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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 67

4/7/1997

  1. FORMATION D'UNE COALITION FRAGILE
  2. L'ARMÉE TURQUE SE RETIRE DU KURDISTAN IRAKIEN
  3. REPORTERS SANS FRONTIÈRES PUBLIE SON RAPPORT SUR "LES ILLUSIONS PERDUES" DE LA PRESSE TURQUE
  4. HUMAN RIGHTS WATCH DÉNONCE L'INTERDICTION L'ASSOCIATION DES DROITS DE HOMME DANS PLUSIEURS VILLES DE TURQUIE
  5. QUELQUES CHIFFRES SUR LE GOULAG TURC
  6. "L'ACCESSION DE LA TURQUIE À L'UNION EUROPÉENNE EST IMPOSSIBLE" DÉCLARE KLAUS KINKEL
  7. COOPÉRATION MILITAIRE RENFORCÉE ENTRE LA FRANCE ET LA TURQUIE


FORMATION D'UNE COALITION FRAGILE


Le nouveau cabinet turc formé par Mesut Yilmaz et approuvé, le 30 juin, par le président Demirel comporte 38 membres, dont 7 transfuges du Parti de la Juste voie (DYP) de Mme. Çiller. Grâce à des transferts de députés réalisés au cours des deux dernières semaines il dispose, sur le papier, d'une majorité de 3 voix et pourrait obtenir le 12 juillet prochain l'investiture du Parlement. Cependant, cette majorité théorique est des plus fragiles. Les trois partis formant la coalition, l'ANAP (parti de la Mère-patrie, 132 sièges) de M. Yilmaz, le DTP (parti de la Turquie démocratique, 12 sièges) de H. Cindoruk et le DSP (parti de la Gauche démocratique, 67 siège) de B. Ecevit, ne dispose ensemble que de 248 sièges sur 550. Outre les 49 voix du Parti républicain du peuple (CHP) de Deniz Baykal qui a promis de soutenir le gouvernement "jusqu'aux élections anticipées", celui-ci doit s'assurer les voix de 17 députés indépendants et celles des 2 députés du Parti de l'Action nationaliste (MHP), extrême droite. S'il parvenait à passer l'épreuve du vote d'investiture, il aura du mal à maintenir cette coalition hétéroclite formée à coup de promesses de portefeuilles ministériels et de millions de dollars. L'ex-Premier ministre Erbakan et Mme. Çiller dénoncent publiquement "le gouvernement des militaires et des salles des jeux (Kumarhane)", affirmant qu'il a été formé à la demande de l'armée et grâce à des millions de dollars provenant des salles de jeux pour financer le débauchage et les transferts des députés. Le Refah qui dispose de nombreux sympathisants au sein de l'ANAP de M. Yilmaz se dit prêt à débaucher à son tour quelques députés de ce parti.

Autre fragilité de la coalition: le soutien conditionnel du CHP. Celui-ci ne soutiendra "le gouvernement laïc que le temps d'organiser dans de bonnes conditions de nouvelles élections anticipées". Son chef, M. Baykal, accorde un délai de 6 mois, ce qui fait dès maintenant grincer les dents de son rival, l'ultra-nationaliste Bulent Ecevit, "le conquérant de Chypre", qui l'âge de 72 ans devient vice-premier ministre.

Le protocole signé entre les partenaires de la coalition prévoit la mise en oeuvre rapide des mesures demandées depuis fin février par l'armée. L'organisation d'un recensement de la population, la mise à jour des registres électoraux, la limitation du champ de l'immunité parlementaire et "la lutte contre la corruption". Le problème kurde n'est même pas mentionné dans ce protocole qui, en revanche, souligne "la nécessité de poursuivre avec détermination la lutte contre le terrorisme".

L'ARMÉE TURQUE SE RETIRE DU KURDISTAN IRAKIEN


Le corps expédtionnaire turc opérant depuis le 14 mai a retiré l'essentiel de ses forces, ne laissant sur place que quelques détachements spécialisés dans la lutte contre guérilla a annoncé, le 26 juin, le colonel turc Süleyman Canpolat. Selon ce porte-parole militaire, cette opération aurait permis "la destrucion de toutes les bases du PKK dans la région" et "la mise hors combat de 3350 terroristes, dont 2811 tués". Les pertes turques s'éleveraient à 113 morts, celles du PDK irakien à 49 morts. D'importantes quantités d'armes et de munitions auraient été saisies. De son côté le PKK, qui a abattu deux hélicoptères turcs, clame victoire et affirme qu'il a contraint l'armée turque à se retirer . Sa presse publie chaque jour des pleines pages de messages de félicitation pour "la victoire historique remportée sur les forces d'invasion turques". Pour sa part, le parti démocratique du Kurdistan irakien qui contrôle cette région frontalière avec la Turquie et l'Iran, affirme qu'"il n'y a plus de présence militaire du PKK en territoire kurde irakien à l'exception des actions ponctuelles des militants du PKK s'infiltrant à partir de l'Iran contre les districts de Haj Umran et Choman". La presse turque évoque ces opérations en pages intérieures en se contentant de publier les communiqués victorieux de l'armée. La presse étrangère n'a pu se rendre sur place en raison du Black-out appliqué par l'armée turque; la vérité entre ces trois versions contradictoires semble difficile à établir.

REPORTERS SANS FRONTIÈRES PUBLIE SON RAPPORT SUR "LES ILLUSIONS PERDUES" DE LA PRESSE TURQUE


L'organisation non-gouvernementale, basée à Paris, Reporters sans frontières (RSF) qui suit depuis de nombreuses années l'état de la liberté d'expression et celle de la presse en Turquie vient de faire paraître un rapport de 16 pages intitulé "Turquie: illusions perdues". RSF avait accordé le bénéfice de doute aux autorités turques lorsque celles-ci, en 1995, en plein débat sur l'Union douanière avec l'UE, avaient procédé à la "modification" de l'article 8 de la loi antiterroriste. C'est sous le coup de cette loi que de nombreux journalistes et reporters de Turquie ont été condamnés pour "propagande séparatiste" et croupissent dans les geôles turques. La loi antiterroriste est "complétée" par un nombre impressionnant de textes législatifs qui limitent la liberté de la presse. Pour ne donner que deux exemples du Code pénal turc, parmi les plus cités par les tribunaux turcs, les articles 312 (notamment son alinéa 2 punissant "l'incitation à la haine raciale") et 159 (insultes envers l'identité turque, la République, le Parlement, le gouvernement, les ministères, les forces de sécurité et la justice). Deux années se sont écoulées depuis la ratification de l'Union douanière et "le bilan de l'année 1996, et celui des quarte premiers mois de 1997, en matière de liberté de la presse en Turquie a été tout aussi désastreux que celui des années précédentes" et "l'arsenal législatif portant atteinte à la liberté de la presse n'a guère été allégé" précise le rapport dans son introduction. La guerre du Kurdistan constitue toujours un sujet tabou. Un blocus de l'information continue de s'exercer dans les provinces kurdes où tant l'armée que le PKK empêchent les journalistes de faire leur travail dans de bonnes conditions, relève le rapport. Dans ce contexte de "violence généralisée les forces de l'ordre se distinguent par leur agressivité à l'égard de la presse" ajoute, par ailleurs, RSF dans son rapport. Le conflit armé dans le Kurdistan dont la population civile en est la principale victime se déroule sans témoins; lesquels déclarés "indésirables". Les forces de l'ordre en poste dans les provinces kurdes témoignent trop souvent de la plus grande méfiance, pour ne pas parler d'une franche hostilité, à l'égard des journalistes étrangers qui souhaitent effectuer des reportages dans la région. Une bonne partie de la zone est d'ailleurs déclarée interdite.

HUMAN RIGHTS WATCH DÉNONCE L'INTERDICTION L'ASSOCIATION DES DROITS DE HOMME DANS PLUSIEURS VILLES DE TURQUIE


Au moment où le nouveau cabinet turc entre en fonctions, l'organisation de défense des droits de l'homme américain Human Rights Watch (HRW), a adressé une lettre de protestation, le 28 juin, au Premier ministre sortant N. Erbakan. Après l'interdiction des sections Diyarbakir, Izmir, Malatya, les autorités turques viennent d'interdire la branche locale de Konya de l'Association turque des droits de l'homme (IHD). Le gouverneur de cette ville d'Anatolie centrale a pris cette mesure d'interdiction à la suite d'un tract publié par Fédération des associations des étudiants turcs, affiliée à l'IHD locale, qui protestait dans son tract l'incursion des troupes turques dans le Kurdistan irakien. Le directeur exécutif de HRW, Holly Cartner, déclare que "la fermeture des bureaux de l'IHD contrevient aux règles internationalement reconnues permettant d'exprimer librement des critiques à l'égard de la politique gouvernementale tant en ce qui concerne les droits de l'homme que la population kurde de Turquie". HRW a dénoncé dans la même lettre l'arrestation, le 7 juin dernier, de 49 personnes parmi les gens qui manifestaient pacifiquement devant l'ambassade américaine protestant contre le soutien de Washington aux opérations militaires turques dans le Kurdistan irakien.

QUELQUES CHIFFRES SUR LE GOULAG TURC


La Fédération internationale des Commissions de Helsinki, un consortium d'ONG de défense de droits de l'homme ayant des sections à travers le monde, a dressé, dans un rapport rendu public le 19. 06. 97, un tableau en quelques chiffres sur le monde pénitentiaire turc. A la fin de 1995 il y avait 49 705 prisonniers en Turquie dont 8751 prisonniers politiques. Seulement 124 des 650 prisons turques disposent d'une infirmerie et d'un façon générale d'un médecin par prison. Les prisons sont toutefois dépourvues de service d'urgence et d'un service médical à plein temps dans un monde pénitentiaire, ou on assiste à des grèves de la faim à répétition (en 1996 douze prisonniers politiques ont décédé à la suite d'une grève de la faim). Selon les chiffres donnés par le ministère de la justice en 1995, le gouvernement dépense 22500 livres par prisonnier et par jour, ce qui représente en Turquie le prix d'un pain! Lors des transferts des prisonniers vers les hôpitaux, les tribunaux ou vers d'autres prisons, les prisonniers sont enchaînés. Les restrictions des visites des familles et des avocats des prisonniers sont fréquentes. Dans ce rapport on également relever quelques chiffres concernant la destruction et l'évacuation par l'armée des villages dans les provinces kurdes. Le rapport cite le Super-gouverneur de la région soumise aux lois d'urgence, Necati Bilican, celui-ci dans un briefing donné, le 26. 05. 1996, a déclaré que "706 villages ont complètement été évacués (détruits, corrige le rapport); 212 partiellement détruits; 1592 hameaux ont complètement été évacués et 175 partiellement". Un total de 2685 villages et hameaux ont complètement ou partiellement été évacués et détruits, selon ces chiffres officiels.

"L'ACCESSION DE LA TURQUIE À L'UNION EUROPÉENNE EST IMPOSSIBLE" DÉCLARE KLAUS KINKEL


Prenant la parole devant une assemblée réunissant des parlementaires allemands, anglais et américains, tenue à Berlin le samedi 28 juin, le ministre allemand des Affaires étrangères Klaus Kinkel n'a pas caché son irritation face aux pressions exercées par les États-Unis sur les Européens pour accepter l'adhésion de la Turquie dans l'Union européenne. En prenant ses distances par rapport à Washington, le ministre allemand a déclaré qu' "il est impossible pour nous de nous souscrire dans la vision américaine qui met en avant la place stratégique de la Turquie, et d'accepter cela comme critère pour faire entrer la Turquie dans l'UE". Tout en mettant l'accent sur le fait que la Turquie était un "allié indispensable que nous ne pouvons nous permettre de perdre", il a rappelé avec la même force qu'il y a des problèmes à résoudre dans ce pays et qu'"ils savent eux-mêmes que ces problèmes doivent trouver une solution". Au premier plan de ces problèmes figurent "la question des droits de l'homme, la question kurde et l'assainissement de l'économie" a martelé le ministre allemand.

COOPÉRATION MILITAIRE RENFORCÉE ENTRE LA FRANCE ET LA TURQUIE


La Turquie vise de plus en plus à se rendre sinon "autonome" en matière d'industrie d'armement du moins à fabriquer chez elle ce dont elle a besoin avec l'aide des compagnies américaines et européennes. C'est dans ce cadre que le vice-chef d'état-major des armées turques, le général Cevik Bir, a invité le président de la Direction générale de l'industrie militaire française, Jean-Yves Helmer, le lundi 30 juin. Le général turc a indiqué que des projets sont à l'étude pour la modernisation des forces armées turques pour les 15 à 20 années prochaines. Français et Trucs se sont mis d'accord sur les projets concernant les hélicoptères et les chars et d'autres projets pourraient encore aboutir. Le premier conseiller du Premier ministre, Sedat Celikdogan, a déclaré que " les chars français Leclerc seront produits en Turquie" que c'était le fruit d'un voyage effectué la semaine dernière en France d'une délégation militaire turque. Notons qu'une importante part du marché de l'industrie lourde en Turquie est également contrôlée par les militaires que des projets portant sur la vente de satellites de communication par la compagnie française Alsthom à des sociétés proches des militaires ont également été conclus.