11/7/1997
SEPT MORTS À LA SUITE DES MUTINERIES DANS DEUX PRISONS TURQUES Protestant contre les mauvaises conditions de détention et les mauvais traitements, des prisonniers ont déclenché une mutinerie, le lundi 7 juillet 1997, dans la prison de Metris, prison de haute sécurité située dans la partie européenne d'Istanbul. Ancienne prison militaire et construite à l'origine pour accueillir 720 prisonniers, 1274 personnes, pour la plupart des Kurdes et des militants de gauche, sont aujourd'hui entassées dans des cellules surchargées. Après avoir demandé depuis des mois l'amélioration de leurs conditions et devant le refus de l'administration, les prisonniers ont, dans la nuit du 8 au 9 juillet, mis le feu dans leurs matelas en signe de protestation. La police est intervenue avec une extrême brutalité . Bilan: 5 morts et 5 blessés parmi les prisonniers. Pour sa défense, l'administration pénitentiaire affirme qu'elle a demandé l'intervention des équipes spéciales de la police afin d'arrêter les auteurs de l'exécution d'un prisonnier achevé la veille à coups de broche dans une cellule. La deuxième mutinerie est survenue dans la ville d'Alasehir, à l'ouest de la Turquie, et elle s'est soldée par la mort de deux prisonniers. S'exprimant au nom de la plus importante centrale syndicale de Turquie, M. Ridvan Budak a déclaré que "ceux qui sont responsables de cette brutalité pour mater la mutinerie doivent être traduits en justice". Quant au porte-parole de l'Union des gardians de prison, Ali Yazici, il a déclaré que "cela montre à quel point le système est pourri...Ce n'est pas la première fois qu'un tel événement se produit et ce ne sera pas la dernière".
UN CARICATURISTE TURC CONDAMNÉ À UN AN DE PRISON Le caricaturiste turc, Ertan Aydin, qui avait déjà passé 8 mois de prison en 1994 et en 1995 pour ses caricatures illustrant la torture pratiquée par la police, vient d'être condamné à un an de prison. La Cour de Sûreté de l'État vient de le condamner à un de prison pour "insulte à l'armée" à la suite d'une caricature publiée dans le journal de gauche Emek illustrant les liens de l'armée avec les crimes organisés. L'intéressé a déclaré: "je n'ai fait qu'exprimer la réaction de la population à ces sales relations". Plus de 100 journalistes sont actuellement emprisonnés dans les geôles turques.
Par ailleurs, on vient d'apprendre que le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), basé à New York, va envoyer une mission d'urgence à Ankara, conduite par son vice-président Terry Anderson, pour rencontrer le président et Premier ministres turcs pour leur demander de "faire tous leurs efforts pour mettre fin à la criminalisation du reportage indépendant". La délégation va remettre sur place "le Prix international pour la liberté de la presse" au journaliste emprisonné Ocak Isik, le 16 juillet.
LA POLICE TURQUE A MIS SUR ÉCOUTE L'ARMÉE L'ancien ministre turc de l'Intérieur, Meral Aksener, du parti de Mme. Çiller, a admis, mardi 8 juillet, que la police espionnait l'armée afin de détecter les préparatifs d'un coup d'État contre la précédente coalition gouvernementale dirigée par le parti islamiste Refah. "Le service des renseignements de la police a accompli son devoir en respectant la loi et la démocratie" a déclaré l'ancien ministre de l'Intérieur et d'ajouter que "cela n'était pas quelque chose d'illégal". Cette mise au point intervient après que les médias turcs, proches de l'armée, ont révélé que des écoutes téléphoniques ont été pratiquées sur les lignes de l'état-major et des documents ont été volés par la police pour espionner l'armée. Une enquête a été lancée par le nouveau gouvernement, soutenu par l'armée, sur cette affaire. Signalons qu'au cours des "briefings" donnés par les militaires le mois dernier, alors que le gouvernement était encore dirigé l'islamiste Erbakan, ils ont publiquement déclaré que "l'usage de la force n'est pas à exclure" si le tandem Erbakan-Çiller ne se soumettait pas à leurs exigences. Pour l'instant la réaction de l'armée s'est limitée à un communiqué déclarant que cette affaire montre "un niveau de méfiance entre les organes de l'État jamais atteint dans l'histoire de la République" et que "la surveillance de la police d'une autre institution de l'État est illégale". Deux hauts responsables de la police ont été mutés. L'un d'eux est Hanefi Avci, qui avait récemment révélé devant une commission parlementaire l'existence d'"une organisation extrajudiciaire chargée de combattre le terrorisme par ses propres méthodes". Selon M. Avci, cette organisation agissait sous les ordres du Conseil de sécurité nationale (MGK) a des ramifications dans l'armée, la police, les services de renseignements (MIT) et la gendarmerie (JITEM) et elle coopère activement avec des éléments de la mafia, y compris dans le trafic de drogue. Il avait cité les noms de plusieurs de ses responsables civils et militaires. Les membres de la Commission parlementaire avaient salué "le courage d'un chef de la police qui révèle enfin une partie de la vérité". L'armée vient d'avoir la tête de ce policier et entend le faire traduire devant un tribunal militaire. Le parquet militaire a également ouvert une information contre Mme. Çiller accusée d'être une agent de la CIA et de détournements de fonds publics.
Par ailleurs, l'état-major des armées a réuni le 9 juillet les responsables des six agences gouvernementales chargées du recensement afin de "coordonner leur activités" et d'établir un code de bonne conduite.
LA PROLONGATION DE 4 MOIS DE L'ÉTAT D'URGENCE DANS LES PROVINCES KURDES a été votée le 9 juillet par le Parlement turc "conformément aux recommandations du Conseil de sécurité nationale". Seuls certains députés du CHP (parti républicain du peuple) et du Refah ont voté contre cette mesure. La plupart des provinces kurdes se trouvent depuis 1979 sous le régime d'état d'urgence. Depuis la création de la République turque en 1924, le Kurdistan turc aura ainsi été placé pendant 58 ans sous des régimes d'exception, d'état de siège, de loi martiale ou d'état d'urgence!
LA GUERRE DU KURDISTAN TURC A FAIT, EN DIX ANS, 29125 MORTS affirme le préfet régional turc, Necati Bilcan, dans une conférence de presse donnée le 9 juillet à Diyarbakir. Selon ce dirigeant turc, il y aurait eu 20680 morts dans les rangs du PKK dont 25930 autres membres auraient été "neutralisés", c'est-à-dire emprisonnés ou retournés. Les pertes des forces de sécurité turques pendant cette même période s'élèveraient à 4204 morts et 9125 blessés. 4245 civils auraient également été tués et 5047 blessés au cours de ce conflit. Pour des raisons que M. Bilcan n'a pas évoquées, cette statistique turque n'inclut pas la période initiale celle allant d'août 1984 à juillet 1987.
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