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Liste
NO: 84 |
21/1/1998 LE PARLEMENT EUROPÉEN DEMANDE À L'UNION EUROPÉENNE DE PRENDRE UNE INITIATIVE INTERNATIONALE POUR LA RECHERCHE D'UNE SOLUTION POLITIQUE AU PROBLÈME KURDELe Parlement européen réuni en session plénière à Strasbourg a adopté le 15 janvier une importante résolution sur le problème kurde. Dans cette résolution "considérant que l'afflux des réfugiés n'est pas simplement un problème d'ordre public mais bien une question politique et morale qu'il faut affronter avec humanité". Le Parlement européen "invite les Etats membres, le Conseil et la Commission à redoubler d'efforts pour définir une politique étrangère commune de l'Union face aux défis posés par la répression exercée contre le peuple kurde et les flux migratoires qui en découlent, en uvrant notamment à promouvoir l'État de droit et la démocratie dans les pays concernés; réaffirme que le règlement des problèmes posés par l'exode kurde passera nécessairement par une solution politique des conflits en Turquie et dans le nord de l'Irak, et renouvelle dès lors son appel en faveur d'une cessation des opérations militaires turques dans le nord de l'Irak; demande à l'Union de prendre une initiative internationale axée sur la recherche d'une solution politique au problème kurde; demande au Conseil et aux États membres de prendre l'initiative politique d'évoquer, d'ici la fin de l'année, la question de la violation des droits des Kurdes devant la Commission des droits de l'homme des Nations unies; charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, et aux gouvernements de Turquie, d'Irak, de Syrie et d'Iran". La résolution du Parlement constitue une étape importante dans la voie de l'internationalisation de la question kurde, qui hypothèque depuis des années la paix et la stabilité dans plusieurs États du Proche-Orient. L'afflux des réfugiés kurdes fuyant les persécutions, la présence de près d'un million de migrants kurdes dans les pays de l'Union européenne obligent celle-ci à rompre son silence et à engager enfin une réflexion sur la solution de cette question. APRÈS L'INTERDICTION DU PARTI ISLAMISTE DE LA PROSPERITÉ, LA TURQUIE RETROUVE SON MULTIPARTISME MONOCOLORELa Cour constitutionnelle turque a, dans un arrêt daté du vendredi 16 janvier, interdit le parti islamiste de la Prospérité (Refah-RP), formation la plus importante du parlement, forte de 160 sièges. Necmettin Erbakan ainsi que quatre autres dirigeants du parti sont condamnés à cinq ans d'inéligibilité et sont écartés de la scène politique, pour "avoir violé les principes séculaires de la Constitution turque". Ce parti ayant plus de 4 millions de membres et soutenu par 6 millions d'électeurs est ainsi exclu de la scène politique sur la base des déclarations considérées comme anti-laïques d'une demi-douzaine de ses dirigeants! Parmi les crimes anti-laïcs reprochés au Refah le refus du maire de Kayseri, ville turque d'un million d'habitant d'Anatolie centrale, d'assister aux cérémonies officielles obligatoires marquant l'anniversaire de la mort d'Atatürk, le 10 novembre 1938. Les militaires qui au nom du "respect des principes éternels d'Atatürk" ont depuis 1960, fait trois coups d'Etat pour punir et écarter de la vie politique du pays les hommes politiques et les partis qui à leurs yeux déviaient de "la voie d'Atatürk" n'ont plus besoin de coup d'Etat pour obtenir les mêmes résultats. La constitution qu'ils ont imposée au pays en 1982, les institutions politiques (Conseil de sécurité nationale, MGK) et judiciaires (Cours de Sûreté de l'Etat) mises en place dans le cadre de cette Constitution, des juges et procureurs placés dans les postes clé de l'appareil judiciaire leur permettant de museler les partis et hommes indésirables quand ils veulent, sans sortir les chars de leurs casernes, par une sorte de coups d'Etat permanent habillé de juridisme. Après l'interdiction des partis pro-kurdes (HEP, DEP, DPP) et l'embastillement des députés kurdes, voici que le premier parti politique turc du pays est interdit. Dans un pays où les pluralismes culturel et linguistique sont bannis au nom de la défense de "l'unité de la Nation" le multipartisme se réduit au multiples nuances d'ataturkisme; ataturkisme de droite (ANAP, DYP), de centre gauche (CHP), d'extrème droite (MHP) ou ultra-nationaliste (DSP). Après l'interdiction de leur parti les dirigeants du Refah ont appelé leurs partisans au calme. "Un nouveau parti, une nouvelle formation avec un nouveau leader, sera formé dans le cadre des lois en vigueur" a déclaré Lütfü Esengün, ancien membre du cabinet islamiste. Vural Savas, le procureur qui a pousuivi l'affaire, a quant à lui souligné que tout nouveau parti qui agira dans la continuation dudit parti interdit, aura le même sort. Au sein de la classe politique de nombreuses voix s'élèvent contre cette décision au nom de la démocratie, du multipartisme, des droits de l'homme. Certains médias n'oublient cependant pas de rappeler les réactions rencontrées lors de la dissolution du Parti de la Démocratie (DEP), le 16 juin 1994 et soulignent que ces mêmes pricipes ont été écartés avec la complaisance de toute la classe politique. Pis encore, Mme Tansu Çiller, défenseur de la cause du parti islamiste aujourd'hui, avait soutenu activement la dissolution du parti travailliste du peuple (HEP), intervenue le 14 juillet 1993. A la tête du gouvernement, elle avait écarté la thèse de la démocratie, en criant haut et fort dans des meetings "Nous avons jeté le PKK hors du Parlement". Le Président et le Premier ministre turc ont, pour la forme, "regretté" l'interdiction du Refah tout en soulignant que "la Justice est indépendante en Turquie" et que "nul n'est au-dessus des lois". Les réactions internationales ont également été mesurées. Un porte-parole du Département d'Etat américain a "regretté cette interdiction qui réduit le pluralisme politique de la démocratie turque" tout en affirmant "sa confiance dans l'avenir de cette démocratie". Washington ne juge pas nécessaire d'ajourner les visites prévues des responsables américains en Turquie où le Sécrétaire d'Etat au commerce est attendu cette semaine. L'Union européenne a "déploré" l'interdiction de Refah tandis que Paris se dit "soucieux du pluralisme en Turquie", plusieurs pays arabes ont dénoncé "la persécution des musulmans en Turquie". Pour la Syrie, "la Turquie suit la voie de l'Algérie". En Israël, le président de la Knesset, Dan Tikhon a d'abord déclaré que cette décision le faisait "douter de la démocratie turque". "Il y avait deux démocraties au Moyen-Orient et maintenant il n'y en a plus qu'une Israël" a-t-il ajouté devant une délégation d'attachés militaires en poste à Tel-Aviv. Cette déclaration ayant été amplifiée par les média turcs, M. Tikhon qui doit, début février, se rendre en visite officielle en Turquie s'est excusé le 19 janvier en affirmant qu'il n'avait "aucune intention d'offenser la Turquie". "ESBER TU N'AS SERVI À RIEN!"Ahmet Sever, journaliste au quotidien Milliyet, rappelle les propos de son collègue Nazim Alpman, qui avait écrit dans ses colonnes après le rejet de la candidature de la Turquie au sommet de Luxembourg "Esber, tu n'as servi à rien, retourne en prison ". Effectivement l'arrestation et l'emrisonnement du militants des droits de l'homme avait soulevé un tollé général en Europe et le gouvernement turc s'était dépeché de "trouver une formule" pour le cas de M. Yagmurdereli. Mais cet effort provisoire n'a pas trompé les Européens qui ont rejeté la candidature turque et aujourd'hui par une autre formule un nouvel ordre d'arrestation a été lancé contre cet avocat. "Esber semble se trouver dans une situation difficile. Les relations avec l'Europe sont au pireEt de toute façon sa libération ne les influence pas beaucoup. Bref, tant que les lois ne seront pas revues, il sera difficile maintenant de faire sortir de prison Yagmurdereli" conclut Ahmet Sever. UNE DÉLÉGATION AMÉRICAINE DES DROITS DE L'HOMME RENCONTRE LEYLA ZANA EN PRISONDes membres de la délégation des droits de l'homme américaine en visite en Turquie ont rencontré, lundi 19 janvier, Leyla Zana à la prison où elle purge une peine de 15 ans de prison. M. Porter a déclaré à la suite de son entretien avec Leyla Zana qu'elle rejetait toute amnistie qui n'incluerait pas les autres hommes politiques emprisonnés en Turquie. La délégation, composée de John Porter, député républicain d'Illinois, de son épouse Kathryn Cameron Porter, qui avait débuté l'année dernière une grève de la faim devant le Capitol en compagnie de Kurdes pour la libération de Leyla Zana, mais également des congresman Steny Hoyer, Ben Cardin et de Louise Slaughter, a rencontré samedi 17 et dimanche 18, les représentants des organisations de droits de l'homme et des militants kurdes. LA LIBERTÉ DE PRESSE CONTINUE D'ÊTRE BAFOUÉE EN TURQUIELe Conseil supérieur de l'audiovisuel (RTÜK) a suspendu le 14 janvier, les émissions de Radyo Karacadag pour une période d'un mois. Le Conseil lui reprochait la diffusion, le 20 mars 1997, d'un débat sur la fête du Newroz, le nouvel an kurde. Par ailleurs une autre radio Demokrat Radyo a eu le même sort pour une période de quinze jours, pour avoir diffusé une emission relative à l'opération "une minute d'obscurité pour une lumière permanente", opération dénonçant les liens de certains hommes politiques et fonctionnaires avec les milieux criminels. Reporters sans frontières a, par une lettre du 16 janvier 1998, appelé Ibrahim Çubukçu, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, à revenir sur ses mesures. POUR L'ALLEMAGNE LE PKK N'EST PLUS "UNE ORGANISATION TERRORISTE" MAIS "UNE ORGANISATION CRIMINELLE"C'est ce qu'a déclaré le 13 janvier à Karlsruhe le procureur fédéral Kay Nehm. Selon lui, le PKK a désormais renoncé à sa stratégie précédente qui a conduit à des incendies répétés contre des cibles turques en Allemagne et de ce fait peut dorénavant être classé comme une "organisation criminelle". "Depuis août 1996 il y a eu quatre cas d'incendies avec une implication prouvée du PKK et ils apparaissent comme une déviation de la ligne du parti" a encore ajouté M. Nehm au cours d'une conférence de presse. Le procureur suprême d'Allemagne affirme que le PKK sera considéré comme "une organisation criminelle à cause des preuves le liant à des extorsions de fonds, des ports d'armes et autres activités illégales". Cette nouvelle qualification signifie que les procureurs allemands ne pourront plus poursuivre des militants du PKK d'appartenance à une organisation terroriste, crime passible de 10 ans de prison. L'appartenance à une organisation criminelle est passible de 5 ans de prison maximum. Dans une conférence de presse donnée le même jour le ministre allemand de l'Intérieur a déclaré que le PKK continuera d'être interdit en Allemagne et que la nouvelle qualification retenue par le procureur fédéral n'aura pas d'effet sur cette interdiction. La Turquie, par la voix de son vice-Premier ministre, a très vivement réagi. Pour M. Ecevit la décision allemande signifie: "Faites ce que vous voulez en Turquie, tuez femmes et enfants, mais ne faites pas d'attaques sur notre sol. C'est ça l'attitude des Allemands. Peu leur importe que le serpent vive mille ans, tant qu'il ne les mord pas" a-t-il déclaré le 14 janvier aux députés turcs, paraphrasant un proverbe turc. Le même jour le chancelier Kohl a déclaré qu'il "regrettait profondément la discussion en cours en Turquie à ce sujet". SUITES DU RAPPORT SUR LA DÉRIVE MAFIEUSE DE L'ETAT TURCLe rapport remis le 12 janvier au Premier ministre turc sur les liens entre la mafia et l'appareil d'Etat turc continue de faire des vagues en Turquie. Chaque jour la presse fait des révélations basées sur le rapport en principe confidentiel. Devant l'implication non seulement des hauts dirigeants policiers mais aussi des militaires, dont des généraux , le vice-Premier ministre Ecevit est intervenu pour affirmer que " l'armée est totalement en dehors de cela, seule quelques éléments de la gendarmerie et de ses services de renseignements (JITEM) sont mis en cause". Le quotidien Hürriyet, dans son édition du 21 janvier, affirme qu'il a pu avoir accès à la totalité du rapport et titre sur toute sa Une la conclusion de ce rapport: "l'Etat a été sauvé in extremis. L'Etat était entré dans un processus d'Etat mafieuse. Ce processus a été stoppé". On apprend aussi que la décision d'execution sans jugement de certains hommes d'affaires kurdes, comme Behcet Cantürk et Savas Buldan, suspectés de soutenir financièrement le PKK, "a été prises à l'initiative d'une force au sein de l'Etat sur instructions venant d'en haut", que des hommes de confiance avaient été placés d'une manière systématique à la tête des banques d'Etat pour pillage et pour le blanchiment de l'argent noir. Last but not least, selon le quotidien libéral Radical du 21 janvier, Mme Çiller aurait ordonné "le versement aux services de renseignement syrien (Mukhabarat) de10 millions de dollars pour obtenir la "liquidation" du chef du PKK, A. Öcalan, en 1994". Les Syriens auraient empoché l'argent sans executer le "contrat". Le Milliyet du 21 janvier a une autre version de cette affaire. Selon le quotidien, la somme de $10 millions prélevés sur les fonds secrets du Premier ministre devaient servir à financer "cette opération Apo" programmée pour avril 1994. Un commando spécial entrainé par les services secrets israéliens devait assassiner A. Öcalan en Syrie. Cette opération aurait été, au dernier moment décommandée. Ces révélations distillées par la presse laissent l'opinion publique insatisfaite. L'ancien président du Parlement, H. Cindoruk, estime dans le Hürriyet du 21 janvier que "ce rapport n'est pas suffisant. Il faut une enquête plus approfondie sur les pratiques d'un Etat qui pendant un temps a été divigé par un gouvernement ilfiltré par des gangs". De son côté, Deniz Baykal, chef du Parti Républicain du Peuple, qui soutient la coalition sans y participer demande au Premier ministre de "rendre public immédiatement et sans censure la totalité du rapport sinon vous apparaitrez comme complice de l'étouffement de ces scandales. La restructuration de l'Etat sur des bases saines passe par l'apurement sans hésitation du passé". |