|
Liste
NO: 58 |
16/3/1997 RÉUNION AU PARLEMENT EUROPÉEN SUR LE SORT DE LEYLA ZANA ET DE SES COLLÈGUES PARLEMENTAIRESA l'initiative des 5 groupes du Parlement européen, une réunion spéciale consacrée au sort de Leyla Zana et de ses collègues et à la situation des droits de l'homme en Turquie s'est tenue le 11 mars à Strasbourg où le Parlement européen tient sa session mensuelle. Au cours de cette réunion présidée par M. Peter Dankaert, ancien président du Parlement européen et vice-président du groupe socialiste, Mme. Mitterrand a été la première à prendre la parole. Après avoir retracé les grandes lignes de l'action menée depuis maintenant 3 ans pour la libération des députés kurdes, elle a appelé les parlementaires européens à être à l'écoute des populations qui souffrent, à ne pas relâcher leur vigilance démocratique et à prendre des mesures concrètes pour venir en aide aux démocrates kurdes et turcs et pour contribuer au règlement du problème kurde par des moyens pacifiques. "Votre Parlement devrait accorder ses actes à ses déclarations en créant un fonds pour la promotion de la démocratie et des droits de l'homme en Turquie destiné à soutenir les ONG locales ainsi que les organisations pacifiques et culturelles de la diaspora kurde" a-t-elle déclaré avant d'inviter les euro-députés à créer une task force pour la recherche d'une solution pacifique au problème kurde. Au nom du Groupe socialiste, sa présidente, Mme. Pauline Green a déclaré que si son Groupe avait été divisé sur l'entrée de la Turquie à l'Union douanière, il est unanime que pour adhérer pleinement à l'Union européenne la Turquie doit satisfaire 4 conditions: démocratisation complète de son système politique et de sa législation; respect des droits de l'homme; règlement du problème kurde, règlement du problème chypriote. "Malheureusement, aucun progrès n'a été enregistré en 1996 sur ces quatre points; il y a même eu une nette régression" a ajouté Mme. Green qui a indiqué que son groupe avait créé un comité de surveillance de la situation en Turquie et que ce comité effectuait régulièrement des missions dans ce pays. La détérioration de la situation des droits de l'homme a également été évoquée par Mme. Catherine Lalumière, présidente de l'Alliance radicale qui ayant, à titre personnel, voté pour l'Union douanière dans l'espoir que cela contribuerait à la démocratisation du système turc a été déçue par l'évolution de ce pays en 1996. Le président du Groupe libéral, M. Gij de Vries, tout en soulignant la place importante de la Turquie pour l'Europe qui avait justifié le vote de son groupe en faveur de l'Union douanière, s'est dit "très déçu" par les promesses maintes fois données par le gouvernement turc et jamais réalisées. Mme. Claudia Roth, présidente du Groupe des Verts, et M. Alonso Puerta, président du Groupe de la Gauche unie européenne, qui avaient voté contre l'entrée de la Turquie dans l'Union douanière, ont rappelé qu'ils avaient à l'époque mis en garde leurs collègues contre le manque de sérieux des promesses turques en matière de démocratisation et sur l'ampleur et la gravité des violations des droits de l'homme, mais que les intérêts commerciaux avaient prévalu sur les principes. "Je sors de la réunion de la Commission mixte Turquie-PE où j'ai demandé l'autorisation d'aller rendre visite à Leyla Zana. Avant 1996, on nous laissait toujours aller en prison, depuis que l'Union douanière a été votée on nous répond toujours non. Voilà où nous en sommes avec les dirigeants turcs" a conclu Mme. Claudia Roth, vice-présidente de notre Comité, qui a appelé ses collègues à réfléchir sur des mesures concrètes pour obtenir la libération de Leyla Zana et de tous les prisonniers d'opinion. Les intervenants kurdes, Mehdi Zana, Ahmet Turk, ex-député de Mardin et vice-président du HADEP, et Me. Yusuf Alatas, avocat de Leyla Zana, ont apporté leur témoignage sur la situation en Turquie. Rappelant que Leyla Zana et ses collègues sont en prison depuis plus 3 ans et faisant le point sur la longue procédure de la Cour européenne des droits de l'homme, Me. Alatas a affirmé que "la justice, si elle est rendue tardivement, n'est plus justice". Il a ensuite donné lecture d'un appel à la paix de L. Zana, appel très applaudi par l'audience. Les euro-députés de divers groupes ont conclu à la nécessite de poursuivre leurs efforts pour obtenir la libération de la lauréate du Prix Sakharov et de tous les prisonniers d'opinion en Turquie. Le 13 mars, le Parlement européen a adopté une nouvelle résolution "déplorant que Leyla Zana, Prix Sakharov du Parlement européen 1995, soit maintenue en prison pour avoir prôné la démocratie et la reconnaissance des droits du peuple kurde par des moyens pacifiques, exige la libération immédiate de Mme. Leyla Zana, demande la libération de tous les autres prisonniers politiques et d'opinion en Turquie". Dans son intervention devant le Parlement européen, Mme. Aline Pailler, au nom du groupe GUE, a déclaré: "J'ai le souvenir, après notre rencontre dans la prison d'Ankara, et lors de son procès, d'une femme d'une force et d'une détermination incroyables. Son combat est aussi le nôtre: celui du respect de la démocratie et des droits de l'homme". La campagne pour la libération de Leyla Zana se développe également en Allemagne où le journal Die Tageszeitung du 7 mars 1997 a publié un appel signé par 4 745 femmes. "LA TURQUIE NE FERA JAMAIS PARTIE DE L'EUROPE"Cette déclaration vient de l'ancien Premier ministre belge et actuel président de l'influent Parti populaire européen (PPE) au Parlement européen, M. Wilfried Martens, qui avait réuni son groupe à Bruxelles le 4 mars dernier. A la différence des groupes de gauche au sein du Parlement européen qui, pour des raisons portant sur les droits de l'homme et la démocratie en Turquie, sont peu enthousiastes pour une entrée prochaine de la Turquie à l'Union européenne, c'est la première fois que les partis de droite réunis au sein du PPE déclarent à l'unanimité en termes on ne peut plus clairs que "la Turquie n'est pas candidate pour devenir un membre de l'Union européenne ni à court ni à long terme" et ce pour des raisons de "différence de civilisation". A cette réunion participaient également le Chancelier allemand Helmut Kohl, le Premier ministre espagnol Jose Maria Aznar, le Premier ministre belge Dehaene, le Premier ministre italien Romano Prodi et le président conservateur du Parlement européen, Robles. MM. Prodi et Kohl ont eux aussi approuvé les idées de M. Martens, sans pour autant exclure un étroit partenariat entre l'Europe et Ankara. Certains analystes estiment que les parlementaires européens centristes ont été particulièrement agacés par l'attitude du gouvernement turc menaçante ces derniers mois de bloquer, en usant de son droit de veto, l'élargissement de l'OTAN si l'on ne mettait pas à l'ordre du jour du sommet européen de Madrid l'adhésion prochaine de la Turquie dans l'Union européenne. Quant au leader de l'opposition portugaise, Marcelo Reblo de Sousa, qui lui aussi est membre du PPE, il a déclaré que "le PPE a refusé de céder face aux menaces turques" et qu'"une idée a prévalu lors de cette réunion: l'engagement de ne pas céder au chantage, quel qu'il soit" et d'ajouter "les droits de l'homme sont loin d'être respectés en Turquie. C'est insensé d'accepter un pays qui ne les respecte pas". Pour résumer l'idée régnante dans les institutions européennes, gouvernements et parlements compris, le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, a déclaré à la presse que "tout le monde est hésitant lorsqu'il s'agit de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne". Pour Hans van Mierlo, président en exercice du Conseil des ministres des Affaires étrangères, "la Turquie est loin de répondre aux normes de l'Union européenne". En fait, selon les commentaires de presse publiés après la réunion de ces grands partis démocrates-chrétiens, c'est le chancelier Kohl en personne qui serait le plus fermement opposé à l'adhésion de la Turquie. Celui qu'il y a encore peu passait pour l'avocat le plus influent de l'intégration de la Turquie au sein de l'Union européenne semble très déçu par les promesses de démocratie maintes fois répétées par les dirigeants turcs (Demirel, Çiller, Yilmaz) et jamais tenues. Il serait également excédé par les pressions américaines et par le chantage turc à l'élargissement de l'OTAN. "Ce pays, avec son système et ses moeurs politiques n'a pas sa place dans l'Union européenne" aurait-il déclaré au cours de la réunion de Bruxelles. Selon le Hurriyet du 6 mars, son principal conseiller, M. Bitterlich, dans un message communiqué au gouvernement turc, affirme notamment: "Nous disons tout clairement, il n'est pas possible que vous figuriez sur la photo de famille de l'Union européenne. Le chancelier Kohl considère la Turquie comme un pays asiatique abritant des tendances fondamentalistes". Du coup, le chancelier Kohl est devenu la bête noire de la classe politique et des média turcs. L'ami Kohl est devenu "un intégriste chrétien ennemi des Turcs" si l'on en croit la presse populaire turque. L'ancien vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères Murat Karayalçin, cité par le Milliyet du 13 mars, n'y va pas avec le dos de la cuiller: "Avant, c'était la Grèce qui était le fusilleur de l'Europe contre la Turquie, maintenant le tueur c'est Helmut Kohl". Conviant le 7 mars les ambassadeurs des pays de l'Union européenne à Ankara à un déjeuner, Mme. Çiller leur a déclaré que "le chancelier Kohl empêche notre entrée dans l'Union". Voilà donc le chancelier allemand rejoindre à son tour le camp bien fourni des "ennemis des Turcs" qui comptent des personnalités comme Mme. Mitterrand, Nelson Mandela, Lord Avebury, Sénateur Kennedy et plusieurs présidents de groupes parlementaires du Parlement européen qui, pour avoir critiqué la politique du gouvernement turc, sont désignés à la vindicte populaire par les média gouvernementaux turcs. Commentant la prise de position des partis démocrates-chrétiens européens, le porte-parole du Département d'État Nicholas Burns, n'a pas caché "la déception et le pessimisme" de son gouvernement. "Nous allons poursuivre nos efforts pour l'intégration de la Turquie à l'Union européenne. Mais la tâche est très difficile car aucun dirigeant européen (ayant participé à la réunion de Bruxelles) n'est disposé à prendre la défense de la Turquie" a-t-il déclaré, le 11 mars à Washington. Quant aux autres groupes du Parlement européen, les conditions qu'ils posent à une éventuelle adhésion (voire supra) sont telles que celle-ci paraît peu probable dans un avenir prévisible. Le Conseil des ministres des Affaires étrangères réuni les 15 et 16 mars à Apecldoorn, aux Pays-Bas, a voulu rassurer Ankara que "la porte de l'Europe n'est pas fermée à la Turquie" mais s'est abstenu d'avancer la moindre promesse concrète. "LA VIOLENCE NE PEUT ÊTRE UNE SOLUTION À LA QUESTION KURDE"La Fondation allemande Konrad Adenauer a organisé une réunion à Ankara, le 3 mars dernier, portant sur la situation politique en Turquie et les possibilités de trouver une solution pacifique à la question kurde. La Fondation Adenauer a convié à cette réunion de nombreux parlementaires allemands et turcs. Les organisateurs ont mis l'accent sur la question kurde lors de cette réunion car selon eux "cette question touche à la fois la Turquie et l'Allemagne. Étant donné qu'il y a pas moins de 400 000 Kurdes sur une communauté turque vivant en Allemagne estimée à plus de 2 millions de personnes". La plupart des parlementaires allemands présents à cette réunion ont marqué leur préférence pour " une solution fédérale à la question kurde". S'exprimant au nom du groupe chrétien démocrate allemand (CDU), le parlementaire Karl Lamers a déclaré que le problème kurde "est le problème numéro un en Turquie et il intéresse de près l'Allemagne" et que "c'est une épine dans le pied de la politique turque à l'intérieur comme dans ses relations extérieures" avant d'ajouter: "la Turquie ne trouvera jamais une solution à ce problème en misant pour l'option militaire actuelle qui conduit uniquement à sa complication et au gaspillage d'énormes sommes d'argent, équivalent à 3% du PNB en Turquie". Un autre parlementaire allemand, Heriberd Blenz, en commentant le récent bras de fer engagé entre le gouvernement et l'armée, a déclaré que " dans une démocratie, les militaires n'ont pas à commander à une représentation élue mais doivent être soumis à celle-ci". LE CORRESPONDANT DE NEW YORK TIMES ARRÊTÉ EN TURQUIELe correspondant du quotidien américain New York Times basé à Istanbul, Stephan Kinzer, a déclaré, le mardi 4 décembre, qu'il a été arrêté et interrogé pendant 19 heures par les forces de sécurité turques. Le journaliste américain qui s'était rendu dans la province kurde de Batman dans l'exercice de ses fonctions, a été arrêté avec son interprète par les forces de sécurité dans la localité de Kozluk qui l'ont accusé d'"espionnage pour le compte du PKK"! et qui l'ont empêché de contacter l'ambassade américaine. Après 19 heures d'interrogation, bien entendu, rien n'a été prouvé. "Ils m'ont fait signer des papiers en turc, en bas desquels j'ai écrit "signé sous contrainte" a déclaré le journaliste. Le gouverneur militaire de la région a déclaré à la suite de cette arrestation que "personne n'a été prévenu de son arrivée dans la région" qui est soumise à un black-out par les autorités turques. UNE CAMPAGNE POUR LA LIBERTÉ D'EXPRESSION LANCÉE PAR L'ASSOCIATION TURQUE DES DROITS DE L'HOMME (IHD)La branche stambouliote de l'IHD a lancé tout au long de la semaine dernière une campagne d'affichage et de sensibilisation de l'opinion publique turque sur le sort de 140 prisonniers d'opinion. Ces derniers sont des intellectuels, écrivains, musiciens ou journalistes qui, en raison des idées exprimées dans leurs livres, chansons ou déclarations, ont été condamnés par les Cours de Sûretés de l'État turques. Cette semaine de sensibilisation a été inaugurée par un groupe d'écrivains de différents pays et nationalités qui sont venus à Istanbul pour soutenir leurs collègues turcs et kurdes et pour apposer leurs signatures au livre "La liberté d'expression" déjà co-édité par plus de mille écrivains locaux. Par ailleurs, le journaliste turc Ertugrul Kurkcu a été condamné, vendredi 14 mars à Istanbul, à dix mois de prison avec sursis pour avoir "diffamé et insulté les forces de l'ordre" en traduisant le rapport de Human Rights Watch sur la répression dans les provinces kurdes en Turquie. La Cour a également ordonné la saisie du rapport et condamné l'éditeur turc, Mme. Ayse Zarakoglu, à une amende symbolique de 12 dollars. Le rapport affirme que les armes de l'OTAN, notamment celles fournies par les États-Unis, jouent un rôle-clé dans des violations des règles de guerre par les forces de sécurité turques dans la guerre du Kurdistan. Dans le cadre de cette semaine d'information et de sensibilisation, l'IHD a rendu public, le 11 mars, son bilan mensuel des violations des droits de l'homme en Turquie du mois de février. Au cours de ce mois 22 journalistes ont été gardés-à-vue, 4 ont été victimes de la torture et des violences physiques, 3 livres et 10 journaux et magazines ont été saisis, 3 radios locales interdites, 45 citoyens ont été écroués pour délit politique, 5 sont portés disparus. DEUX ENFANTS KURDES ABATTUS PAR LES SOLDATSDeux enfants âgés de 12 et 13 ans de la famille Adsiz ont été abattus dans le village Arica, dans la province d'Urfa. Selon Hüseyin Adsiz, oncle des deux jeunes victimes, cité par les quotidiens Hurriyet et Ozgur Politika du 8 mars: "Les deux enfants jouaient sur le pont du village lorsque, vers 19h30 une patrouille miliraire suivie de 3 chars ont avancé en leur direction. Prenant peur, ils se sont mis à courir vers le village. Les militaires ont tiré sur eux alors qu'il était impossible qu'ils ne sachent pas que c'étaient des enfants. En entendant les tirs, tous les habitants du village ont accouru vers le lieu du drame mais les militaires nous ont empêchés de nous en approcher jusqu'à 22h30. Ils ont menacé de nous passer tous par les armes. Une fois que le porcureur est venu et a constaté la mort des deux enfants atteints d'une dizaine de balles nous avons pu aller les voir. C'étaient trop tard. Nous allons porter plainte, mais sans illusion". ERBAKAN TEMPORISE FACE AUX PRESSIONS DE L'ARMÉESommé d'appliquer rapidement les décisons adoptées lors du dernier Conseil de Sécurité nationale (CSN), dominé par les militaires, le Premier ministre turc a finalement choisi de temporiser. Après avoir, pendant 5 jours, refusé de signer le procès-verbal de la réunion du CSN et à la suite des visites répétées et menaçantes du général Karadayi, chef d'état-major des armées, au président Demirel, M. Erbakan a réuni le 13 mars, avec une semaine de retard, son Conseil des ministres. Au cours de ce Conseil il a notamment déclaré: "la Constitution nous oblige à examiner en priorité les mesures décidées par le Conseil de Sécurité nationale. Les mesures peuvent, pour la plupart, être réalisées en appliquant les lois existantes. Il faudrait élaborer un calendrier pour leur mise en oeuvre à court, moyen et long terme. Une commission formée de 4 ministres va examiner cette question". Le vice-Premier ministre Tansu Çiller est également intervenu au cours de ce Conseil pour dire que "l'armée est la prunelle de nos yeux", que "le Conseil de Sécurité nationale est une institution constitutionnelle où les décisions sont prises ensemble par des militaires et des civils, sans discrimination". "Les décisions présentées aujourd'hui ont été adpotées à l'unanimité et nous les exécuterons telles quelles" a-t-elle conclu. Après ces déclarations préliminaires de M. Erbakan et de Mme. Çiller, les ministres ont bien compris que les décisions du CSN ne sauraient souffrir de discussion; le Conseil des ministres les a donc adoptées sans débat. Cependant, la crise est loin d'être finie. Nombre d'observateurs estiment que tout en conservant les formes pour éviter un choc frontal avec l'armée, M. Erbakan tergiversera aussi longtemps qu'il le pourra pour ne pas se déconsidérer aux yeux de son électorat et rejeter sur le DYP de Mme. Çiller la rupture, probable, de la coalition gouvernementale dans les mois à venir. De son côté en se posant en "défenseur de la laïcité", l'armée turque cherche à redorer son blason auprès des pays occidentaux où son image a été sérieusement ternie par l'ampleur des violations des droits de l'homme et des destructions commises par ses forces dans le Kurdistan. Elle a tenu à rappeler une nouvelle fois le 8 mars, par un communiqué de son chef d'état-major, qu'elle est "la garantie de la Constitution" et qu'elle est "extraordinairement sensible à la protection des dispositions fondamentales de la Constitution". Son chef, le général Karadayi, a fait savoir qu'il avait refusé plusieurs demandes de rendez-vous du Premier ministre Erbakan! LES TURCS ENFIN ÉGAUX DEVANT LA LOI: ILS POURRONT TOUS ÊTRE MIS SUR TABLE D'ÉCOUTEC'est ce qu'a révèlé, le 13 mars, Osman Ak, le directeur technique du Service des renseignements de la Direction générale de la Sûreté, à une Commission parlementaire instituée à la suite de la plainte de l'ancien Premier ministre M. Yilmaz. Ce dernier s'était plaint que tous ses téléphones avaient été mis sur table d'écoute et demandé une enquête parlementaire sur les écoutes téléphoniques. Déposant devant la Commission parlementaire d'enquête, M. Ak a révélé que son service avait investi la coquette somme de 120 millions de dollars dans l'acquisition de 30 systèmes d'écoute téléphonique américains très sophistiqués de façon à équiper tous les 30 centraux téléphoniques du pays. Chaque système peut écouter un million de téléphones. "La vente de ces systèmes est très réglementée. Il ne suffit pas avoir de l'argent pour les acquérir. Nous avons convaincu les Américains qu'ils seraient utilisés pour surveiller les relations de la terreur avec le trafic international de stupéfiants" a indiqué le directeur technique de la Sûreté qui a ajouté que son service employait 4000 fonctionnaires dans 80 provinces de Turquie et que 2000 de ces agents avaient été formés à l'étranger. De son côté Osman M.Ayvali, directeur technique de Turkish Telekom, a déclaré que depuis la décision de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara (voir notre bulletin N° 42) autorisant des écoutes non nominales ni motivées dans l'ensemble du pays, son entreprise se trouvait hors circuit. "La Sûreté peut, sans nous demander notre avis, brancher son système d'écoute sur un central et écouter, si elle le veut, le million de téléphones connectés à ce central. Nous n'y sommes pour rien et nous n'y pourrions rien" a ajouté M. Ayvali qui a souligné que "cette technologie très avancée permet aussi d'écouter les téléphones portables gérés par des opérateurs privés". |