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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 88

26/2/1998

  1. ENTRETIEN ENTRE LEYLA ZANA ET LE SECRÉTAIRE D'ÉTAT ADJOINT AMÉRICAIN
  2. UNE NOUVELLE CONDAMNATION DE LA TURQUIE PAR LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME
  3. BILAN DU MOIS DE JANVIER DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME EN TURQUIE
  4. 6 800 KURDES DE TURQUIE SE RÉFUGIENT AU NORD DE L'IRAK SELON LES NATIONS UNIES
  5. SUITE DE LA DÉCISION DE FERMETURE DU PARTI ISLAMISTE REFAH


ENTRETIEN ENTRE LEYLA ZANA ET LE SECRÉTAIRE D'ÉTAT ADJOINT AMÉRICAIN


En visite en Turquie depuis le mardi 17 février, John Shattuck, secrétaire d'État adjoint américain pour les droits de l'Homme s'est entretenu, samedi 21 février avec Leyla Zana et les autres députés kurdes emprisonnés à la Prison Centrale d'Ankara. M. Shattuck s'est d'abord assuré auprès de Mesut Yilmaz, Premier ministre turc, du respect des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, juridiction saisie par les députés kurdes. D'après les informations recueillies, le secrétaire d'État adjoint américain a soulevé le sujet au cours de son entretien avec le Premier ministre turc, qui a affirmé que "la Turquie avait déjà déclaré qu'elle se soumettrait aux décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme".

"Le respect de la liberté d'expression est très important pour les États-Unis. C'est pourquoi nous suivons de très près votre affaire" a déclaré M. Shattuck à Leyla Zana. Il a également précisé qu'il se préoccupait de la situation des journalistes emprisonnés en Turquie et qu'une collaboration en matière de formation entre la police des deux pays est envisagée pour mettre fin à la torture. Selon M. Shattuck, au delà des mesures économiques, la Turquie a besoin d'avoir une approche politico-sociale pour résoudre la question du Sud-Est (kurde).

Leyla Zana, nominée pour le Prix Nobel de la Paix a, quant à elle, demandé aux États-Unis d'annuler la vente d'hélicoptères prévue pour un montant de 3 milliards de dollars à la Turquie. Critiquant la situation des droits de l'homme en Turquie, elle a souligné dans une lettre remis à M. Shattuck que "les États-Unis devraient une fois de plus revoir leur politique quant à la vente envisagée des hélicoptères d'attaques". En décembre dernier, Washington avait donné son feu vert aux firmes américaines Bell Helicopter, Textron et Boeing-McDonnell Douglas pour participer à l'appel d'offres turc portant sur l'acquisition de 145 hélicoptères.

"La torture systématique continue d'être une méthode d'interrogatoireles obstacles à la liberté d'expression n'ont pas été levés, la tragédie kurde se poursuit" a rappelé Leyla Zana à son interlocuteur américain.



UNE NOUVELLE CONDAMNATION DE LA TURQUIE PAR LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME


La Cour Européenne des droits de l'Homme a condamné jeudi 19 février par huit voix contre une la Turquie. Le 25 mars 1993, Abdulmenaf Kaya, d'origine kurde, avait été tué par balles près de son village de Dolunay dans la région du Kurdistan. A la suite de la requête introduite à Strasbourg par le frère de la victime, la Cour a estimé que "l'enquête menée par les autorités était à bien des égards insuffisante", sans pour autant être en mesure de conclure sur la "légalité" de sa mort. Partie à l'affaire, le gouvernement turc affirmait que la victime était morte les armes à la main, au cours d'un accrochage entre l'armée et des membres de PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan). La Cour, "frappée" par l'attitude du procureur turc qui avait admis "sans se poser de questions" les allégations des forces de sécurité turques- l'autopsie ne mentionnait ni le nombre de balles ni la distance de tir- a rappelé que "l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme implique et exige de mener une forme d'enquête officielle lorsque le recours à la force, par des agents de l'État, a entraîné mort d'homme".



BILAN DU MOIS DE JANVIER DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME EN TURQUIE


Le bilan des violations des droits de l'homme rendu public le mercredi 18 février par l'Association des droits de l'homme se présente comme suit:

Meurtres non élucidés:7
Condamnations extrajudiciaires, morts à la suite de tortures subies ou morts en garde à vue:8
Actions à l'encontre de civils:3 morts, 2 blessés.
Disparitions:1
Personnes torturées:53
Nombre de personnes arrêtées:29
Personnes placées en garde à vue:4228
Nombre de villages et hameaux évacués2
Nombre d'association, de syndicats, d'organe de presse fermés20
Nombre de publications saisies ou interdites:15
Détenus pour délits d'opinion:103


6 800 KURDES DE TURQUIE SE RÉFUGIENT AU NORD DE L'IRAK SELON LES NATIONS UNIES


L'Agence de réfugiés des Nations-Unies a déclaré mardi 17 février que près de 6 800 Kurdes de Turquie se sont enfuis au nord de l'Irak. La raison de cet exode n'a pas été évoquée mais Kris Janowski, porte-parole du UNHCR a souligné que les réfugiés "auraient été effrayés par la présence des troupes militaires turques" dans la région. L'exode aurait commencé à la suite des raids aériens des forces turques sur les positions des rebelles kurdes.



SUITE DE LA DÉCISION DE FERMETURE DU PARTI ISLAMISTE REFAH


La dissolution du Parti islamiste de la Prospérité (RP) par la Cour Constitutionnelle turque est devenue effective samedi 21 février suite à la publication de la décision dans la Gazette officielle turque. Le bureau du Président du Parlement a indiqué que sept chefs d'accusation étaient en cours à l'encontre du leader du parti islamiste Necmettin Erbakan qui a été déchu de son siège du Parlement et interdit d'activité politique pendant cinq ans. Trois autres anciens députés islamistes, dont Sevki Yilmaz en fuite en Allemagne et inculpé de 25 chef d'accusations risquent de poursuite pour "avoir menacé le système laïc en Turquie". La justice turque a d'ores et déjà lancé des mandats d'arrêt à l'encontre des députés qui ont perdu leurs sièges au Parlement turc. L'accusation comprend la tenue de meetings politiques illégaux et l'incitation à la haine. Le dossier de M. Erbakan, déposé sur le bureau du Premier ministre turc Mesut Yilmaz, sera envoyé au ministère de la Justice et puis remis à la Cour.

Malgré l'interdiction, 150 députés islamistes gardent leurs sièges au Parlement. La plupart de ces élus, soit 112, se sont inscrits sur la liste du nouveau parti appelé le Parti de la Vertu (Fazilet), présidé par Ismail Alptekin.

Le parti de la Prospérité (RP) est le vingt et unième parti à être interdit en Turquie. Deux partis avaient été dissous avant même l'établissement de la Cour Constitutionnelle par la Cour criminelle. Instituée par la Constitution de 1960, la Cour Constitutionnelle a interdit six partis jusqu'au coup d'état militaire de 1980:

Le Parti des Travailleurs et des Paysans (ICP)
Le Parti de l'Ordre National (MNP) de N. Erbakan
Le Parti pour le Futur Idéal de la Turquie (TIUP)
Le Parti Ouvrier de Turquie (TIP)
Le Parti de la Grande Anatolie (BAP)
Le Parti des Travailleurs de la Turquie (TEP).


Depuis 1983, les 15 partis qui ont été interdits sont les suivants:
Le Parti de la Grande Anatolie (BAP- dissous une seconde fois)
Le Parti Socialiste
Le Parti des Verts
Le Parti du Travail du Peuple (HEP)
Le Parti Communiste unifié de Turquie
Le Parti du Travail du peuple
Le Parti de la Démocratie et de la Liberté
Le Parti Socialiste de Turquie
Le Parti de la Démocratie (DEP)
Le Parti Démocrate (dissous une seconde fois)
Le Parti de la Démocratie et du Changement
Le Parti de la Renaissance
Le Parti du Travail
Le Parti de l'Union Socialiste
Le Parti de la Prospérité.


Alors que le procès du Parti de la Masse Démocratique (DKP) est toujours en cours devant la Cour Constitutionnelle, la commission parlementaire sur la Constitution discute une proposition d'amendement relatif à la loi sur les partis politiques. La proposition en question interdit aux partis politiques dissous de se rétablir sous différents noms et prohibe aux personnes qui ont été impliquées dans l'interdiction de leurs partis d'occuper une fonction politique pendant cinq ans.