pour un très ambitieux "Plan de modernisation des forces armées". Ce plan prévoit l'acquisition dans les deux décennies à venir de 150 milliards de dollars d'armes et de matériels militaires. Selon l'état-mjor des armées qui agite à souhait le spectre de la patrie en danger, l'armée de terre a besoin de 60 milliards de dollars d'équipements nouveaux, l'aviation de 65 milliards de dollars de matériels et la marine de 25 milliards de dollars. Ce plan prévoit l'acquisition d'ici 8 ans de 67 milliards de dollars d'armes nouvelles.

Dans un pays qui consacre déjà au moins le quart de son budget aux dépenses militaires, qui a une dette extérieure de plus de 70 milliards de dollars et un déficit budgétaire annuel de 7 milliard de dollars, même les milieux nationalistes commencent à se montrer circonspects face aux ambitions ruineuses des militaires. Des analystes interrogés par l'agence IPS le 11 avril font remarquer que déjà en 1994 les achats d'armes de la Turquie ont représenté 25% des dépenses d'acquisitions d'armes de l'ensemble des pays de l'OTAN. Au cours des trois dernières années, Ankara a dépensé 4,8 milliards de dollars pour ses achats d'armes à l'étranger tout en augmentant considérablement le volume de sa propre production ou coproduction d'armes. Seule l'Arabie Saoudite achète plus que la Turquie sur le marche international de l'armement.

Au delà du coût exorbitant de cette politique pour un pays du Tiers-monde où la majorité de la population vit à la limite du seuil de pauvreté, les généraux turcs, par leurs ambitions, indiquent que la Turquie sous leur houlette va, pour les 20 années à venir, privilégier les solutions militaires pour le règlement de ses problèmes internes et de ses contentieux avec ses voisins. Dans ce contexte, le conflit avec le PKK, les tensions avec la Grèce, la Syrie, l'Iran ou l'Irak semblent être un fonds de commerce inépuisable à la fois pour les généraux turcs et pour les Etats qui les fournissent en armes. Commentaire désabusé d'un diplomate observateur attentif de la politique turque: «Si le PKK n'avait pas existé, les généraux turcs allaient l'inventer pour justifier à la fois leur politique de dépeuplement du Kurdistan et de modernisation ambitieuse de l'armée. Tel un médecin véreux ne souhaitant ni la mort ni la guérison d'un malade fortuné, l'armée turque ne voudrait ni la fin rapide de la guérilla du PKK ni le succès ostentatoire de celle-ci. Elle redoute aussi toute tentative de règlement politique du problème kurde; toute tentative d'organisation et d'expression politique kurdes. Cette stratégie de la tension permanente jouée avec brio par les militaires turcs risque de durer encore pendant des années quelles que soient les promesses sans lendemain des politiciens turcs. Malgré quelques «bonnes paroles» de sympathie prodiguées de temps à autre, les Etats occidentaux y trouvent aussi leur compte en vendant des armes à Ankara et en exploitant habilement la mauvaise image de la Turquie pour lui arracher un maximum de concessions politiques et économiques. Cela risque de durer jusqu'à ce que la Turquie se lance dans une aventure militaire régionale inconsidérée ou jusqu'à ce que les Kurdes soient capables de mobiliser l'opinion publique et les média occidentaux en leur faveur par des moyens pacifiques».

L'ACCORD MILITAIRE TURCO-ISRAÉLIEN SUSCITE DES TENSIONS AVEC PLUSIEURS PAYS DU PROCHE-ORIENT


L'accord de coopération militaire conclu le 23 février entre la Turquie et Israël continue de susciter des tensions entre Ankara et les capitales du Proche-Orient. Selon les dispositions rendues publiques de cet accord, les avions militaires israéliens pourront utiliser l'espace aérien turc à des fins d'entraînement militaire. Ankara affirme que ces avions ne seront ni armés ni dotés de dispositifs de surveillance et d'espionnage électronique. Mais outre les pays comme l'Iran et la Syrie qui se sentent directement visés par la coopération militaire turco-israélienne, des Etats modérés comme l'Egypte critiquent également cette «alliance» qui à leurs yeux pourrait conduire «à l'instabilité et à une guerre probable au Moyen Orient». Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Amr Musa, a décidé d'annuler sa visite à Ankara, prévue pour le 16 avril.

En Turquie même malgré la tradition bien établie qui veut que la classe politique et les médias ne doivent pas critiquer les choix de l'armée et la chose militaire, plusieurs voix critiques se sont élevées. le Refah islamiste a été le plus virulent en dénonçant, par la voix de son porte-parole Abdullah Gül, «un changement stratégique du concept de sécurité du pays décidé sans aucun débat». «Même les ministres du gouvernement ne savaient rien de cet accord» a ajouté M. Gül.

L'influent journaliste Mehmet Ali Birant écrit dans le quotidien Sabah que «la Turquie a joint la guerre entre Israël et la Syrie. Le climat à Ankara est comme si la Turquie était en train de couper ses relations avec la Syrie et de punir le gouvernement de Damas». Les commentateurs soulignent que cette redéfinitions de la stratégie turque a été décidé par l'état-major de l'armée sans consultation des instances élues et en plein milieu de l'interlude tragi-comique des négociations pour la formation d'un gouvernement de coalition.

Selon les sources diplomatiques citées par Associated Press les pilotes israéliens ont d'ores et déjà commencé à utiliser l'espace aérien turc. Le ministre turc des Affaires étrangères a nié, le 15 avril, que des avions israéliens soient déjà en Turquie mais une équipe de Reuter TV a pu filmer le jour même sur la base Akinci près d'Ankara des F-16 israéliens peints couleur de sable. En contre-partie de ces facilités, les ingénieurs israéliens doivent réviser et améliorer les performances des 50 bombardiers F-4 de fabrication américaine en service dans l'armée turque. La presse turque a également évoqué «la participation des experts israéliens à la formation des unités spéciales turques engagées dans la guerre contre le terrorisme du PKK».

Au-delà de sa portée militaire et de ses conséquences régionales, l'accord israélo-turc, conclu sans-doute à l'instigation de Washington, vise aussi à mettre en relief devant l'opinion publique américaine et surtout du puisant lobby juif américain, le rôle d'une «Turquie alliée fidèle et fiable des Etats-Unis et amie d'Israël» qui, malgré sa persécution des Kurdes et l'état déplorable des droits de l'homme, mérite sinon un soutien actif, du moins l'indulgence de l'Amérique.

LA TURQUIE N'A PAS LES MOYENS DE RECRUTER PLUS DE "PROTECTEURS DE VILLAGES"


Le chômage massif et la misère qui règnent dans les régions kurdes poussent nombre de paysans à la recherche de n'importe quel gagne-pain à s'enrôler dans les milices pro-gouvernementales dites "protecteurs de village". Dans beaucoup de provinces c'est l'armée elle-même qui force les villageois à devenir des miliciens sous peine d'être traités comme des sympathisants du PKK et de voir leur village évacué et brûlé. Ce système semble à présent toucher à ses limites car la Turquie n'a pas les moyens financiers de l'étendre. En 1994, les quelques 56 000 miliciens actuellement en service ont coûté 10 trillions de livres turques (environ 1 milliard de francs français) au budget turc rien qu'en salaires, à l'en croire les autorités turques citées par le Milliyet du 11 avril. A cela il faut ajouter les frais d'équipement, l'armement et les munitions. De plus, la loyauté à l'armée de ces auxiliaires peu motivés, laisse à désirer d'après les indications des élections législatives de décembre dernier. D'où le nouveau projet de "miliciens volontaires" à qui l'armée donnerait des armes et des munitions sans toutefois verser des salaires, évoqué par le préfet de Batman Salih Saman dans le Milliyet. Les autorités turques expérimentent aussi une autre méthode de collaboration dans les districts de Siverek et Ceylan Pinar. L'État sous-traite à la puissante tribu des Bucak "la sécurité" de toute une province. Les membres de cette tribu, équipés, armés et rétribués par l'État, sont assurés d'une impunité totale et sont libres de se financer en plus par des trafics divers, notamment de drogue, et par le racket etc. Ils peuvent arrêter, intimider ou tuer tous ceux qui leur paraissent "suspects". Les habitants de la province sous-traitée aux Bucak sont systématiquement fichés (par des moyens informatiques mis en place par l'Etat !) et leurs téléphones mis sur écoute. Une version moins sophistiquée de ce système est pratiquée avec les tribus des provinces de Hakkari et de Sirnak.

UNE AFFAIRE D'ESPIONNAGE ENVENIME LES RELATIONS IRANO-TURQUES


La Turquie a rejeté, le mercredi 10 avril, les accusations iraniennes mettant en cause quatre de ses diplomates dans une affaire "d'espionnage et d'ingérence dans les affaires internes". L'agence de presse iranienne IRNA a rapporté que quatre diplomates turcs ont été arrêtés, mardi 9 avril, dans l'Ouest de l'Iran. Cette région est habitée par des Azéris turcophones. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères turc a catégoriquement rejeté les accusations iraniennes en ajoutant toutefois que quatre diplomates en poste en Iran seront rappelés pour "des raisons de sécurité". En riposte à ces accusations, Ankara a demandé à Téhéran de retirer quatre de ses diplomates impliqués dans des assassinats commis par des groupes islamistes en Turquie. Cette crise diplomatique se déploie sur fond de la vive tension suscitée par le récent accord de coopération militaire conclu entre Israël et la Turquie. Le ministre iranien des Affaires étrangères déclarait, devant le secrétaire d'État turc en visite à Téhéran pour tenter de résoudre cette crise bilatérale, que "L'Iran suit de près la coopération militaire entre la Turquie et le régime sioniste" et que "ces concessions accordées au régime sioniste sont contre l'intérêt vital du monde musulman et de la région". Toutefois, soucieux de calmer le jeu et de "ne pas ouvrir un quatrième front diplomatique", Ankara a offert à Téhéran de régler à l'amiable leur contentieux. Le ministre des Affaires étrangères doit effectuer une visite à Ankara, ce vendredi 19 avril, pour s'entretenir avec son homologue turc et le président Demirel.

DES UNIVERSITAIRES TURCS DÉNONCENT L'USAGE DES NOUVELLES MÉTHODES DE TORTURE EN TURQUIE


Une mission formée de 21 universitaires issus de 7 grandes universités du pays a, le 11 avril, adressé aux députés turcs "Un rapport sur la torture". La mission s'est notamment rendue à Manisa, ville turque de la région égéenne, où en mars dernier plusieurs dizaines de collégiens et lycéens avaient été torturés. Après avoir entendu notamment les témoignages de ces jeunes âgés de 14 à 18 ans et de leurs familles sur les sévices subis, la mission dirigée par le professeur Binnaz Toprak, de l'université du Bosphore, a rédigée un rapport où on peut lire: "Les observations faites à Manisa nous plongent dans une profonde inquiétude. Nous avons la conviction que des méthodes de torture de plus en plus difficiles à prouver sont utilisées et que des mesures sont prises pour éliminer ces preuves. Au lieu de développer des méthodes pour obtenir des informations sans torturer, des méthodes de torture sans laisser des traces pour obtenir des informations ont été développées (..) Le fait que des procédés d'un autre âge comme la torture soit à l'ordre du jour de la Turquie constitue une grande honte pour notre République. Nous sommes de l'avis qu'une série de réformes légales est nécessaire pour supprimer la torture qui offense la conscience publique en Turquie et qui déshonore notre pays dans les plates-formes internationales. A notre avis, pour prévenir la torture, l'expression claire de la volonté politique est d'une nécessité absolue".

SELON UN RAPPORT DE MISSION PARLEMENTAIRE DU DSP DANS LE SUD-EST KURDE, L'ÉTAT NE FAIT PAS CONFIANCE À LA POPULATION ET CELLE-CI NE PAS CONFIANCE À L'ÉTAT


Une mission formée de 3 députés du DSP (Parti de la Gauche démocratique, nationaliste turc de "gauche") de Bulent Ecevit a rendu public le 11 avril un "Rapport du Sud-Est" après une enquête dans 21 localités kurdes. Malgré leurs a priori nationalistes bien connus, ces députés ont pu constater que" l'État considère les citoyens (de cette région) comme des coupables potentiels et des terroristes potentiels", que "les gens déplacés mènent une véritable lutte pour survivre", que "malgré d'importants déplacements de population, l'État ne dispose d'aucun inventaire chiffré ni de données statistiques sur la répartition démographique de la population de la région" , que "cette région est considérée comme une zone d'exil pour les fonctionnaires", qu'environ "un millier d'écoles sont fermées depuis au moins 3 ans". Les trois députés (Bulent Tanla, Ali Iliksoy et Cibran Yarar) appellent l'État à régler au moins "les deux problèmes fondamentaux de la région: sécurité et emploi". B. Ecevit s'est rendu le 14 avril dans les provinces kurdes pour y annoncer"mesures socio-économiques pour le règlement du problème du Sud-Est". Avant son départ, il a proposé au gouvernement de normaliser au plus vite ses relations avec Saddam Hussein et il se dit prêt à jouer un rôle d'émissaire dans cette affaire.

GREENPEACE DÉNONCE LA POLLUTION DE L'EAU PAR SHELL DANS LES PROVINCES KURDES DE MARDIN ET DE DIYARBAKIR


L'organisation écologiste, Greenpeace, a accusé la compagnie Shell, spécialisée en pétro-chimie, dans l'affaire de la pollution de l'eau potable, à Midyat, Mardin, Diyarbakir, en versant notamment ses produits pétro-chimiques usés dans les nappes souterraines de cette région. Selon le responsable de Greenpeace, M. Paul Horsman, Shell a systématiquement violé les mesures européennes applicables dans ce domaine et ce depuis 1973. "La compagnie n'a pas pris des mesures environnementales nécessaires dans ses opérations et elle applique des standards différents selon les pays et qu'il lui aurait était impossible de causer une telle pollution dans un pays européen (..) Shell ne se serait pas comporté de cette manière au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas et que l'eau de Diyarbakir ne serait plus potable dans un proche avenir" a encore ajouté le responsable de Greenpeace.