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Liste
NO: 66 |
24/6/1997 ERBAKAN SE SOUMET AU DIKTAT DE L'ARMÉE TANDIS QUE MME. ÇILLER DÉNONCE "UN COUP D'ÉTAT"L'épreuve de force engagée entre l'armée et la coalition gouvernementale dirigée par le Premier ministre islamiste s'est provisoirement conclue par la démission de M. Erbakan, présentée le 18 juin. La menace de l'usage de force brandie ouvertement par les militaires qui ont ces dernières semaines suspendu toutes les permissions dans l'armée et convoqué au siège de l'état-major général tour à tour des journalistes, des universitaires, des juges et des procureurs pour des briefings sur le "péril islamiste" a finalement contraint le Refah à jeter l'éponge. Officiellement pour permettre à Mme. Çiller d'accéder au poste de Premier ministre pour atténuer la tension avec les généraux et organiser des élections législatives anticipées. Montrés du doigt par la presse pro-militaire pour "leur insolence envers l'armée", deux députés islamistes ont dû démissionner de leur parti pour ne pas donner des prétextes supplémentaires à des procureurs s'appliquant à faire interdire le Refah. Les sociétés commerciales qualifiées de "pro-islamistes" par l'armée qui appelle ses membres et ses partisans à les boycotter tout en se plaignant du caractère "divisif et partiel de cet appel" s'attendent à des mesures coercitives de la part des tribunaux dont les procureurs restent très proches de l'état-major militaire. C'est dans ce contexte très tendu que le président turc Suleyman Demirel a , le 20 juin, chargé le conservateur Mesut Yilmaz de former le nouveau cabinet. Mme. Çiller qui postulait depuis des semaines pour ce poste et qui affirme jouir du soutien d'une majorité de députés a immédiatement dénoncé "le coup d'État" de Çankaya (Palais présidentiel turc). Quelques jours plus tôt, elle avait appelé le Parlement à ne pas se soumettre à la pression des cartels de presse et diktat des organes non élus (allusion à l'armée). Ces gesticulations venaient de la part d'une personne qui n'a guère de crédibilité démocratique n'ont eu aucun effet. M. Yilmaz, chef du parti conservateur de la Mère-Patrie (ANAP) est un personnage sans charisme ni envergure. Il aura du mal à former une coalition avec une opposition disparate allant de l'ultra-nationaliste Bulent Ecevit au "social-démocrate" pro-militaire D. Baykal et au parti d'extrême-droite religieux de la Grande Union. Son espoir est de débaucher quelques députés du DYP de Mme. Çiller pour former une majorité lui permettant de tenir jusqu'à l'organisation des élections anticipées au printemps 1998. CNN DEMANDE QU'ON N'OUBLIE PAS LEYLA ZANADans ses émissions de soirée du jeudi 12 juin, la chaîne américaine CNN a diffusé une image de Leyla Zana avec cette question "Vous souvenez-vous d'elle?" Puis dans la réponse, le commentateur a rappelé que "cette première femme député kurde se trouve depuis plus de trois ans en prison à Ankara pur sa défense des droits de l'homme et des Kurdes. Elle est condamnée à 15 ans de prison". HATIP DICLE CONDAMNÉ À 4 MOIS DE PRISON SUPPLÉMENTAIRESL'ex-député du DEP déjà en prison et condamné à 15 ans, vient d'être condamné à 4 mois de prison par la Cour de sûreté de l'État d'Ankara, le lundi 16 juin. La Cour reproche à H. Dicle une lettre de solidarité adressé par celui-ci aux prisonniers politiques en grève de la faim dans la prison de Cankiri la qualifiant de "provocation à la haine raciale et à la violence". M. Dicle s'est défendu devant la Cour, par l'intermédiaire de son avocat, qu'il n'a fait qu'exercer son droit dans le cadre de la "liberté d'expression". Par ailleurs, la Cour de Sûreté de l'État de Diyarbakir a, le 20 juin, condamné à un an de prison Munir Ceylan, ancien président du syndicat des ouvriers du pétrole, Petrol-Is, pour un discours prononcé lors du 11ème congrès de la section de Batman de son syndicat pour "incitation à la haine raciale et à la violence". Le directeur de la publication du Journal de Batman, qui a publié le texte de ce discours a été condamné à 2 ans de prison ferme et à une amende de 600 000 LT. INTERDICTION DE LA BRANCHE D'IZMIR DE L'ASSOCIATION TURQUE DES DROITS DE L'HOMMEAprès l'interdiction de la branche de Diyarbakir, le 14 mai, et celle de Malatya, le 4 juin, suivie par celle d'Urfa, la préfecture d'Izmir a décidé, le 18 juin, d'interdire la branche locale de l'association turque des droits de l'homme (IHD) dans cette ville, créée il y a dix ans, pour possession de "publications illégales". Lors de la descente de la police sans autorisation de perquisition, dans les locaux de l'association, les policiers ont saisi l'ouvrage "Panorama des droits de l'homme en Turquie" publié par la branche d'Ankara d'IHD sous prétexte que cet ouvrage est interdit. Le lendemain, des policiers de la section de sûreté de la préfecture d'Izmir ont notifié la décision de fermeture à l'association et l'ont mise sous scellé. Izmir, situé sur la côte égéenne, est par le nombre des habitants la troisième métropole turque après Istanbul et Ankara. Près d'un million de Kurdes déplacés s'y sont installés ces dernières années. SELON LE RAPPORT D'AMNESTY INTERNATIONAL 97, LA TORTURE RESTE SYSTÉMATIQUE EN TURQUIELe rapport détaille en 4 pages les principales violations des droits de l'homme perpétrées au cours de l'année écoulée en Turquie. Selon cette organisation humanitaire, des centaines de personnes ont été arrêtées; pour délit d'opinion. La plupart ont été rapidement libérées, mais d'autres ont été condamnées à des peines d'emprisonnement. Comme les années précédentes, le recours à la torture était systématique: au moins 25 personnes sont mortes en détention. Vingt-trois personnes ont "disparu" après avoir été arrêtées par les forces de sécurité. De très nombreuses personnes ont été tuées dans le Sud-Est kurde, dans des circonstances laissant à penser qu'elles avaient été exécutées de manière extrajudiciaire par des membres des forces de sécurité. Quatorze prisonniers ont été condamnés à mort au cours de l'année. On peut, par ailleurs, lire dans le rapport que "Comme les années précédentes, l'article 8 de la loi antiterroriste, qui réprime "la propagande séparatiste", a été utilisé pour poursuivre et emprisonner des personnes qui avaient exprimé leurs opinions sans recourir à la violence". " Les articles 168, 169 et 312 du Code pénal ont été utilisés pour poursuivre des écrivains, des journalistes et des militants politiques qui critiquaient la politique gouvernementale dans le Sud-Est. Des défenseurs des droits de l'homme ont été jugés sur la base d'accusations, manifestement mensongères, d'appartenance ou de soutien à des groupes armés" relève encore le rapport. BILAN DES DOITS DE L'HOMME EN MAISelon le bilan mensuel établi par l'Association des droits de l'homme (IHD), rendu public le 18 juin, en mai 11 civils ont été tués par des escadrons de la mort, 6 autres sont morts sous la torture ou à la suite d'exécutions extrajudiciaires, 1559 citoyens ont été gardés à vue et 387 d'entre eux ont été écroués au cours de mois; 23 livres ont été saisis, 11 associations, syndicats et publications ont été interdits. Selon ce bilan, le nombre de prisonniers d'opinion actuellement détenus dans les prisons turques est 150. En mai, pour la première fois depuis des années aucun village kurde n'a été évacué relève le rapport. Car tous les villages dont l'évacuation avait été programmée par l'armée ont été soit déjà évacués, soit les villageois, sous la pression des militaires, ont accepté de faire partie des milices pro-gouvernementales afin de sauver leurs maisons. Ironisant sur les "briefings" donnés par les militaires la semaine dernière aux juges, procureurs et journalistes pour endiguer, selon les généraux, "le danger fondamentaliste", le président de l'IHD, Akin Birdal, s'est demandé pourquoi ils ne donnaient pas un "briefing" sur les droits de l'homme. Il a, par ailleurs, ajouter que ces "briefings" étaient illégaux et antidémocratiques et qu'en cas d'élections législatives anticipées, la loi électorale doit être amendée pour baisser le barrage de 10% au niveau national, requis pour pouvoir avoir des sièges au Parlement, afin que la population kurde puisse envoyer ses propres représentants au Parlement. La refonte des registres électoraux est également indispensable en raison des déplacements massifs de population ces dernières années. L'ALLEMAGNE ANNULE UN CRÉDIT DE 400 MILLIONS DE MARKS PRÉVU POUR LA TURQUIEL'organisme public allemand de garantie de crédits à l'exportation, HERMES, a annoncé le 17 juin qu'il avait annulé un crédit de 400 millions de DM à long terme et à bas taux prévu dans son budget 1997 pour soutenir les exportations vers la Turquie. Cette annulation est motivée par " les risques élevés et l'incertitude que présente ce pays". La décision prise au cours de la réunion du 21 mais du conseil d'administration de HERMES a été communiquée avec trois semaines de retard afin de laisser aux autorités turques le temps de prendre leurs dispositions. Ankara a qualifié cette décision de "choquante" et craint qu'elle n'incite d'autres institutions financières à adopter une position similaire. L'OECD AVERTIT ANKARA AU SUJET DU BLANCHIMENT DE L'ARGENT NOIR"La Turquie est le seul État membre de l'OECD à ne pas appliquer les mesures décidées par cet organisme pour empêcher le blanchiment de l'argent noir et les organisations criminelles comme la mafia" vient de rappeler avec amertume M. Fernando Carpentieri, président de Financial Action Task Force de cet organisme regroupant 26 États. "Cette situation ne peut durer encore longtemps et nous accordons aux autorités turques jusqu'au mois de septembre pour promulguer la législation nécessaire afin de se conformer aux normes de l'OECD pour lutter le blanchiment de l'argent noir, sinon ce pays pourrait faire face à la réaction potentiellement destructive de la communauté bancaire mondiale" a averti ce responsable à l'issue d'une réunion tenue le 17 juin à Rome, qui a ajouté: "Si des pas accélérés ne sont pas faits dans ce sens nous pourrions donner des consignes aux banques des pays membres de prêter une attention spéciale à toutes les relations d'affaires et à tous les transferts avec la Turquie" Plusieurs organismes internationaux avaient déjà qualifié ce pays de "paradis de l'argent noir". Les banques turques et près de 80 banques implantées dans le petit territoire de Chypre du Nord sous occupation turque sont réputées pour leur efficacité dans le blanchiment de sommes gigantesques d'argent noir des mafias turque et russe. A la suite de pressions internationales, la Turquie avait fait voter, le 19 novembre 1996, une loi réprimant le blanchiment de l'argent noir. Mais cette loi n'est toujours pas entrée en vigueur et ses décrets d'application attendent toujours. La chaîne de télévision allemande ARD a consacré son émission "Kontraste" du 19 juin cette Turkish connection désormais de notoriété internationale. Les journalistes ont rappelé les informations déjà connues et étayées par des sources judiciaires sur la participation de l'État turc au trafic international de trafic de stupéfiants. "Tous les deux ou trois mois la police turque fait état de saisies de 800kg ou une tonne d'héroïne. Mais cette drogue n'est jamais détruite. Elle est commercialisée par l'État turc pour financer ses opérations contre le PKK" a affirmé le journaliste qui a désigné la Direction Générale de la Sûreté turque comme "le siège de la mafia de drogue". "Le chiffre d'affaires de l'héroïne d'origine turque pour le seul marché allemand est estimé à un milliard de marks par an comble d'ironie notre gouvernement accorde aussi chaque année une somme de 5 millions de marks à la police turque pour combattre ce trafic de drogue", a commenté le présentateur de l'émission. Selon ce dernier, les autorités allemandes sont parfaitement au courant de l'implication du gouvernement turc dans ce trafic mais "pour des raisons diplomatiques Bonn préfère se taire". Un ancien responsable des services secrets allemands (BND), M. Erich Schmidt Eenbohm a confirmé ce pont de vue: "En vérité, le BND informe parfaitement le gouvernement au sujet de l'implication du gouvernement et des services secrets turcs dans l'organisation des gangs et des trafiquants d'héroïne. Mais à cause du caractère sensible pour sa politique étrangère le gouvernement allemand évite de dire directement cela à Ankara". L'émission s'est terminée avec une image de Tansu Çiller scrutant avec des jumelles l'héroïne accompagnée de ce mot de la fin du présentateur: "L'argent même s'il est sale ne pue pas. C'est pourquoi lorsque Madame Tansu Çiller apparaît tantôt comme Premier ministre, tantôt comme ministre des Affaires étrangères, Bonn ne sent pas son odeur. Et quand l'odeur dégagée pue vraiment fort, comme l'OTAN a besoin de la Turquie, le ministre des Affaires étrangères Klaus Kinkel se bouche le nez". |