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Liste
NO: 36 |
27/6/1996 LE PARLEMENT EUROPÉEN EXIGE LA LIBÉRATION DE MME. LEYLA ZANA ET DE SES COLLÈGUES DÉPUTÉS AINSI QU'UN RÈGLEMENT POLITIQUE ET PACIFIQUE DE LA QUESTION KURDEDans une résolution votée, le jeudi 19 juin, le Parlement européen, qui rappelle à la Turquie ses engagements vis à vis de la Déclaration de Barcelone et de la Convention européenne des droits de l'homme, dont la Turquie est un des signataires, exige la libération de Mme. Zana et de ses trois autres collègues parlementaires. Par ailleurs, les législateurs européens se disent "préoccupés" par la poursuite des opérations militaires turques dans les régions kurdes et le refus de la Turquie de rechercher des voies d'un règlement pacifique de la question kurde et "invite le gouvernement turc à mettre fin à ses opérations militaires dans le Sud-Est du pays et à entamer des négociations avec l'ensemble des organisations kurdes en vue de débloquer la situation". Les euro-députés dans cette résolution font un examen critique global de la situation des droits de l'homme alarmante dans laquelle se trouve aujourd'hui la Turquie. Ils se disent vivement préoccupés par la condamnation du Dr. Seyfettin Kizilkan, président de l'ordre des médecins de Diyarbakir, par la Cour de sûreté de l'État à plus de trois ans de prison ainsi que les persécutions à l'encontre de l'écrivain Yachar Kemal, du sociologue Ismail Besikci, et le traitement réservé aux prisonniers politiques, qui sont en grève de la faim contre les mesures liberticides récemment adoptées par le ministre de la justice, ancien chef de la sécurité d'Istanbul et surnommé "le super-tortionnaire". Le PE demande, en outre, aux autorités turques de reconnaître les droits de tous les Kurdes vivant dans le pays et de faciliter le rapatriement de tous les Kurdes déplacés et de permettre à la Croix-Rouge internationale de visiter les prisons et les prisonniers politiques. Il presse le Conseil des ministres européen "à inscrire la question kurde à l'ordre du jour de l'OSCE et à rechercher tous les moyens qui permettront d'encourager les initiatives visant à régler les questions des droits de l'homme et des Kurdes en Turquie". LE PRÉSIDENT DU PARTI PRO-KURDE "HADEP" ET UNE TRENTAINE DE SES DIRIGEANTS ARRÊTÉS PAR LA POLICE TURQUELe président du Parti populaire de la démocratie "HADEP", Murat Bozlak, ainsi qu'une trentaine de ses cadres dirigeants ont été arrêtés dans la nuit du dimanche à lundi par la police turque à la fin d'une convention du parti. Tout a commencé, selon l'Agence de presse semi-officielle turque Anatolie "lorsqu'un groupe de sympathisants du PKK a descendu le drapeau turc et l'a remplacé par le drapeau de leur parti dans le hall où se tenait la convention. Toutefois le président du HADEP s'était distancé de ce groupe" ajoute la dépêche de l'agence. En même temps, une délégation de députés européens se trouvait à Ankara dans le cadre d'une réunion du groupe inter-parlementaire Parlement européen-Turquie, dont les réunions étaient suspendues en signe de protestation contre l'arrestation des députés kurdes. Mme. Claudia Roth, présidente des Verts européens et vice-présidente de notre Comité, qui se trouvait à Ankara à l'occasion de la rencontre du groupe inter-parlementaire, a déclaré: " Jamais je n'ai été témoin de telles brutalités et violences contre les droits élémentaires de l'homme", et a ajouté que "ces derniers événements pèseront sur les discussions avec les Turcs". Par ailleurs, un groupe d'une dizaine d'assaillants "inconnus" a ouvert le feu sur les délégués du HADEP sur leur chemin de retour, aux environs de la ville de Kayseri, faisant trois morts parmi les délégués et une attaque à la bombe contre un local du parti à Izmir a eu lieu. D'autres scènes de frénésie nationaliste à travers les grandes métropoles turques ont eu lieu: des milliers de manifestants d'extrême droite, drapés du drapeau national turc, ont défilé dans les rues. Les chaînes de télévisions, au lieu d'apaiser cette situation extrêmement tendue, ont affiché sur leurs écrans le drapeau turc durant tout leur programme du lundi. On vient d'apprendre par ailleurs l'arrestation de l'ex-député de Mus, M. Sirri Sakik. NOUVELLE INCURSION DE TROUPES TURQUES AU KURDISTAN D'IRAK12 bataillons turcs, formé chacun de 500 à 600 soldats, appuyés par plusieurs unités des forces spéciales, 250 protecteurs de villages et des hélicoptères Cobra de fabrication américaine sont entrés au Kurdistan d'Irak, le mercredi 26 juin. L'objectif déclaré de cette incursion est "la poursuite des militants du PKK" selon un communiqué de l'armée. Les troupes turques ont pénétré jusqu'à 25 km à l'intérieur du Kurdistan d'Irak dans une zone frontalière avec la province de Hakkari. TORTURE, EXÉCUTIONS EXTRAJUDICIAIRES ET "DISPARITIONS" RESTENT MONNAIE COURANTE SELON LE RAPPORT ANNUEL D'AMNESTY INTERNATIONAL 96Le rapport annuel d'Amnesty International 96 vient d'être rendu public. L'organisation humanitaire, basée à Londres, prend acte de la poursuite de l'état d'urgence dans les 10 provinces du Sud-Est, à majorité kurde. AI dénonce le recours systématique à la torture dans les prisons et les postes de police et de gendarmerie, "notamment dans les grandes villes et dans le Sud-Est. Plus de 15 personnes seraient mortes, apparemment des suites de torture...Des enfants auraient également été torturés". Toujours selon le rapport, des centaines de personnes détenues au cours de l'année étaient des prisonniers d'opinion. Les prisonniers ont été maltraités par les policiers et les gendarmes. Au moins 35 personnes ont "disparu", alors qu'elles se trouvaient en détention dans les postes de police. AI cite l'exemple d'un kurde : "Mehmet Sirin Maltu a été arrêté en janvier par des membres des forces de sécurité qui étaient arrivés dans le village de Yonbölük, à proximité de Kozluk (province de Batman), dans un convoi comprenant un véhicule blindé, le lendemain de son arrestation, le paysan kurde a été ramené sous escorte policière dans son village, et sa maison a été fouillée à l'aide d'un détecteur de métaux. D'anciens détenus ont affirmé l'avoir aperçu par la suite dans les locaux de la gendarmerie de Batman, toutefois, la détention de Mehmet Sirin Maltu n'a pas été enregistrée par le procureur de la région. Sa famille ne l'a plus jamais revu". AI dénonce, par ailleurs, les attaques menées par les militants du PKK contre les protecteurs de village, miliciens kurdes financés et armés par Ankara. Au moins 60 homicides délibérés et arbitraires ont été imputés aux militants du PKK. Le gouvernement turc n'apprécie guère ce genre de témoignages et continue à refuser qu'un chercheur d'Amnesty International se rende sur place. En janvier de l'année dernière, un chercheur d'AI a été expulsé après avoir été maintenu au secret pendant deux jours. Quant à la réaction des autorités turques au rapport d'Amnesty, elle n'est pas surprenante, elle vient du ministère des Affaires étrangères: " Le rapport est erroné et partial, la Turquie est surprise et déçue de se voir la cible des accusations injustes d'Amnesty International". LA TURQUIE VIOLE LE DROIT DE RECOURS DEVANT LA COMMISSION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME DE SES CITOYENSDans un rapport détaillant les violations de la Turquie de ses engagements contractés vis à vis de la Commission européenne des droits de l'homme, l'organisation non gouvernementale américaine, Human Rights Watch/Helsinki (HRW), examine sur le non-respect par la Turquie de sa propre législation et celle de la Convention européenne des droits de l'homme, dont la Turquie est membre signataire depuis 1954. La Turquie s'est donc depuis cette date engagée à se conformer à l'article 25 de la susdite Convention qui stipule: "La Commission peut être saisie d'une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers, qui se prétend victime d'une violation des droits reconnus dans la présente Convention...Les Hautes parties contractantes ayant souscrit une telle déclaration s'engagent à n'entraver par aucune mesure l'exercice efficace de ce droit". Depuis 1991, au moins 778 citoyens de nationalité turque ont fait recours à la Commission, très souvent pour des violations liées à la guerre du Kurdistan. Toutefois, les citoyens qui ont porté plainte, surtout ceux qui habitent les régions kurdes sous état d'urgence, après avoir épuisé les moyens de recours internes, déclarent être la cible de persécutions, d'intimidations et de mauvais traitements da la part des autorités turques, pour avoir exercé leur droit de recours en vertu de l'article 25 de la Convention européenne. Les requêtes portent souvent sur la détention par les forces de sécurité, perquisition des maisons, menaces de mort téléphoniques anonymes et directes, des "conversations amicales" avec les officiers et la torture. Lors d'une rencontre entre les responsables de HRW et les membres Secrétariat de la Commission, ceux-ci ont déclaré que la plupart des violations de l'article 25 par la Turquie concernent une seule région en particulier: les requêtes émanant du Sud-Est du pays. Quant à la version turque de ces faits; dans une interview accordée par le représentant du gouvernement turc à la Commission au magazine Nokta, du 1-7 janvier 1995, il dit "Nous voulons faire partie de l'Europe. Nous reconnaissons le droit de recours individuels devant la Commission européenne des droits de l'homme. Nous reconnaissons l'autorité de la Cour européenne, à Strasbourg....On se voit comme des Européens...Pour nous, il n'y a pas de différence entre (l'autorité de) la Cour de Strasbourg et celle de la Cour de Kadikoy à Istanbul. Il n'est pas possible de dire je mange des hamburgers, je m'habille en jeans, je bois du Nescafé, mais je n'accepte pas tous les articles de la Convention européenne des droits de l'homme" Pour rendre effectif le droit de recours devant la Commission européenne des droits de l'homme par les citoyens de Turquie, le rapport de Human Rights Watch contient quelques recommandations allant dans ce sens à l'adresse des parties en question: la Turquie doit" enquêter sur les allégations de violations de l'article 25 et punir les responsables en conformité avec les normes internationales reconnues dans ce domaine; ne pas permettre aux représentants de l'État de nuire aux requérants de les interroger sur leur cas en l'absence de leur avocat...appliquer en due forme toutes les lois en vigueur de la Cour européenne des droits de l'homme" à la Commission "d'enquêter d'une façon plus active sur les violations de l'article 25 et de trouver un mécanisme pour aider les requérants persécutés" au Secrétaire général du Conseil de l'Europe: en vertu de l'article 57 de la Convention la Turquie doit fournir les explications requises" sur la manière dont son droit interne assure l'application effective de toutes les dispositions de cette convention"; à l'Union européenne, au Conseil de l'Europe et au gouvernement américain de "condamner les violations relatées dans ce rapport et de s'assurer que les recommandations sont menées à bien; de continuer à financer des stages pour les avocats de Turquie travaillant sur les requêtes à destination de la Commission". |