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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 89

4/3/1998

  1. ALORS QUE LEYLA ZANA EST EN PRISON DEPUIS DÉJÀ QUATRE ANS LE PARLEMENT EUROPÉEN DEMANDE QUE SON CAS SOIT PORTÉ DEVANT L'ONU
  2. LA TURQUIE DANS LA LISTE DES PAYS PARTICULIÈREMENT TOUCHÉS PAR LE BLANCHIMENT DE L'ARGENT
  3. LE CONSEIL DE SÉCURITÉ NATIONALE DEMANDE L'EXTENSION DE L'ÉTAT D'URGENCE DANS LE SUD-EST KURDE
  4. LES PRISONS TURQUES A NOUVEAU SECOUÉES PAR LES NOMBREUSES GRÈVES DE LA FAIM
  5. VENTES RECORD D'ARMES PAR L'ESPAGNE À LA TURQUIE
  6. LU DANS LA PRESSE TURQUE


ALORS QUE LEYLA ZANA EST EN PRISON DEPUIS DÉJÀ QUATRE ANS LE PARLEMENT EUROPÉEN DEMANDE QUE SON CAS SOIT PORTÉ DEVANT L'ONU


Le 2 mars 1994, à la suite de la décision de levée d'immunités parlementaires des députés kurdes du Parti de la Démocratie (DEP), Leyla ZANA et ses cinq collègues, Hatip DICLE, Ahmet TURK, Sirri SAKIK, Orhan DOGAN et Mahmut ALINAK ont été placés en garde-à-vue par les autorités turques. Aujourd'hui condamnés à 15 ans de prisons, quatre des députés restent incarcérés à la Prison Centrale d'Ankara. Les autorités turques ont essayé de museler le peuple kurde par l'interdiction du Parti de la Démocratie engagé à trouver une solution pacifique et fraternelle à la question kurde. Le 26 novembre 1997, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a condamné la Turquie à l'unanimité pour avoir violé la convention européenne des droits de l'homme et a reconnu l'illégalité de l'arrestation et de la garde-à-vue des députés kurdes.

Considérée comme une "terroriste" par les autorités turques et une "prisonnière politique" par l'Occident, Leyla Zana a été honorée par des prix prestigieux attribués aux défenseurs de la paix et des droits de l'homme.

Aujourd'hui à nouveau en lice pour le prix Nobel de la Paix, la lauréate du prix Sakharov décerné par le Parlement européen reste injustement emprisonnée. Le 19 février 1998, une résolution adoptée par cette même Assemblée "invite instamment le Conseil des ministres de l'Union européenne à soulever une nouvelle fois le cas (de) Leyla Zana et (de) Aung San Suu Kyi, et à exiger leur libération immédiate et inconditionnelle". Cette résolution sera présentée au cours de la cinquante-quatrième session de la Commission des droits de l'homme des Nations-Unies.



LA TURQUIE DANS LA LISTE DES PAYS PARTICULIÈREMENT TOUCHÉS PAR LE BLANCHIMENT DE L'ARGENT


D'après l'International Narcotics Control Strategy Report (INSCR) du Département d'État américain, la Turquie figure dans la liste "Premiers concernés", liste révélant les pays touchés en priorité par le blanchiment d'argent. Le transport illégal des biens commerciaux, "le commerce de valise" est une des majeures sources des fonds qui sont blanchis. Les casinos mais également les industries de construction sont tout autant soupçonnés de servir au blanchiment. A ce titre, le Parlement turc avait adopté une loi en août 1997 demandant la fermeture de tous les casinos dans les six mois à venir, loi entrée en vigueur il y a deux semaines.

Le rapport dénonce également l'importance de la Turquie qui sert très largement de transit au marché de l'opium partant du sud-ouest asiatique vers l'Europe et met l'accent sur le fait que de nombreuses laboratoires de purification de l'opium utilisées pour transformer la base morphine en héroïne sont installées sur le sol turc. Selon la même source, environ 75% de l'héroïne saisie en Europe est confectionné ou sorti de la Turquie. Le Département d'État américain estime que quatre à six tonnes d'héroïne y transitent chaque mois à destination de l'Europe d'Ouest et que trois quart de l'héroïne consommé en Europe y sont originaires.

Selon le rapport, par des "taxes" exigées des trafiquants ou encore en raffinant les produits, le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) joue aussi un rôle dans ce marché.

La corruption en Turquie a également attiré l'attention des autorités américaines, à ce titre, le scandale dit de "Susurluk" mettant en lumière les relations très étroites entre les responsables publics et les parlementaires avec les trafiquants de drogue, le blanchiment d'argent et les meurtres extrajudiciaires, a été souligné dans le rapport. Reprenant le témoignage d'un haut responsable de la police devant une commission parlementaire, le quotidien Hürriyet avait révélé dans ses colonnes que le trafic de drogue avait rapporté à la Turquie $25 milliards en 1995 et $37,5 milliards en 1996.



LE CONSEIL DE SÉCURITÉ NATIONALE DEMANDE L'EXTENSION DE L'ÉTAT D'URGENCE DANS LE SUD-EST KURDE


Le Conseil de Sécurité Nationale, a au cours de sa réunion du jeudi 26 février 1998, préconisé une prolongation de quatre mois à partir du 31 mars, de l'état d'urgence dans les six provinces kurdes -Diyarbakir, Hakkari, Siirt, Sirnak, Tunceli et Van- Cette mesure qui donne des pouvoirs extraordinaires au gouvernement et aux responsables de l'armée, a suscité de vives critiques en Turquie et en Occident en raison des violations des droits de l'homme. La plupart des provinces kurdes sont placées sous l'état d'urgence depuis 1979. Au cours des 75 ans de l'existence de la République turque, les kurdes de Turquie ont au total vécu pendant 53 ans sous des régimes d'exception de loi martiale, état de siège, état d'exception, etc



LES PRISONS TURQUES A NOUVEAU SECOUÉES PAR LES NOMBREUSES GRÈVES DE LA FAIM


D'après une enquête de l'Association des droits de l'homme (IHD), la Turquie compte dans ses 562 prisons 60 000 détenus dont environ 10 000 prisonniers politiques. Les grèves de la faim et les conditions carcérales ont causé la mort de 128 prisonniers entre 1981 et 1995. D'après l'Association des droits de l'homme, la grève de la faim rentre dans son soixante-deuxième jours à la prison de Midyat et elle a pris fin au terme du quarante-neuvième jour à Giresun à la suite d'un accord avec les responsables du ministère de la Justice.



VENTES RECORD D'ARMES PAR L'ESPAGNE À LA TURQUIE


Le Président turc, Süleyman Demirel, s'est rendu mardi 3 mars en Espagne, pour une visite officielle de trois jours. Le quotidien espagnol, El Pais, a révélé dans ses colonnes du 3 mars que l'Espagne essayait de vendre quatre frégates, une douzaine d'avions cargo CN-235 et autres biens militaires à la Turquie. Ce même journal souligne que cela atteindrait "un record de ventes" pour l'industrie de défense espagnole. La négociation avait été entreprise par le ministre turc de la défense, Ismet Sezgin en janvier 1998 lors de sa précédente visite en Espagne. Interrogé sur la raison pour laquelle il était accompagné par autant de chefs d'entreprise turcs, le Président turc a déclaré qu"' il y a un grand potentiel de développement des relations commerciales et économiques avec l'Espagne". D'autre part M. Demirel a confirmé que la Turquie ne prendra pas part à la Conférence européenne du 12 mars, bien qu'il ait été fortement encouragé dans ce sens par des responsables européens et plus particulièrement par le Président français, M. Chirac.

Dans une interview accordée aux journalistes d'El Pais et de La Vanguardia, M. Demirel a affirmé que la légalisation de la langue kurde n'est pas à l'ordre du jour et a nié l'existence même du problème kurde. Puis, interrogé sur une solution politique au problème, il s'est exprimé en ces termes: "Quelle solution politique? La Turquie est un pays unitaire. Il n'y a pas de minorité. Tous les citoyens sont égaux indépendamment de leur appartenance ethnique. Ni l'État ni le peuple n'accepteront l'instabilité de la Turquie".



LU DANS LA PRESSE TURQUE


Yasemin Çongar, journaliste au quotidien Milliyet, écrit à propos de la visite en Turquie de M. John Shattuck, Secrétaire d'État adjoint américain chargé des droits de l'homme. Extraits de cet article paru le 2 mars 1998.

"A la suite des demandes américaines, le Premier ministre Yilmaz a invité au mois de décembre 1997 en Turquie, John Shattuck, adjoint du Secrétaire d'État chargé des droits de l'homme. Ce faisant, il n'a pas manqué de souligner que des "améliorations importantes" seront alors constatées par Shattuck.

Cela dit, la visite de Shattuck, comprenant Ankara, Istanbul, Mardin et Diyarbakir a pris fin la semaine dernière et celle-ci n'a malheureusement pas donné raison au Premier ministre.

Selon Shattuck, l'"évolution la plus considérable" au cours de ces quatre dernières années en Turquie , a été la souplesse accordée au dialogue concernant les violations des droits de l'homme et la planification par le gouvernement d'une reforme dans le domaine des droits de l'homme.

Même si le responsable américain perçoit une lumière d'espoir dans les "propos et sur les papiers", il ne parle nullement d'une amélioration "effective". Shattuck constate que l'interdiction du Parti de la Prospérité jette une nouvelle ombre sur la liberté d'association.

Lorsque la question des droits de l'homme est évoquée dans le monde, des responsables de l'État sont pris de panique pour "cacher la honte". Également, des journalistes s'obstinant à ne pas comprendre que les droits de l'homme sont tout autant "leur droit," se mettent à défendre cette "honte" en considérant que c'est une "affaire des ennemis des Turcs"

Exprimant le souhait des autorités américaines dans le domaine des droits de l'homme en Turquie, Grossman et Shattuck ont tout deux désigné les mêmes priorités:

Assurer le droit à la liberté d'expression et d'association.

La levée du régime d'état d'urgence au Sud-Est.

Sanction des tortionnaires.

Selon Shattuck, le seul moyen de lutter contre la torture est de "ne pas laisser en toute impunité ce crime". A ce titre, il appelle avant tout à ce que les tortionnaires mis en cause dans l'affaire des lycéens de Manisa, de Metin Göktepe et des détenus de la prison de Diyarbakir, soient condamnés.

Washington est en faveur de l'utilisation de la langue kurde, du développement de la culture ethnique des Kurdes et du droit à l'association concernant les questions qui leur sont particulières

Vous n'entendrez nullement Shattuck dire qu'il y a une quelconque atténuation de l'oppression dans le Sud-Est

La question des droits de l'homme n'est pas seulement matière à discussion avec l'Europe mais également un sujet privilégié des États-Unis. Mis à part quelques améliorations cosmétiques, c'est un domaine qui ne voit pas d'évolution concrète.

Pour le respect que nous nous devons, soyons reconnaissants aux pressions étrangères et redoublons nos efforts à l'intérieur. Et vous, que faites-vous pour vos droits?"