L’écrivain et journaliste kurde Mahmut Baksi est décédé le mardi 19 décembre à 19h à Stockholm des suites d’une longue maladie.
Il était né en 1944, à Kozluk, au Kurdistan de Turquie. Après des études secondaires, il se lança, dès 1976, dans le journalisme et l’action syndicale. En 1969, il publia son premier roman, Mezra Botan, s’inspirant de la vie des Kurdes de son enfance. Ses écrits, ses activités en faveur du peuple kurde et son syndicalisme lui valurent une série de procès. Menacé des années de prison, en Turquie, il se réfugia d’abord en Allemagne puis, en 1971, en Suède où il était devenu un écrivain et une personnalité reconnus.
Il fut notamment journaliste du quotidien social-démocrate Aftonbladet et l’unique membre d’origine étrangère du Bureau exécutif de l’Union des écrivains suédois. Membre de l’Institut kurde de Paris, depuis 1986, il en devint, de 1996 à 2000 membre du conseil d’administration.
Auteur d’une vingtaine de livres dont certains sont traduits en langues étrangères (suédois, norvégien, allemand, finnois, turc et français), M. Baksi exerça, jusqu’à sa mort, son métier de journaliste dans la presse suédoise et kurde. Il a également réalisé des reportages et des documentaires pour la télévision suédoise.
Les éditions l’Harmattan avaient récemment publié son récit autobiographique Mon enfance au Kurdistan.
Une cérémonie à sa mémoire a eu lieu le samedi 23 décembre à Stockholm, à l’initiative de la Fédération des associations du Kurdistan en Suède et de l’Institut kurde et en présence de sa famille. Conformément à ses dernières volontés son corps sera enterré à Diyarbakir.
Les Quinze ont affirmé, le 4 décembre, être finalement parvenus à éviter une crise sérieuse sur le "partenariat d’adhésion" proposé à la Turquie et à arracher un accord entre Grecs et Turcs, à l’issue d’un travail qualifié de véritable "marqueterie".
Il y a eu un "travail important sur les mots" utilisés dans le document de "partenariat d’adhésion", qui définit la route à suivre par la Turquie pour adhérer à l’UE. C’était "presque de la marqueterie", a lancé après une rencontre ministérielle le chef de la diplomatie française Hubert Védrine, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE jusqu’à fin décembre 2000, pour donner une idée de la difficulté qu’il y a eu à trouver une solution.
Ankara ne voulait pas entendre parler de l’inscription du problème de Chypre dans les critères politiques à court terme devant être réglés par la Turquie avant la fin de 2001, contrairement à ce que souhaitait la Grèce. Le ressentiment et l’inquiétude de la Turquie étaient d’autant plus forts que l’accomplissement des critères politiques, dits "critères de Copenhague", est indispensable pour qu’un pays candidat à l’UE puisse engager les négociations d’adhésion à l’Union.
Selon des sources européennes toutefois, les sujets litigieux entre Athènes et Ankara restent mentionnés, mais dans un chapitre du partenariat d’adhésion intitulé "dialogue politique renforcé et critères politiques". Ce chapitre fait "référence à une solution d’ensemble au problème de Chypre", ainsi qu’"au règlement pacifique des différends", une allusion aux questions territoriales de la Mer Egée, "en accord avec la Charte des Nations Unies". Le chapitre se situe en droite ligne des décisions du sommet européen de Helsinki, en décembre 1999, au cours duquel les Quinze avaient permis à la Turquie d’accéder au statut de candidat à l’UE, sans pouvoir cependant engager déjà des négociations d’adhésion.
À la veille du sommet européen de Nice, les Quinze ont ainsi pu éviter une crise sérieuse entre la Grèce et la Turquie.
Cependant la Turquie est restée en marge du convoi de l’élargissement à l’issue de ce sommet, après avoir passé sa première année de candidature à débattre sans avancée notable des réformes politiques indispensables à son intégration au Club européen. Elle s’est offusquée qu’elle ne soit même pas mentionnée dans les conclusions du sommet de Nice.
" Ils auraient pu inclure une petite explication. Il est évident qu’ils ont négligé ce point. Ils auraient pu être plus attentifs de façon à ne pas créer un malaise de notre côté", a commenté un diplomate turc.
"On n’accorde pas encore à la Turquie la place qu’on lui a officiellement donnée à Helsinki", a reconnu un diplomate européen sous couvert de l’anonymat. "En toile de fond, il y a une série d’hésitations" à l’égard de ce pays, a-t-il ajouté. " De son côté, la Turquie ne fait pas suffisamment pour montrer qu’elle est candidate", a-t-il estimé.
"Le fait que la Turquie n’ait même pas été mentionnée renforce le camp de ceux qui sont opposés en Turquie à son adhésion", estime de son côté un éditorialiste du quotidien libéral Yeni Binyil.
Au 61ème jour de la grève de la faim lancée par 250 détenus liés aux groupes de gauche protestant contre le projet de nouvelles prisons, dites de type F- (cellules pour 2 à 3 personnes que les détenus qualifient de " cercueils " et remplaçant le système actuel de dortoirs de 50 à 60 personnes) l’armée turque a, le 19 décembre, donné l’assaut. L’opération a fait au moins 19 morts, dont deux militaires. Les tentatives de médiation avaient été interrompues le 15 décembre.
C’est à l’arme automatique que les gendarmes ont investi les établissements pénitentiaires. Des policiers appuyés par des gendarmes, corps d’armée chargé d’assurer la sécurité dans les prisons, ont lancé simultanément des opérations de " sauvetage " à 05h00 contre une vingtaine de prisons à travers la Turquie- Il s’agit des prisons de Bayrampasa et d’Umraniye à Istanbul, d’Ulucanlar à Ankara, ainsi qu’à Ceyhan, Bursa, Aydin, Buca, Usak, Çanakkale, Kirsehir, Kahramanmaras, Nigde et Çankiri.
Selon le ministre turc de la justice, Hikmet Sami Turk, parmi les victimes, au moins deux se seraient suicidées dès les premières heures de l’assaut en s’immolant par le feu. Une détenue à Umraniye se serait immolée et jetée contre les forces de l’ordre qui auraient riposté par des coups de feu. M. Turk a d’autre part confirmé le début des transferts dans la prison de type F de Sincan alors que qu’il avait reporté, le 9 décembre, l’entrée en fonction du nouveau système carcéral à une date ultérieure.
" Ils ont brûlé vives six femmes ! ", hurlaient deux prisonnières sur des civières, arborant des brûlures au visage, alors qu’elles étaient transportées vers un hôpital. Ces scènes diffusées par la chaîne CNN-Turk, contredisent les déclarations du ministre de la Justice qui parle, lui, d’immolations de détenus.
À Istanbul, Me Eren Keskin, responsable local de l’association turque des droits de l’homme (IHD) et une trentaine de personnes ont été placés en garde-à-vue, suivi dans la journée de nombreuses autres détentions. Les familles des détenus se sont également rendues sur les lieux exigeant des nouvelles de leurs proches. Depuis une quinzaine de jours les députés kurdes, Orhan Dogan, Leyla Zana, Hatip Dicle et Selim Sadak avaient eux aussi rejoint le mouvement de protestation. Les gendarmes sont intervenus dans leur dortoir et ont voulu les hospitaliser. Devant leur refus, ils n’ont pas usé de la force pour les y contraindre.
Selon les témoignages recueillis par l’association turque des droits de l’homme, les détenus déclarent que " les policiers nous ont d’abord arrosées d’un liquide puis nous ont brûlées ". Les responsables de la Chambre des médecins confirment cette version.
On rappelle par ailleurs que les victimes sont des militants connus pour leur combativité et perçus comme des " meneurs " par les autorités turques. Tout porte à croire qu’ils ont été froidement assassinés par l’armée à la faveur de la confusion des opérations. Lors des attaques similaires dans la prison de Diyarbakir, une dizaine de détenus kurdes avaient été assassinés. Plus récemment au cours d’une attaque contre la prison centrale d’Ulucanlar d’Ankara, une douzaine de détenus auraient été achevés dans la cour de la prison sous les regards impuissants des autres prisonniers, dont les députés kurdes détenus. Les procès contre les auteurs de ces massacres n’ont jamais abouti.
Instruite des expériences du passé, l’armée turque a mené cette fois-ci ses opérations selon un plan minutieux préparé depuis un an dans les détails y compris les volets diplomatique et médiatique. Les grévistes de la faim désarmés sont présentés comme des extrémistes de gauche dangereux.
La presse turque ne fait écho que des déclarations officielles et les récalcitrants sont de suite appelés à l’ordre. La diffusion de la chaîne d’information NTV a été interrompue le 21 décembre dans la matinée par la police alors que le correspondant relatait en direct l’opération de la police. Le directeur général des prisons, Ali Suat Ertosun, s’en est vivement pris aux journalistes turcs : " Ne posez pas de questions, qui mettent en doute l’attitude et le comportement de l’Etat ", a-t-il averti.
La Commission européenne a réagi avec prudence s’affirmant " préoccupée " par les atteintes aux droits de l’homme. De son côté le porte-parole du ministère français des affaires étrangères, François Rivasseau, a déclaré : " nous sommes consternés par l’issue de la grève de la faim dans les prisons turques ".
Le numéro 2 de la revue semestrielle de l’Institut kurde Études kurdes vient de paraître.
Au sommaire de ce numéro :
Etudes kurdes est diffusée par les Éditions l’Harmattan et l’Institut kurde.
L’armée turque a déployé le 17 décembre au matin plus de 700 soldats et l’artillerie lourde autour de la région de Raniya et Qandil, au Kurdistan d’Irak à environ 300 km à l’intérieur, pour attaquer les camps du PKK de la région. La nouvelle incursion turque qui n’a même plus l’alibi du " droit de poursuite ", puisque le PKK ne combat plus en Turquie, viole ouvertement le droit international.
Selon le quotidien arabe anglophone Al-Zaman, daté du 19 décembre, Ankara serait appelé à la rescousse de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), qui serait mise à mal dans les derniers combats par le PKK qui aurait engagé 3000 combattants dans la région. Le 21 décembre, dans le quotidien arabe Al-Sharq al-Awsat, Adil Murad, un des responsables d’UPK, a nié les faits en soulignant que " la situation à Raniyah est stable et pacifique. Concernant l’armée turque, le monde entier sait que depuis des années l’armée s’introduit au Kurdistan irakien en prétextant combattre le PKK ".
Il reste difficile à chiffrer le nombre de victimes des affrontements, mais selon certains témoignages il y en aurait " plusieurs centaines " dans la région. Selon le quotidien Al-Hayat du 22 décembre, le chef du PKK, Abdullah Ocalan aurait adressé une lettre à son frère Osman Ocalan, basé à la frontière irako-iranienne, lui demandant " d’éviter de combattre l’armée turque à n’importe quel prix ".
Par ailleurs, Mme Danielle Mitterrand a adressé au Président Chirac une lettre où elle écrit notamment : " Peut-on encore continuer à considérer le gouvernement turc et sa politique de répression comme une démocratie apte à se joindre à l’Europe ? Vous avez ratifié récemment à Nice, la Charte européenne des droits fondamentaux. Même si elle ne nous convient pas tout à fait, ce texte stipule la nécessité de processus démocratique, en tout cas humaniste, pour tout pouvoir européen. Je vous rappelle que l’armée turque, contrairement aux textes et lois internationaux, a de nouveau fait une incursion au nord de l’Irak… Cet appel est aussi lancé à l’opinion publique afin que les tueries cessent dans les prisons de la Turquie et que l’armée turque mette un terme aux pratiques qui menacent la paix régionale ".
Dans un article publié par le quotidien allemand Berliner Tagesspiegel du 31 décembre 2000, l’ancien chancelier allemand, Helmut Schmidt a considéré que le traité de Versailles du 1919 entravant la création d’un Etat kurde était une faute grave et constituait une erreur historique.
" D’un point de vue géostratégique, la question est comme suit ; en Turquie, un cinquième d’une population de 70 millions d’habitants est formé par les Kurdes. Les deux parties s’affrontent avec des armes dans les rues de Hambourg. Le fait de ne pas accorder aux Kurdes un Etat dans le traité de 1919 était une faute grave. Va-t-on aujourd’hui introduire ce grave conflit dans l’Union européenne ? Il faudrait s’appeler Joscka Fisher pour supporter tout cela au nom d’un idéalisme européen " a déclaré M. Schmidt. Il a d’autres part souligné que " donner le statut de candidat à la Turquie constitue une grave erreur… Cela s’est fait sur un faux espoir. Outre le fait qu’elle risque d’entraîner avec elle d’autres problèmes immédiats, elle emmène des problèmes dont la solution risque de coûter très chère".
La requête d’Abdullah Ocalan concernant de multiples violations de ses droits lors de son procès en Turquie a été jugée recevable par la Cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg. Une chambre de sept juges des droits de l’Homme a déclaré recevable jeudi la requête d’Ocalan concernant des violations de ses "droits à la vie", à l’"interdiction des mauvais traitements", à "la liberté et à la sûreté", à un "procès équitable", à la "liberté de pensée, de conscience et de religion, ainsi qu’à la "liberté d’expression". A. Ocalan a également obtenu que la Cour de Strasbourg examine au fond ses allégations de violations de son droit à ne pas être condamné à une peine "pour une action qui ne constitue pas une infraction au moment où elle a été commise" et à "bénéficier d’un recours effectif". En outre, les juges de Strasbourg ont déclaré recevables les allégations d’Ocalan concernant des violations de ses droits "au respect de sa vie privée et familiale", à "l’interdiction de la discrimination", à la "limitation de l’usage des restrictions aux droits" et au "droit à un recours individuel".
En revanche, la Cour européenne des droits de l’Homme a écarté les plaintes d’Ocalan concernant deux aspects accessoires de sa requête comme le "droit pour toute personne appréhendée d’être informée des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle".
Les sept juges, au vu de la complexité de l’affaire, ont décidé de confier à la Grande chambre (composée de 17 juges) le soin de se prononcer sur le fond. Cette décision ne devrait pas intervenir avant plusieurs mois alors que la Turquie a suspendu l’exécution d’Ocalan dans l’attente de la décision de la Cour des droits de l’Homme. L’abolition de la peine de mort est l’un des critères d’une adhésion de la Turquie à l’UE.
La Turquie a minimisé l’impact de la recevabilité par la Cour européenne des droits de l’Homme de la requête, alors que ses défenseurs ont salué ce jugement. "Il ne s’agit que d’une décision en faveur de la recevabilité d’une requête", a dit laconiquement le ministre turc de la Justice Hikmet Sami Turk.
Me Hasip Kaplan a qualifié d’"important pas" le jugement, saluant la décision de la cour de sept juges de confier à la Grande chambre (composée de 17 juges) le soin de se prononcer sur le fond.
Selon le rapport publié le 7 décembre à Strasbourg avec l’accord du gouvernement turc, après une visite du CPT en Turquie du 23 février au 3 mars 1999, Abdullah Ocalan, détenu dans l’île-prison d’Imrali, dispose d’une cellule de 13 m2, bien éclairée à la lumière naturelle et convenablement équipée avec un lit, un bureau, des toilettes, douche, lavabo et une climatisation, le tout "de très bonne qualité". Soumis à un rigoureux isolement, il ne court pourtant, selon le rapport, aucun risque de mauvais traitement et quatre médecins prennent soin de lui: un généraliste, un cardiologue, un spécialiste de médecine interne et un psychiatre.
En outre, il peut écouter les émissions de la radio turque TRT-FM et il reçoit régulièrement des livres, périodiques et la presse quotidienne. Le gouvernement turc, dont la réponse est jointe au rapport, déclare qu’Abdullah Ocalan peut lire tous les livres qu’il veut, ainsi que les publications et journaux que lui apportent ses avocats et sa famille qui lui rendent visite régulièrement.
En outre, afin de pallier les effets négatifs de l’isolement sur la santé mentale de M. Öcalan, des personnes spécialement formées aux relations humaines "ont des conversations quotidiennes, à des heures spécifiques, avec le détenu", selon Ankara.
Quant aux demandes pressantes du CPT d’agrandir l’espace vital d’Abdullah Ocalan ou de rompre son isolement, en lui permettant d’avoir des compagnons de cellule, la réponse d’Ankara est un non ferme, soit pour des raisons de sécurité, soit parce que la loi anti-terrorisme l’interdit. D’ailleurs, souligne le gouvernement, le prisonnier dispose aussi d’une aire de promenade de 45 m2, alors que celles réservées aux "criminels dangereux" de certaines prisons occidentales en Allemagne, en Norvège ou en Finlande "sont plus petites".
Dans ce même rapport, le CPT relève plusieurs nouveaux cas de torture et mauvais traitements dans les sections anti-terroristes de la police d’Istanbul et d’Izmir: "pendaison palestinienne" (suspension par les bras), coups sur tout le corps, électro-chocs. Les médecins du CPT ont pu constater la véracité de certaines allégations. Le cas le plus grave, d’ailleurs reconnu par Ankara, est celui du syndicaliste Suleyman Yeter, torturé à mort en garde-à-vue du 5 au 7 mars 1999 à Istanbul. Les trois policiers auteurs présumés des tortures font l’objet de poursuites judiciaires, a indiqué le gouvernement. "Une action décisive doit être faite pour éradiquer, une fois pour toutes, le recours à la torture et aux mauvais traitements par les policiers" du département anti-terroriste d’Istanbul, selon le CPT.
Le Fonds monétaire international (FMI) a, le 6 décembre, volé au secours de la Turquie en annonçant une aide de 10 milliards de dollars pour régler sa crise de liquidités en échange d’une accélération de la réforme du secteur bancaire et des privatisations. Signe d’un rétablissement de la confiance, la Bourse d’Istanbul s’est envolée en clôturant en hausse de 18,6% par rapport à la veille, où elle s’était déjà reprise après deux semaines d’une baisse ayant atteint près de 50%, dans l’anticipation de l’annonce du FMI. Et les taux d’intérêt au jour le jour tournaient autour de 200 %, après avoir crevé le plafond à 1.700% pendant la crise
Le directeur général du Fonds, Horst Koehler, va demander au Conseil d’administration des crédits d’un peu plus de 10 milliards de dollars, dont une première tranche de 2,8 milliards de dollars sera débloquée dès le 21 décembre, date de la réunion du Conseil, a annoncé à Ankara son directeur pour l’Europe Michael Deppler. Qui plus est, le chef économiste de la Banque mondiale, Nicholas Stern, a annoncé, le 5 novembre que la Banque allait discuter prochainement d’un programme d’aide d’environ cinq milliards de dollars à la Turquie.
En contrepartie, le Premier ministre turc Bulent Ecevit a annoncé une série de mesures : accélération de la privatisation de Turk Telekom, Turkish Airlines (THY) et du secteur de l’électricité, renforcement de la réforme du secteur bancaire, qui sera détaillée dans une lettre d’intention au FMI, et de la lutte contre l’inflation pour la ramener à 12 % fin 2001 (44 % actuellement).
Fin octobre 2000, dix banques étaient placées sous la tutelle de l’Etat, dont plusieurs frappées par des scandales de corruption. Le 5 décembre, un onzième établissement bancaire, Demirbank, dont les difficultés avaient été le détonateur de la crise, les a rejointes, et une autre, Investment Bank, s’est vue retirer sa licence. La crise financière est liée à la fragilité du secteur bancaire, qui a massivement misé sur les bons du Trésor – dont les profits ont fondu avec la baisse des taux d’intérêt et les succès dans la lutte contre l’inflation – et aux retards dans le processus de privatisation, composantes du programme de réforme anti-inflation en œuvre depuis décembre 1999 en accord avec le FMI, qui avait débloqué 3,7 milliards de dollars de crédits sur trois ans.
La Cour européenne des droits de l’Homme a, le 14 décembre, condamné à Strasbourg le gouvernement turc pour un homicide commis par trois policiers qui avaient tiré une rafale de 50 à 55 balles sur un Kurde, à travers la porte de son appartement.
À l’unanimité, les juges européens ont conclu à la violation du droit à la vie de Mehmet Gul et relevé que les autorités turques avaient failli à leur obligation de mener une enquête effective sur les circonstances de la mort de la victime.
À l’unanimité également, la Cour a condamné la Turquie à verser un montant total de 142.622,82 euros à la famille de Mehmet Gul. Sa veuve et ses trois enfants recevront la somme de 35.000 livres sterling pour dommage matériel et 20.000 livres pour dommage moral. Le père de la victime, seul requérant, recevra 10.000 livres pour dommage moral et 21.000 livres pour frais et dépens.
Dans la nuit de 7 au 8 mars 1993, Mehmet Gul avait été criblé de balles par trois policiers, lors d’une perquisition domiciliaire dans le cadre d’une enquête sur les activités du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). L’homme avait été touché alors qu’il était en train de déverrouiller la porte de son appartement où il vivait avec sa famille, dans la petite ville de Bozova (Kurdistan).
En 1996, après une enquête comportant "d’importantes lacunes", notamment le fait que le procureur n’a pas entendu les policiers, selon les juges européens, les policiers avaient été acquittés, le tribunal pénal de Sanliurfa estimant qu’ils n’avaient commis aucune faute.
Prétextant une opération à l’arme automatique le 11 décembre contre un car de policiers faisant deux morts et plusieurs blessés dans le quartier Gazi à Istanbul, les policiers turcs ont manifesté dans plusieurs villes en brandissant leurs armes et criant des menaces contre les autorités de l’Etat, les organisations civiles et illégales, les intellectuels et les grévistes de la faim. Dans plusieurs villes, dont Istanbul et Izmir, les émeutiers ont rudoyé les chefs locaux de la police et menacé de les lyncher. Voici quelques slogans criés par les manifestants: " Nous vendrons celui qui nous vendra", " le gouvernement prend la loi d’amnistie, détruis-la", " Organisations (y compris civiles) venez dans la rue, nous avons des armes", "Ankara, Ankara, entends-nous. Ce sont les agiles pas de la police.Nous trahirons ceux qui nous auraient trahis", " La police est ici, où sont donc les intellectuels?" "œil pour œil, dent pour dent. L’Etat ne négocie pas avec les traîtres".
Certains ont mis en avant le niveau de vie très bas des policiers pour expliquer le mouvement, mais nombreux étaient ceux qui ont critiqué leur niveau de formation. Fatih Altayli, journaliste au quotidien turc Hurriyet écrit à ce propos : " s’ils n’étaient pas devenus des policiers, ils seraient des terroristes ". En fait, la plupart des policiers ont été recrutés dans les rangs de l’extrême droite en vue de combattre les nationalistes kurdes et la gauche démocratique. Selon le professeur Dogu Ergil " ces événements sont très graves, mais prévisibles. Ils ont été entraînés sur cette voie (…) Leurs slogans reflètent leurs propres perceptions d’un pouvoir oppressif d’un régime oppressif ".
Le Premier ministre Bülent Ecevit a déclaré que certaines personnes avaient appuyé sur un bouton pour déclencher le mécontentement. Toute la presse a repris l’idée en cherchant partout les coupables qui auraient appuyé sur ce bouton et le ministre de l’intérieur Sadettin Tantan a déclaré le 18 décembre que 64 policiers avaient été mis a pied du fait de leur participation active à la manifestation.
Le Parlement turc a, le 20 décembre, adopté en seconde lecture et dans les mêmes termes la loi d’amnistie qui devrait permettre de libérer près de la moitié des 72 000 détenus du pays, malgré l’opposition du président. Le président turc, Ahmet Necdet Sezer, a, le 21 décembre, finalement signé le texte en question, ne pouvant opposer son droit de veto deux fois.
Cette mesure élargie surtout les prisonniers de droit communs (violeurs, meurtriers etc…). Les militants kurdes et la plupart des prisonniers politiques turcs condamnés pour des " crimes contre l’Etat " restent exclus de cette singulière loi d’amnistie que même le président turc trouve " injuste et inéquitable ".