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Liste
NO: 65 |
9/6/1997 LA COUR DE SÛRETÉ DE L'ÉTAT D'ANKARA CONDAMNE 31 DIRIGEANTS DU PARTI PRO-KURDE HADEP À DES PEINES DE PRISONArrêtés à la suite du 2ème congrès de leur parti, tenu le 23 juin 1996, le président du parti pro-kurde HADEP, Murat Bozlak, ainsi que douze autres dirigeants de ce parti avaient été remis en liberté provisoire le 14 avril dernier. Ce dénouement intervenait quelques jours après les aveux d'un provocateur de police, Murat Ipek, qui lors de ce congrès avait, sur les instructions de ses chefs, décroché le drapeau turc et accroché le drapeau du PKK. Mais la Cour de sûreté d'État d'Ankara a fait une autre lecture de ces événements et a condamné à 6 ans Murat Bozlak président du HADEP et Hikmet Fidan, président de séance lors de l'incident; 29 autres dirigeants, sur les 47 prévenus, ont écopé, le mercredi 4 juin, des peines de prison de 4 ans et 6 mois tandis que 14 autres ont été acquittés et le procès d'un autre membre se poursuivait devant une autre Cour. Un prévenu, Faysal Akçan, accusé d'avoir décroché le drapeau turc a été condamné à 22, 5 ans de prison! "Un lien étroit entre HADEP et le parti terroriste illégal le PKK a été découvert" a déclaré à la Cour le juge Orhan Karadeniz et demandé à la Cour de cassation d'engager la procédure d'interdiction du HADEP. L'avocat du HADEP, Me Yusuf Alatas, a pour sa part déclaré à la presse que "c'est un procès complètement politique" et que "la Cour n'a pas porté un regard juridique sur l'affaire". Condamner un jeune à 22,5 ans de prison parce qu'il aurait décroché un drapeau turc et 29 dirigeants d'un parti légal à de lourdes peines de prison alors qu'ils avaient fermement condamné cet acte, la justice turque a assurément perdu le sens de la mesure et la passion ultra-nationaliste qui l'égare inquiète les alliés occidentaux d'Ankara en peine d'expliquer de telles outrances. UN APPEL PRESSANT POUR LA PAIX ET LA DÉMOCRATIE EN TURQUIE LANCÉ PAR QUATRE FIGURES POLITIQUES SCANDINAVESPrenant acte de la crise aiguë que traverse la Turquie et la menace qu'elle représente pour la stabilité régionale et que plusieurs appels urgents allant dans le sens de la promotion des droits de l'homme adressés aux autorités turques par les organisations internationales et d'autres acteurs de la scène internationale, les 4 politiciens nordiques que sont M. Anker Joegensen, l'ancien Premier ministre du Danemark; M. Ulf Sundqvist, ancien ministre et dirigeant du parti social-démocrate finlandais; Madame Vigdis Finnbogardottir, ancien président d'Island et M. Ingvar Carlesson, ancien Premier ministre suédois, ont lancé un appel pressant pour la paix et la démocratie en Turquie. "La Turquie est membre du Conseil de l'Europe et de l'OTAN, deux organisations dont la promotion des droits de l'homme est une tâche importante dans les Etats-membres. Nous nous adressons aux gouvernements nordiques pour qu'ils demandent à la Commission des droits de l'homme de l'ONU de nommer un rapporteur spécial et que le dit rapporteur fasse un rapport, en allant sur place, sur les violations des droits de l'homme à l'encontre des Turcs et des Kurdes" soulignent-ils dans leur appel. Ils ajoutent que si la Turquie désire améliorer ses relations avec les autres États faisant partie des organisations internationales telles que le Conseil de l'Europe, l'Union européenne, l'OSCE..etc, le système juridique doit changer dans ce pays. Enfin, ils concluent leur appel en s'adressant aux gouvernements de leurs pays respectifs dans les termes suivants: "Nous exigeons des gouvernements nordiques de maintenir un dialogue critique avec la Turquie et de se rendre disponibles à offrir leur aide à la Turquie afin de renforcer la démocratie et les droits de l'homme, qui sont des valeurs qui constituent la pierre angulaire des pays auxquels la Turquie désire instamment s'associer". JOSÉ RAMOS-HORTA, LAURÉAT DU PRIX NOBEL DE LA PAIX 96, LANCE UN APPEL POUR LA LIBÉRATION DE MME. ZANALors d'une réception donnée par Washington Law Firm, le 28 mai, en l'honneur du dernier lauréat du Prix Nobel de la paix, Jose Ramos-Horta, du Timor oriental, celui-ci a lancé un appel en faveur de la libération de Mme. Leyla Zana, elle-même deux fois candidate favorite du même Prix. Décrivant l'oppression turque à l'égard de sa minorité kurde comme "moralement inacceptable et stratégiquement erronée", le lauréat du Prix Nobel a déclaré que "Leyla Zana mène un combat pour la sauvegarde d'une culture et d'une civilisation millénaires par des moyens pacifiques" et a demandé aux États-Unis de faire pression sur la Turquie pour exiger sa libération et de celle de tous les autres prisonniers politiques dans ce pays et que c'était "un minimum de ce que les États-Unis devaient faire". Dénonçant la Realpolitik appliquée par les grandes puissances, José Ramos-Horta a indiqué que le peuple kurde est "un peuple qui a pratiquement été trahi par toutes les grandes puissances du monde" avant d'ajouter que les ventes d'armes par celles-ci dans le contexte actuel à la Turquie "est extrêmement dangereux". Il a par ailleurs comparé la lutte du peuple kurde pour ses droits nationaux à celle du Timor Oriental en Indonésie et à celle des Tibétains en Chine. L'OPÉRATION MILITAIRE TURQUE SE POURSUIT AU KURDISTAN D'IRAK TANDIS QUE LES RÉACTIONS SE MULTIPLIENTL'opération militaire turque, lancée le 14 mai, entre dans sa troisième semaine et risque, comme l'a déclaré la semaine dernière un porte-parole de l'armée, de continuer jusqu'en août. Dès le début des ces opérations militaires, les autorités turques ont imposé un black-out total à la presse. Le dernier bilan déclaré, le 8 juin, par les militaires fait état de plus de 2200 victimes dans les rangs du PKK tandis que cette même organisation affirme, pour sa part, avoir tué 791 soldats et protecteurs de villages et fixe les pertes dans ses rangs à 112 morts. Le 4 juin un hélicoptère turc Cougar de fabrication française, le deuxième depuis le début des opérations, s'est écrasé sur le champ des opérations, dans la vallée de Zap, et tous les membres de l'équipage, huit officiers, deux sous-officiers et un soldat, ont trouvé la mort. Les sources militaires, affirmant d'abords que les deux hélicoptères s'étaient écrasés à cause d'une défaillance technique, ont déclaré, le vendredi 6 juin, qu'ils avaient été abattus par des missiles SA-7B de fabrication russe du PKK . Face à l'intervention militaire turque, les réactions se multiplient à l'étranger: le Secrétariat de la ligue arabe a, le 2 juin, "condamné d'une manière forte l'invasion militaire turque du territoire irakien et demandé à la Turquie de retirer ses forces immédiatement" tandis que la Russie se dit préoccupée par la poursuite de l'incursion turque et demande à son tour le retrait des troupes turques. Par ailleurs, s'exprimant lors d'une conférence de presse donnée dans la banlieue sud de Beyrouth, le 2 juin, un porte-parole du PKK, Halil Ates, a déclaré que son mouvement allait "frapper les intérêts israéliens et américains" et "les régions touristiques" en Turquie. "Cette campagne vise les peuples de la région en général et ne sert que l'intérêt de la Turquie, d'Israël et des États-Unis, liés par une alliance stratégique" a-t-il ajouté. A Ankara la reconnaissance par l'état-major des armées que le PKK possède de 60 à 70 missiles sol-air a provoqué un véritable choc psychologique. Le secrétaire général de l'état-major a nommément mis en cause l'Iran, la Syrie, l'Arménie et la Grèce d'avoir fourni au PKK ces missiles. Il a également montré du doigt le ministère turc des Affaires étrangères qui n'a pas su, malgré les appels de l'armée, convaincre ces États voisins de ne pas livrer au PKK de telles armes. Enfin, l'armée, pour détourner l'attention de ses revers et accentuer ses pressions sur le gouvernement, a déclaré par la voix de son numéro 2, le général Çevik Bir, que le ministre des finances n'avait pas donné suite à sa demande d'une rallonge budgétaire de 50 trillions de lires (plus de 2 milliards de francs français) pour financer son intervention dans le nord de l'Irak. Ces déclarations ont jeté de l'huile sur le feu du nationalisme turc. Des hommes politiques comme l'ancien président du Parlement, H. Cindoruk, et le chef de l'opposition conservatrice, M. Yilmaz, accusent le gouvernement de "trahison à la patrie". Les média, proches de l'armée, publient des éditoriaux enflammés appelant la nation turque à venir en aide à son armée dans le besoin. L'exaltation ultra-nationaliste donne la scène politique turque. SELON LE QUOTIDIEN HURRIYET, LE TRAFIC DE DROGUE RAPPORTE DÉSORMAIS 37,5 MILLIARDS DE DOLLARS À "LA MAFIA TURQUE"Dans un long article consacré à cette question dans son édition du 5 juin, le quotidien turc qui cite, entre autres, des informations de l'hebdomadaire italien Il Mondo et de la Drug Enforcement Agency (DEA) américaine, affirme que la mafia turque a réalisé en 1996 un chiffre d'affaires record de 42,8 milliards de dollars et des gains annuels de 38 milliards de dollars. 37,5 milliards de cette dernière somme proviennent du trafic de stupéfiants, 0,5 milliard d'autres affaires écrit le journal qui publie un palmarès mondial où la mafia turque se classe en deuxième position, derrière la mafia russe. Appelé "le croissant noir" la mafia turque gagne annuellement plus d'argent que les mafias italienne et colombienne réunies. Le journal indique que lors d'une réunion des polices narcotiques d'Europe, tenue en avril dernier, les participants étaient d'avis que toutes les familles de la mafia turque travaillaient avec le soutien de l'État turc. AU KURDISTAN DE TURQUIE UN HABITANT SUR TROIS VIT EN DESSOUS DU SEUIL DE LA PAUVRETÉA l'initiative du Fonds de développement des Nations-unies (PNUD) et la fondation turque des études sociales et économiques (TESEV), un sommet sur la pauvreté s'est tenue à Diyarbakir du 30 mai au 1er juin. Ont également pris part à cette réunion des dirigeants régionaux, des hommes d'affaires et des universitaires ainsi que 35 organisations de la société civile ont également été invitées. Le choix de la ville de Diyarbakir pour tenir cette réunion, unique dans son genre en Turquie, est symbolique pour mettre l'accent sur le rôle que devrait jouer les organisations de la société civile et ne plus laisser l'initiative aux seuls militaires, a notamment déclaré l'influent homme d'affaires Ishak Alaton. Il a, en outre, incité les politiciens du pays à trouver un cadre juridique pour ramener la paix dans la région et a encouragé les hommes d'affaires à y investir. Ces hommes d'affaires doivent, par ailleurs, bénéficier des réductions fiscales de la part de l'État pour une période de dix ans, a-t-il ajouté. Prenant la mesure de la gravité de la situation dans le Sud-Est kurde de la Turquie, le PNUD a décidé de mettre sur pied un programme de développement à long terme dans la région et de s'y faire représenter par un représentant permanent en la personne de Paul Von Haswick de Jonge, siégeant à Diyarbakir. Ce dernier a affirmé que 1,4% de la population turque vivant dans l'ouest de la Turquie vivent en dessous du seuil de la pauvreté tandis que ce chiffre s'élève à 30% dans les villes à majorité kurde. En se basant sur les données d'un rapport concernant le développement économique en Turquie, il a indiqué que les villes affichant les plus bas indices de développement sont situées dans l'Est et le Sud-Est du pays. |