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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 82

23/12/1997

  1. WASHINGTON REFUSE DE VENDRE DES HELICOPTERES A L'ARMEE TURQUE
  2. ULTIMATUM TURC A L'UNION EUROPEENNE:
  3. CONDAMNATION PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME DE LA TURQUIE
  4. LA TURQUIE COMPTE 62 MILLIONS D'HABITANTS SELON LE RECENSEMENT DU 30 NOVEMBRE 1997
  5. LA TURQUIE N'EST PAS UN ETAT DE DROIT SELON LE PRESIDENT DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE
  6. UNE SOIREE DE SOLIDARITE AVEC LEYLA ZANA A DUSSELDORF


WASHINGTON REFUSE DE VENDRE DES HELICOPTERES A L'ARMEE TURQUE


La visite effectuée du 17 au 21 décembre par le Premier ministre turc aux Etats-unis n'a pas permis à Ankara de faire lever " l'embargo de fait " que Washington applique aux ventes d'armes susceptibles d'être utilisées contre les populations civiles kurdes.Malgré les déclarations habituelles sur " le rôle vital de la Turquie pour l'OTAN" et sur "l'alliance stratégique turco-américaine" les dirigeants américains ont invoqué " l'hostilité du Congrès qui est très sensible à la situation des droits de l'homme en Turquie" pour maintenir l'interdiction faite aux compagnies américaines de vendre des hélicoptères de combat à l'armée turque.Ce marché à court terme de $ 3,5 milliards et à terme de $ 5 milliards va être disputé entre Français, Italiens et Russes.

Au cours de sa visite, M.Yilmaz a présenté au Président Clinton un document écrit sur les réformes qu'il envisage de réaliser " pour améliorer la situation des droits de l'homme". "Nous attendons des actes concrets" lui ont répondu les Américains.Les questions de Chypre et du contentieux avec la Grèce ont été abordées, sans progrès.Seul résultat tangible de la visite: la signature d'un accord commercial sur la vente à Turkish Airlines de 49 Boeing pour un montant de $ 2 milliards.Par ce contrat, la Turquie a voulu montrer qu'elle punissait Airbus." Après le rejet européen nous avions besoin de poser notre tête sur une épaule amie pour nous épancher et nous consoler; la visite de M.Yilmaz a satisfait ce besoin de consolation" écrit le journaliste de Sabah, M.Ali Birand pour résumer les résultats de cette visite.

Les récriminations de M.Yilmaz à partir de Washington contre "Helmut Kohl qui veut faire de l'Europe un club chrétien" et contre son ministre des Affaires étrangères Klaus Kinkel " qui du début à la fin ne dit que des conneries" n'ont fait qu'envenimer le climat déjà passablement tendu des relations germano-turques.Un porte-parole allemand a invité les dirigeants turcs à s'abstenir de ce genre de " propos légers qui peuvent avoir des effets dévastateurs sur les relations de la Turquie avec l'Europe"; le Premier ministre turc avait également mis en doute " les prétendus amis européens de notre pays qui n'ont pas su nous défendre au Luxembourg". Allusion claire à la France, à l'Italie et à la Grande Bretagne à qui Mesut Yilmaz désormais refuse de faire confiance. Dans ce contexte la visite qu'effectuera du 8 au 10 janvier à Ankara le ministre français Hubert Vedrine ne se présente pas sous les meilleurs auspices.



ULTIMATUM TURC A L'UNION EUROPEENNE:


Le Premier ministre turc Mesut Yilmaz a, le 17 décembre, lancé un véritable ultimatum à l'Union européenne: Si d'ici juin 1998 un nouveau sommet européen ne se réunit pas pour modifier sa décision concernant la Turquie nous retirerons définitivement notre demande d'adhésion. M. Yilmaz affirme que la Turquie refusera de siéger à la Conférence européenne tant qu'elle ne sera pas considérée comme une candidate officielle au même titre que les 11 autres candidats agrées lors du récent sommet du Luxembourg.

Cet ultimatum intervient après la menace turque d'intégration accélérée de Chypre du Nord occupée depuis 1974 par l'armée turque et vise à renforcer la décision d'Ankara d'embargo commercial contre les pays de l'Union européenne et de refus de dialogue politique avec celle-ci. Cette politique radicale est critiquée à l'intérieur même du pays pour son aventurisme et son irresponsabilité. Le vice-premier ministre, M. Ecevit a indiqué que cette question n'avait pas été discutée par le cabinet tandis que le président Demirel a laissé son entourage exprimer son déplaisir. L'éditorialiste en chef de Hürriyet Oktay Eksi, président du Conseil de la presse, invite, dans le numéro du 18 décembre de ce quotidien, les hommes politiques turcs à réfléchir aux conséquences de leurs déclarations. Qu'allons-nous faire si l'UE n'obtempère pas à notre injonction demande-t-il? Renoncer à devenir un jour membre de l'UE? Revenir sur l'accord d'association de 1963 et sur l'Union douanière? Quelle autre alternative avons-nous? Ranimer la coopération économique des pays de la Mer Noire? Intensifier nos relations avec les Etats-Unis? Mener une politique dans les Balkans et dans les républiques turques d'Asie? Y sommes-nous prêts? En avons-nous les moyens? S'il n'est pas prêt à faire des pas aussi graves et vitaux, Mesut Yilmaz ne devrait pas tenir des propos qu'il pourrait regretter le lendemain. C'est la nation qui aura à payer la facture.

Dans le quotidien Sabah du même jour, l'éditorialiste Cengiz Çandar dénonce également l'emballement irresponsable des dirigeants turcs qui sacrifient à la politique bon marché de surenchères nationalistes et les invite à examiner sérieusement ce qui ne va pas en Turquie, les raisons pour lesquelles l'Europe le tient à distance.

Cette question a également été débattu au Parlement européen pendant plus de deux heures le 17 décembre. Certains eurodéputés comme Mme. Roth et Mme. Lalumière ont dénoncé l'hypocrisie des Européens qui ont hier voté en faveur de l'Union douanière et qui refusent maintenant de considérer la Turquie comme une candidate. L'usage à géométrie variable des arguments des droits de l'homme leur parait regrettable. Le président du Parti populaire européen, l'ancien Premier ministre belge M. Martens a, de son côté, dénoncé la politique de chantage du gouvernement turc et invité l'Union à ne pas céder à ce chantage. En reponse à ces interventions M. Poos, ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et président en exercice du Conseil des MAF de l'UE a demandé aux eurodéputés critiques de ne pas se faire les avocats d'un État violant massivement les droits de l'homme.

La politique de chantage d'Ankara a ses limites car la Turquie ne dispose pas de moyens économiques et politiques de cette politique. On l'a vu lors du sommet de l'OTAN du 16 décembre sur l'élargissement de cette organisation à 3 pays d'Europe centrale, Pologne, Hongrie et République tchèque. Contrairement à ses menaces de veto, la Turquie, à quelques jours d'une visite jugée cruciale de son Premier ministre à Washington, ne s'est pas risquée à faire obstacle à cet élargissement voulu et décidé par les Américains.



CONDAMNATION PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME DE LA TURQUIE


La Turquie a une nouvelle fois été condamnée par les juridictions européennes. En 1993, dans le hameau de Çekirdek, district de Kulp, les maisons et le bétail de la famille Isiyok, soupçonnée de soutien au PKK, avaient été abattus par l'armée turque. La famille a saisi la Commission européenne des droits de l'homme, à la suite de l'opération menée par les forces turques dans la région, causant la mort de cinq villageois, morts sous les décombres de leurs maisons détruites par les bombardements. La Turquie a été condamnée, jeudi 18 décembre, dans le cadre d'un accord à l'amiable, à verser la somme de 268 000 francs aux requérants.



LA TURQUIE COMPTE 62 MILLIONS D'HABITANTS SELON LE RECENSEMENT DU 30 NOVEMBRE 1997


Selon le dernier recensement la Turquie compte 62 606 157 habitants. En 1990 elle comptait 56 473 035 habitants. Les chiffres montrent une nette diminution de la population rurale; 65,07% de la population vit désormais dans les villes contre 34,93% pour la campagne. En 1990, la population urbaine atteignait 59,21% et la population rurale 40,79%. 15 départements ont plus d'un million d'habitants-Istanbul en tête de la liste avec 9 198 000 habitants, suivi d'Ankara avec 3 684 000 h , Izmir 3 174 000 h, Bursa 1 978 000 h. Toutes ces villes compent désormais de fortes communautés kurdes. Au Kurdistan, où les conditions de recensement ont été vivement critiquées par plusieurs maires, les départements suivants ont plus d'un million d'habitants: Diyarbakir (1 318 276 h) , Sanliurfa (1 252 149 h) et Gaziantep (1 136 364 h) La population totale des 23 provinces kurdes et des districts kurdes des provinces de Hatay, Maras et Sivas s'élève à 13 346 000 h, soit 21% de la population de la Turquie.

La Turquie compte 25 000 000 d'enfants (de 0 à 18 ans); un quart de la population infantile n'a aucune couverture sociale, 540 000 sont orphelins, 22 000 sont à la rue et 1 400 sont en prison. En réalité, 8 000 000 d'enfants vivent dans la pauvreté, 21% ne savent pas lire et écrire et 29% des petites filles ne sont pas autorisées à aller à l'école. De plus, 3 200 000 d'entre eux ont été contraints à l'émigration vers l'ouest en raison de la guerre du Kurdistan. Le recensement turc n'a pas pris en compte ni la langue maternelle des gens ni la profession des femmes.



LA TURQUIE N'EST PAS UN ETAT DE DROIT SELON LE PRESIDENT DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE


Interrogé sur les problèmes d'application des jugements rendus executifs, Yekta Güngör Özden, président de la Cour Constitutionnelle turque, a déclaré dimanche 21 décembre, que notre pays n'est pas totalement un Etat de droit et la Justice n'est pas tout à fait indépendante. La réaction du haut conseil d'éthique des magistrats est vivement attendue, puisqu'il avait été à l'origine de la procédure engagée à l'encontre du procureur Mete Göktürk, qui avait déclaré lui aussi que la Justice n'est pas indépendante en Turquie .



UNE SOIREE DE SOLIDARITE AVEC LEYLA ZANA A DUSSELDORF


Un meeting de solidarité avec Leyla Zana a été organisé à Dusseldorf, le vendredi 19 décembre à l'initiative de Fraueninitiative " Freiheit für Leyla Zana" et du ZAKK (Centre d'action culturelle et de communication à Dusseldorf).Mme. Danielle Mitterrand, présidente du CILDEKT, Mme.Ilse Ridder-Melchers, ministre responsable de la question des femmes du gouvernement régional de Rhénanie-Westphalie, étaient présentes à cette soirée au cours de laquelle des textes de Leyla Zana ont été lus.Des participants et des journalistes ont longuement interrogé Mme.Mitterrand pour son action en faveur des Kurdes et pour la libération de Leyla Zana.