Massoud Barzani, président du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et Jalal Talabani, chef de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), ont eu, le 8 janvier, un entretien "constructif" à Salahaddine, quartier-général de M. Barzani, selon la déclaration faite à l’issue de la réunion.
Cet entretien qui est une première depuis deux ans a été consacré au processus de paix entre les deux principaux partis kurdes qui administrent le Kurdistan irakien. Il est intervenu avant l'arrivée le soir même à Ankara de M. Talabani pour y rencontrer le lendemain, le Premier ministre Bulent Ecevit et le sous-secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères Faruk Logoglu, au moment où l’UPK mène avec l'armée turque une vaste opération militaire dans le Kurdistan irakien contre le PKK.
"Nous voulons renforcer notre coopération avec la Turquie. Ankara et nous voulons la stabilité dans le nord de l'Irak", a déclaré M. Talabani à l'aéroport. Il a indiqué qu'il demanderait l'appui des autorités turques pour la relance du "processus d'Ankara", parrainé par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Turquie. Ce processus est au point mort depuis septembre 1998, date à laquelle MM. Barzani et Talabani ont signé un accord de paix à Washington pour régler leurs différends. Ankara a critiqué cet accord, indiquant qu'il a été conclu sans sa participation.
"L’opération d’énergie blanche" menée par la gendarmerie turque contre la corruption dans le marché d’énergie s’est transformée en une véritable controverse politique depuis qu’un "gradé" de l’armée a déclaré dans le journal turc Hurriyet du 8 janvier que le ministre de l’énergie Cumhur Ersumer a été complètement écarté par l’armée dans le cadre de cette opération et que le Premier ministre Bülent Ecevit a soutenu que ces allégations sont "infondées et mal intentionnées".
L’article publié à la Une du quotidien Hurriyet soutient qu’"un important général" discrédite les déclarations de M. Ersumer, ministre de l’énergie, qui affirme avoir ordonné "l’opération d’énergie blanche", opération de mains propres dans les marchés publics d’énergie en Turquie. Le général qui a gardé son anonymat déclare ceci au quotidien : "Ce n’est pas Ersumer qui a appuyé sur le bouton. Le ministre a entendu parler de l’opération à la dernière minute. Veuillez, s’il vous plait, indiquer cela très clairement. Aujourd’hui nous sommes déterminés à confronter n’importe qui impliqué dans des affaires malpropres, dans la corruption, sans savoir qui ils sont. Ce qui est triste c’est que des bureaucrates ont été impliqués dans toutes ces affaires sales. Mais, pour la première fois, une opération a été menée contre les bureaucrates. Ceci devrait être un exemple. Ce phénomène est aussi important que la lutte contre le PKK. Nous sommes en train d’exposer l’étendue de la corruption. Les intérêts vitaux stratégiques de l’Etat sont en train d’être monnayés. L’avenir des enfants de la nation est en vente. Nous ne pouvons pas rester indifférents. Tout ceux qui aiment ce pays devraient s’opposer à cela".
Réagissant à l’article, le Premier ministre Bulent Ecevit a déclaré que les affirmations étaient infondées mais en même temps incompatibles avec les normes d’un Etat de droit démocratique. Il a ajouté qu’il a contacté le chef d’état-major turc Huseyin Kivrikoglu qui a lancé une investigation pour découvrir l’identité de "l’important général". Le vice-Premier ministre Mesut Yilmaz a, quant à lui, ajoute : "c’est le plus grand problème que nous avons à changer en tant qu’Etat… de temps en temps certains cercles de pouvoir risquent tout pour venir au pouvoir". Il a également déclaré qu’il se demandait si en Turquie il ne restait pas des "admirateurs de coups d’Etat".
Monsieur Yilmaz a repris ses critiques contre le pouvoir militaire au cours de la réunion de son groupe parlementaire en déclarant que les plus graves corruptions ont été réalisées durant les régimes militaires. "Croyez-vous qu’avec l’instauration d’un régime militaire, il n’y aura plus de corruption. Tout au contraire il y en aura beaucoup plus car cela sera plus obscur. Les corruptions augmentent avec les ténèbres. La meilleure lutte possible contre les corruptions est la transparence" a-t-il déclaré.
Dans le cadre de "l’opération d’énergie blanche", un ancien ministre, un adjoint du sous-secrétaire du ministre de l’énergie, le directeur général et directeur adjoint du TEAS, l’équivalent turc de l’EDF et d’autres bureaucrates bien placés ont été mis derrière les barreaux. Le code de la procédure relatif aux fonctionnaires stipule qu’avant toute comparution en justice de ces bureaucrates, l’accord du ministre auquel leur département est affilié est requis. Certaines voix s’élèvent pour dire que craignant d’être eux-mêmes mis en cause, les ministres rechignent à donner leur accord.
Mis en examen toujours dans le cadre de cette affaire, Huseyin Arabul, appelé "le super entrepreneur" par la presse turque est soupçonné d’avoir donné à des députés de différents bords quelque 790 villas de 400 m2 après expropriation des villageois par la mairie d’Ankara. Parmi les heureux propriétaires figurent des proches de l’ancien président turc Suleyman Demirel comme Cavit Çaglar en fuite à l’étranger, son beau-frère Ali Sener, mais aussi des hommes politiques comme Mesut Yilmaz, Yildirim Akbulut, Deniz Baykal, Tansu Çiller, Husammettin Cindoruk, Cumhur Ersumer, Hikmet Çetin…
L'état-major de l’armée, furieux, a répliqué, le 11 janvier, par un communiqué en faisant part de son "grand malaise". De nombreux journalistes libéraux en ont profité pour souligner à l'unisson que l'influence de l'armée sur la vie politique était incompatible avec le bon fonctionnement d'une démocratie.
L'éditorialiste du quotidien libéral Milliyet, Taha Akyol, souligne, le 12 janvier, que "les frontières entre les soldats et leur rôle en politique sont ambiguës". L'intervention de l'armée en février 1997, qui avait obligé le Premier ministre islamiste de l'époque Necmettin Erbakan à démissionner, "a rendu cette frontière encore moins claire et accru l’aile militaire de l'Etat", ajoute-t-il.
"En démocratie, les soldats ne fonctionnent pas comme un parti, comme un "Etat au sein de l'Etat", rappelle un autre éditorialiste, Hasan Cemal, dans le journal Milliyet du 12 janvier. "Dans des régimes démocratiques, le soldat fait son devoir, est assujetti à l'autorité civile élue, il exprime ses vues dans les plate-formes ad hoc, pas en face de l'opinion publique". Le même quotidien titre ainsi la une de son édition du 17 janvier : "Il est le seul à Ankara : Yilmaz a été le premier homme politique à demander un contrôle des dépenses militaires". "Il faut enquêter sur toutes les corruptions sans voir si c’est bleu, vert ou violet [ndlr : référence à l’uniforme dans l’armée]… Transmettez toutes les informations que vous avez en main aux responsables… ".
Pour Huseyin Bagci, professeur en relations internationales, "c'est un fait que les militaires, depuis la guerre du Golfe (en 1991), ont progressivement augmenté leur rôle sur les questions de politique étrangère". Au plan intérieur, "l'armée a été le fer de lance de la lutte contre le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan) et les groupes islamistes radicaux, et elle continuera à l'être dans le futur, ce qui signifie qu'elle gardera son influence et son statut", prédit-il dans le quotidien anglophone Turkish Daily News du 12 janvier.
Le débat précède de peu la publication, attendue ce mois-ci, du "programme national" dans lequel la Turquie va définir les mesures qu'elle entend prendre pour adhérer à l'UE. La suppression du MGK n'est certainement pas à l'ordre du jour. Mais selon le journaliste Mehmet Ali Birand, le programme devrait déclarer le MGK un "organe consultatif", et interdire que ses réunions soient photographiées pour rendre moins manifeste la présence des militaires en politique. "Une phrase et une interdiction de photos peuvent-elles vraiment réduire le poids des militaires en démocratie? Nous ne trompons que nous-mêmes!", s'exclame-t-il dans les colonnes du Turkish Daily News du 12 janvier.
Les généraux turcs à la retraite s’épanchent dans les médias sur leur intervention énergique du 28 février 1997 qui a abouti à la démission du gouvernement de N. Erbakan. Selon l’ancien secrétaire général du puissant état-major turc, le général Özkasnak, il s’agissait d’un "coup d’Etat post-moderne", car il était impossible de faire "un coup d’Etat classique" [cf. : Milliyet 16-01-01]. Il ajoute : "Le 28 février a été réalisé en considération de cette période. À l’époque, au vu de la situation nationale et mondiale, on ne pouvait pas entreprendre une intervention classique comme le 12 mars 1970 ou 12 septembre 1980. La menace rencontrée par la République a été écartée par l’action des mécanismes démocratiques, sans qu’une balle soit tirée. C’est pour cette raison et dans cet objectif que nous utilisons la notion des forces non armées".
Le général Özkasnak poursuit : "Dans le contexte de l’époque, nous avons abouti à cette conclusion : Comme la réalité du 31 mars [ndlr : date d’une émeute religieuse contre le régime d’Atatürk], le pays fait face à une tentative réactionnaire planifiée sans précédent, depuis l’établissement de la République il y a 75 ans. À partir de cette conclusion, il a été décidé d’écarter la menace par l’action des mécanismes démocratiques. Il a été décidé d’organiser une série de briefings dans cette optique". Le général ajoute : "Le début du processus du 28 février est le 11 janvier 1997. À cette date, le président en fonction, Süleyman Demirel, a été convié à l’état-major et les informations relatives au 28 février lui ont été présentées dans un briefing. Après le président, les informations ont été répétées pour l’éclaircissement de l’opinion publique, à la presse, à la justice et aux universités". Il n’a pas manqué de souligner que : "ceux qui entreprennent d’amoindrir l’importance du 28 février aujourd’hui, devraient savoir que si ce processus n’avait pas été couronné de succès, les résultats des élections du 18 avril 1999 n’auraient pas été les mêmes".
La presse a été à nouveau pointée du doigt lorsque le général a déclaré que certains journalistes venaient volontiers à l’époque dénoncer leurs collègues. La députée islamiste Nazli Ilicak avait, il y a quelques semaines, dénoncé le complot ourdi par Çevik Bir, numéro deux de l’état-major à l’époque des faits, contre des journalistes non alignés sur les thèses officielles.
Le parti islamiste, par l’intermédiaire de son président, Recai Kutan, déclare que "c’est un aveu" de déstabilisation d’un gouvernement légitime, alors que ces collègues soutiennent que "ce n’est pas un coup mais une pression". Au sens de l’armée, certains désireraient mettre une sourdine à cette affaire tandis que d’autres, hormis quelques désaccords sémantiques, confirment la version de l’ancien général.
L'Assemblée nationale a définitivement adopté, le 18 janvier, la proposition de loi sur la reconnaissance officielle par la France du génocide arménien de 1915, en dépit des menaces de la Turquie et des réserves du gouvernement.
Ce texte d'un seul article — " la France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915" - a été voté à l'unanimité par les députés. La même proposition de loi avait été adoptée dans la nuit du 7 au 8 novembre 2000 par le Sénat. Le texte sera promulgué dans les prochains jours par le gouvernement. Les députés, qui avaient déjà reconnu le génocide arménien le 29 mai 1998, n'ont pas suivi l'avis du gouvernement, représenté dans l'hémicycle par le ministre des Relations avec le Parlement Jean-Jack Queyranne. Sans nier la réalité de la " tragédie qui s'est abattue sur les Arméniens au début du siècle", M. Queyranne, qui n'a employé qu'en passant le mot de "génocide", a insisté sur les "exigences" de la politique étrangère de la France, alors que la Turquie est candidate à l'adhésion à l'Union européenne. "La France est l'amie de l'Arménie (...). Elle est aussi l'amie de la Turquie moderne, qui ne peut être tenue pour responsable de faits survenus dans les convulsions de l'Empire ottoman", a rappelé le ministre des Relations avec le Parlement.
Ces propos n'ont pas convaincu les députés. "Vous êtes tenu par les exigences du Quai d'Orsay. Nous l'avons tous compris ici", a lancé Patrick Devedjian (RPR) à M. Queyranne. "Blessé" par le discours du ministre, le porte-parole du RPR, lui-même d'origine arménienne, a repoussé en bloc les arguments du gouvernement. "Ceux qui veulent faire entrer la Turquie dans l'Union européenne devraient au moins avoir la décence de lui demander d'être présentable", a-t-il déclaré.
Le rapporteur de la commission des Affaires étrangères, François Rochebloine (UDF), a estimé de son côté que la reconnaissance du génocide arménien, loin de "condamner" la Turquie, "trace la voie de l'ouverture vers le respect des droits de l'homme et l'établissement de relations confiantes avec ses voisins". Quant aux menaces de sanctions économiques de la Turquie, "il vaut mieux perdre un, voire des marchés que de perdre son âme", a lancé le rapporteur.
La résolution adoptée par le Parlement satisfait les revendications des représentants des Français d'origine arménienne, qui militent depuis des années pour la reconnaissance du premier génocide du XXe siècle. Sur le 1,8 million d'Arméniens qui vivaient dans l'Empire ottoman avant la première guerre mondiale, 1,2 million ont été massacrés sur ordre du gouvernement turc. Le caractère massif, planifié et ciblé de ces massacres préfigure la Shoah.
Avant la France, la Belgique, l'Argentine, l'Italie et le Parlement européen ont déjà reconnu le génocide arménien. En novembre 2000, un projet de résolution avait été présenté devant la chambre des Représentants du Congrès des Etats-Unis, avant d'être retiré au dernier moment après des pressions du gouvernement turc.
L'adoption de ce texte a nécessité près de trois années de débats parlementaires. Le processus a été bloqué pendant deux ans par le refus du bureau du Sénat d'inscrire la proposition à l'ordre du jour de la Haute Assemblée.
Des manifestations d'hostilité et de multiples appels au boycottage économique et culturel ont eu lieu en Turquie. Le président turc Ahmet Necdet Sezer a appelé son homologue français, Jacques Chirac, et son gouvernement à "agir" pour rendre "inefficace" la loi, en déposant un recours devant le Conseil constitutionnel, unique possibilité restante. Mais le ministre des Affaires étrangères Ismail Cem a reconnu sur la chaîne de télévision CNN Turk qu'il n'avait "pas trop d'espoir".
Le porte-parole du gouvernement turc avait, le 18 janvier, annoncé sans les préciser, une série de mesures de rétorsion contre la France, affirmant que les relations entre les deux pays seraient "profondément et durablement affectées". Dès l'adoption du texte, qui a provoqué la colère de la Turquie, le ministre des Affaires étrangères, Ismail Cem, a laissé entendre que les sociétés françaises pourraient être exclues d'appels d'offres publics d'un montant de plusieurs milliards de dollars. "D'une manière générale, de telles mesures peuvent être prises pour des appels d'offre d'Etat et pour des contrats militaires", a-t-il souligné. "Tout peut être affecté", a renchéri le Premier ministre turc, Bulent Ecevit. Il a ajouté, le 20 janvier, que son gouvernement préparait contre Paris des sanctions qui ne porteront pas tort à l'économie de la Turquie : "Nous préparons un plan peu douloureux pour nous, bien entendu", a dit le Premier Ministre en réponse aux questions des journalistes. "Cela veut dire que dans quelques jours nous annoncerons les résultats de notre travail pour définir des sanctions contre la France qui ne soient pas dommageables à l'économie de la Turquie", a expliqué M. Ecevit.
Ankara a annoncé, le 23 janvier, l'annulation d'un contrat de 259 millions de dollars avec Alcatel et la possible exclusion de GIAT d’un appel d'offres d'une valeur globale de 7,1 milliards de dollars. GIAT, qui fabrique les chars Leclerc, est en concurrence avec des sociétés d'Allemagne, d'Italie, des Etats-Unis et d'Ukraine pour la fourniture de 250 chars de combat à la Turquie, qui souhaite acquérir plus d'un millier de ces blindés sur les dix à quinze ans à venir. "Il est envisagé d'exclure (les chars) Leclerc de l'évaluation", a déclaré le ministre turc de la défense M. Cakmakoglu qui a ajouté qu’une réunion de hauts responsables militaires turcs et français, prévue la semaine suivante en Turquie pour évoquer la coopération bilatérale a été annulée.
Par ailleurs, la Turquie pourrait exclure d’autres firmes avec lesquelles un contrat a déjà été signé, estiment des analystes. L'Aérospatiale a signé en 1998 un contrat d'un montant de 600 millions de dollars pour la production en commun du missile anti-blindés Eryx. Le projet n'a pas encore débuté, mais pourrait ne jamais voir le jour. Ankara et Paris étaient en outre parvenus l'an dernier à un accord de principe pour la vente à la marine turque de six navires patrouilleurs français de type Aviso, d'un montant d'environ 500 millions de dollars. Le sort de cet accord est aujourd'hui incertain. Selon le journal turc à gros tirage Hurriyet, daté du 19 janvier, des compagnies françaises sont également en lice dans un appel d'offre pour la production en commun avec la société publique turque Aselsan des systèmes de navigation de guerre des chasseurs F-16, produits près d'Ankara par le constructeur aéronautique Turkish Aerospace Industries (TAI). Le ministre turc de la Santé, Osman Durmus, membre du Parti d'action nationaliste (MHP- extrême droite) annonçait même, le 24 janvier : "On pourrait empêcher l'entrée de médicaments et de vaccins français en Turquie".
De plus, les dirigeants de plusieurs syndicats, notamment Resul Akay, qui dirige celui des fonctionnaires, ont appelé le gouvernement à fermer les installations françaises en Turquie et à lancer une campagne demandant aux Turcs vivant en France de retirer leur argent des banques françaises. "Les produits français doivent être boycottés", a déclaré M. Akay. Le président de la Chambre de commerce de Konya a fait de même le 20 janvier : "Nos 25.000 membres sont appelés à suivre ce mouvement", a-t-il dit. Le président des Chambres et Unions de commerce de Turquie (TOBB), Fuat Miras, a indiqué qu'il envisageait de lancer un appel à ses membres pour qu'ils revoient leurs liens commerciaux avec leurs partenaires français et qu’ils arrêtent d’importer des produits français. La France est l'un des principaux partenaires de la Turquie avec un volume d'échanges commerciaux de plus de 4 milliards de dollars, en 1999.
L'Université d'Istanbul a annoncé l'arrêt à partir de vendredi 20 janvier de ses relations scientifiques avec des partenaires français. Son recteur Kemal Alemdaroglu a déclaré que "tout contact scientifique" avec les universités Descartes à Paris, de Toulouse et de Strasbourg avait été rompu, et qu’ils avaient annulé la visite prévue d'universitaires de l'Université Paris Sud dans le cadre d'un programme d'échanges.
Officiellement, les sanctions contre la France doivent être déterminées après le retour de l'ambassadeur turc à Paris Sonmez Koksal, rappelé à Ankara en consultations.
Plusieurs manifestations hostiles se sont déroulées devant l'ambassade de France à Ankara et le consulat à Istanbul. Les ultra-nationalistes, Ulkucu, proches du Parti de l'Action Nationaliste (MHP, au pouvoir) ont été les plus virulents: "France, ne te trompe pas, n'épuise pas notre patience" ou encore "Les bâtards de la France ne peuvent nous faire céder", ont-ils scandé devant l'ambassade. Quelque 200 ultra nationalistes ont jeté des œufs contre les fenêtres du consulat de France à Istanbul et une bousculade avec la police s'est terminée sans incident.
La presse a aussi exprimé son amertume. "Adieu France", titrait vengeur le 19 janvier, à la Une en français, le quotidien Hurriyet. Confrontée une fois de plus à l'accusation d'un génocide perpétré contre les Arméniens sous l'Empire ottoman, par un Parlement étranger, la Turquie s'interroge sur les moyens de mieux faire valoir son point de vue pour empêcher un effet boule-de-neige. Les Turcs craignent que la reconnaissance du génocide arménien de 1915 par le Parlement français n'ait un effet d'entraînement auprès d'autres assemblées européennes mais aussi aux Etats-Unis, où le président Bill Clinton n'avait réussi en octobre 2000 qu'in extremis à arrêter une résolution en ce sens au Congrès. Le gouvernement et la diplomatie turques se font régulièrement étriller, et cette fois encore lors du vote français, pour leur inactivité et leur inefficacité dans ce domaine.
Plusieurs éditorialistes soulignaient, le 19 janvier, la nécessité de mettre en place une stratégie : "La Turquie devrait agir pour créer une nouvelle approche envers la question arménienne avec toutes ses institutions", relevait Sami Kohen, dans le quotidien Milliyet.
Deux axes se dégagent dans les propositions pour une stratégie d'autodéfense : un rapprochement avec l'Arménie, un débat ouvert entre historiens. Pour Taner Akcam, sociologue et historien turc à l'Université de Hambourg, "Si la Turquie recherche une solution à ce problème directement avec l'Etat arménien, il n'y aura plus besoin pour les Parlements étrangers de mettre cette question à l’ordre du jour". "La seule manière pour la Turquie de se réapproprier ce sujet est de le banaliser, de rendre le débat possible. Elle doit aussi faire les gestes nécessaires pour mettre fin à la douleur du peuple arménien", a-t-il déclaré.
Ilter Turkmen, ancien ambassadeur, estime qu'il est "facile, après coup, de critiquer tel ou tel pour ce qui n'a pas été fait. Mais, il n'y a probablement pas moyen de mettre un point final à ce débat parce qu'il n'y a pas d'histoire véritablement objective", a-t-il déclaré à l'AFP. "Je pense qu'une sorte de "comité vérité et réconciliation", regroupant des organisations non gouvernementales, des historiens des deux parties, des représentants des minorités de Turquie et de la diaspora, et des intellectuels pourrait être créé. Non pas dans l'idée de donner une réponse définitive, mais pour instaurer une plate-forme où chacun pourrait exposer son point de vue".
"Ce qui doit être fait, c'est nous réveiller et nous embarquer dans une campagne académique pour prouver que nous avons raison", estimait, le 19 janvier, le journaliste Mehmet Ali Birand dans le quotidien turc anglophone Turkish Daily news. "Ouvrons vraiment et honnêtement nos archives (ottomanes). Montrons que nous n'avons aucune raison d'avoir peur. Réunissons des chercheurs et créons une commission, en invitant les tenants des revendications arméniennes à s'y joindre", lançait-il.
La loi reconnaissant le génocide arménien de 1915, a finalement été promulguée, le 29 janvier, par le président de la République Jacques Chirac et publiée, le 30, au Journal officiel (JO). La publication au JO constitue le dernier acte du processus parlementaire de deux ans et demi visant à la reconnaissance par la France du génocide arménien.
Le Premier ministre turc Bulent Ecevit a annoncé immédiatement que son pays révisait ses relations économiques et commerciales avec la France. "Il s'agit d'une grande déception pour le peuple turc dans nos relations avec la France", a-t-il ajouté. Le président turc Sezer a condamné la promulgation de la loi comme "inacceptable", estimant qu'elle va "inévitablement" endommager les relations bilatérales.
La Turquie a annulé un appel d'offres d'un montant d'environ 1,44 milliard de dollars pour la construction d'une autoroute franchissant la baie d'Izmit, intéressant deux consortiums turco-français -- Dans l'un des consortiums figure Bouygues, associé au turc Vinsan. Dans l'autre figure Campenon Bernard et Transroute International, associé aux turcs Dogus et Tekfen, à l'italien Impregilo, à l'allemand Bilfinger und Berger et à l'espagnol Dragados. "Nous avons décidé d'annuler l'appel d'offre car les partenaires étrangers des compagnies turques sont français", a précisé le ministre turc Koray Aydin.
Ankara aurait également annulé un contrat avec le groupe électronique de défense Thales (ex-Thomson CSF) de 200 millions de dollars pour la modernisation du système de navigation de 80 F-16, a annoncé la chaîne de télévision privée turque NTV le 30 janvier. Aucune annonce officielle n'est venue confirmer cette décision. "Nous faisons le nécessaire. Nous révisons nos relations économiques et politiques avec la France", a déclaré le Premier ministre Bulent Ecevit. Son ministre de la Défense Sabahattin Cakmakoglu ajoute que la France "ne s'en tirera pas comme ça". "La loi sur le prétendu génocide sera déterminante dans les choix de la Turquie" concernant les projets d'armement impliquant des compagnies françaises, a-t-il déclaré.
La presse turque a également annoncé l’exclusion de deux nouvelles sociétés françaises des appels d'offre pour l'achat de matériel militaire. L'armée a l'intention d'annuler une commande de six sous-marins Aviso, un contrat 500 millions de dollars et renoncer à un projet de 600 millions de dollars visant à produire conjointement des missiles anti-char Eryx, selon le quotidien turc Hurriyet de 31 janvier. L'armée turque n'a pas confirmé ces informations, mais le ministre turc de la défense, a déjà dit clairement que les firmes françaises seraient exclues des appels d'offre militaires.
Autre mesure de boycottage : la direction d'Etat turc des céréales (TMO) a, le 30 janvier, exclu deux firmes françaises d'un appel d'offre public pour l'exportation de 315.000 tonnes de blé, d'un montant d'environ 40 millions de dollars, sur décision du ministère de l'Agriculture.
La colère turque a été ravivée par une décision du conseil municipal de Paris d'ériger un monument en mémoire du génocide des Arméniens de 1915, qualifiée de "nouveau coup aux relations turco-françaises" par le ministère turc des Affaires étrangères le 30 janvier. Le ministère a préparé tout un catalogue de sanctions contre la France, qui semble donc devoir être révélées au compte-goutte, et pas forcément accompagnées d'annonces officielles, et visent en tout premier les gros contrats publics, spécialement dans le domaine de l'armement.
De nombreux syndicats et ONG proches du pouvoir, ont appelé depuis le vote des députés français à boycotter les produits français. Des pancartes géantes de dix mètres, proclamant "Chers habitants, boycottons les produits français", ont été déployées, le 29 janvier, à l'entrée de la ville d'Arhavi (extrême nord-est), près de la frontière géorgienne.
Le journaliste turque Ilker Sarier dénonce, dans un article publié par le quotidien Sabah du 2 janvier sous le titre de "Notre très chère mafia", l’importance croissante des bandes mafieuses turques qui rapportent 45 milliards de dollars par an.
"Dans son dernier rapport, le Conseil américain de recherche nationale a couvert d’éloges la Turquie… Nous serions donc les troisièmes.
Vous allez me demander : "mais, mon ami, dis nous dans quel domaine nous sommes troisièmes ?"
Est-ce en matière de démocratie, des droits de l’homme, de développement économique, de littérature ou de recherche scientifique ? Quel est donc ce classement ? Et bien ce n’est autre que ceci :
Parmi les plus puissantes mafias du monde, la mafia turque arrive en troisième position avec 45 milliards de dollars de recettes par an…
À mon avis, cette information a de quoi rendre fiers tous les Turcs. Nous ne pouvons peut-être pas obtenir un prix Nobel, mais il n’y a rien à nous dire en ce qui concerne le domaine mafieux.
Le champion de la catégorie serait la mafia russe avec 200 milliards de dollars de recettes… suivie de l’Italie avec 50 milliards de dollars de gains…La mafia turque talonnant de très près serait en troisième position…
Les plus proches associés de la mafia turque seraient la florissante mafia albanaise et le fonds de commerce englobe le trafic de drogue, trafic d’hommes, d’armes, de bonnets et tous ce qu’elle peut trouver et peut transporter vers l’Europe…
Alors que nous autres, nous nous obstinons à revendiquer à toute voix la démocratie, la suprématie du droit, les droits de l’homme, notre valeureuse et chère mafia faisant preuve d’une performance extraordinaire, se positionne troisième du monde…
C’est aussi un succès.
Je félicite de tout cœur notre mafia bien aimée.
Au moins dans une branche, elle nous permet de montrer notre force au monde entier.
Je veux dire par là qu’étant donné que les branches relatives à la science, la démocratie, les droits de l’homme ou le droit, sont en totale ruine, au moins consolons-nous fièrement avec notre mafia".
Dans un article publié par le quotidien allemand Berliner Tagesspiegel du 31 décembre 2000, l’ancien chancelier allemand, Helmut Schmidt a considéré que le traité de Versailles du 1919 entravant la création d’un Etat kurde était grave et constituait une erreur historique.
"D’un point de vue géostratégique, la question est comme suit. En Turquie, un cinquième d’une population de 70 millions d’habitants est formé par les Kurdes. Les deux parties s’affrontent avec des armes dans les rues de Hambourg. Le fait de ne pas accorder aux Kurdes un Etat dans le traité de 1919 était une faute grave. Va-t-on aujourd’hui introduire ce grave conflit dans l’Union européenne ? Il faudrait s’appeler Joscka Fisher pour supporter tout cela au nom d’un idéalisme européen" a déclaré M. Schmidt. Il a d’autre part souligné que "donner le statut de candidat à la Turquie constitue une grave erreur… Cela s’est fait sur un faux espoir. Outre le fait qu’elle risque d’entraîner avec elle d’autres problèmes immédiats, elle emmène des problèmes dont la solution risque de coûter très cher".
Une réunion entre des députés turcs et une délégation de parlementaires allemands en visite à Ankara a tourné court, le 30 janvier, une députée allemande refusant de retirer un foulard aux couleurs kurdes.
Le président de la commission de la Défense du Parlement turc, Hasan Gulay, du parti de l’Action nationaliste (MHP- extrême droite au pouvoir), a demandé à la députée allemande Angelika Beer, membre de la commission de la défense du Bundestag (chambre basse du Parlement), d'enlever le foulard rouge, jaune et vert qu'elle portait à son arrivée à une réunion entre parlementaires des deux pays.
Devant son refus, M. Gulay a mis fin à la réunion. Il a prétendu que ces couleurs traditionnelles kurdes étaient celles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Mme Beer a répondu qu'elle n'était pas sympathisante du PKK et que ce turban était un cadeau d'un ami qui a été tué dans le Kurdistan irakien.
La délégation allemande était en visite en Turquie pour deux jours de discussions portant entre autres sur un contrat pour la production de 1.000 chars d'assaut pour l'armée turque. Les parlementaires allemands devaient notamment rencontrer le ministre de la Défense Sabahattin Cakmakoglu.
La police turque a arrêté 29 enfants âgés de 9 à 16 ans dans la province kurde d’Urfa, pour avoir "manifesté leur soutien au parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK)", a annoncé l'Association de défense des droits de l'Homme. Les enfants ont été interpellés le 9 janvier à Viransehir après avoir lancé des slogans favorables au PKK et ont été formellement arrêtés le 11 janvier, selon un communiqué de l'Association (IHD) à Diyarbakir. Plusieurs familles ont dénoncé à l'IHD de mauvais traitements infligés à leurs enfants par la police.
"Le fait que les enfants aient été emmenés par la police en pleine nuit, menottés, pour être interrogés est déjà un traitement inhumain", a déclaré l'IHD. "Nous appelons les autorités à enquêter sur les accusations de torture et à libérer immédiatement les enfants", a-t-elle ajouté. Le 16 janvier, seuls 14 de ces enfants, écroués dans la prison d’Urfa, ont été libérés.
La cour de sûreté de l'Etat (DGM) de Diyarbakir a, le 22 janvier, inculpé treize adolescents, âgés de 10 à 16 ans, pour "soutien à une organisation illégale" et réclame des peines de 3 à 5 ans de prison pour chacun d'entre eux.
L'acte d'accusation demande que les 13 jeunes, dont 6 sont actuellement écroués, soient punis aux termes de l'article 169 du code pénal pour "soutien à une organisation illégale". Le document estime qu'il n'y a pas lieu de mener une poursuite judiciaire à l'encontre de 15 autres enfants qui avaient également été interpellés.
Le Conseil d’Etat turc, saisi par la préfecture de Batman et le ministère de l’Intérieur, a, le 22 janvier, interdit pour " séparatisme" et délit de "kurdicité" des noms de rue dans la ville kurde de Batman. Parmi les noms incriminés figurent Gandhi, Yilmaz Güney (cinéaste kurde primé au festival de Cannes, mort en exil en France), et des noms kurdes tels que Zilan, Zozan, Lales, et Halabja…
L’arrêt du Conseil d’Etat turc dispose que : "Il ne peut y avoir des noms de lieu en kurde et l’on ne peut faire vivre des noms non turcs. Pour des noms étrangers, l’autorisation du ministère des affaires étrangères est requise. De plus, on ne peut donner aux rues des noms de personnes appelant à l’ébranlement de l’Etat, pour la gloire de la guerre et contre l’hégémonie".
La Cour de cassation turque a, le 31 janvier, décidé que des dirigeants du Parti pro-kurde de la démocratie du peuple (HADEP), condamnés à de lourdes peines de prison pour "soutien au parti des travailleurs du Kurdistan (PKK)" bénéficieront d'une récente loi d'amnistie. Selon la décision de la Cour, Murat Bozlak, le président du parti et son prédécesseur Ahmet Turan Demir, condamnés à 3 ans et neuf mois de prison chacun, ne devront pas retourner en prison.
Seize autre membres du HADEP condamnées à des peines similaires bénéficieront également de la loi d'amnistie entrée en vigueur le mois dernier.
Les dirigeants et les membres du HADEP avaient été condamnés en février 2000 pour leur implication dans les grèves de la faim et les manifestations de soutien en faveur du chef du PKK, Abdullah Ocalan, alors que celui-ci se trouvait en Italie de novembre 1998 à janvier 1999.
D’autre part, le chef d’état-major turc, Huseyin Kivrikoglu a récemment déclaré que 1660 membres du PKK ont bénéficié de cette loi. Le Premier ministre Bülent Ecevit a, quant-à-lui, contesté les chiffres en déclarant que "tous n’étaient pas des membres du PKK".
L'avocat et écrivain turc Esber Yagmurdereli, emprisonné pour propagande séparatiste pour avoir prôné une solution pacifique à la question kurde, a été libéré, le 18 janvier, au terme de la loi d'amnistie. M. Yagmurdereli, aveugle et âgé de 55 ans, aura passé 16 ans dans les prisons turques.
Il a quitté la prison de Cankiri, à une centaine de km au nord-est d'Ankara, après qu'un tribunal eut répondu favorablement à une requête de son avocat demandant le bénéfice de la loi d'amnistie entrée en vigueur le mois dernier.
Esber Yagmurdereli, membre du Pen Club International et lauréat du Prix international des droits de l'Homme Ludovic Trarieux de l'Institut des droits de l'Homme du barreau de Bordeaux et l'Union des avocats européens, purgeait depuis 1997 une nouvelle peine de 17 ans de prison. Il avait déjà passé treize ans en prison, de 1978 à 1991, pour "activité subversive armée".
"Je suis content de retrouver la liberté. Ces trois dernières années en prison ont été difficiles", a-t-il dit à la presse devant le pénitencier. Le président tchèque Vaclav Havel, qui est également dramaturge et a passé de nombreuses années en prison sous le régime communiste, avait demandé aux dirigeants turcs sa libération, lors d'une visite en octobre en Turquie.
La Turquie a été condamnée, le 30 janvier, à Strasbourg pour "traitements inhumains" par la Cour européenne des droits de l'Homme, après la destruction de la maison et des biens d'une villageoise kurde.
Mme Zubeyde Dulas, 70 ans, a tout perdu lorsque le 8 novembre 1993, les gendarmes de Hazro fouillèrent son village de Citilibahce et incendièrent toutes les maisons, contraignant les habitants à partir. L'habitation de Mme Dulas, ses meubles, ses provisions, les récoltes et le blé stocké furent entièrement détruits et elle n'obtint jamais réparation pour ces dommages.
Le gouvernement turc avait tenté de rejeter les accusations de Mme Dulas à Strasbourg en invoquant le manque de preuve. Cette opération s'inscrivait dans le cadre d'une enquête portant sur l'enlèvement et l'assassinat d'un imam et d'enseignants par le Parti des travailleurs kurdes (PKK), avait-il expliqué.
La Cour européenne a jugé que la destruction de la maison et des biens de Mme Dulas s'analysait bien comme un traitement inhumain contraire à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme. La Cour dispose que : "Même dans les circonstances les plus difficiles, comme la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la Convention interdit formellement tout traitement contraire à cette disposition". Ankara devra verser un total 47.500 livres sterling (75.558 Euro) à la requérante pour réparer le dommage moral et matériel et pour les frais de justice.
La mort de Fevzi Sihanlioglu, député du parti de la Juste Voie (DYP), le 30 janvier, en plein débat au Parlement turc après agression de plusieurs députés du parti d’extrême droite de l’Action nationaliste (MHP) a soulevé de nombreuses questions en Turquie. "La vague de violence de la société se reflète-t-elle au Parlement, ou alors la société prend-elle son inspiration du Parlement" s’interroge le Güngör Mengi, éditorialiste du journal turc Sabah. La question a une grande importance puisqu’aujourd’hui la majorité des députés turcs siègent au Parlement munis d’une arme.
D’autre part, les média turcs ont une nouvelle fois démontré ouvertement et en direct leur dépendance et l’autocensure à laquelle ils sont sujets. La chaîne de télévision du Parlement, Meclis TV a tourné ses caméras vers les coulisses de la presse sans diffuser les images de l’agression qui se passait sous ses projecteurs.
De plus, les principaux députés impliqués dans l’agression, Cahit Tekelioglu, Mehmet Kundakçi, tous deux membres du MHP, avaient déjà été compromis dans des affaires de meurtres. M. Kundakçi était impliqué dans l’affaire de Bahçelievler [ndlr : assassinat de sept étudiants dans le quartier de Bahçelievler d’Ankara en 1978 par les membres du parti d’extrême droite] et M. Tekelioglu déclarait récemment : "effectuant mon service militaire comme gradé dans l’armée durant le coup d’Etat du 12 septembre, je n’étais pas au-devant de la scène dans les procès contre le MHP. C’était ma grande chance, autrement j’aurais été également compromis". Les deux députés sont aujourd’hui recherchés pour être interrogés. Si ces derniers ne se présentent pas à la justice dans les trois jours, leur immunité devrait être levée pour procéder à leur interrogatoire.
L'organisation Amnesty International ainsi qu'une commission des Droits de l'homme basée à New York ont appelé le 6 janvier les autorités turques ainsi que le Conseil de l'Europe à ouvrir une enquête sur la pratique de la torture dans certains nouveaux établissements pénitentiaires turcs.
"Il devrait y avoir une enquête détaillée, indépendante et impartiale sur la pratique supposée de la torture et de mauvais traitements", a souhaité dans un communiqué Heidi Wedel, membre d'Amnesty international, appelant également le Conseil de l'Europe - dont la Turquie - est membre, à mener l'enquête. Jonathan Sugden de la commission des Droits de l'homme et Heidi Wedel se sont entretenus avec des avocats, des docteurs, des proches des prisonniers ainsi qu'avec trois détenus sortis récemment des nouvelles prisons turques. "Nos sources concordent pour dire que les prisonniers sont battus et parfois même torturés, avant et après leur transfert en prison", ont avancé dans leur communiqué Jonathan Sugden et Heidi Wedel.
"Nous supposons que les prisonniers ont reçu des coups de fouet et ont été violés avec des matraques dès leur arrivée à la prison de Kandira, près d’Izmit, mais les plaintes ne pourront être recoupées puisque les demandes formulées par les avocats pour effectuer des examens médico-légaux sont restées sans réponse", précise encore le communiqué. Ces deux organisations des Droits de l'homme soutiennent encore que les détenus ont été placés en isolement total et appellent les autorités turques à autoriser les prisonniers à sortir de leur cellule dans la journée pour se regrouper.
Le même jour, dans un communiqué, le ministère turc de la justice a démenti ces accusations de torture et de mauvais traitement, ajoutant que trois inspecteurs avaient été chargés de mener une enquête.