Le gouvernement régional kurde d’Erbil a organisé le 26 mai dans les villes de provinces de Duhok et d’Erbil des élections municipales. Pour la première fois les habitants de cette région du Kurdistan ont pu élire au suffrage universel direct leurs maires et leurs conseillers municipaux.
Les élections se sont déroulées dans le calme. Sur les 886494 électeurs inscrits, 700856 ont pris part au scrutin. Le taux de participation a été de 79% pour l’ensemble de la région, il a atteint 85% dans la province de Duhok (277944 votants sur 327.190 inscrits) tandis que dans la province d’Erbil il est descendu à 75,6% (422912 votants sur 559304 inscrits). L’abstention plus élevée à Erbil s’explique, en partie, par l’absence de compétition électorale de l’Union patriotique du Kurdistan de Jelal Talabani qui conserve une certaine influence dans cette province.
Le scrutin était ouvert à des candidats présentés par des partis politiques ainsi qu’à tous ceux qui se présentaient à titre individuel. Les électeurs étaient appelés à élire directement leur maire et choisir parmi la multitude de candidats leurs conseillers municipaux.
Parmi les formations en compétition : le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Massoud Barzani, le Parti communiste du Kurdistan (PCK), la Ligue islamiste du Kurdistan (LIK), le Mouvement démocratique assyrien (MDA) et le Parti indépendant d’action (PIA).
A l’issue du scrutin, les candidats présentés par le PDK, seule formation présente dans toutes les circonscriptions, se sont partagés la part du lion, avec au total 567.503 voix dans l’ensemble de la région, 88,2% des voix dans la province de Duhok et 76,2% des voix dans la province d’Erbil. La Ligue islamiste arrive généralement en deuxième position, suivie de loin, par le Parti communiste.
Voici les résultats de ces élections tels qu’ils ont été publiés dans le numéro du 30 mai du journal kurde "Brayeti" :
VILLE D’ERBIL Candidats au poste de maire : Najat Yasin Khurshid Najjar (PDK) : 183.616 voix (élu) Zuhayr Muhammad Amin Rashid (Ligue islamique) : 52.183 voix Fattah Tawfiq Fattah (Parti communiste) : 17.311 voix Khalid Abdullah Ismail (PIA) : 1022 voix
VILLE DE DUHOK Candidats au poste de maire : Mohammad Salim Mufti (PDK) : 85.226 voix (élu) Ismail Sakiri (Ligue islamique) : 19.375 voix Sherzad Ali (Parti communiste) : 337 voix
VILLE DE ZAKHO Candidats au poste de maire : Sharif Musa (PDK) : 48.099 voix (élu) Nassr-al-Din Sa’id Mustafa (Ligue islamique) : 2.646 voix Bahman Rasho Sulayman (Parti communiste) : 110 voix
VILLE D’AKRAH Candidat unique Ahmad Ibrahim Omar (PDK) : 13.112 voix (élu maire)
VILLE DE SORAN Candidats au poste de maire : Aram Ahmad Hasan (PDK) : 18.772 voix (élu) Mohammad Bayiz Fattah (Ligue islamique) : 13.350 voix
VILLE D’AMADIYA Candidats au poste de maire : Tawfiq Abd-al-Rahman Tawfiq (PDK) : 2567 voix (élu) Awaz Abd-al-Rahman Ali (Parti communiste) : 575 voix
VILLE DE SARSANG Candidats au poste de maire : Farhad Abdi Abd-al-Latif (PDK) : 2895 voix (élu) Yukhina Toma Bakoz (Indépendant) : 688 voix Les résultats détaillés des conseils municipaux sont donnés dans la revue de presse p.88.
Resultats
M % F % Total Population 767.603 50.05 766.033 49.94 1.533.636 Under 5 years of age 118.975 115.069 234.044 From 6 to 9 years At School 56.381 38.81 51.587 35.51 107.968 Not At School 17.326 11.92 19.944 13.73 37.270 Total 37.707 71.153? 145.238 From 10 to 15 years At School 100.345 41.95 81.620 34.12 181.965 Not At School 21.741 9.08 35.486 14.83 57.227 Total 122.086 117.106 239.192 From 16 to 45 years Illiterates 72.990 10.59 151.619 22.06 224.609 At School 267.702 38.85 196.677 28.45 464.379 Total 340.692 348.296 688.988 Over 46 years Illiterates 61.233 28.72 93.583 43.90 154.816 At Scool 41.513 19.47 16.821 7.89 58.334 Total 102.746 110.404 213.150 Handicapped 22.584 16.412 38.996
Nbre of pupils Boys % Girls % Primary Schools 271.679 150.806 55.50 120.873 44.50 Junior Secondary Schools 70.874 70.874? 55.24 21.726 44.76 High Schools 24.800 12.728? 51.32 12.072 42.67 Nbre of teachers M F Primary Schools 14.786 6.881 7.905 Junior Secondary & High Schools 4.883 2.344 2.539 Total 19.699
Le ministère de l’Education nationale du Gouvernement régional kurde de Suleimanieh vient d’organiser, avec le concours financier et technique de l’UNICEF, un recensement général de la population du territoire qu’il administre.
Cette opération qui a duré 40 jours a mobilisé 3898 enquêteurs répartis en 409 équipes qui ont systématiquement sillonné les villes et villages de la région. Chaque enquêteur était chargé de recenser de 100 à 120 familles. En s’associant à ce recensement l’UNICEF cherche à établir un état des lieux avec des informations fiables sur la situation de la scolarisation des enfants et sur l’illettrisme. Une série de mesures devant être prise dès la prochaine entrée afin de scolariser tous les enfants en âge scolaire et d’organiser des cours d’alphabétisation pour les adultes illettrés.
Le tableau ci-dessous résume les premières données de ce recensement.
Source: Kurdistan d’Irak, Bulletin d’information N° 2, mai 2001, publié par le Bureau de Paris de l’Union patriotique du Kurdistan.
Massoud Barzani, président du Parti démocratique du Kurdistan irakien (PDK), est arrivé le 7 mai, à Ankara pour s’entretenir avec les responsables turcs.
À son arrivée dans la capitale turque, il a déclaré : "Nous allons évoquer les questions qui intéressent les deux parties. Il nous est nécessaire de procéder à un échange de vues de temps en temps avec les autorités turques". Au programme de cette visite : relations économiques et politiques, questions de sécurité frontalière, avenir du régime de sanction, processus de réconciliation PDK-UPK…
À propos de la sécurité frontalière, au terme d’un entretien avec le sous-secrétaire d’Etat turc aux Affaires étrangères Faruk Logoglu, il a indiqué : " Il n’y a pas de changement dans notre attitude envers le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan). La présence du PKK dans notre région est inacceptable (…) Si le PKK insiste pour être présent dans cette région, nous continuerons à le combattre ".
De plus, M. Barzani a souligné que les relations du PDK avec son rival, l’Union Patriotique du Kurdistan (UPK de Jalal Talabani), se développaient favorablement : " Je souhaite qu’elles puissent contribuer à la reconstruction de la région ". Les deux principaux partis kurdes irakiens se sont récemment mis d’accord sur une série de mesures de confiance comprises dans un accord conclu en septembre 1998 sous les auspices de Etats-Unis, dont l’application était jusqu’ici bloquée par des dissensions.
M. Barzani a également été reçu par le Premier ministre Bulent Ecevit, avec lequel il a évoqué la question de la révision des sanctions internationales imposées à l’Irak, envisagée par les Etats-Unis. Washington souhaite alléger les restrictions sur les produits de consommation à usage civil et durcir celles sur l’équipement et les technologies militaires.
Par ailleurs M. Barzani a également rencontré des responsables du parti turc d’opposition de la Juste Voie (DYP). Au cours de son entretien avec Hasan Ekinci, vice-président du DYP, le député ANAP de Diyarbakir Hasim Hasimi a servi d’interprète à M. Barzani qui à chacune de ses visites en Turquie s’exprime partout en kurde, y compris dans des enceintes officielles et gouvernementales où l’idéologie officielle nie l’existence même d’une langue kurde.
M. Barzani a conclu sa visite par un dîner offert à son honneur par l’ancien ministre des Travaux publics, Serafettin Elçi, auquel plus de deux cents personnalités kurdes, dont les principaux dirigeants du parti pro-kurde HADEP, ont pris part.
Le PDK contrôle l’important trafic routier entre la Turquie et l’Irak et assure la sécurité de l’oléoduc Kirkouk- Yumurtalik (Turquie) qui traverse son territoire. Le commerce profitable à la Turquie et à l’Irak génère aussi d’importants droits douaniers qui constituent la ressource principale du gouvernement régional kurde. Dans des moments de crise, Ankara menace de " fermer la frontière " et d’asphyxier l’économie kurde irakienne. Les assurances données par M. Barzani à ses interlocuteurs turcs n’ont pas empêché ceux-ci de brandir à nouveau la menace d’une intervention militaire. En effet, dès le départ du leader kurde, Le quotidien turc Milliyet du 13 mai a annoncé la publication par le Premier ministre Bülent Ecevit d’une circulaire interne secrète encadrant la politique irakienne de la Turquie à court, à moyen et à long terme. Le point essentiel de la circulaire est clairement affiché : " La proclamation d’un Etat au nord de l’Irak sera considérée [par la Turquie] comme une cause d’intervention ". Un rapport signé par le ministre turc des Affaires étrangères, Ismail Cem, et intitulé " Mesures préventives relatives à la politique turque en Irak ", sert de base à la circulaire dont l’existence est démentie par les autorités turques. Selon le quotidien turc Hurriyet du 16 mai, qui reprend l’information, le rapport qui met l’accent sur la nécessité de maintenir l’aspect unitaire de l’Irak souligne : " Nous prenons en considération le fait qu’il est impossible pour le nord de l’Irak de revenir à une situation d’avant 1992. Cependant le scénario qui ne pourrait en aucune façon être accepté par nous, c’est la proclamation d’un Etat kurde indépendant au nord de l’Irak. Une telle déclaration devrait être considérée comme un casus belli. "
Par ailleurs, le rapport indique que les études sur l’Irak devront être suivies par " un comité d’observation " présidé par le ministère des Affaires étrangères et composé du chef adjoint de l’état-major turc et le chef des services de renseignement (MIT).
De plus, Ankara qui continue de refuser à ses 15 millions de Kurdes le moindre droit culturel, soulève dans ce rapport une nouvelle fois la situation des Turkomans du Kurdistan irakien : " Il est important que les Turkomans normalisent leurs rapports aussi bien avec le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) qu’avec Bagdad. Les Turcomans sont la troisième composante en Irak et seconde composante au nord de l’Irak du peuple irakien. Ils devraient être en sûreté et des messages en ce sens ont d’ores et déjà été délivrés ". Les Turkomans sont moins de 30 000 dans la zone de protection kurde et environ 150 000 dans l’ensemble de l’Irak.
La Cour européenne des droits de l’Homme, saisie par le gouvernement chypriote grec, a, le 10 mai, reconnu la Turquie coupable de 14 violations sur l’île méditerranéenne, dont la partie nord est sous occupation turque depuis 27 ans. Il s’agit de la 4ème requête interétatique de "Chypre contre la Turquie", mais c’est la première fois que la Cour européenne tranche, les trois plaintes précédentes ayant été traitées par le Comité des ministres, l’exécutif du Conseil de l’Europe.
Dans cette dernière requête, datant de 1994, Nicosie accusait Ankara d’avoir violé la quasi-totalité des articles de la Convention européenne des droits de l’Homme, tant en ce qui concerne la disparition de près de 1.500 Chypriotes grecs, le déplacement forcé de 211.000 autres, des biens confisqués, que les conditions de vie des Chypriotes grecs restés sur place (restrictions des droits, menaces pour leur sûreté, interdiction des journaux en langue grecque...).
Lors de l’audience de la Cour européenne, le 20 septembre 2000, le gouvernement turc avait pratiqué la politique de la chaise vide, ne présentant aucun défenseur, une première dans l’histoire de la Cour de Strasbourg, créée en 1959. Ankara avait fait savoir par une source diplomatique qu’il ne se sentait pas concerné par les accusations de Nicosie et il avait renvoyé la responsabilité des faits à la République turque de Chypre du Nord (RTCN) proclamée en 1983 dans le nord de l’île divisée et que la Turquie est seule à reconnaître.
Les juges de la Cour européenne se sont prononcés par 16 voix contre une pour la responsabilité de la Turquie dans ces violations, qui vont de l’absence d’enquête sur la disparition de Chypriotes grecs à des traitements inhumains infligés aux proches de personnes disparues.
L’Etat turc est également accusé d’empêcher des Chypriotes grecs originaires du nord de l’île de rentrer chez eux ; de refuser toute compensation pour la perte de propriété, d’interférer dans la liberté de culte ; et de faire subir des discriminations aux Chypriotes grecs vivant sur la péninsule de Karpas, dans le secteur turc.
Le gouvernement d’Ankara a déjà réfuté ces accusations par le passé, affirmant que le contrôle du nord de Chypre ne relevait pas de ses compétences et que la responsabilité des faits incombait à la seule administration chypriote turque, qui n’est cependant reconnue que par la Turquie.
Dans son arrêt, la Cour rejette toutefois la plainte chypriote accusant la Turquie de violer d’autres clauses de la Convention européenne des droits de l’Homme, notamment celles relatives à l’esclavage, au travail forcé et à la liberté d’assemblée.
Les troupes turques ont envahi Chypre en 1974 à la suite d’une tentative de coup d’Etat menée par des Chypriotes grecs partisans du rattachement à la Grèce. À la suite de cette invasion, 180.000 Chypriotes grecs ont fui ou ont été expulsés du nord de l’île, où la Turquie maintient 35.000 hommes pour soutenir le gouvernement local.
Par ailleurs, des milliers de Chypriotes grecs, qui se sont regroupés dans quelque 80 requêtes dites individuelles, attendent que la Cour européenne statue sur leurs plaintes. Une requête regroupe les 1.000 habitants d’un village, une autre 400, selon un juriste de la Cour.
Le Premier ministre turc Bulent Ecevit s’est, le 11 mai, élevé contre l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme reconnaissant la Turquie coupable de 14 violations dans la partie nord de Chypre, sous occupation turque depuis 27 ans. " Il est clair que la Cour européenne des droits de l’Homme n’a pas fait une évaluation correcte de la situation ", a déclaré Bulent Ecevit lors de son point de presse hebdomadaire. " Les questions concernant Chypre ne sont pas des questions de droit, mais des questions politiques ", a-t-il fait valoir. " La décision de la Cour ne correspond pas à la réalité chypriote ". Pour le gouvernement d’Ankara, le contrôle du nord de Chypre ne relève pas de ses compétences et la responsabilité des faits incombe à la seule administration chypriote turque, qui n’est cependant reconnue que par la Turquie.
Le 31 mai, la Cour européenne des droits de l’Homme a, à nouveau, condamné Ankara cette fois-ci pour "violation du droit à la vie" et "traitements inhumains ou dégradants" après la mort en 1993 de 11 civils kurdes, disparus lors d’une opération de l’armée turque au Kurdistan.
Les onze hommes, arrêtés par les policiers en octobre 1993, avaient été détenus en plein air à Kepir pendant au moins une semaine, au cours de laquelle ils ont subi de nombreux mauvais traitements. Ligotés, à l’exception de l’un d’entre eux, battus pour certains, ils ont souffert du froid "mais aussi de peur et d’angoisse à l’idée de ce qui risquait de leur arriver", selon les juges européens. Tous ont ensuite " disparu ".
La Cour européenne, qui estime que ces hommes sont " présumés morts à la suite de leur détention par les forces de sécurité ", compte tenu du temps écoulé et de " l’incapacité du gouvernement à fournir une explication plausible et satisfaisante quant à leur sort ", a conclu à la responsabilité d’Ankara dans leur décès. La Cour s’est par ailleurs dite " frappée par l’absence d’efforts sérieux de la part des procureurs pour enquêter sur les graves allégations formulées ", et malgré les preuves apportées par les neuf requérants - tous des proches parents des disparus.
Les juges européens ont notamment alloué aux requérants la somme totale de 382.340 livres sterling (639.649,38 euros) pour dommage matériel. Pour dommage moral, ils ont octroyé à chacun des plaignants 2.500 livres (4.165 euros), ainsi que 20.000 livres (33.322 euros) pour les héritiers de chacun des disparus.
Le Fonds monétaire international a décidé d’apporter un nouveau ballon d’oxygène à la Turquie, en augmentant sa ligne de crédit stand-by de 8 milliards de dollars, la portant à un total de 19 milliards de dollars, dont 3,8 milliards disponibles immédiatement. Nouveau ministre turc de l’Economie et ancien vice-président de la Banque mondiale, Kemal Dervis s’est aussitôt félicité de cette décision. "C’était le montant que nous attendions (…) C’est un succès pour le gouvernement. Le FMI n’a octroyé une aide d’un tel montant à aucun autre pays. Mais c’est aussi une responsabilité importante" a-t-il déclaré.
En annonçant le déblocage de ces 8 milliards de dollars supplémentaires, le numéro deux du FMI Stanley Fischer a de son côté vanté l’important plan de redressement mis en place par l’équipe de Kemal Dervis, alliant diminution des dépenses publiques, privatisation d’entreprises clé et réforme de différents marchés, tels que les télécommunications, l’électricité, le gaz naturel, le tabac et le sucre. En février dernier, une crise financière particulièrement aiguë a obligé Ankara à abandonner un précédent plan anti-inflation et à laisser flotter la livre turque, qui a perdu depuis 40% de sa valeur face au dollar.
Outre les 3,8 milliards de dollars disponibles immédiatement, le gouvernement turc pourra tirer dans un deuxième temps deux tranches de 1,5 milliard de dollars chacune au plus tôt les 25 juin et 25 juillet, puis deux autres tranches de 3 milliards chacune au plus tôt les 20 septembre et 15 novembre. Ces nouveaux déboursements seront accordés au vu des progrès accomplis par la Turquie dans la mise en œuvre de son plan de redressement.
Le ministre de l’Agriculture du gouvernement régional kurde de Suleimanieh, Shazad Jamil Saib, est décédé à la suite d’un accident survenu le 21 mai sur la route de Rania.
Sa disparition prématurée a suscité une vive émotion parmi ses amis, nombreux tant au Kurdistan qu’au Proche-Orient et en Europe. Le gouvernement régional kurde a décrété 3 jours de deuil et organisé des funérailles officielles.
Shazad Saib était né en 1946 à Suleimanieh dans une famille connue pour son patriotisme. Son père, l’écrivain Jamil Saib avait été conseiller et ministre du Cheikh Mahmoud, qui en 1919 se proclama "Roi du Kurdistan" et établit un gouvernement éphémère. Ce milieu familial a favorisé son engagement dès le lycée dans le mouvement national kurde. Admis à la Faculté de droit de l’Université de Bagdad, il milita à la fois dans les rangs de l’Union des étudiants du Kurdistan et dans ceux du Parti démocratique du Kurdistan. Après l’obtention, en 1968, de sa licence de droit, il s’installa à Suleimanieh où il dirigea d’abord la revue mensuelle Rizgari (Libération) avant d’exercer jusqu’en 1975 son métier d’avocat.
Après l’effondrement en mars 1975 de la résistance armée kurde dirigée par le général Barzani, à la suite de l’accord irako-iranien d’Alger, il rejoint l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) fondée par Jalal Talabani dont il fut le représentant à Damas, au Liban, aux Pays-Bas puis à Ankara. En janvier dernier, le nouveau Premier ministre de la région, Dr. Barham Saleh, l’avait appelé à ses côtés et lui avait confié le poste de ministre de l’Agriculture.
Homme d’ouverture et de dialogue Shazad Saib bénéficiait de sympathies au-delà des rangs de son organisation politique.
L’Irak a menacé d’arrêter ses exportations de pétrole vers la Jordanie et la Turquie si elles coopèrent au nouveau plan de "sanctions intelligentes" des Etats-Unis. Washington souhaite renforcer l’embargo sur les armes tout en assouplissant les restrictions concernant les importations de marchandises civiles en Irak.
Le vice-Premier ministre Tarek Aziz a déclaré à la télévision irakienne que Bagdad devrait cesser ses exportations vers ces deux pays si leurs achats de pétrole étaient effectués dans le cadre du programme pétrole contre nourriture de l’Onu. Pour l’instant, les deux pays importent du pétrole irakien en dehors de ce cadre, ce qui constitue une exception aux sanctions adoptées par l’Onu. Ils payent directement le gouvernement irakien en espèces au lieu de verser la somme sur un compte de l’Onu. En vertu du nouveau projet de sanctions américain, les paiements des exportations illicites de pétrole irakien vers la Turquie, et la Jordanie, mais aussi la Syrie et l’Iran, devraient désormais être versés sur le compte de l’Onu.
L’Irak exporte son pétrole vers la Turquie par camion et par oléoduc. L’oléoduc Kirkuk-Yumurtalik livre environ 40 % des 2,2 millions de barils par jour vendus par l’Irak sous contrôle de l’Onu. Bagdad fournit tout son pétrole brut à la Jordanie et il couvre tous les besoins du royaume en produits pétroliers depuis 1990. Ces ventes de pétrole à la Jordanie constituent une exception aux sanctions imposées en 1991 par l’Onu à Bagdad suite à l’invasion irakienne du Koweit. L’Irak fournit chaque année 4,8 millions de tonnes de pétrole brut et de produits pétroliers à prix réduits à la Jordanie, soit quelque 95.000 barils par jour, pour une valeur totale d’environ 600 millions de dollars. Les clauses de cet accord sont secrètes.
Le nouveau projet de sanctions américain prévoit l’inspection par l’Onu des avions à destination de l’Irak, la vente à prix réduits de pétrole irakien aux pays de la "ligne de front" (les voisins de Bagdad) et éventuellement des livraisons de pétrole fournies par d’autres pays du Golfe pour les voisins les plus pauvres de l’Irak.
Le TUSIAD, l’association turque des hommes d’affaires, a, le 21 mai, rendu public son rapport intitulé "Perspectives pour la démocratisation en Turquie en 2001 et les critères politiques de Copenhague de l’UE– Positions et Priorités", demandant par la voie de son président Tuncay Ozilhan des réformes politiques nécessaires et sincères pour la Turquie.
Présenté sous la forme d’une "liste de demandes prioritaires", le rapport est formé par 10 articles, appelés par la presse turque de "10 commandements du TUSIAD". Le TUSIAD demande entre autres que la langue turque devienne par une révision constitutionnelle la " langue officielle du pays " et non plus " la langue maternelle " de l’Etat, ouvrant ainsi une brèche pour la diffusion et l’enseignement de la langue kurde. Voici de larges extraits de ce rapport :
"Inviolabilité de l’individu - le droit à la vie :
- La pratique de la peine de mort devrait être limitée aux périodes de temps de guerre ou de menace imminente de la guerre, ainsi stipulé à l’appendice du Protocole n°6 de la Convention européenne des droits de l’homme (…) Il n’est pas nécessaire de légiférer un nouveau code pénal pour abolir la peine de mort (…) L’adoption du protocole n°6 de la Convention et l’élaboration d’une loi précisant la nature de la transformation appliquée à l’actuelle législation relative à la peine capitale sera suffisante…
La liberté d’expression :
- L’article 8 de la loi anti-terreur régissant " la propagande contre l’indivisibilité de l’Etat " et l’article 312 du code pénal turc, restreignant tous deux la liberté d’expression, devront être amendés. Il n’y a aucun obstacle à la révision de l’article 8 de la loi anti-terreur, puisque les dispositions actuelles de la législation criminelle sont suffisantes pour sanctionner les provocations de l’activité criminelle eu égard à la propagande en faveur des organisations terroristes. L’article 8 a pour seul objet de punir les crimes de pensée et par conséquent devrait être aboli. L’article 312 du code pénal turc n’a pas à être révisé entièrement. Des dispositions similaires existent dans presque tous les pays. Cet article sanctionne l’apologie d’une action qui constitue une infraction légale, l’encouragement de la désobéissance civile (§1), ou encore l’incitation de sentiment d’hostilité sur la base des différences de classe, de race, de religion et de confession (§2). Article 312 a fait l’objet de nombreuses critiques justifiées en Turquie, car il a été utilisé dans les procès relatifs à l’exploitation de la religion depuis que l’article 163 du code pénal a été abrogé. Le préambule de la Constitution, aussi bien que ses articles 14 et 24, sanctionnent l’abus d’exploitation de la religion et renforce la législation à cet effet. Par conséquent, une nouvelle législation spécifique aux abus en matière de religion devrait être élaborée, alors que le paragraphe 1er de l’article 312 devrait être abrogé et le paragraphe 2nd reformulé afin de refléter le critère du concept de " danger clair et présent " (…) La liberté d’expression n’est pas seulement une question légale, elle contient également des dimensions éducatives et philosophiques. Afin d’accorder une reconnaissance formelle au principe de la " liberté de pensée ", le nombre d’enseignement supérieur Imam-Hatip [ndlr : établissement scolaire islamiste] devrait être limité au stricte nécessaire fournissant le nombre requis de fonctionnaires religieux. Les étudiantes ne devraient cependant pas être admises dans ces établissements.
Les libertés collectives :
- Les commentaires et critiques concernant la loi sur les associations ont été soulignés dans un rapport spécial du TUSIAD (…) L’actuelle loi devrait être entièrement réexaminée. Une solution plus appropriée devrait être élaborée dans une nouvelle loi.
- La loi sur les rassemblements et les manifestations devrait être amendée pour limiter le pouvoir des représentants locaux de l’autorité centrale qui repoussent à une date indéfinie des rassemblements et manifestations légaux. La période discrétionnaire devrait être réduite à entre 24 et 48 heures.
Les partis politiques et les élections
- Pour contribuer à l’amélioration de la démocratie dans les partis, la tenue des primaires ouverts à tous les membres avec une participation mandataire devrait être la règle. L’article 81 de la loi sur les partis politiques (intitulé " Mesures préventives contre la création des minorités) devrait être entièrement abrogé. De nombreuses lois existantes suffisent pour assurer l’intégrité de l’Etat. L’article 81 est habituellement consacré comme base légale pour dissoudre des partis politiques loyaux à l’unité de l’Etat. Spécialement après la défaite du mouvement séparatiste terroriste, l’abrogation de cet article servira à la réintégration de certains acteurs politiques au système…
- Deux réformes sont nécessaires et urgentes en matière électorale. La première est la suppression des prohibitions relatives à la coopération et alliances entre les partis politiques, contenues dans la loi électorale. La seconde est l’introduction d’un scrutin à deux tours aux élections municipales. La première a fait l’objet de plusieurs propositions de lois. Pour la seconde, il existe un large consensus. Finalement, le seuil national pour qu’un parti ait des élus au Parlement devrait être abaissé à 5 % des suffrages exprimés, comme dans d’autres pays : Aux dernières élections, le système actuel a eu pour effet l’invalidation de six millions de voix.
L’Assemblée nationale turque :
- L’irresponsabilité parlementaire et l’immunité actuelle pour les parlementaires devront être reformulées sous le titre de " immunités parlementaires ". L’irresponsabilité parlementaire dispose que les membres du Parlement peuvent ne pas être tenus responsables pour les propos, les déclarations ou les votes effectués dans le cadre des activités parlementaires. L’exception dans la Constitution " à moins que l’Assemblée décide autrement sur proposition du conseil de la présidence " devrait être abrogée et une irresponsabilité absolue devrait être appliquée. L’inviolabilité parlementaire, encadrant le pouvoir des membres du Parlement d’exercer leurs fonctions sans pression et sans menace, devrait être reformulée. La protection d’inviolabilité ne devrait pas être un obstacle à l’enquête judiciaire ou à une procédure légale…
Le Conseil national de sécurité (MGK)
- Le rapport… propose que le MGK soit supprimé comme organe constitutionnel et que son domaine d’activité soit limité à la défense nationale (comme avant 1960)… Bien que cette proposition ne soit pas comprise dans la Liste des priorités du Rapport, la question est importante et actuelle… Le rapport " Réformes nécessaires pour atteindre la conformité aux critères politiques de Copenhague ", préparé par le comité suprême pour la coordination des droits de l’homme du Premier ministre, ne contient pas de solution radicale. Ce dernier propose d’augmenter le nombre de membres civils dans le MGK avec un amendement constitutionnel… Ces mesures sont appropriées. Il est possible de limiter l’autorité du Conseil sans entreprendre une révision constitutionnelle, en amendant simplement les lois…
La justice
- L’établissement de l’organisation de police judiciaire, l’extension des garantis accordés par le code la procédure pénale aux suspects poursuivis par les Cours de sûreté de l’Etat, et les changements constitutionnels octroyant une justice indépendante (spécialement dans le contexte du Conseil supérieur de la magistrature) constitue des questions prioritaires qui restent à résoudre.
- Tous les actes administratifs (émanant spécialement du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil suprême militaire) devraient être l’objet de contrôle judiciaire. Les dispositions constitutionnelles interdisant les décrets en vigueur dans la région sous état d’urgence d’être porté devant la Cour constitutionnelle, devraient être abrogés et l’article 15 in fine de la Constitution, qui exclut du ressort de la Cour constitutionnelle les décisions et les mesures adoptées par des lois ou des décrets pendant le régime militaire entre 1980-1983, devraient être annulé.
- À l’instar du rapport du Comité suprême de la coordination des droits de l’homme du Premier ministre, la saisine de la Cour constitutionnelle devrait être élargie, en particulier pour les groupes de partis politiques au sein du Parlement et autres institutions.
Harmonisation à la loi supranationale
- Dans le but de se conformer aux dispositions exigées pour être membre de l’UE et autres institutions internationales, une clause devrait être ajoutée à la Constitution concernant la souveraineté …
- Un projet de loi devrait être élaboré pour que les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme puissent servir de base au rejet et à la correction des jugements "
Bref, un vaste chantier de réformes proposé par une organisation économiquement et socialement puissante mais qui à plusieurs reprises au cours des dernières années a été sommée par la haute hiérarchie militaire de ne pas se mêler de politique et de s’occuper de ses affaires. En Turquie, l’essentiel du pouvoir de décision sur les grandes questions politiques appartient toujours à l’armée.
TÉMOIGNAGE DE ZEKIYE DOGAN, MÈRE KURDE, EPOUSE ET SŒUR DE DISPARUS
Celal Baslangiç, journaliste au quotidien turc Radikal, relate le témoignage de Zekiye Dogan, une Kurde ordinaire, mère de quatre enfants, forcée par les autorités turques de quitter son village puis sa ville et ensuite la Turquie pour finalement venir s’installer en Allemagne. Voici de larges extraits de cet article intitulé " Que lui reste-t-il encore à perdre ? ", publié le 26 mai 2001.
" Le mari de Zekiye Dogan a été assassiné. Sept membres de sa familles, âgés entre 13 et 75 ans sont portés disparus. Quant à elle, elle a fui Dargeçit avec ses enfants pour venir s’installer à Istanbul. Elle est probablement la personne la plus brisée de la ‘Semaine des disparus’ [ndlr : la Semaine des disparus démarre le 17 mai, jour anniversaire de la découverte du corps d’Hasan Ocak, exécuté après une détention en garde-à-vue et s’achève le 31 mai]
…Zekiye Dogan est née au village d’Akyol, district de Dargeçit dans la province de Mardin…Cela faisait déjà six ans qu’elle était en fuite à Istanbul, mais elle ne parlait pas un seul mot turc.…
Au village, sa famille avait une bonne situation : Des jardins, des potagers, des rizières, 700 pistachiers, un cheptel de bovins et d’ovins. Le bonheur n’a duré que jusqu’à ce que la " guerre à faible intensité " commence. Et puis, les villages voisins ont accepté un par un de s’enrôler dans la milice (pro-gouvernementale) des protecteurs de villages, mais les villageois d’Ancak, anciennement [et en kurde] Drêjan, ont refusé d’y adhérer. C’est pourquoi et conformément à " la pratique régionale ", le village a commencé à subir des raids.
" Non seulement les gendarmes, mais les protecteurs des villages voisins venaient y faire des descentes. Un jour d’été, ils sont venus perquisitionner le village puis notre maison. Nous dormions sur le toit, et pour éviter le danger, mon époux et moi, nous nous sommes enfuis, mais notre bébé de trois mois est resté là. La maison a été encerclée et personne n’a été autorisé à s’en approcher. L’enfant a pleuré toute la nuit sur le toit… "
Vingt jour après la perquisition, son mari Süleyman Turgut et ses cousins Ergin et Ahmet se rendront aux champs. Ergin à 67 ans et Ahmet à 75 ans, se déplacent avec difficulté, mais ce soir-là ils ne reviendront pas à la maison.
" Nous avons d’abord cru qu’ils arrosaient les champs, mais le lendemain matin nous nous sommes inquiétés… Un jour le chauffeur du village qui se rendait à Dargeçit voit dans le ruisseau trois corps. Ils avaient attaché au cou de mon mari un fichu jaune, rouge et vert et avaient déposé des armes auprès d’eux. Les militaires ont emmené les caméras de télévision et ont fait diffuser un " reportage " en déclarant " voici, les terroristes tués au cours des combats ". Mon neveu avait alors crié " comment un homme de plus de 70 ans peut être un terroriste ? " Il a été violemment battu. Les corps sont restés tout un jour dans l’eau du ruisseau, les militaires ne nous ont pas laissé les emporter. C’est seulement après leur départ que nous avons sorti les corps hors de l’eau et nous les avons cachés…Le jour même des funérailles, ils ont lancé sept obus de mortiers sur notre village ".
Ensuite les villages qui avaient refusé de devenir des protecteurs de villages ont été un par un vidés et incendiés. Zekiye Dogan, sans attendre son tour, a alors ramassé ses affaires et emménagé avec son frère chez son père Ramazan Dogan à Dargeçit.
" Il est difficile de retourner chez ses parents avec quatre enfants. J’ai vendu tout mon bétail, construit une maison près de chez mon père et m’y suis installée. Pour subvenir à mes besoins, j’ai travaillé pendant un an dans des champs de coton. Mon père possédait 600 ovins et d’autres bétails dans son village appelé Dilan. Au cours d’un raid, on demande aux villageois " pourquoi vous n’êtes pas partis " et le village est mitraillé. Ali Duskun, le cousin de mon père meurt sous les coups des balles. Mon père fait une crise paralytique et on le croit mort, mais il reprend connaissance au commissariat après une injection, on lui reproche " d’aider les terroristes "… Finalement, les villages de Dilan et d’Akyol se trouvent vidés et incendiés "
Quelque temps après, les maisons des Dogan et de Duskun à Dargeçit subissent une descente de militaires. Seyhan Dogan, âgé de 13 ans et frère de Zekiye Dogan [et cinq de ses proches] sont alors placés en garde-à-vue…
Ils n’ont pas de nouvelle des détenus pendant un bon moment, on nie même qu’ils sont placés en garde-à-vue en disant : " Ils ne sont pas en garde-à-vue, ils sont partis chez le PKK ".
" Nous n’avons plus jamais reçu de nouvelles de mon frère et de mes proches. Ni même retrouver leurs corps. La pression a été plus forte sur le reste de la famille restée en vie. Ma mère, Asiye Dogan a aussi été placée en garde-à-vue. Ils lui ont bandé les yeux et l’ont emmenée. Nous sommes restés sans nouvelles pendant neuf jours, puis avons appris qu’elle était détenue dans la garnison de Mardin. Personne dans la famille n’avait le courage d’aller demander de ses nouvelles… Je suis alors allée auprès du procureur de Dargeçit et lui ai demandé " qu’est-ce que vous avez fait de ma mère ? ". Quand il m’a répondu qu’il n’en savait rien, je suis devenue comme folle… ils ont réussi à me maîtriser difficilement et ont expliqué au procureur: " son frère est porté disparu, elle n’a pas de nouvelles de sa mère, elle a perdu la tête, pardonnez lui. ". Une heure après, sa mère a été libérée. La famille Dogan reçoit alors un coup de fil d’Allemagne : " Vos enfants se trouvent dans les buissons de telle grotte ". La famille veut alors aller récupérer les corps… mais personne n’est autorisée à sortir de Dargeçit… Nous avons eu des informations plus tard seulement, lorsque la famille d’un soldat est arrivée à Dargeçit pour se renseigner sur le sort de leur fils qui effectuait son service chez nous. Le soldat aurait demandé grâce lorsque nos enfants devaient être exécutés… Mais on a répondu à cette famille " votre enfant a disparu " aussi… Ensuite la maison des Dogan est constamment perquisitionnée… Les jeunes de la famille Dogan partiront d’abord à Istanbul, puis s’enfuiront en Allemagne. Finalement toute la famille quittera Dargeçit un soir… Aujourd’hui Zekiye Dogan travaillent dans un restaurant en fabriquant du pain pour subvenir aux besoins de ses enfants. Sa fille Kader, âgée de 15 ans, est aide couturière, Serivan, Bilal et Ramazan, âgés réciproquement de 9, 11 et 13 ans, vont à l’école le jour, mais travaille ensuite pour apporter leur contribution au budget de la famille. Qui sait, peut-être parmi les enfants-vendeurs de mouchoirs, que vous rencontrez dans les rues, il y a un Serivan, un Bilal, ou un Ramazan.
La semaine des disparus continue. Les familles ont entamé un sit-in pour la première fois le 27 mars 1995 à 12h00 devant le lycée français Galatasaray… Cette opération d’espoir n’a pu durer que 200 semaines. " Les mères de samedi " ne peuvent plus se réunir devant Galatasaray depuis des mois… car depuis 17 août 1998 et jusqu’à 13 mars 1999, durant 30 semaines, les mères de samedi ont été traînées, battues, placées en garde-à-vue et poursuivies devant les tribunaux. 391 personnes ont été placées au total 932 jours en garde-à-vue, ont eu 81 jours d’arrêts de travail. Il y a encore aujourd’hui plus d’une quarantaine de procès contre les Mères de samedi. "
L’Association turque des droits de l’homme (IHD) a, le 10 mai, rendu public son rapport d’avril 2001 sur les violations des droits de l’homme au Kurdistan. En voici les principaux extraits :
Les forces armées turques ont annoncé, le 23 mai, avoir porté un nouveau coup au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en tuant 15 combattants, dont l’un des principaux dirigeants du PKK, lors d’une opération ces derniers jours. Le dirigeant abattu, Ozen Bingol, dit Ismaïl, se cachait dans une cave depuis trois jours avec ses proches. Il dirigerait le PKK dans la province d’Erzurum et ferait partie du comité exécutif du PKK.
L’armée est intervenue dans la région montagneuse de Bingol, selon des responsables de la sécurité. Les combats avaient entraîné, entre les 19 et 20 mai, la mort d’un soldat et d’au moins cinq autres membres du PKK.
Les accrochages entre l’armée turque et les combattants kurdes ont considérablement diminué d’intensité depuis la capture, fin 1999, du chef du PKK, Abdullah Ocalan.
Plus de 50 membres ou sympathisants du parti pro-kurde de la Démocratie du peuple (HADEP), dont 9 dirigeants, soupçonnés de "liens avec le PKK" ont été arrêtés à Ankara les 16 et 17 mai. Veli Aydoganun, responsable du Hadep à Ankara a déclaré que les forces de sécurité ont lancé une opération contre les domiciles des suspects à l’aube sur ordre de procureurs de la Cour de sûreté de l’Etat. "Plus de 50 personnes ont été arrêtées jusqu’ici. Six sont membres de notre parti et les autres en majorité des étudiants qui ont activement participé à nos activités sans être membres", a-t-il ajouté.
Le 24 mai, la police turque a interpellé 72 personnes lors de nouvelles opérations contre le Hadep dans les provinces d’Icel et Aydin. Les policiers ont perquisitionné le siège du parti à Mersin et ses bureaux à Toroslar et Akdeniz, et saisi 3 sacs de documents.
Selon Hamit Geylani, vice-président du HADEP: " Les opérations à Icel ont été lancées sur ordre de procureurs à la suite d’une décision de justice interdisant une publication non spécifiée. Vingt-six personnes interpellées ont été libérées après avoir été interrogées et 28 autres étaient encore détenues () Parmi elles figurent des membres du HADEP ". Il a dénoncé une pression politique sur HADEP : "Ces raids montrent le malaise que provoque le travail de notre parti".
Dans la province d’Aydin, les troupes paramilitaires de la gendarmerie ont interpellé 18 personnes, dont des responsables et membres du HADEP, le 24 mai.
"Ils sont toujours détenus et nos demandes de libération ont été rejetées", a précisé M. Geylani. "Nous demandons que tous nos membres et ceux détenus pour des raisons politiques sans raison légale soient libérés", a-t-il ajouté.
Le HADEP, qui plaide pour une solution pacifique à la question kurde, est régulièrement harcelé par la police pour ses liens présumés avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Il est l’objet d’une procédure de fermeture en justice pour ces liens présumés, une accusation qu’il rejette catégoriquement.
Les Quinze ont manifesté, le 15 mai, leur mécontentement à l’égard de la Turquie qui bloque un accord entre l’Union européenne et l’Alliance atlantique, mais certains espèrent qu’une solution sera trouvée à la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN fin mai à Budapest. La Turquie "devra changer" d’attitude, a jugé le ministre français de la Défense Alain Richard. "Il n’y a pas d’avantages pour nos amis turcs à maintenir cette position négative, ce n’est pas cohérent avec leurs intérêts de rapprochement avec l’Europe", a-t-il dit. Le ministre allemand de la Défense Rudolf Scharping a aussi haussé le ton, affirmant que la Turquie n’empêcherait par les Quinze d’avancer sur l’Europe de la défense.
Depuis des mois, Ankara bloque un accord entre l’UE et l’OTAN sur l’accès de l’Union aux moyens de planification de l’Alliance atlantique. Ankara veut que cet accès soit décidé au cas par cas et non "garanti et permanent", comme le demandent les Quinze. Les Quinze ont proposé l’an dernier à ces pays des consultations étroites sur la politique européenne de défense, mais il n’est pas question qu’ils participent pleinement aux décisions. La Turquie, membre de l’OTAN mais non de l’UE, refuse de se contenter de ces consultations et juge que sa position géostratégique lui donne le droit de participer pleinement au processus de décision, comme si elle était un Etat membre de l’UE, ce que les Quinze jugent impossible. La Turquie s’inquiète surtout d’être absente d’un organe de décision sur des questions de sécurité auquel participe la Grèce.
L’ancien ministre des Affaires étrangères, Ilter Turkmen, a mis en garde contre une telle escalade, soulignant qu’elle compromettrait les espoirs de la Turquie d’adhérer à l’UE : "Si nous donnons l’impression d’être les éternels fauteurs de trouble, le processus d’adhésion de la Turquie va en pâtir". Il écarte le scénario "catastrophe" d’une intervention de l’UE à Chypre, soulignant que l’Union n’est pas une coalition anti-turque et que ses membres sont des alliés de l’OTAN. Mais le chef de la diplomatie turque Ismail Cem a répliqué que "ce ne sera pas la fin du monde" si aucun accord n’est trouvé avant la réunion de Budapest.
Malgré un cessez-le-feu unilatéralement annoncé par le PKK, les autorités d’Ankara affirment vouloir supprimer toute opposition armée dans les régions kurdes.
Emre Kocaoglu, député ANAP d’Istanbul, a adressé une question écrite au Premier ministre Bulent Ecevit à propos de la mort d’une petite fille kurde âgée de 11 ans, tuée à l’incitation des gendarmes par leurs chiens de garde à Bingöl. La Fondation turque des droits de l’homme avait dénoncé l’affaire dans son rapport d’avril 2001 : Gazal Beru, sa grande sœur, Meral, âgée de 13 ans et une dizaine d’autres petites filles, après avoir ramassé des plantes dans les champs, passent devant la caserne de la gendarmerie. Meral, rescapée, raconte : " Au bout de quelque temps nous nous sommes rendues compte que nous avions perdu un couteau. Nous sommes alors retournées devant la caserne pour le rechercher. Le soldat de garde nous a demandé de quitter les lieux et nous lui avons expliqué que nous cherchions simplement nos couteaux. Il a alors lâché ses chiens sur nous en pointant son doigt sur nous et en criant " attrape ". Les chiens nous ont pris d’assaut et nous avons commencé à hurler pour qu’il les arrête, mais il a continué et nous nous sommes enfuies jusqu’au cimetière. Le mur étant élevé, Gazal n’a pas pu monter. Cinq ou six chiens l’ont alors tirée et mordue ".
Outre le sort des petites filles kurdes, la question d’Emre Kocaoglu rentrait plutôt dans le cadre des dernières polémiques survenues entre Bülent Ecevit, Mesut Yilmaz et la gendarmerie turque. " Si la gendarmerie dépasse ses prérogatives, pensez-vous engager une instruction contre elle ? " conclue-t-il. Mais qui, en Turquie, va avoir le courage de poursuivre des militaires ?
Au cours de la réunion, le 29 mai du Conseil national de sécurité (MGK) le général Aytaç Yalman, commandant en chef de la gendarmerie turque, a ouvertement sermonné le Premier ministre Bülent Ecevit. Prenant spécialement la parole en début de séance, le général a voulu réagir contre les dernières déclarations de M. Ecevit qui avait qualifié d’"inélégantes" les perquisitions effectuées par la gendarmerie au siège de plusieurs établissements publics impliqués dans la corruption. Le général Yalman a exprimé "la tristesse de la gendarmerie" en rappelant que la gendarmerie était présente sur plus de 92 % du territoire et qu’ "elle agissait conformément à la loi sur requête du parquet". Il a ajouté : "ce genre de déclarations met la gendarmerie en position de cible du gouvernement. On ne peut pas accepter cela. Et de toute façon nous ne prenons pas au sérieux ces propos". Aytaç Yalman a également tancé le ministre de l’intérieur, Sadettin Tantan, qui n’a pas réagi et a attendu simplement que la colère du chef militaire s’apaise.
Selon un rapport l’Institut National des Statistiques (DIE), la crise économique qui secoue la Turquie depuis plusieurs mois a mis plus de 358.000 personnes au chômage au cours du seul premier trimestre de l’année 2001.
Le nombre des personnes officiellement à la recherche d’un emploi est passé de 1,451 million à 1,809 million entre le 31 décembre 2000 et le 31 mars 2001, soit une augmentation de 24,7 %, déclare le DIE.
Selon DIE, le taux officiel du chômage aurait ainsi augmenté de 8,3 % à 8,6 %, même si ces chiffres passent pour être très loin de refléter la véritable situation de l’emploi et de sous-emploi en Turquie, où l’économie dite "informelle" occupe une large place. En février, le DIE avait déjà annoncé que le programme de stabilisation économique mis en place en décembre 1999 avec le Fonds Monétaire International (FMI) avait coûté 120.000 emplois au cours du second terme de l’année 2000.
La Cour de sûreté de l’Etat d’Ankara a, le 2 mai, condamné les cinq membres de la seconde " délégation de la paix "du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), venus de Vienne en Turquie en 1999 "pour contribuer à la paix et montrer la bonne volonté " du PKK. La cour a condamné Haydar Ergül à 18 ans et 9 mois, et Ali Sükran Aktas, Aygül Bidav, Imam Canpolat et Yusuf Kiyak à 12 ans 6 mois pour leurs activités au sein du PKK.
La Cour de cassation turque a, le 2 mai, cassé pour vice de procédure l’arrêt de la cour criminelle de Manisa, qui avait condamné à des peines allant de 5 à 10 ans de prison les 10 policiers ayant torturé 15 adolescents et leur professeur à Manisa au cours de leur détention en garde-à-vue le 26 décembre 1995. La Cour estime que les accusés ne s’étant pas exprimés en dernier lieu avant le verdict, les droits de la défense n’ont pas été respectés.
Le verdict de cette affaire reste très important, puisque par décision de la Cour de cassation le sort des 16 victimes, condamnées à des peines allant de deux à douze ans de prison en 1998, reste suspendu à la condamnation des policiers. Si ces derniers sont reconnus coupables, les 15 adolescents de Manisa et leur professeur, arrêtés par la section anti-terreur de la police da Manisa pour "appartenance à une organisation illégale", seront acquittés. De plus, pour beaucoup il s’agit d’une affaire symbolique, les autorités turques rechignant trop souvent à condamner les policiers tortionnaires.
Alors que depuis plus de six ans les 16 victimes de Manisa essayent de voir le bout du tunnel, les 10 policiers tortionnaires, pourtant condamnés, n’ont nullement été inquiétés dans leur profession. 9 d’entre eux sont en fonction, dont 4 toujours à Manisa, et un seul a tranquillement pris sa retraite.
Par ailleurs, le 10 mai, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en cassation de 31 activistes islamistes impliqués dans l’incendie meurtrier en juillet 1993 d’un hôtel à Sivas causant la mort de 37 intellectuels réunis pour célébrer des festivités culturelles alévis. La Cour a cependant cassé l’arrêt pour trois activistes qui devront être rejugés par la Cour de sûreté de l’Etat.
Le Parlement turc a célébré à sa manière la journée mondiale de la liberté de la presse en décidant le 2 mai d’interdire la presse de ses coulisses. Après trois heures et demi de réunion présidée par le président du Parlement turc Ömer Izgi (parti de l’Action nationaliste– MHP) et sur proposition du vice-président du Parlement Ali Iliksoy (parti de la Gauche démocratique -DSP), le bureau de la présidence du Parlement a voté à l’unanimité l’interdiction de la presse de ses coulisses. Les coulisses sont désormais interdites aux journalistes, aux visiteurs, aux assistants des députés, aux gardes du corps et aux conseillers. Le bureau de la présidence entend ainsi faire taire les critiques à l’égard des dépenses des députés et du Parlement turcs.
Une telle interdiction avait été édictée précédemment après le coup d’Etat militaire du 12 septembre 1980. À l’époque note le quotidien Hurriyet du 3 mai, les journalistes, régis par la discipline militaire, étaient même obligés de se mettre en rang pour aller déjeuner. Le quotidien souligne également que sous le gouvernement de Turgut Özal, la même proposition avait vu le jour mais ce dernier s’y était fermement opposé.
Cette nouvelle ne semble guère perturber Oktay Eksi, éditorialiste du même quotidien mais aussi président du Conseil de la presse turque, qui consacre le même jour ses colonnes aux rapports selon lui infondés et injustes sur la situation de la presse en Turquie, et fustige à ce titre l’association Reporters sans frontières, mais aussi le Comité de protection des journalistes et World Association of Newspapers, qui condamnent la situation de la presse en Turquie.