Les rumeurs et les informations qui circulent sur le prochain pays qui pourrait être frappé par les Etats-Unis dans le cadre de leur lutte anti-terroriste après la déroute des Talibans en Afghanistan a ranimé en Turquie une vieille hantise: la création à sa frontière sud d'un Etat kurde. Le spectre d'un éclatement de l'Irak, suite à une confrontation armée avec les Etats-Unis, est revenu sur le devant de la scène et les dirigeants militaires et civils turcs se pressent ces derniers jours pour faire des déclarations exprimant leur opposition à une telle éventualité.
Ainsi, le chef d'état-major des armées turques, le général Huseyin Kivrikoglu a, le 26 décembre 2001, estimé qu’une extension de la campagne antiterroriste des Etats-Unis à l'Irak peut provoquer la création d'un Etat kurde indépendant sur le territoire de ce pays à laquelle la Turquie est catégoriquement opposée. « Une telle éventualité peut provoquer la création d'un Etat kurde indépendant », a-t-il déclaré aux journalistes. Il a précisé que « non seulement tous les pays arabes, mais aussi la Russie est contre une division de l'Irak et la création d'un pays à base ethnique ».
Le général turc a en outre estimé qu'une intervention militaire américaine en Irak aura des répercussions encore plus graves pour la Turquie que lors de la guerre du Golfe en 1990. « Il y aura encore davantage de problèmes pour la Turquie et ils ne seront pas limités au commerce et à l'oléoduc » reliant l'Irak à la Turquie, a-t-il ajouté.
Par ailleurs, lors d'une conférence de presse avec l'émir du Qatar, Hamad ben Khalifa al-Thani, le président turc Ahmet Necdet Sezer a, le 26 décembre, déclaré que : « La Turquie accorde une grande importance à l'intégrité territoriale de l'Irak et à la protection de son unité nationale ». M. Sezer a cependant appelé Bagdad à coopérer avec l'ONU et la communauté internationale afin de mettre un terme aux « souffrances » de son peuple.
La Turquie estime à plus de 35 milliards de dollars les pertes subies par son économie depuis le début de l'embargo contre l'Irak. Un oléoduc relie les champs pétrolifères irakiens de Kirkouk au terminal turc de Ceyhan, sur la Méditerranée. L'oléoduc, fermé par une décision du Conseil de sécurité de l'ONU après l'occupation du Koweït par l'Irak, avait été rouvert en 1996, dans le cadre du programme « pétrole contre nourriture ». Ainsi, le chef de l'organisation patronale turque TUSIAD, Tuncay Ozilhan, s'est déclaré opposé à des frappes qui nuiraient à l'économie turque. « Une opération militaire mettrait la Turquie dans une position difficile », a-t-il souligné.
Ankara a réitéré depuis les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis son opposition à des frappes contre l'Irak. Mais le ministre de la Défense Sabahattin Cakmakoglu a récemment déclaré que « de nouvelles conditions » pourraient entraîner « de nouvelles évaluations ».
Les autorités turques craignent une déstabilisation de l'Irak qui aboutirait à la création d'un Etat kurde dans le nord irakien, contrôlé depuis la fin de la guerre du Golfe en 1991 par deux partis kurdes. Un tel Etat risquerait, selon Ankara, de stimuler les velléités séparatistes des Kurdes de Turquie, alors qu'Ankara lutte farouchement contre toute évocation d’un Kurdistan voire, des Kurdes. Cette hantise turque repose sur une tentative en ce sens sous le parrainage des Occidentaux, remontant au début du siècle et qui a figuré dans le traité de Sèvres, signé en 1920 entre les puissances alliées victorieuses et l'empire Ottoman. Ce texte consacrait le démembrement de l'empire et prévoyait la création à terme d'un « Kurdistan » indépendant dans le cadre de l’application du principe des nationalités du président américain Woodrow Wilson.
Dans une déclaration datée du 16 janvier 2002 et adressée aux institutions européennes, aux différentes assemblées parlementaires et aux Nations-Unies, l’Assemblée Nationale du Kurdistan irakien, dénonce la campagne politico-médiatique turque incitant des craintes sur l’avenir et l’intégrité territoriale de l’Irak et «comprenant des allégations sur l’établissement d’un Etat kurde indépendant au Kurdistan d’Irak qui serait une menace pour la vie, les propriétés et la liberté des citoyens Turkmènes ».
«Nous sommes amenés à regarder de près et avec suspicion les raisons et motifs de cette campagne mensongère et injuste… [servant] de prétexte pour s’immiscer dans les affaires du peuple irakien et plus spécialement de celles du peuple du Kurdistan, dont on veut dénigrer l’expérience démocratique et nier les droits nationaux impartiaux », affirme la lettre ouverte. «Le 22 octobre 1992, l’Assemblée Nationale du Kurdistan d’Irak a adopté à l’unanimité la décision d’établir avec le gouvernement central (irakien) des relations sur la base du fédéralisme à l’intérieur d’une république démocratique d’Irak, dont le Kurdistan irakien constituerait une des régions » souligne l’assemblée nationale kurde.
«En second lieu, il y a au Kurdistan, à part les Kurdes, des minorités nationales telle les Turkmènes, les Assyriens, les Chaldéens et les Arabes (…) Le gouvernement régional respecte cette réalité et protège leurs droits. Ces groupes ont leurs propres partis politiques, leurs propres institutions culturelles et sociales. Ils étudient dans leur propre langue, ont leurs propres journaux et revues, jouissent de stations de radio et de télévision propres. Ils participent à l’administration et aux autres institutions de la région dans une proportion jamais atteinte depuis la fondation de l’État irakien » relève la déclaration.
L’assemblée représentative par la voie du son président Dr. Roj N. Shaways invite les représentants compétents «à visiter le Kurdistan et à observer la situation par [eux-mêmes] » en rencontrant les représentants des partis politiques «et en particulier les partis turkmènes».
«Au nom de l’Assemblée Nationale du Kurdistan d’Irak, nous vous prions d’aider notre peuple à faire connaître les faits et à l’assister dans la réalisation de ses droits démocratiques légitimes » conclut la déclaration.
Toujours le 16 janvier, les chefs des bureaux de représentation à Ankara du PDK et de l’UPK ont publié une déclaration commune, reprise par le quotidien kurde Brayetî (Fraternité) du 17 janvier, où on peut notamment lire : « Au cours des dernières semaines les média turcs ont largement évoqué la crainte qu’en cas d’attaque américaine contre l’Irak un Etat kurde indépendant ne soit établi dans le nord de l’Irak. Entre-temps ils accusent les partis politiques du Kurdistan de mettre en œuvre des plans à cette fin. Le Parti démocratique du Kurdistan et l’Union patriotique du Kurdistan condamnent fermement cette accusation sans fondement. Nous tenons à souligner que les deux partis sont engagés dans la défense de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale d’un Irak fédéral et démocratique où une solution permanente pourrait être trouvée pour la question kurde ».
Les journaux turcs n’ont guère rendu compte de cette déclaration commune qui contredit la campagne de presse orchestrée par la hiérarchie militaire afin d’impressionner les Américains et de faire monter les enchères pour monnayer au mieux son soutien inévitable à une éventuelle intervention de Washington.
Le 1er janvier, dans une conférence de presse donnée à l’occasion du Nouvel an, le président du PDK, Masoud Barzani s’était, lui aussi, clairement exprimé sur ce sujet en ces termes : « Comme tout peuple, toute nation, les Kurdes doivent jouir de leurs droits. En même temps, nous devons être réalistes, nous devons connaître nos limites. Nous comprenons très bien la situation régionale et internationale. Nous, Kurdes, nous n’avons pas demandé un Etat kurde. Cela ne veut pas dire que ce n’est pas notre droit ; c’est notre droit. Mais nous savons que notre situation n’est pas appropriée pour lancer une telle revendication. Notre revendication est le règlement de la question kurde sur la base du fédéralisme, c’est ce que le Parlement élu du Kurdistan a demandé en 1992. Nous parlons ici d’un Kurdistan irakien à l’intérieur d’un Irak démocratique. Le Parlement du Kurdistan incarne la volonté populaire. Il n’y a pas de doute que si la sécurité et la stabilité prévalent dans la région kurde, elles auront un impact sur les régions environnantes aussi. Plus les droits des Kurdes sont respectés, mieux sera assurée la sécurité des pays environnants ».
De son côté, Jelal Talabani, leader de l’UPK, dans une réunion tenue le 17 janvier à Suleimanieh avec des représentants de quatorze partis politiques kurdes locaux a déclaré que « les craintes que les Kurdes joueraient actuellement un rôle controversé n’ont pas lieu d’être ».
Le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Walter Schwimmer, a, le 23 janvier, demandé à la Turquie d’exécuter et d’appliquer les arrêts et décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, au cours d’un briefing en marge de la session de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à Strasbourg. « La Cour européenne des droits de l’homme a rendu un arrêt dénonçant l’injustice et la partialité du procès des députés kurdes du parti de la démocratie (DEP), et demandé par conséquent un nouveau procès les concernant.… Nous attendons que la Turquie se conforme aux décisions de la Cour européenne » a déclaré W. Schwimmer. À ce jour, dans cette affaire, Ankara s’est contenté de payer une pénalité symbolique sans aborder la question de la détention arbitraire de Leyla Zana et de ses collègues, qui dure depuis près de 8 ans, alors que par la voix de ses Premiers ministres successifs, Mme Tansu Çiller et M. Yilmaz, il s’était engagé à respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme.
Le député ANAP de Diyarbakir, Sebgetullah Seydaoglu, avait, le 16 janvier, déclaré au cours de la réunion de son groupe parlementaire que le temps pour la libération des députés kurdes emprisonnés depuis 8 ans en Turquie, était venu. Interrogé le lendemain par la presse, il avait souligné que la situation médicale des anciens députés justifiait leur « amnistie », en précisant que Leyla Zana accepterait cette fois-ci une telle décision si ses collègues bénéficiaient du même sort. « Je me suis entretenu avec eux ; Leyla Zana désire être amnistiée, accompagnée des autres députés kurdes. Si le président Sezer décidait une telle amnistie, L. Zana l’accepterait » a-t-il déclaré.
L’amnistie de Leyla Zana, qui souffre notamment d’ostéoporose et des problèmes de circulation, avait été à l’ordre de jour en 1998, mais Mme Zana refusant un traitement de faveur par rapport à ses collègues, avaient rejeté l’offre du président turc avant même que la procédure ne soit bouclée.
Tout en se plaignant des conséquences dramatiques du régime des sanctions pour les populations civiles et invoquant le manque de ressources pour améliorer leur sort, Bagdad poursuit et intensifie l’arabisation forcée des territoires kurdes qui sont encore sous son contrôle et qui représentent environ 40% de la superficie du Kurdistan irakien.
Cette politique se manifeste avec virulence dans la ville de Kirkouk, riche en pétrole, où le gouvernement irakien vient de lancer le projet de construction de 2200 nouveaux logements pour des Arabes. Le ministère de l’Intérieur a donné des instructions au gouverneur de la ville pour préparer 1500 autres lotissements pour ses employés dans les arrondissements Yak Azar et al-Sina. Parallèlement 575 familles kurdes doivent être expulsées.
Selon les sources de l’UPK le régime irakien a récemment construit 24 hameaux dans le district kurde de Daquq où 1317 familles arabes ont été installées, dix autres hameaux ont été bâtis à Touz Khurmatou, près de Kirkuk, pour 323 familles arabes. Le ministère irakien de l’Agriculture et de l’irrigation distribue aux familles arabes des terres agricoles kurdes et leur accorde des crédits pour s’équiper en machines.
Depuis le recensement général de la population d’il y a cinq ans, les autorités irakiennes distribuent aux habitants nos arabes — Kurdes, Turcomans, Assyro-Chaldéens— des régions kurdes quelles contrôlent des « formulaires de rectification de nationalité » (sic). Ceux qui refusent de les remplir et de se dire Arabes sont considérés comme suspects, interdits d’emplois publics puis expulsés vers les zones sous administration kurde. Ils ne peuvent avant leur expulsion vendre leurs biens à des non Arabes. La plupart du temps leurs biens sont purement et simplement confisqués.
Les expulsés sont installées par les autorités kurdes dans des camps où ils vivent dans des conditions matérielles précaires car les déplacés internes n’entrent pas dans la catégorie des bénéficiaires de l’aide distribuée par les agences de l’ONU dans le cadre de la résolution 986, dite pétrole contre nourriture.
Le 29 décembre plusieurs milliers de ces déplacés de Kirkouk ont manifesté devant les bureaux de l’ONU à Suleimanieh pour dénoncer cette aberration bureaucratique. Ils demandent à l’ONU d’agir d’urgence pour leur fournir aide et services nécessaires pour leur survie. Ils appellent aussi le secrétaire général de l’ONU à prendre des mesures pour amener l’Irak à mettre un terme à « sa campagne de nettoyage ethnique des régions du Kurdistan qui sont encore sous son contrôle ».
Le 23 janvier, un Haut Comité pour combattre l’arabisation du Kurdistan a été crée à Erbil. Selon son président, Arif Tayfur, ce comité, qui se veut non partisan, travaillera avec toutes les organisations et les personnes désireuses de lutter contre la politique planifiée du gouvernement irakien de changer par la force la démographie et la composition ethnique du Kurdistan. Un séminaire de réflexion s’est tenu le 29 janvier à la Faculté d’Education de l’Université d’Erbil.
D’après le quotidien Brayetî du 29 janvier, qui cite des statistiques officielles, à ce jour 22 955 familles, soit plus de 120 000 Kurdes expulsés de la province de Kirkouk sous contrôle irakien ont été accueillis et installés dans le gouvernorat d’Erbil sous administration kurde. Le nombre d’expulsés accueillis dans le gouvernorat de Suleimanieh est encore plus élevé.
Le régime irakien, pourtant assiégé et exsangue, a ainsi réussi à chasser des zones qu’il contrôle plus de 250 000 Kurdes (pour plus d’information sur ce sujet, consulter le site du Courrier du Kurdistan irakien, www.ikurde.info).
Le procureur général turc Sabih Kanadoglu a, le 17 janvier, requis devant la Cour constitutionnelle l'interdiction du parti pro-kurde de la Démocratie du Peuple (HADEP) pour « liens avec la rébellion kurde armée ». M. Kanadoglu a déclaré à la presse après son réquisitoire de plus d'une heure qu'il avait expliqué à la cour en quoi le HADEP était devenu un foyer d'activités attentant à l'unité indivisible de la Turquie, principe posé par la Constitution. « Nous avons aussi examiné les preuves dans cette affaire et j'ai demandé à la cour d'interdire ledit parti au vu de la gravité, de l'étendue et de la nature de ses activités », a-t-il ajouté. Sabih Kanadoglu avait demandé, le 2 janvier, la Cour constitutionnelle turque de saisir d'« urgence » de la procédure d'interdiction contre le parti HADEP.
Dans cette procédure ouverte en janvier 1999, le HADEP est accusé d'être lié au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). L'acte d'accusation affirme que le HADEP agit sous les directives du PKK, lui sert d'outil de propagande et que ses bureaux étaient devenus des « centres de recrutement » pour gagner les militants à la cause du PKK. Le HADEP, qui n'est pas représenté au Parlement faute de recueillir les 10 % des voix nécessaires, dirige une quarantaine de municipalités au Kurdistan depuis les élections municipales de 1999 et affirme plaider pour une solution pacifique à la question kurde en rejetant l'accusation de liens avec le PKK. Hasim Kilic, vice-président de la Cour constitutionnelle turque a, le 22 janvier, annoncé que celle-ci décidait d'accorder un délai supplémentaire d'un mois pour sa défense au parti HADEP, menacé d'interdiction. La Cour a ainsi répondu favorablement à une demande déposée par son président, Murat Bozlak, a indiqué Hasim Kilic. La Cour constitutionnelle devait entendre initialement la défense du HADEP le 30 janvier.
Par ailleurs, trois membres d'une section locale du HADEP ont, le 15 janvier, été écroués à Adana, pour « assistance à une organisation séparatiste ». Les trois hommes, interpellés auparavant par la police anti-terroriste, ont été présentés à la Cour de Sûreté de l'Etat qui les a fait incarcérer après les avoir inculpés d'« assistance à une organisation séparatiste ». Une quinzaine de membres du HADEP avaient été, il y a quelques jours, placés en garde-à-vue dans la même ville d'Adana.
Par ailleurs, la Cour constitutionnelle doit également se saisir d'une procédure lancée contre l'ancien maire d'Istanbul Recep Tayyip Erdogan, dirigeant du parti islamiste d'opposition Justice et développement (AK), qui a déjà été emprisonné pendant quatre mois pour « appel à la sédition ». Le procureur Kanadoglu avait saisi la Cour constitutionnelle à son sujet, lui demandant de priver M. Erdogan de son titre de président du parti AK, estimant que les activités politiques devaient lui être interdites.
La cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul a, le 21 janvier, interdit la version turque de livre intitulé « After Such Knowledge What Forgiveness ? My Encounters With Kurdistan », de Jonathan Randal, qui, pendant près de trente ans fut journaliste au quotidien américain Washington Post, et ordonné sur le fondement des articles 86 et 5680 du code pénal turc, la saisie des exemplaires publiés par les éditions Avesta. « En évoquant une nation kurde au sein de l’unité territoriale de la République turque et un Kurdistan en tant qu’entité étatique distincte, le livre diffuse ouvertement une propagande contre l’indivisibilité de l’Etat et de la nation » souligne l’acte d’accusation qui dénonce l’atteinte portée à l’article 28 de la Constitution. Les éditeurs s’étonnent quant à eux que ce livre déjà publié en kurde, en anglais, en persan, et en arabe, soit interdit en turc dans un pays candidat à l’Union européenne que Washington se plaît à présenter comme « la vitrine démocratique du monde musulman ». Pourtant, l’auteur écrivait dans le préambule « parmi tous les territoires où les Kurdes se trouvent, c’est la Turquie qui offre la meilleure chance pour l’avenir ». En attendant cet avenir prometteur, le présent est fait d’interdictions de tout genre et d’humiliations.
Par ailleurs, selon le quotidien turc Hürriyet du 25 janvier, qui reprend l’information du quotidien britannique The Independent, Noam Chomsky, philosophe et linguiste de renom, professeur à Massachussets Institute of Technology (MIT), s’apprête à aller en Turquie pour assister au procès de son livre intitulé « Interventionnisme américain », publié aux éditions Aram, et poursuivi pour « propagande séparatiste ». « Je voudrais tester la liberté de la Turquie en allant à Diyarbakir » a déclaré N. Chomsky, qui a ajouté que la poursuite en justice d’un livre était « la plus grave atteinte portée contre les droits fondamentaux ».
Le livre en question s’est attiré les foudres des autorités turques pour avoir critiqué la politique kurde de la Turquie. « Les Kurdes ont été sévèrement opprimés à travers toute l’histoire de la Turquie moderne… En 1984, le gouvernement turc a déclenché une vaste lutte contre la population kurde au Sud-est… Le résultat fut impressionnant : des dizaines de milliers de personnes tuées, deux à trois millions d’exilés, un nettoyage ethnique massif avec quelques 3 500 villages détruits » écrit Noam Chomsky. Fatih Tas, l’éditeur du livre, qui doit se présenter le 13 février devant la Cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul, risque un an de prison et Noam Chomsky déclare avoir d’ores et déjà écrit à la commission des droits de l’homme des Nations-Unies pour dénoncer les lois turques.
« Il ne manquait plus que ça, on s’est mis tout seul dans le pétrin » titre le quotidien Hürriyet à sa Une et poursuit en page intérieure « On s’humilie face au monde entier ».
La réforme pénale, officiellement appelée « la mini démocratisation », entreprise par le gouvernement turc en vue d’une harmonisation avec les critères de Copenhague, indispensable pour accéder à l’Union européenne, crée la désillusion en Europe et met dans l’embarras les partenaires de la coalition gouvernementale. Le projet de révision des articles 312 et 159 du code pénal turc, critiqués pour atteinte à la liberté de l’expression, affiche même un recul par rapport à son contenu initial.
Le projet de loi relatif à l’article 159 condamne d’un à trois ans de prison (la loi actuelle va jusqu’à six ans d’emprisonnement), toute personne diffamant « l’identité turque, la République, la nation turque, l’Etat turc, la Grande Assemblée nationale turque, le conseil des ministres, les ministres, la justice, les militaires, la police ou toutes autres forces de sécurité de l’Etat ». Avec la réforme approuvée, le 24 janvier, par la commission parlementaire de justice, le terme de « République » a été inséré dans le texte de loi alors que lors des premiers débats c’est la « démocratie » qui lui avait été préférée. D’autre part, le projet de loi prévoit d’un à six mois d’emprisonnement pour ceux qui « injurient publiquement » les lois de la République et les décisions du Parlement turc, soulignant que la peine sera alourdie d’un tiers si le crime est commis à l’étranger par un national turc.
Par ailleurs, le gouvernement turc n’a pas réussi à trouver un consensus concernant le très controversé article 312 du code pénal qui condamne « l’incitation à la haine ».
La presse turque et les intellectuels, premiers visés par ces articles, ont vivement critiqué le projet de réforme. « Le paquet de la mini-démocratisation… laisse libre cours aux sentiments subjectifs et discrétionnaires des juges et simplifie l’application au prorata de la conjoncture politique » écrit, le 31 janvier, Taha Akyol, journaliste au quotidien Milliyet. « Critiquer l’Etat profond nécessitera forcément du courage maintenant ! … Critiquer le conseil national de sécurité également ! » poursuit-il.
Le quotidien Radikal du 28 janvier, sous le titre de « La liste de fierté du Radikal » s’amuse quant à lui à faire l’inventaire de ses journalistes poursuivis par ses deux articles. « Ismet Berkan, poursuivi devant le tribunal correctionnel pour avoir rapporté des soupçons sur l’arrestation des assassins officiels d’Ugur Mumcu, dans un article publié le 9 juin 2000. I. Berkan risque six ans de prison pour « outrage aux forces de sécurité de l’Etat ». Nese Duzel, poursuivie par la Cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul pour un reportage titré « les jeunes alévis sont poussés à la terreur »… N. Duzel risque également six ans de prison pour une interview du Dr. Dogu Ergil, intitulé «l’état d’urgence a ramené la drogue ». Mine Kirikkanat, poursuivie (entre autres) pour «outrage à la personnalité morale du gouvernement » sur la base de l’article 159 du code pénal pour un article daté du 6 avril 2000, intitulé « Partez s’il-vous-plait »… Perihan Magden, pour un article paru le 12 mai 2001, intitulé « Pourquoi donc ça ne s’arrête pas » et un autre intitulé « À nouveau la mort, à nouveau un article de mort » portant sur les grèves de la faim et l’opération de retour à la vie lancée dans les prisons turques. Elle est poursuivie pour « outrage à l’encontre du ministère de la justice ». Celal Baslangiç, risque six ans de prison pour son livre intitulé « Abri de peur » relatant les violations des droits de l’homme à Tunceli, Silopi, Cizre et Lice. Yildirim Turker pour un article daté du 13 août 2000 critiquant la politique pénitentiaire de l’Etat avec les prisons de type-F et intitulé « le lieu le plus sombre de la Justice ». Y. Turker risque six ans de prison pour « outrage à la République… »
Bekir Çoskun, journaliste au quotidien turc Hürriyet revient, dans ses colonnes du 10 janvier, sous une plume caustique, sur la création du Centre d’études et de recherches stratégiques (SAREM). Voici de larges extraits de cet article :
« (…) Il y a quelques jours le SAREM a commencé ses fonctions après son inauguration à l’état-major turc. Quid SAREM ?
C’est le Centre d’études et de recherches stratégiques, sous la houlette de l’état-major et composé d’une poignée de militaires et de nombreux civils. Un club de réflexion où siégera en permanence 57 universitaires et où des spécialistes militaires et civils auront pour but d’élaborer de la pensée-stratégie qui sera présentée à l’autorité civile (…)
Le chef d’état major turc, le général Kivrikoglu a déclaré au cours de la cérémonie d’inauguration que les avis émis par le SAREM étaient consultatifs et que c’était une sorte de club de réflexion, d’information et d’alternatives, appelé think-tank en Occident.
La partie tank, on l’avait déjà.
On l’avait ainsi raffinée avec du think
Supposons : une pensées-stratégie élaborée sous la houlette de l’état-major et présentée à nos civils, pourra-t-elle ne pas «thinker » dans leur tête ?
Bien sûr que si…
Voici quelques pensée-stratégies émises par le général Kivrikoglu, chef d’état-major, dès le jour de l’inauguration :
« Il faut absolument déraciner la corruption. (…) En Argentine, les hommes politiques accusés du marasme économique, sont jugés et condamnés, chez nous on les laisse juger par les élections. Quelle est la meilleure solution ? (…) »
À mon avis le SAREM est une importante évolution.
C’est un contrecoup du 28 février.
Mettre devant le coutumier tank un think, n’est autre qu’une intervention occulte contre ceux qui, par d’innombrables bévues, ont conduit le pays dans la crise (…) »
Le gouvernement turc a, le 18 décembre 2001, choisi d'indemniser par règlement amiable deux personnes soupçonnées d'appartenir au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) et victimes de mauvais traitements en garde-à-vue. Dans une déclaration, Ankara «regrette la survenance, comme en l'espèce, de cas individuels de mauvais traitements infligés par les autorités à des personnes en garde-à-vue », malgré «la législation turque existante et la détermination du gouvernement à empêcher de tels incidents ». Il s'engage en outre «à édicter des instructions appropriées et à adopter toutes les mesures nécessaires pour garantir que l'interdiction de pareilles formes de mauvais traitements - qui implique l'obligation de mener des enquêtes effectives - soient respectées à l'avenir».
L'une des victimes, Nimet Acar, recevra une indemnité globale de 28.660 euros (188.000 F), l'autre, Kemal Gundu, de 29.118 euros (191.000 F).
Les deux hommes avaient été arrêtés en février 1994 à Istanbul en même temps qu'une quarantaine de suspects. Ils ont affirmé avoir fait sous la torture des aveux sur leurs liens avec l'organisation kurde du PKK.
Les deux requérants se sont plaints d'avoir subi notamment «des coups, des pendaisons, des électrocutions, des bastonnades sur la plante des pieds, des écrasements de cigarettes sur le corps », ce que les certificats médicaux ont partiellement confirmé. Les policiers impliqués avaient été déclarés non coupables.
Dans le cadre de la campagne contre l’illettrisme lancée, il y a deux ans, par le ministère de l’Éducation du gouvernement régional du Kurdistan basé à Erbil, 10 000 personnes, sur les 13 000, qui ont pris part aux cours dispensés dans les Centres de lutte contre l’illettrisme l’année dernière, ont obtenu leur diplôme, a rapporté le quotidien Khabat le 25 janvier.
Ces deux dernières années plus de 43 000 personnes, des hommes et des femmes âgés de plus de 15 ans, ont été inscrites dans ces centres. Le taux l’illettrisme est estimé à 30 % dans les provinces d’Erbil et de Duhok, sous contrôle du gouvernement régional kurde d’Erbil.
Recevant, le 23 janvier, des représentants des lauréats de l’année, et en présence du ministre de l’Education, Nechirvan Barzani, Premier ministre du gouvernement régional du Kurdistan, a déclaré que le taux élevé d’illettrisme dans la région « est dû à la situation politique unique que le Kurdistan irakien a vécue dans le passé et qui a empêché l’éducation de se développer » ajoutant que combattre l’illettrisme « facilitera le processus de reconstruction et de développement pour la fondation d’une société civile avancée ».
Nechirvan Barzani a salué le rôle des enseignants qui ont participé à la campagne et a réitéré « le total soutien [de son gouvernement] au ministère de l’Éducation dans sa campagne visant à combattre l’illettrisme et à développer le niveau de l’éducation au Kurdistan irakien ».
Comparé à la période où la région du Kurdistan était sous contrôle de l’Irak, le système éducatif témoigne d’un progrès significatif au Kurdistan irakien ces dix dernières années, a déclaré Mme Narmeen Usman, ministre de l’éducation du gouvernement régional kurde de Suleimanieh.
Dans une interview accordée le 13 janvier à KurdishMedia.com, la ministre a notamment déclaré : « Entre 1921 et 1991, 524 écoles ont été construites à Koya [Koy Sinjaq], Kirkouk et à Suleimanieh [les provinces sous le contrôle du UPK], mais notre ministère de l’Éducation, en collaboration avec les Nations-Unies, a construit 1 153 écoles entre 1991 et 2000 ».
La ministre a souligné que « les écoles sont aujourd’hui mieux équipées…Nous coopérons également avec l’UNESCO pour coordonner les formations dispensées dans le but d’augmenter la capacité locale modernisant les techniques éducatives. »
Elle a toutefois mis l’accent sur d’importantes mesures à prendre dans le domaine éducatif, concernant particulièrement l’éducation des enfants et l’illettrisme dans les régions rurales. « Selon nos études, 57 227 enfants ne sont pas encore scolarisés. Ces enfants ont besoin d’écoles spécialisées pour faciliter leur éducation, car ils ont été éloignés du système scolaire depuis longtemps et il sera difficile de les réintégrer » a-t-elle déclaré.
Elle a également ajouté : « 224 609 de nos citoyens âgés de 16 à 45 ans n’ont jamais été scolarisés, et ils ont besoin d’un programme spécial d’alphabétisation ».
La ministre a exprimé son souhait de voir « plus d’écoles dans les campagnes et des écoles urbaines mieux équipées avec du matériel informatique et des laboratoires ». Pour combattre l’illettrisme, elle a déclaré : « je voudrais voir une éducation obligatoire plus diverse, et par cela je voudrais dire qu’il faut établir un âge obligatoire de scolarisation. Par exemple la scolarisation pourrait être obligatoire pour un enfant jusqu’à l’âge de 16 ans ».
Selon le quotidien turc Radikal du 18 janvier, 10 608 étudiants ont d’ores et déjà saisi les responsables de leur établissement et les différents recteurs concernés, et demandé ainsi la possibilité d’avoir le kurde comme matière optionnelle. 6 425 demandeurs se sont vues opposer une fin de non-recevoir alors que 4 233 ont été enregistrées par les différentes universités.
Ainsi parmi les fins de non-recevoir : 1560 demandes émanent de l’université de Dicle, 900 de l’Université d’Harran, 257 de l’Université d’Inönü, 2 050 de l’Université 100. Yýl, 138 de l’Université Kocaeli, 450 de l’Université d’Orta Dogu Teknik, 260 de l’Université d’Ankara, 140 de l’Université technique d’Istanbul, 160 de l’université de Yýldýz, 100 de l’université de Mimar Sinan, 460 de l’Université de Bogaziçi, 550 de l’Université d’Istanbul, 140 de l’université d’Uludag.
Les demandes dûment enregistrées sont au nombre de : 140 à l’université de Firat, 1030 à l’université de Çukurova, 300 à l’université d’Anatolie d’Eskisehir, 450 à l’université Dokuz Eylul, 450 à l’université d’Ege, 400 à l’université d’Hacettepe, 300 à l’université de Marmara, 500 à l’université d’Istanbul, 60 à l’université d’Afyon-Kocatepe, 120 à l’université de Sakarya, 138 à l’université de Çanakkale, 325 à l’université de Mustafa Kemal d’Hatay.
Un site Internet a été mis en service à cet effet par les étudiants qui pétitionnent pour l’enregistrement de la langue kurde : www.anadil.8m.com.
Le 14 janvier, des centaines d’étudiants et d’élèves, ont été poursuivis pour avoir demandé l’enseignement de la langue kurde aux autorités compétentes turques. 17 des 270 étudiants de l’université de Van, qui ont entrepris la démarche auprès de leur rectorat, ont été incarcérés, alors que les autres ont été libérés jusqu’au procès après avoir été présentés devant la cour de sûreté de l’Etat (DGM).
La direction de sûreté d’Istanbul, a, de son côté, décidé le 17 janvier, d’inculper 22 parents d’élèves dont les enfants, encore en primaire, avaient demandé l’enseignement de la langue kurde. Les autorités turques précisent que l’interrogatoire de 60 autres personnes continue à Istanbul.
Le Premier ministre a, le 29 décembre 2001, violemment dénoncé l'Union européenne (UE) pour n'avoir pas inclus dans sa liste d'organisations considérées comme terroristes, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et un groupe illégal d'extrême gauche, le Front-Parti de libération du peuple révolutionnaire (DHKP-C), qualifiant cette attitude d'«impardonnable ». «C'est inconcevable. Personne ne doute du fait que le PKK et le DHKP-C sont des organisations terroristes», a-t-il déclaré.
Bulent Ecevit a déclaré ne pas «comprendre » comment ces deux organisations ne figurent pas dans la liste publiée le 28 décembre par l'UE, qui comporte également des personnes nommément désignées, dans la foulée d'autres décisions visant à renforcer l'action européenne contre le terrorisme après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis. «On nous dit que le PKK et le DHKP-C seront inclus dans une deuxième liste. Mais le fait qu'ils ne soient pas mentionnés dans la première liste est impardonnable », a ajouté M. Ecevit.
Cette liste, publiée par le Journal officiel des Communautés européennes (JOCE) compte une trentaine de noms de personnes, dont vingt et un «militants de l'ETA », et treize «Groupes et entités », européens et proche-orientaux.
Zeynel Karatas, âgé de 25 ans, détenu dans la toute nouvelle prison de haute sécurité de Tekirdag pour «liens avec plusieurs mouvements gauchistes interdits » est décédé, le 6 janvier des suites de la grève de la faim lancée à la fin de l'année 2000 dans les prisons turques contre la réforme gouvernementale du système carcéral. Ce décès porte à 45 le nombre de détenus morts depuis le début de la campagne.
Le mouvement de grève de la faim entend dénoncer la réforme des prisons qui vise notamment à remplacer les grands dortoirs par de petites cellules contenant un à trois pensionnaires. L'Union européenne, que la Turquie aspire à intégrer, a critiqué la gestion de cette crise par le gouvernement turc et estimé intolérable le bilan des victimes. Les autorités turques rétorquent que les nouvelles prisons sont conformes aux normes européennes et refusent de négocier avec les protestataires, qu'elles qualifient de «terroristes ».
La querelle fait rage entre la Turquie et l'Arabie saoudite, cette dernière ayant fait abattre une forteresse de l'époque ottomane, proche des lieux saints de La Mecque. La Turquie avait réagi avec colère à cette destruction, il y a quelques semaines, accusant le royaume wahhabite de «génocide culturel », tandis que les ultra-nationalistes turcs avaient brûlé des portraits du roi saoudien. La Turquie, héritière de l'Empire ottoman, a comparé cette destruction à celle des Bouddhas de Bamiyan en Afghanistan par les Talibans, et promis de porter plainte auprès de l'UNESCO.
Le 14 janvier, l'ambassadeur saoudien en Turquie Mohammad Al Bassam, affirmant que la forteresse avait été abattue pour accommoder les pèlerins musulmans, a promis que le château d'Ajyad serait rassemblé plus loin. Cette forteresse du XVIIIe siècle avait été abattue pour laisser la place à un centre commercial et résidentiel parmi plusieurs méga-projets en cours pour moderniser la ville sainte de La Mecque, projet d'un coût de 533 millions de dollars, confié à un consortium de trois compagnies, Mecca Construction, Bin Laden Group et Saudi Oger. «Chaque décision du gouvernement d'Arabie saoudite est prise pour le bien du pèlerinage et pour la sécurité et le confort des pèlerins », a déclaré l'ambassadeur, rappelant cependant que le château est propriété saoudienne. L’ambassadeur a d’autre part interpellé ses homologues turcs en déclarant «la forteresse de Ajyad, construite de pierres et de boue, n’a que 200 ans… Les sites de Zeugma étaient beaucoup plus anciens, mais le gouvernement turc en ne pensant qu’aux intérêts de son peuple, a continué ses projets de construction de barrages… Rappelez-moi pour mémoire, qu’en est-il de la forteresse de Sinopi ? »
La Turquie a vivement condamné la démolition en annonçant qu'elle envisageait de boycotter partiellement, en signe de protestation, le pèlerinage à La Mecque, où quelque deux millions de fidèles affluent des quatre coins du monde tous les ans.
La Turquie et la Russie ont, le 14 janvier, signé un accord de coopération militaire visant à renforcer des relations bilatérales souvent tendues par des accusations mutuelles de soutien à leurs guérillas respectives, kurde et tchétchène. «Cet accord, signe d'amitié et de coopération entre la Russie et la Turquie, sera un bon exemple pour d'autres pays de la région», a souligné le chef de l'état-major de l'armée turque, le général Huseyin Kivrikoglu, avant de le signer avec son homologue russe Anatoli Kvachnine.
L'accord pose la base légale d'une coopération entre les armées russe et turque et sera suivi par d'autres accords et protocoles, a souligné le général Kivrikoglu. Le général Kvachnine a relevé que l'accord contribuerait à renforcer la coopération technique et en matière d'entraînement du personnel militaire. «Tout ceci sera bénéfique pour nos Etats et nos peuples», a-t-il dit.
La Turquie, membre de l'OTAN, et la Russie ont développé d'étroites relations commerciales après l'effondrement de l'URSS, mais leurs relations restent entachées par de fréquentes accusations d'un soutien à des mouvements séparatistes considérés comme «terroristes » dans chacun des pays --les Kurdes pour la Turquie et les Tchétchènes pour la Russie.
La Turquie a longtemps accusé la Russie de tolérer la présence du PKK sur son territoire et Moscou reproche à Ankara d'abriter des rebelles tchétchènes, qui ont mené plusieurs opérations de détournement de bateaux et avions ces dernières années à partir de la Turquie. En novembre 2001, les deux pays ont signé un plan d'action pour renforcer la coopération bilatérale incluant la lutte contre le terrorisme.
La Turquie a, le 30 janvier, annoncé qu'elle respecterait désormais les normes européennes sur les droits des détenus dans les provinces kurdes, où les libertés ont été sérieusement limitées et bafouées. Le ministère des Affaires étrangères a précisé, dans un communiqué, avoir retiré une note adressée en 1990 au Conseil de l'Europe, qui annonçait la suspension de l'application de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'Homme —portant sur les conditions de détention— dans les provinces sous état d'urgence.
En octobre, la Turquie a procédé à une révision de sa Constitution visant à la rapprocher des normes européennes, qui prévoit notamment de ramener de 15 à 4 jours la garde-à-vue. Quatre provinces restent toujours sous état d'urgence: Diyarbakir, Tunceli, Sirnak et Hakkari.