tags: N° 184-185 | juillet-août 2000
Plus d’une quarantaine de civils kurdes ont été tués et une cinquantaine blessés dans un raid aérien mené le 15 août par l’aviation turque au Kurdistan irakien. " Un camp estival abritant des bergers et leurs familles dans le Kurdistan irakien a été visé par un raid de l’aviation turque qui attaquait des cibles du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le triangle frontalier entre l’Irak, l’Iran et la Turquie " a affirmé le Parti Démocratique du Kurdistan (PDK), qui contrôle en partie la région. Le PDK a poursuivi en déclarant : " Nous dénonçons cet acte qui a conduit à la perte de tant de vies innocentes, nous demandons qu’une enquête soit ouverte sur l’incident pour que les victimes soient dédommagées ".
Le ministère turc des affaires étrangères a, le 18 août, reconnu qu’Ankara avait " mené une opération " contre les militants kurdes du PKK basés au Kurdistan irakien le 15 août et " étudie les allégations " des organisations kurdes.
De son côté, l’Irak a affirmé le 21 août qu’il était déterminé à " riposter " au raid aérien turc : " L’Irak se réserve le droit de riposter à cette agression à l’endroit et au moment opportuns…Nous condamnons vigoureusement ce crime commis par les troupes turques contre des civils irakiens (…) qui constitue un des maillons d’une chaîne d’agressions menées par Ankara contre l’Irak depuis 1991 " a déclaré le porte-parole du ministère irakien des affaires étrangères.
La région d’Erbil fait partie de la zone d’exclusion aérienne imposée par les alliés à l’aviation irakienne pour protéger la population kurde au nord du 36e parallèle après la guerre du Golfe. L’armée turque lance fréquemment des opérations contre le PKK en violation de toutes les conventions internationales.
La presse turque aussi bien qu’occidentale est restée quasiment muette sur l’évènement. Quant aux responsables occidentaux ou arabes, ils ont déclaré ne pas avoir suffisamment d’information sur le sujet. En plein mois d’août, et sans doute faute d’images télévisées, le massacre de 40 civils kurdes par l’aviation turque est ainsi passée inaperçu dans l’opinion publique.
Les relations entre le gouvernement turc et le président Ahmet Nejdet Sezer semblent des plus tendues depuis que celui-ci a opposé son veto à un décret du Premier ministre. La crise a éclaté lorsqu’un décret gouvernemental ayant force de loi et envisageant le renvoi des fonctionnaires suspectés de sympathies pro-islamistes ou pro-Kurdes, a été rejeté par le président turc. " Le train des mesures pour lutter contre les mouvements antilaïcs " avait été adopté au cours de la réunion "historique" du 28 février 1997 du Conseil national de sécurité (MGK) qui avait mis fin au gouvernement islamiste de Necmettin Erbakan, mais n’avait pas pu être voté au Parlement du fait de l’instabilité gouvernementale. Finalement, obtenant du Parlement le pouvoir d’édicter des décrets ayant force de loi pour une période de six mois, l’actuel gouvernement a élaboré ce décret et l’a présenté au président.
Les partis d’opposition et les syndicats ayant vivement critiqué le texte, le président turc a décidé de proroger sa décision de 17 jours. Malgré l’insistance de Bülent Ecevit, M. Sezer a, le 8 août, renvoyé le texte au Premier ministre en soulignant qu’il n’était pas contre le contenu du décret, mais qu’un tel texte ne pourrait être promulgué que par une loi votée au Parlement. Dès le lendemain, la coalition gouvernementale a décidé d’envoyer à nouveau le même texte au président et le 10 août, Bülent Ecevit a, au cours d’une conférence de presse, souligné que selon la Constitution le président n’avait aucun pouvoir pour refuser le décret, en insistant sur le fait qu’il était obligé de le signer. Interrogé sur l’éventualité d’un second refus, le Premier ministre turc a déclaré : " je ne veux même pas envisager cette éventualité " et a rétorqué que " s’il ne signe pas il y aura une crise d’Etat ". De son côté, le président turc a annulé ses réunions hebdomadaires avec M. Ecevit sans aucune explication et s’est envolé pour Istanbul. Soutenu jusque-là par l’opinion publique et la plupart des médias, le président turc qui est l’ancien président de la Cour constitutionnelle, a alors fait l’objet de vives critiques. Finalement, une réunion a eu lieu entre les deux protagonistes le 16 août à la demande du président turc, mais le Premier ministre a déclaré que ce dernier n’avait pas eu le temps d’étudier tous les documents mis à sa disposition.
Le 21 août, le président turc a opposé, pour la seconde fois en deux semaines, son veto au décret gouvernemental qui permet le renvoi à vie, sur la base d’un rapport de deux inspecteurs, de tout fonctionnaire soupçonné de sympathies islamistes ou pro-kurdes. Le Premier ministre Bülent Ecevit a accusé le président turc d’entraver l’action de l’Etat laïc : " Le but du décret était d’empêcher l’infiltration de terroristes séparatistes et d’activités anti-laïques au sein de la structure de l’Etat. L’attitude du président peut rendre difficile à l’Etat de remplir ce devoir et de protéger le régime constitutionnel ". M. Ecevit et sa coalition l’ont accusé d’avoir " même sans le vouloir, encouragé les ennemis du régime ". M. Sezer refuse, au nom du respect du droit, de signer un décret inspiré par la puissante armée turque qui considère l’extrémisme religieux comme la principale menace pour l’Etat laïc dont elle se veut la gardienne. Le chef de l’Etat, fait valoir que de telles mesures disciplinaires doivent faire l’objet d’une loi adoptée par le Parlement. " La présidence n’est pas un bureau d’approbation et de signature de décrets ", a-t-il sèchement souligné dans une note expliquant son refus : " Le président n’est pas obligé de signer des décrets qui sont clairement en contradiction avec la Constitution. En fait, il a le devoir de ne pas les signer ".
M. Ecevit a, quant à lui, répliqué : " Le refus du président d’approuver le décret du gouvernement montre qu’il existe de claires divergences dans leur compréhension de leurs devoirs respectifs et de la Constitution…Il ne peut y avoir d’harmonie entre le gouvernement et la présidence tant que ces différences ne sont pas aplanies… Nous avons affaire à un sérieux problème ".
Le Conseil national de sécurité (MGK) qui regroupe essentiellement les principaux chefs de l’armée et dont les avis sont exécutés à la lettre par les gouvernements en place, a fait savoir le 23 août, que ses membres étaient unanimement tombés d’accord pour éliminer les agents de l’Etat liés aux activités séparatistes des islamistes ou des Kurdes. " Le MGK est unanime sur la nécessité d’adopter d’urgence des mesures pour éliminer rapidement les fonctionnaires impliqués dans des activités islamistes et séparatistes visant à détruire le régime démocratique et laïc ", souligne un communiqué publié au terme de la réunion mensuelle du MGK.
La décision du MGK fait peser plus de pression sur le Parlement, qui va devoir examiner le projet de loi en question dès sa rentrée en octobre. Le passage de texte devant le Parlement rend les choses plus difficiles dans la mesure où celui-ci est dominé par des députés conservateurs et les islamistes. Même si M. Ecevit bénéficie d’une majorité absolue au Parlement, il n’a aucune assurance que sa loi sera adoptée, de nombreux députés, issus de ses propres rangs, y étant opposés en raison de la sensibilité de leurs électeurs.
Ilnur Çevik, éditorialiste du quotidien turc anglophone Turkish Daily News, s’interrogeait le 16 août sur l’impatience du gouvernement : " Est-ce que l’Etat s’oppose à une menace immédiate ? Selon le gouvernement, une telle menace existe et doit être contrée par un décret immédiat. Le gouvernement ressent l’urgence et cela ne peut même pas attendre le Parlement qui ouvre sa session en octobre… Le gouvernement croit qu’il peut défier les normes et valeurs démocratiques pour défendre l’Etat. " Défendre l’Etat " contre toutes les agressions a été le leitmotiv de la Turquie au cours des dix dernières années. Si vous voulez enfreindre les règles démocratiques, vous n’avez qu’à dire que l’Etat est sous la menace et vous pouvez alors entreprendre toutes les actions antidémocratiques. Dans le passé, on nous a expliqué que la Turquie faisait face à la menace communiste. Une fois la menace communiste passée, les autorités ont utilisé la menace du séparatisme pour retarder les actions démocratiques. Plus tard, ils ont ajouté l’Islam à leur justification pour continuer leur système d’atteinte aux droits et libertés…Ce que le gouvernement et certaines personnes… ne comprennent pas c’est que l’intérêt supérieur de l’Etat est de servir son peuple et satisfaire les citoyens au lieu de les étiqueter comme des ennemis … ".
Le Président Khatami a effectué du 10 au 12 juillet une visite d’Etat à Berlin où il a été reçu avec les honneurs militaires par son homologue allemand Johannes Rau et le Chancelier Gerhard Schröder.
Après l’Italie et la France, M. Khatami a voulu, par cette visite dans un pays où la République islamique est encore largement perçue comme un Etat théocratique et terroriste, ouvrir une nouvelle page dans les relations germano-iraniennes et poursuivre le processus de normalisation des relations de l’Iran avec les pays occidentaux.
L’Allemagne est le premier partenaire industriel de l’Iran, il a tout au long du conflit irano-irakien entretenu un commerce très fructueux avec Téhéran et prône " un dialogue critique " avec le régime islamique. Cette coopération sans complexe et fructueux n’a pas empêché le régime iranien de poursuivre sur le sol allemand sa croisade meurtrière contre ses opposants. Ainsi, en septembre 1992, le secrétaire général du PDK iranien, Dr Sadegh Cherefkendi et trois de ses collaborateurs ont été assassinés dans un restaurant de Berlin, en marge d’un congrès de l’international socialiste auquel ils participer. La justice allemande a établi que ce quadruple assassinat avait été organisé " par le plus haut sommet de l’Etat iranien ". Cette décision judiciaire avait suscité une crise diplomatique entre Berlin et Téhéran. Ce dernier avait rétorqué en arrêtant et faisant condamner à mort un homme d’affaires allemand, Helmut Hofer pour " relation sexuelles avec une femme musulmane ". En avril dernier, deux journalistes et un interprète iranien de retour d’un colloque organisé par la Formation Heinrich-Boell, proche des Verts à Berlin, avaient été emprisonnés.
Mettant en avant, est le fait que le régime iranien n’a, à ce jour présenté aucune excuse pour les actions terroristes menées sur le sol allemand, 175 députés allemands ont signé une pétition contre la visite du président iranien. Plusieurs milliers d’opposants iranien — 7.000 selon la police 20.000 selon les organisateurs — ont manifesté contre la visite du chef d’un " Etat terroriste ". Le commerce avec les mollahs fait fi des droits de l’homme " pouvait-on lire sur leurs banderoles que le président Khatami, qui fut en 1978 imam de la mosquée de Hambourg, n’a pu voir car pour lui éviter de tels désagréments ses hôtes avaient organisé tous ses déplacements par hélicoptère.
Répondant à ces contestations, le Chancelier allemand a déclaré que le moment était venu de tourner la page, de donner " un nouveau départ " aux relations germano-iraniennes et de soutenir le camp réformateur iranien.
Le président Khatami a environ 80 % de la population derrière lui selon les résultats des élections libres. Ces gens jeunes ont des espoirs de réforme, a, de son côté, déclaré Joschka Fisher, ministre allemand des Affaires étrangères qui s’était récemment rendu à Téhéran pour préparer le voyage du président iranien. " Ne pas soutenir les réformateurs qui entourent Khatami ou même les isoler signifierait en réalité faire le jeu des radicaux ".
Dans une conférence de presse donnée après son premier entretien avec le Chancelier allemand, le Président iranien, tout en exprimant son attachement à la liberté de parole et aux droits démocratiques, a affirmé que l’Allemagne avait raison de traiter l’organisation d’opposition iranienne Mujahidin Khalq comme une menace terroriste dangereuse parce que ce groupe avait mené une série d’attentats en Iran et s’employait maintenant à renverser son régime de l’extérieur. " L’opposition a le droit d’exprimer son opinion et je ne protesterai pas si quelqu’un a une opinion différente et l’exprime pacifiquement. Mais vous ne pouvez pas essayer de vous emparer du pouvoir par la terreur dans le pays et aller à l’étranger prétendre être des démocrates. "
Ce que M. Khatami n’a pas dit, c’est que, passe encore les partis d’opposition laïque, comme le PDKI, iranien, toujours interdits en Iran, nombre de ses partisans déclarés, des intellectuels et des journalistes iraniens sont jetés en prison après des procès sommaires pour avoir pacifiquement exprimé leurs opinions sans que tout président élu qu’il est ne puisse s’y opposer.
Au terme de cette visite — la première d’un chef d’Etat iranien en Allemagne depuis 1967 — le Chancelier Schröder s’est dit très satisfait notamment pour les perspectives de relations économiques libérales. Les garanties publiques à l’exportation seront ainsi portées de quelques 100 millions d’euros à près de 500 millions, de " grands projets " seront engagés et une commission économique bilatérale, qui ne s’était pas réunie depuis 1991 siègera bientôt.
Il reste " des différences d’opinion, notamment sur les droits de l’homme ", il faut chercher à les réduire par le dialogue, conclut le communiqué commun.
La Cour de cassation a confirmé, le 5 juillet, une peine d’un an de prison contre l’ex-Premier ministre islamiste turc Necmettin Erbakan pour "incitation à la haine raciale ou religieuse", ce qui l’exclut de politique à vie.
Il avait été condamné en mars par la Cour de sûreté de l’Etat de Diyarbakir pour des propos sur la religion et les Kurdes formulés en 1994, lors d’une campagne électorale de son parti de la Prospérité (Refah), dissous en janvier 1998 pour "activités anti-laïques". À 74 ans, il a encore un ultime recours contre la décision de la cour d’appel, à laquelle il peut demander de corriger sa sentence. Mais ce recours a très peu de chances d’aboutir. Son avocat, Me Yasar Gurkan, a annoncé, sur la télévision NTV, que si ce recours n’aboutissait pas, il saisirait la Cour européenne des droits de l’Homme.
Necmettin Erbakan, leader historique de l’opposition islamiste modérée devra purger près de cinq mois de prison par le jeu des remises de peine, dans un établissement pénitentiaire encore indéterminé. Premier chef de gouvernement islamiste de Turquie, il avait dû démissionner en juin 1997 sous la forte pression des généraux et du Conseil national de sécurité.
Il avait dirigé le pays pendant un an à la tête d’une coalition avec le chef du parti de la Juste Voie (DYP), Mme Tansu Ciller. Avec la dissolution du Refah, M. Erbakan et plusieurs de ses adjoints avaient été déchus de leur mandat de député et interdits d’activités politiques pour cinq ans. Ils font également l’objet de poursuites judiciaires pour des accusations de corruption.
Le Fazilet, qui a succédé au Refah, est devenu le troisième parti au Parlement à l’issue des élections législatives d’avril 1999. Il est actuellement menacé d’interdiction par la justice. Une procédure d’interdiction a été lancée en mai 1999 par le procureur général de la Cour de cassation Vural Savas, qui accuse le Fazilet d’avoir "agi en violation de la loi sur les partis politiques" interdisant à une formation d’être la continuation d’un parti dissous.
M. Savas l’accuse également d’exploiter les sentiments religieux du peuple et avait comparé le Fazilet à un "vampire". Il a dans le même temps réclamé l’interdiction de politique pendant cinq ans de tous les dirigeants du Fazilet, dont son chef Recai Kutan, et le retrait de mandat de ses cent trois députés. Le Parlement turc compte au total 550 sièges.
Le Premier ministre turc Bülent Ecevit s’est ému de la condamnation de Necmettin Erbakan en déclarant : " Nous sommes bien évidemment respectueux des décisions de la cour. Nous y sommes d’ailleurs obligés. Cependant je voudrais souligner que je ne me sentirais nullement heureux de voir M. Erbakan emprisonné suite à un discours d’il y a six ans. D’autant plus que le parti qu’il présidait à l’époque du discours incriminé a été depuis longtemps dissous ". Cependant M. Ecevit attaque et condamne le parti Républicain du Peuple (CHP) et le parti de la Démocratie du peuple (HADEP) sur la base des seuls renseignements fournis par les services secrets turcs (MIT). Embarrassé du dialogue instauré entre le CHP et le HADEP, tous deux mis à l’écart du Parlement turc du fait du seuil national de 10 %, Bülent Ecevit a, le 5 juillet 2000, déclaré : " J’avais transmis à mon vieux et respectueux ami, Altan Öymen, des informations provenant des services secrets à ce sujet, en espérant qu’il ferait attention. Cependant les dernières déclarations de M. Öymen et de ses amis, ont clairement montré ces derniers jours que le CHP et le HADEP étaient en relations sérieuses et en collaboration, du moins en dialogue. De plus, pour un parti qui se nomme CHP, je trouve qu’une telle relation est triste et nuisible au régime en Turquie (…) ". Rappelant les précédents événements à la suite de la collaboration entre le SODEP et le HEP, qui avait conduit à l’élection d’une vingtaine de députés kurdes, M. Ecevit a indiqué : " De sérieux problèmes avaient surgis à cause de cela. Je souhaite que l’on se souvienne de cette expérience ".
Altan Öymen, quant à lui, a déclaré que les commentaires du Bülent Ecevit, n’était nullement du ressort d’un Premier ministre et ni conformes à la démocratie. Cengiz Çandar, éditorialiste au quotidien turc Sabah, écrivait le 8 juillet : " Quelle sorte de Premier ministre est-il pour critiquer le Parti républicain du Peuple (CHP) pour ses liens avec le parti de la Démocratie du peuple (HADEP) ? HADEP est-il un parti illégal ? Un Premier ministre peut-il violer aussi grossièrement les lois ? Et de quel droit ? ".
La condamnation de M. Erbakan suscite de nombreuses réactions au sein de la classe politico-médiatique et nombreux sont ceux qui demandent la réforme ou encore l’abrogation de cette loi. Melih Asik, journaliste au quotidien turc Milliyet, qui dénonce à son tour le 7 juillet 2000 le verdict de la Cour de sûreté de l’Etat, n’oublie pas de dénoncer certaines réactions conjoncturelles. De nombreux hommes politiques et intellectuels ont été condamnés en vertu de cet article ; de Yasar Kemal, Esber Yagmurdereli, à Akin Birdal…
" Nous trouvons la condamnation de Necmettin Erbakan lourde. Nous adhérons à la déclaration des membres du parti de la Vertu (Fazilet-islamiste) selon laquelle " il n’y a aucun lien entre ce verdict et la démocratie, les droits et les libertés des droits de l’Homme, et ni les normes européennes auxquelles on essaie d’accéder "… Cela dit, la démocratie n’est pas une notion dont on se rappelle lorsque l’on est dans l’embarras. Contemplez le tableau…
Au cours des six premiers mois du gouvernement du parti de la Prospérité (RP) en 1997, 617 personnes ont été jugées, 550 condamnées, sur le fondement de l’article 312 qui condamne aujourd’hui Erbakan. Il n’y eut aucune réaction du Refah.
Les membres du Fazilet annoncent aujourd’hui qu’ils auront recours à la Cour européenne des droits de l’homme lorsque toutes les voies internes seront épuisées. Est-ce que quelqu’un va se lever et leur répliquer à ce moment-là :
Durant la coalition gouvernementale entre le parti de la Prospérité (RP) et le parti de la Juste Voie (DYP), votre ami et ministre de la justice Sevket Kazan avait déclaré à Strasbourg " Je ne fais pas confiance à cette Cour car elle ne rend pas de verdicts juridiques mais politiques ".
Pourquoi avez-vous soudain changé d’opinion ?
Et que vont-ils répondre ?…
Ils étaient restés muets lors de la dissolution du parti de la Démocratie (DEP). Et puis, lorsque le parti de la Prospérité a été interdit à son tour, ils ont accusé les parlementaires européens de mutisme et d’employer un double standard. À l’époque le député belge Gérard Deprez vous avait ri au nez et répliqué : " Lorsque nous avons critiqué la dissolution du DEP, vous nous avez rétorqué : " la justice est indépendante en Turquie, ne vous ingérez pas dans nos affaires intérieures ". Écoutant vos conseils, nous restons aujourd’hui silencieux.
Et vous êtes demeurés coi.
Un mot que l’on ne doit jamais oublier en politique : " la Démocratie et le droit peuvent vous être utiles un jour, à vous aussi … ".
Plus de 45 000 familles kurdes ont fait appel à l’association culturelle des migrants et d’aide sociale (GÖÇ-DER) pour pouvoir rentrer dans leurs villages où un calme relatif est retrouvé. Près d’un an après l’annonce de l’arrêt des combats par le PKK, le retour des populations évacuées de leurs villages, malgré une demande de plus en plus forte, reste sporadique et risque de rester conditionnel. Le feu vert de l’administration qui gère les 10 provinces, toujours ou à peine sorties de 13 ans d’état d’urgence, se fait attendre et les 378 355 " migrants forcés " recensés en 1997 dans un rapport parlementaire [ndlr : le nombre de déplacés de la région kurde est estimé par différentes organisations de défense des droits de l’homme à plus de 3 millions] ne croient guère au miracle.
L’association comme le parti de la Démocratie du peuple (HADEP) qui recueillent les demandes des familles ne jouissent pas d’une très bonne image auprès des autorités turques qui les taxent de séparatisme. Interrogé sur la question, Gökhan Aydiner, gouverneur chargé des 10 provinces sous administration spéciale, déclare qu’il est certain que " tous les villages et hameaux ne seront pas rouverts " et que les plus éloignés ne pourraient profiter des services de l’Etat : " Seuls les formulaires déposés individuellement auprès des autorités locales seront examinés au cas par cas ". M. Aydiner, avoue volontiers le manque de volonté des autorités turques dans ce projet de retour en déclarant que renvoyer tout le monde dans les montagnes signifierait " revenir au point de départ " c’est-à-dire au déclenchement de la lutte armée. Il dit avoir accordé 64 000 autorisations de retour sur 131 000 cas, et enregistré 26 000 retours depuis huit ans.
Les familles, désœuvrées dans les banlieues des grandes métropoles turques, se trouvent souvent dans une misère intolérable. [ndlr : Selon une étude du Centre d’enfance et de jeunesse de Beyoglu qui a réalisé une enquête sur les 23 districts d’Istanbul entre 8 mai et 8 juin sur 905 enfants (Milliyet du 2 juillet 2000). 99 % des enfants qui vendent des mouchoirs, des chewing-gums, ou encore des cireurs de chaussures, sont issus de ces familles déplacées (…). À Istanbul 38 % de ces enfants sont originaires de l’Est et 31 % du Sud-Est, alors que 18 % sont originaires de la région turque de Marmara, 5 % de la Mère Noire, 4 % du Centre, et 4 % de la Méditerranée. Par ailleurs, les enfants déclarent à 35 % exercer une seconde profession.] Les familles, exilées souvent de force, avouent très volontiers ne pas disposer de moyens suffisants pour rentrer chez elles et réclament à ce titre de compensations financières. Mahmut Özgür, président de GÖÇ-DER, déclare au journal turc Milliyet du 5 juillet que " pour le retour d’une famille, seul le camion revient à 400 ou 500 millions de livres turques " (5 500 FF, le revenu minimum est de 950 FF) et que la plupart des familles vivent sous des bâches à leur retour. Saadettin Tantan, ministre turc de l’Intérieur, déclarait fièrement le 27 juin 2000 que le Conseil national de sécurité (MGK) avait décidé dans le cadre du " plan d’action de l’Anatolie de l’Est et du Sud-est ", consacrer 2,8 trillions de livres turques (30 millions de francs).
Par ailleurs, les villages repeuplés à partir de zéro semblent introuvables, alors que trois bourgs (Çatak-Konalga et Dikbiyik près de Van et Kaymakamçesme, à Sirnak) réservés aux clans de gardiens de villages, milices pro-gouvernementales, ont été inaugurés en juillet par le Premier ministre Bülent Ecevit. Les villages reculés qu’occupent ces gardiens demeurent inaccessibles sans autorisation spéciale malgré la levée des restrictions légales dans plusieurs provinces. Les affrontements sont à " un niveau proche du zéro ", affirmait pourtant dès septembre 1999 le chef d’état-major Hüseyin Kivrikoglu. Près de 65 000 miliciens, les trois-quarts rémunérés par les autorités turques, sont officiellement au service du " maintien de la sécurité ". La question de leur désenrôlement est régulièrement évoquée, avec la disparition progressive de l’insécurité, et une loi votée le 30 juin 2000 par le Parlement restreint fortement les conditions d’appartenance à la milice (obligation de savoir lire et écrire), et pose des limites à sa liberté d’action, jusque-là totale. Le quotidien turc Hürriyet du 2 juillet titrait la nouvelle ainsi : " Le règlement des protecteurs est arrivé : Bat mais ne tue pas ". La nouvelle loi charge aussi le sous-gouverneur de les désarmer et de les mettre à pied en cas d’abus. " Il n’est pas question de s’en débarrasser " déclare pourtant Gökhan Aydiner.
La visite effectuée début août en Turquie par Gunther Verheugen, commissaire européen chargé de l’élargissement, avait, dans un premier temps, de quoi réjouir Ankara. M. Verheugen a promis pour l’année en cours 180 millions d’euros ($ 168 millions) à la Turquie pour mieux préparer son accession à l’Union européenne. Il s’est également engagé à œuvrer pour débloquer les 450 millions d’euros promis lors de l’accord douanier signé entre la Turquie et les Quinze.
Cependant le monde politico-médiatique s’est très vite déchaîné lorsque le commissaire européen à l’élargissement a soulevé les questions politiques. La presse turque a annoncé que M. Verheugen avait remis un document de partenariat à l’accession contenant des conditions préalables telles que le droit à l’éducation et aux médias, y compris la télévision, en kurde, une plus grande liberté d’expression et la reforme du Conseil national de sécurité (MGK) actuellement dominé par l’armée.
À l’issue d’un entretien avec Gunther Verheugen, le Premier ministre turc Bülent Ecevit a assuré que la Turquie remplira les conditions d’adhésion " plus tôt que prévu ". Mais il a également indiqué que l’Union européenne avait accepté la Turquie comme candidat tout en sachant combien elle était sensible sur certaines questions : " Ils ont approuvé la candidature turque tout en sachant notre sensibilité ". L’UE a réagi par la voie de Jean Christophe Filori, porte-parole de M. Verheugen, en déclarant : " Comme nous connaissions la sensibilité de la Turquie sur des sujets tels que laisser aux Kurdes la liberté de jouir du droit de diffusion télévisuelle et l’éducation en kurde, nous n’avons jamais utilisé ce mot (…) Au cours de ses entretiens, M. Verheugen ne s’est pas attardé sur les citoyens turcs d’origine kurde… Lorsque nous parlons des droits, nous n’avons pas de fondement ethnique à l’esprit, notre approche est de prendre en considération tous les citoyens turcs ". M. Filori a précisé qu’il y a, en Turquie, un certain nombre de restrictions sur les langues non turques et qu’ils étaient contre ces restrictions.
Le débat semble assez houleux au sein même du gouvernement tripartite. Mesut Yilmaz, leader du parti de la Mère patrie (ANAP), tout fraîchement blanchi par le Parlement pour corruption et abus de pouvoir, qui vient d’intégrer le gouvernement comme vice-Premier ministre chargé des affaires européennes, est à couteaux tirés avec son partenaire gouvernemental, le parti ultra-nationaliste de l’Action nationaliste (MHP), qui n’avait pas hésité à voter en majorité pour le renvoi de M. Yilmaz devant la Haute Cour de justice. Le quotidien turc Hurriyet du 19 juillet 2000, titrait en sa Une la déclaration de Mesut Yilmaz " Il est temps de faire des pas ". Le leader de l’ANAP soulignait que " dans le passé, nous ne pouvions pas faire certains pas à cause du terrorisme. Le terrorisme est aujourd’hui au niveau zéro. Le temps est venu pour nous de faire des pas que nous avions planifiés et ciblés ". M. Yilmaz a poursuivi en déclarant que " le protocole de la coalition contient des dispositions claires et nettes sur le fait de faire des pas et d’entreprendre des réformes afin d’adhérer à l’Union européenne… En fait nous devrions trouver des solutions sans avoir besoin de l’intervention de l’UE. Dans le passé, nous avons mené une longue lutte contre le terrorisme. Rien n’était possible à l’époque. Mais aujourd’hui la terreur est au niveau zéro… ". Devlet Bahçeli, chef du parti MHP, a de suite critiqué les propos de M. Yilmaz et s’est opposé à l’idée de l’éducation et de la télévision en kurde en soulignant que " l’on discute des choses qui ne se feront pas ".
Enfin, le quotidien turc Sabah, dans son édition du 19 juillet 2000, sous le titre de " 52 promesses à l’Europe ", fait état d’un calendrier de démocratisation remis à Gunther Verheugen, commissaire européen chargé de l’élargissement, lors de sa visite en Turquie. Voici, selon Sabah, " la carte de la route qui va vers l’Europe " :
Avant la fin de l’année 2001 : Par des modifications du code pénal, du code de la procédure pénale turcs mais aussi des lois anti-terreur, des réformes, dans différents domaines signalés par l’Union européenne, seront entreprises : la liberté de pensée, la liberté de la presse (réforme du cadre des infractions de la presse et baisse des sanctions), nouvelle disposition relative à la peine de mort (projet législatif dans le but de moderniser, de rendre plus compréhensif et applicable les différentes dispositions relatives à l’exécution), projet législatif imposant aux procureurs de la république le respect des jugements de la Cour européenne des droits de l’homme, signature et ratification du Pacte civil et politique et du Pacte des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU, signature du Protocole additionnel n° 6 relatif à l’abolition de la peine de mort.
Avant la fin de l’année 2002 : Des réformes seraient engagées dans les domaines suivants : Le droit à la vie (des modifications de la loi relative aux compétences administratives de la police), la liberté de diffusion (réformes de la loi 3984 relative à la création et l’émission des radios et télévisions), amnistie générale en faveur des journalistes et écrivains, la liberté syndicale, les libertés d’association, de réunion, de manifestation, des dispositions en vue d’harmonisation avec les sociétés démocratiques, création d’une présidence des droits de l’homme attachée au Premier ministre et d’un comité consultatif des droits de l’homme, statut légal au Haut comité à la coordination des droits de l’homme, réforme de la législation relative au régime d’exception (OHAL), projet de loi mettant fin au jugement des civils par les tribunaux militaires, modification de la composition du Conseil national de sécurité (MGK) au profit des civils (en y intégrant les vices-Premiers ministres et les ministres du Budget et de la Justice), dédommagement en cas de torture (projet de loi pour se conformer aux différentes conventions internationales signées par la Turquie).
De retour de Washington, le leader kurde irakien Jalal Talabani a effectué, le 25 juillet, une visite remarquée à Ankara où il a notamment été reçu par le Premier ministre turc Bülent Ecevit et par des responsables militaires turcs.
De source turque, on indique que J. Talabani a informé les autorités turques des activités du PKK au Kurdistan irakien. L’Union patriotique du Kurdistan (UPK) de J. Talabani affirme avoir, " depuis avril dernier ", créé des zones tampon autour des bases du PKK dans le Mont Qandil, à la frontière irako-iranienne, afin d’empêcher les attaques du PKK contre la Turquie. M. Talabani a également indiqué au Premier ministre que les guérilleros du PKK étaient disposés à déposer leurs armes si Ankara s’engage à ne pas les poursuivre. B. Ecevit s’est contenté d’écouter attentivement les propos de son hôte kurde. Très allergique aux mots kurde et Kurdistan, il a, à l’issue de l’entretien, remercié " M. Talabani et son organisation (sans nommer celle-ci qui comporte le mot " Kurdistan ") de leurs efforts pour bouter l’organisation terroriste PKK hors de l’Irak. "
Officiellement Ankara se dit " satisfait " de " la nouvelle politique anti-PKK" de l’UPK tout en restant "prudent" en raison " des engagements antérieurs non respectés" du chef kurde. De son côté, J. Talabani, dont c’était la première visite en Turquie, depuis 18 mois, s’est montré élogieux sur " la coopération avec nos frères turcs " à qui il a demandé de " l’aide " sans préciser la nature de celle-ci. Il a ajouté que le vice-président américain Al Gore lui avait recommandé de " rester dans la ligne de la politique turque ".
La visite de J. Talabani intervient à un moment où les relations d’Ankara avec le PDK de M. Barzani connaissent un certain refroidissement. Les autorités turques n’apprécient pas que l’administration kurde d’Erbil se comporte en un quasi-Etat, avec des titres (Premier ministre, ministres, président du Parlement, etc) et des symboles (l’usage de plus en plus répandu des drapeaux kurdes), qui déplaisent profondément à Ankara.
De plus, un parti turcoman irakien proche d’Ankara qui voulait former une milice armée a récemment été sévèrement rappelé à l’ordre par la police kurde d’Erbil. Le ministère turc des Affaires étrangères a convoqué le représentant à Ankara du PDK pour demander des " explications " et le gouvernement turc, par la voix d’Ismail Cem, a promis de "protéger nos frères turcomans".
La visite à Ankara de J. Talabani a suscité une vive tension entre son organisation et le PKK. Les media turcs ont annoncé que Talabani s’était engagé à " nettoyer sa région du PKK ". Le PKK, qui maintient plusieurs bases armées au Kurdistan irakien et refuse de les évacuer, parle, dans ses médias, d’une " déclaration de guerre " faisant partie d’un " complot international ourdi par Washington contre le PKK ". Des opérations militaires du PKK, très réduites ces derniers mois, ont repris dans la région. Des commandos du PKK venant d’une base près de Mossoul, sous contrôle irakien, ont lancé des attaques surprises contre des positions du PDK tuant une quinzaine de Peshmergas. Des attentats contre des civils, attribués au PKK, ont également repris. Le PDK y voit la "main des services irakiens qui soutiennent le PKK et qui s’en servent pour déstabiliser le Kurdistan irakien" . Le risque d’une confrontation armée d’envergure entre l’UPK et le PKK se dessine également. L’Iran, allié traditionnel de l’UPK et du PKK va-t-il intervenir pour éviter un sanglant conflit entre ses protégés ? Ou, va-t-il pousser le PKK à s’en prendre à l’UPK pour punir celle-ci de son flirt poussé avec Washington et Ankara ?
Plusieurs dizaines de cadres du PKK, y compris des ex-commandants de certaines régions militaires, contestant " la nouvelle stratégie " de leur parti ont récemment fait défection. Certains ont pu se réfugier auprès de l’UPK. D’autres, de 30 à 50 selon les estimations, ont été arrêtés et seraient menacés de mort par le PKK. Qualifiés de " traîtres " par Öcalan lui-même, qui, dans un texte publié par le journal Serxwebûn (indépendance) du PKK, demande que l’on les punisse avec les rigueurs de temps de guerre. Ces dissidents ont fait appel à des ONG internationales pour leur protection. Plusieurs ONG européennes, des partis kurdes de Turquie regroupés dans la Plateforme du Kurdistan du Nord, mènent campagne pour la libération de ces dissidents. Plusieurs députés allemands, dont Mme. Claudia Roth, présidente de la Commission des droits de l’homme du Parlement allemand, demandent à la direction du PKK de libérer ces dissidents et de respecter la liberté d’expression dans ses rangs. " Au moment où, au nom des principes démocratiques, nous demandons la vie sauve pour Öcalan, comment celui-ci et ses collègues peuvent-ils menacer de mort leurs propres dissidents ou des militants d’autres mouvements kurdes ?" s’interrogent des défenseurs occidentaux des droits de l’homme.
Et puis quelle peut être la crédibilité de " la nouvelle stratégie de paix et de démocratie " du PKK si après avoir " abandonné définitivement la lutte armée " en Turquie, il maintient de force des bases militaires au Kurdistan irakien et continue de mener des actions armées contre les autorités légitimes de cette région déjà dévastée et éprouvée par des décennies de guerre et protégée par l’ONU ? La question posée avec de plus en plus d’insistance par les amis occidentaux des Kurdes semble désormais troubler les dirigeants du PKK qui ont de plus en plus de mal à tout expliquer par " le complot international contre le PKK " et qui mesurent toute la difficulté de tenir des discours différents, et contradictoires, suivant qu’ils s’adressent aux Européens, aux Turcs, aux Kurdes et à leurs propres militants.
LE TRAITÉ DE LAUSANNE PRÉVOIT LA LIBRE EXPRESSION DE L’IDENTITÉ KURDE
Voici de larges extraits de l’article de Sükrü Elekdag, ancien ambassadeur turc à Washington, paru le 31 juillet dans le quotidien turc Milliyet, consacré aux obligations turques découlant du traité de Lausanne, signé en 1923, qui fonde la légitimité de la Turquie en droit international :
" Je l’avais déjà écrit une fois dans mes colonnes, sous le titre de " Brisons les tabous " (Milliyet 10-09-1999) : Selon le traité de Lausanne, tout citoyen turc est libre d’utiliser la langue qu’il souhaite, par exemple le kurde, dans le cadre des émissions de radio ou de télévision ou bien pour des publications écrites. C’était la première fois que cette disposition du traité de Lausanne avait été portée à l’attention du public. Et pourtant, nos médias n’y ont pas donné beaucoup d’échos à l’époque. Cela étant, lors de la visite à Ankara, de Gunther Verheugen, commissaire européen chargé de l’élargissement, la question des publications et des émissions en kurde a été à l’ordre du jour l’année d’après. Et la situation a soudainement changé. De nombreux journalistes ont soutenu que nos citoyens de langue kurde pouvaient bénéficier de ces droits et ont cité des dispositions du traité de Lausanne.
Cependant, certains de nos amis académiciens, nous ont prévenu que notre " interprétation " du traité était erronée. De plus, il nous a été signalé que tel était le point de vue officiel. C’est pourquoi nous considérons qu’il serait intéressant de soulever à nouveau le sujet.
Les paragraphes 4 et 5 de l’article 39 du traité de Lausanne disposent : " Aucune restriction ne devrait être imposée dans la libre utilisation par un national turc de la langue de son choix dans les rapports privés, dans le commerce, la religion, dans la presse, ou dans les publications de quelque sorte que ce soit ou encore dans les réunions publiques.
Bien que l’Etat dispose d’une langue officielle, des facilités adéquates devraient être mises à la disposition des nationaux turcs parlant une langue autre que le turc pour l’utilisation orale de leur langue devant les tribunaux ".
Comme on peut le voir, le paragraphe 4 est clair et sans équivoque, ne nécessitant aucune interprétation. Il est vrai qu’il n’y avait aucune référence dans le paragraphe aux média radiophoniques et télévisuels, puisque à l’époque la radio était limitée et la télévision inexistante. Cela étant, le paragraphe devrait être interprété selon notre époque. Ainsi, cela veut dire que tout national turc est libre d’émettre à la radio ou à la télévision dans la langue qu’il souhaite.
Penchons-nous à présent sur les justifications de nos amis académiciens :
Comme nous le savons, la section III du traité de Lausanne, sous le titre de " Protection des minorités ", n’accorde le statut de minorité qu’aux citoyens non musulmans. En d’autres termes, la " norme religieuse " (Musulman / non- Musulman) est pris comme le fondement du concept de minorité, et non la race ou bien la langue.
Dans la section III, les articles 38-44 comprennent des dispositions relatives à la " protection des minorités ". Et c’est l’article 39, paragraphe 4, qui procure " à tout national turc " certains droits, comme cela est cité ci-dessus.
Nos amis académiciens mettent l’accent sur ce point et soutiennent que le fait de placer cette disposition, aménagée pour garantir certains droits aux citoyens turcs, dans cette section du traité, crée un conflit du point de vue des mécaniques générales du traité de Lausanne. Ils soutiennent également que comme le traité ne reconnaît que les non-musulmans comme des minorités, on ne pourrait aboutir à la conclusion que certains droits (la liberté d’émission et de publication dans la langue parlée) sont accordés à certains groupes qui ne jouissent pas du statut de minorité.
Nous insistons sur le fait que ce point de vue n’a aucun fondement, en fait la règle générale de l’interprétation des traités est que " le traité doit être interprété en bonne foi conformément au sens ordinaire des termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but " (La Convention de Vienne sur les traités, article 31)
Partant de ce principe, lorsqu’on donne leur sens ordinaire aux termes de l’article 39, paragraphe 4, le sens des dispositions demeure pleinement clair et, par conséquent, ces termes n’ont nul besoin de plus d’interprétation. En fait, les procès-verbaux du traité de Lausanne corroborent ce point de vue.
La question des minorités a été vivement débattue au cours des négociations de Lausanne. En prenant en considération l’article 5 du Pacte national d’Ankara, qui promet que les droits accordés aux minorités par des traités européens devront être donnés mot à mot aux minorités en Turquie, les Alliés ont longuement essayé d’obtenir de la délégation turque la reconnaissance des minorités sur la base de la race et de la langue…
En fait, il a été décidé au cours de la Première Commission en présence d’Ismet Inönü que les minorités en Turquie devraient avoir les garanties comparables à celles existant dans les traités européens (Première Commission, N° de minute : 14, le 31 décembre 1922)
Cette décision a été inversée lors de la Sous-commission des Minorités où Dr. Riza Nur représentait la Turquie. Notre représentant a refusé jusqu’au bout le principe de protection des minorités fondé sur la race ou la langue…
Comme on le verra, le traité de Lausanne n’a pas conduit au séparatisme en ne garantissant pas aux Kurdes le statut de minorité. Tout au contraire, il leur a accordé, sur le fondement d’une loi et des droits individuels, le droit d’utiliser leur propre langue dans les publications et des émissions de radio et de télévision, et, dans ce contexte, d’adopter leur propre identité.
Je pense que cela sera énormément bénéfique si M. Mesut Yilmaz et M. Ismail Cem expliquaient les considérations ci-dessus au peuple turc. "
Le ministère des affaires étrangères turc a, le 16 août 2000, annoncé la signature par la Turquie de deux conventions des Nations Unies sur les droits de l’homme. Ankara a précisé que qu’il étudiera d’éventuelles réserves à apporter à ces documents en vue de les soumettre au vote du Parlement.
Selon un communiqué publié par le ministère, " la Turquie a signé le Pacte sur les droits civils et politiques et le Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels mardi à New-York. " Les deux conventions promeuvent la liberté de pensée, de conscience et de religion, condamnent la torture et garantissent aux minorités la liberté d’expression culturelle et linguistique. Le communiqué indique que le refus d’Ankara de signer ces textes avait conduit à une " désapprobation dans la communauté internationale ", et " la non-adoption de ces pactes était considérée comme un défaut pour (le) pays, qui est candidat à l’adhésion à l’Union européenne ".
Le communiqué précise cependant que ces conventions se seront soumises au Parlement pour ratification après une étude approfondie des deux textes en vue d’établir d’éventuelles réserves sur certains articles. Le gouvernement turc a toujours refusé d’accorder aux Kurdes des droits culturels spécifiques, comme un enseignement ou une télévision dans leur langue. Le Parlement semble peu propice à faire des réformes en ce sens d’autant plus qu’il est composé à majorité de nationalistes (DSP), voire d’ultra-nationalistes (MHP).
Par ailleurs, on sait que la Turquie est co-signataire de la Convention européenne des droits de l’homme ainsi que la Convention contre la torture du Conseil de l’Europe. Ces signatures ne semblent guère gêner le régime turc de violer d’une façon récurrente et massive les droits de l’homme garantis et protégés par ces conventions, quitte à payer de temps à autre, des " dédommagements " symboliques à certaines victimes qui ont le courage, la persévérance et les moyens de saisir la Cour européenne des droits de l’homme.
La Cour européenne des droits de l’homme a, le 11 juillet, condamné la Turquie pour des actes de " torture " sur un détenu soupçonné d’appartenir à un mouvement d’extrême gauche. Soupçonné d’avoir commis des actes de violence au nom d’un groupe d’extrême gauche, Devrimci-Sol (la gauche révolutionnaire), celui-ci avait été arrêté le 10 février 1992 et interrogé pendant 16 jours par la section antiterroriste de la Sûreté d’Istanbul avant d’être présenté à un juge. Un médecin de la prison où il avait été transféré avait relevé une vingtaine de traces de coupures, écorchures et éraflures sur ses membres. Selon la Cour européenne des droits de l’homme, les violences commises sur le détenu " ont revêtu un caractère particulièrement grave et cruel " et " méritent la qualification de torture ". Le requérant avait été battu, immergé dans une eau glacée, pendu des bras, reçu des chocs électriques et un simulacre d’exécution avait été organisé dans une forêt.
Dans un arrêt rendu à l’unanimité, la Cour estime également que les autorités d’Ankara ont, dans la même affaire, violé l’article 5§3 de la Convention européenne des droits de l’homme qui garantit le droit de toute personne arrêtée d’être traduite aussitôt devant un juge. La Turquie devra verser 200 000 FF pour préjudice moral et 10 000 FF pour frais et dépens au requérant, Metin Dikme, qui se trouve toujours emprisonné.
La procédure visant Metin Dikme est toujours pendante, sa condamnation, en 1998, ayant été annulée par la Cour de cassation. La plainte qu’il avait lui-même déposée contre les policiers responsables de sa garde-à-vue s’est soldée par un non-lieu, en 1993.
Selon le rapport annuel sur " le développement humain " du Programme de développement des Nations unies (UNDP), la Turquie se situe au 85e rang sur 174 pays étudiés en termes de développement humain. Le rapport est issu de l’évaluation des statistiques des différents pays selon l’espérance de vie, mais aussi l’alphabétisation et le revenu national par habitant. Le rapport révèle que l’espérance de vie moyenne en Turquie est de 69,3 ans, le taux d’alphabétisation est de 84 % et le taux de personnes enregistrées en primaire, secondaire, et en études supérieures se situe à 61 %. Le revenu national par habitant est de $6 422. Selon le même rapport, l’Iran se situe au 95erang et la Syrie 111e.
Un rapport annuel du Département d’état américain [Turkish Daily News du 23-08-00] a placé la Turquie au sixième rang mondial de la liste des pays ayant la plus importante défense militaire. Le rapport tient compte de l’effectif de l’armée pour faire son classement. La Chine avec 2,6 millions de soldats, suivie des Etats-Unis, de la Russie, et de la Corée du Nord, forment la tête de liste. La Turquie avec 820 000 soldats se situe au sixième rang. Par comparaison la Grèce est au 27ème rang, et la Turquie dépasse de loin des pays comme la France, l’Allemagne, l’Italie, la Grande-Bretagne et l’Iran.
Le rapport révèle également que la Turquie se situe au sixième rang des pays importateurs d’armes entre 1995 et 1997. Le premier de cette liste est l’Arabie Saoudite avec $ 31,3 milliards pour la même période, suivi de Taiwan, du Japon, de l’Egypte et du Koweït.
200 organisations non gouvernementales turques, venant d’horizons très divers, ont signé un texte pour demander la révision de la Constitution turque (Turkish Daily News le 11-07-00) : " Nous ne nous sentons pas complètement sécurisés pour notre avenir et sommes sans espoir à l’heure où nous entrons au XXIe siècle. La structure politique, administrative, et légale de la Turquie est corrompue ; ceci est devenu obsolète et empêche les progrès et la modernisation du pays. Le chemin de la Turquie devrait être éclairci, mais ceci dépend de plusieurs facteurs. Le premier point est que la démocratie devrait être effective avec toutes ses lois et ses institutions. Deuxièmement, il devrait avoir un système basé sur les droits de l’homme et le principe de l’Etat de droit. Il est largement admis à tous les niveaux de la société que le principal obstacle de la démocratisation est la Constitution de 1982. C’est pourquoi nous avons besoin d’une nouvelle Constitution. "
Parmi les signataires, on compte notamment : Plateforme pour une démocratie urgente, Association des hommes d’affaires Lions d’Anatolie, Association des jeunes hommes d’affaires, Volontaires pour l’environnement, Groupe Ari, Initiative pour la lumière une minute d’obscurité, Fondation Cekul, Programme de la république démocratique, Association de la transformation démocratique, Association des principes démocratiques, DEMOS, Fondation de solidarité des employés de théâtres, opéra et ballet d’Etat, DISK, Association environnementale méditerranéenne de l’Est, Association de solidarité des amis, Institut des professionnels de l’industrie, Fondation de solidarité et de culture Haci Bektas Veli, Chambre des architectes d’enquêtes de carte et de cadastre, Association des citoyens Helsinki, Association des droits de l’homme, Association des accords humains, Association du conservatoire d’Etat de l’Université d’Istanbul, Association des employés pharmaceutiques d’Istanbul, Institut kurde d’Istanbul, Fondation des diplômés des sciences politiques d’Istanbul, Chambre des guides touristiques d’Istanbul, Présidence de la chambre des vétérinaires d’Istanbul, Association des diplômés de l’Université de Marmara et Etudiants en commerce avancé d’Istanbul, Association KADER, Fondation pour le respect des travailleurs féminins, Femmes pour les droits des Femmes, Plateforme de la Mer noire, Mouvement Greenpeace de Chypres, Association des libraires, Mouvement libéral, Ingénieur mécanique-chambre d’Istanbul, Centre culturel Mesopotamia, Association des diplômés de METU-branche d’Istanbul, Initiative autonome du Conseil de l’art, Association culturelle Pir Sultan Abdal, SOS volontaires pour la plateforme de l’environnement, Union des organisations de la société civile, Association des volontaires des enfants de la rue, SODEV, TESEV, Union des critiques de théâtre, TOMEB, Chambre des Ingénieurs géologiques, Union des chambres d’ingénieurs et d’architectes de Turquie (TMMOB), Fondation de recherche socio-légale, Association de mouvement de transparence sociale, TUREB, REVAK, TUGIAD, Union turque des dentistes, Associations turque des libraires, Association turque des ingénieurs de l’installation, Fondation turque des informaticiens, Fondation turque pour la liberté des enfants, Fondation des droits de l’homme de Turquie, Fondation de recherche économique et financière de Turquie, TURMOB, TUSES, TUSIBAK, Association Université Faculté.
Les autorités turques ont au cours des dernières semaines intensifié leurs efforts de démantèlement des organisations de la société civile kurde. Après la fermeture des sections de Diyarbakir et de Van de l’Association des droits de l’homme et des associations des étudiants de ces deux villes universitaires kurdes, le centre culturel Dicle pour les femmes de Diyarbakir, le centre culturel Meteris spécialisé dans des activités de théâtre et de musique ont été également fermés sur ordre du Superpréfet de la région. Enfin l’une des rares fondations indépendantes basées à Diyarbakir, la Fondation pour l’aide humanitaire et le développement, spécialisée dans la formation et l’aide aux populations déplacées, a été interdite par la justice turque au prétexte qu’elle " n’aurait pas assez de ressources pour réaliser tous les objectifs énumérés dans ses statuts ". Cette décision a été ratifiée avec une célérité exceptionnelle en 35 jours par la Cour de cassation. À ses dirigeants médusés, les juges ont dit qu’il n’y pouvait rien " car l’ordre vient de très haut, de l’état-major des armées qui ne veut pas d’organismes servant d’interlocuteurs aux visiteurs occidentaux ".
En fait, le régime turc qui estime avoir vaincu militairement la guérilla du PKK cherche par tous les moyens à éviter la politisation du problème kurde, et écrase tous ceux qui peuvent servir de porte-parole pacifiques et légitimes à la population kurde et à ses revendications culturelles.
La répression contre le HADEP s’inscrit dans cette stratégie d’ensemble d’étouffement et d’écrasement. Depuis avril 2000 plus de 500 responsables et membres de ce parti ont été arrêtés sous des prétextes divers. Certains ont été relâchés, après avoir été avertis et menacés, d’autres comme les dirigeants des fédérations d’Agri et de Van de ce parti sont toujours derrière les barreaux.
Le 11 juillet, 15 nouvelles arrestations ont eu lieu à Diyarbakir pour " organisation de manifestation illégale ". Plus d’un millier de personnes étaient réunies le 10 juillet à Diyarbakir pour commémorer la mort de Vedat Aydin, responsable local du parti du peuple (HEP), enlevé et exécuté par un escadron de la mort de la police turque il y a neuf ans.
Selon le quotidien turc Milliyet du 21 août, le superpréfet de la région sous état d’urgence (OHAL) a interdit 242 cassettes audio, majoritairement chantés en kurde ou encore par des Kurdes. Les autorités turques ont motivé leur décision par le fait que la Direction générale des droits d’auteur du ministère de la culture, avait annulé " le certificat de gestion de l’œuvre ".
Selon le journal, " le plus grand nombre de cassettes interdites en Turquie appartient à Sivan Perwer, qui vit aujourd’hui en Europe et qui chante principalement des chansons sur la nature et l’amour ". Ahmet Kaya, musicien kurde chantant en turc, voit également ses œuvres sous le coup de l’interdiction. Le plus étonnant est que des musiciens comme Emin Arbani chantant de la pop music en kurde, se voient également interdits.
L’Association turque des droits de l’homme (IHD) proteste contre la fermeture de ses bureaux à Diyarbakir. Nazmi Gür, le secrétaire général de l’IHD a déclaré que le bureau de l’Association a été fermé le 12 août pour une nouvelle période de trois mois en raison d’un " danger pour la sécurité publique… La fermeture est intervenue une demi-heure après que les représentants de l’IHD eurent repris leurs activités, suite à l’expiration d’une interdiction de trois mois imposée précédemment pour les mêmes raisons ".
Les décisions prises par les autorités de l’état d’urgence, qui contrôlent la plus grande partie des régions kurdes, ne peuvent faire l’objet d’un recours en justice. " Nous demandons au gouvernement de lever cette interdiction, contraire au récent processus de démocratisation et (de respect) des droits de l’Homme qui doit nous permettre de rejoindre l’Union européenne " a souligné M. Gür.
L’IHD avait ouvert un bureau à Diyarbakir en 1987, trois ans après le début de la lutte armée du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Malgré une existence très précaire, les responsables annoncent qu’il y a eu plus de 10 000 recours de citoyens victimes de la répression auprès de ce bureau. La Turquie a déclaré l’état d’urgence dans la plupart des provinces kurdes en 1987 et a adopté une loi spéciale conférant de larges pouvoirs aux autorités chargées d’appliquer l’état d’urgence, y compris le droit de fermer des associations.
Selon la direction générale des casiers judiciaires et des statistiques du ministère turc de la Justice, 63,4 % des dossiers relevant de la compétence des huit cours de sûreté de l’Etat et 27 % des affaires des parquets des districts et des provinces sont restés " non élucidés " pour l’année 1999. Selon les données, ces dossiers se répartissent comme suit : Pour la Cour de sûreté de l’Etat (DGM) d’Adana : 27,3 % ; DGM d’Ankara : 41,4 % ; DGM de Diyarbakir (Kurdistan) : 82,2 % ; DGM d’Erzurum (Kurdistan) : 71,3 % ; DGM d’Istanbul : 0,8 % ; DGM d’Izmir : 11,8 % ; DGM de Malatya (Kurdistan) : 65,4 % ; et DGM de Van (Kurdistan) : 77,1 %.
En 1992, on avait enregistré 5 040 affaires non élucidées par les Cours de sûreté de l’Etat, 8 230 dossiers en 1993, 11 593 en 1994, 13 665 en 1995, 15 321 en 1996, 19 962 en 1997, 18 390 en 1998 et 18 639 en 1999. Quant aux autres parquets, 722 390 dossiers sont restés " non élucidés " en 1999. Avec 11 348, c’est à la Cour de sûreté de l’Etat de Diyarbakir où s’entassent le plus d’affaires " non élucidées ", suivi de Van avec 3 327 dossiers, puis Erzurum avec 1 605 dossiers.
Un rapport intitulé " La situation en Anatolie du Sud-est selon les indicateurs socio-économiques " réalisé par le député de Van Hüseyin Çelik, publié dans Turkish Daily News du 4 juillet, révèle que le système de santé dans la région kurde accuse un large retard sur le reste du pays.
Selon le document, le Sud-Est kurde se contente d’un médecin pour 7 602 habitants et l’Est un pour 5 309. La moyenne nationale est d’un médecin pour 2 141, soit de trois à quatre fois supérieure à celle des provinces kurdes. Le rapport, basé sur les données de l’Institut des Statistiques de l’Etat (DIE), l’Organisation de l’Etat à la planification (DPT), la Banque mondiale et l’UNICEF, révèle que l’écart est encore plus important s’agissant des dentistes. Au Sud-Est, on compte 1 dentiste pour 21 504 habitants et à l’Est 1 pour 17 448, alors que la moyenne nationale est d’1 pour 5 453.
Le rapport indique également que la province kurde d’Erzurum se situe la première pour son important taux de mortalité infantile, suivi de Diyarbakir. La ville turque de Bursa avec un taux de 59,3 % est la première ville du pays pour le nombre d’enfants vaccinés. Ce taux descend à 23,5 % à Diyarbakir et à 18,6 % à Erzurum. Hüseyin Çelik souligne que la plupart des centres médicaux de la région kurde ne fonctionnent pas correctement et que pour la plupart ils n’ont même pas de médecins dans leurs services. Quant à Hakkari et à Sirnak, deux des plus importantes villes défavorisées, les hôpitaux publics n’y fonctionnent qu’avec des généralistes. La situation n’est guère plus rose pour ce qui est des hôpitaux de sécurité sociale (SSK). À l’hôpital SSK de Van, il n’y a que huit médecins alors que le nombre devrait être de 40.
Le chef d’état-major français de l’armée de terre, Yves Crène, s’est rendu du 8 au 11 juillet en Turquie, alors que la France, l’Allemagne, les Etats-Unis et l’Ukraine sont en concurrence pour la fourniture à l’armée turque d’un millier de chars pour un montant de 7,1 milliards de dollars. L’hebdomadaire allemand Der Spiegel estime que la France est favorite pour emporter ce contrat.
Par rapport à ses partenaires européens, la France fait beaucoup d’efforts diplomatiques pour ne pas indisposer Ankara. Rares sont les critiques officielles concernant les violations des droits de l’homme en Turquie. Le président Chirac en personne était intervenu pour que le Sénat français n’examine pas un projet de loi portant reconnaissance du génocide arménien adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.