Le régime dictatorial tant redouté de l’Irak s’est effondré dans la nuit du 8 au 9 avril. Poursuivant leur avancée vers le nord, les troupes américaines sont entrées dans Bagdad où hormis quelques accrochages mineurs il n’y a pas eu de combats. Contrairement à la rhétorique du dictateur irakien, la capitale irakienne n’est pas devenue Saddamgrad, en référence à la résistance célèbre de Stalingrad. Les gardes républicaines spéciales, les commandos des feddayins de Saddam qui pendant des semaines paradaient martialement dans les rues de Bagdad et sur les écrans de télévision se sont évanouis dans la nature, sans combattre, tout comme les hauts dirigeants du régime promettant chaque jour de « se battre jusqu’à la dernière goutte de leur sang ».
Le 9 avril, la population de Bagdad enfin libérée de la terreur de la tyrannie a donné libre cours à ses sentiments en déboulonnant les statues du dictateur déchu, en détruisant les symboles et les lieux de pouvoir de son régime et en accueillant les Américains en libérateurs. Dans cette immense effervescence populaire et les réjouissances de la libération, de nombreux excès, notamment des pillages, ont été commis. Ils seraient pour les plus graves imputables aux réseaux du régime baasiste, qui, avant d’entrer dans la clandestinité, ont veillé à détruire les archives des ministères et administrations les plus sensibles, à confisquer à leur profit les réserves en devise de la banque centrale et d’autres banques et à saboter un grand nombre d’installations techniques et économiques.
La chute de Bagdad a accéléré l’effondrement des forces irakiennes dans le reste du pays, notamment dans le nord.
Le 10 avril, les forces spéciales kurdes ont libéré la ville de Kirkouk, la métropole pétrolière jusque-là sous administration irakienne et victime d’une politique d’arabisation massive. C’est une unité d’élite formée de jeunes femmes combattantes kurdes qui est entrée en première dans Kirkouk où elle a été accueillie par une foule en liesse. Peu après, des forces de police dépêchées par le gouvernement du Kurdistan, sont arrivées pour assurer la sécurité. Elles ont pu en moins de deux jours maîtriser la situation, rétablir l’ordre et les services de base et prévenir d’éventuels règlements de compte inter-communautaires.
Quelques heures après la prise de Kirkouk par les peshmergas kurdes, le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gül a annoncé qu'Ankara a envoyé des observateurs dans la ville. Le ministre turc des Affaires étrangères a déclaré avoir reçu des garanties de son homologue américain Colin Powell que les combattants kurdes irakiens ne seraient pas autorisés par les soldats américains à rester durablement dans cet important centre pétrolier. « Powell a donné sa parole que des soldats américains supplémentaires seraient envoyés à Kirkouk dans les heures qui viennent pour en faire sortir les peshmergas qui y sont entrés », a affirmé A. Gül à l'issue d'un entretien téléphonique avec le secrétaire d'Etat américain. Les Etats-Unis « n'accepteront pas une situation de facto ou un 'fait accompli' », a assuré M. Gül. « Des observateurs des forces armées turques y entreront aussi », a-t-il ajouté. Mais, au vu des garanties fournies par les Etats-Unis, a-t-il précisé au cours d'un entretien sur la chaîne de télévision NTV, « il n'y a aucune raison de craindre des tensions ». Les autorités turques ont fait savoir qu'elles avaient déployé des dizaines de milliers de soldats près de la frontière avec le Kurdistan irakien, qu'ils pourraient franchir si Ankara estimait que les intérêts de la Turquie étaient menacés.
Les soldats américains ont commencé le 12 avril à prendre en main le rétablissement de l'ordre à Kirkouk, Les combattants kurdes (peshmergas) se sont retirés partiellement. Devant le palais dévasté du gouverneur, des hommes de la 173ème division aéroportée américaine ont symboliquement pris leur place pour rassurer les Turcs et leur ôter tout prétexte d’intervention.
Pour administrer la ville pétrolière, un comité civil transitoire représentant les principales communautés a été créé. Il comprend des Kurdes, majoritaires dans la ville, des Arabes, des Turcomans et des Assyrio-chaldéens, chrétiens. Malgré leur importance numérique inégale, chacune des communautés est représentée par 6 membres dans le conseil municipal provisoire.
Le 11 avril, au lendemain de la libération de Kirkouk, les peshmergas du PDK, accompagnés des éléments de la 101ème division aéroportée américaine, sont entrés dans Mossoul, pratiquement sans coup férir. Les dirigeants kurdes qui entretenaient depuis longtemps de contacts discrets avec le commandement militaire irakien de la région ont obtenu la reddition des troupes irakiennes fortes de plus de 40 000 hommes.
Un accord pour une capitulation sans combats est intervenu le 11 avril entre les commandants irakiens de l'armée régulière de Mossoul et les Etats-Unis. « Il y a eu un accord entre les Etats-Unis et les commandants irakiens » sur une reddition sans combats, a indiqué à Erbil Hoshyar Zebari, porte-parole du Parti démocratique du Kurdistan (PDK).
Un cessez-le-feu formel a été signé par le commandant du 5e corps d'armée irakien près de Mossoul (nord de l'Irak), a annoncé pour sa part le général Vincent Brooks, porte-parole du Commandement central américain (Centcom) basé au Qatar. « Un commandant des forces d'opérations spéciales de la coalition a accepté un cessez-le-feu signé du commandant du 5e corps de l'armée régulière irakienne près de Mossoul », a déclaré le général Brooks.
Des membres du 5e corps d'armée irakien dans et autour de Mossoul se sont rendus, a précisé major Rumi Nielson-Green, porte-parole militaire américaine, estimant que ces soldats « avaient pris la très sage décision de vivre pour un Irak libre plutôt que de mourir pour le régime de Saddam Hussein ».
Les forces kurdes avaient entre temps libéré toutes les villes et localités kurdes de provinces de Mossoul, de Kirkouk et de Diyala jusque-là contrôlées par le régime irakien, y compris Khanaqin, l’autre ville pétrolière kurde. Des personnels administratifs, techniques et de sécurité ont été dépêchés par le gouvernement régional kurde pour l’administration et la remise en état de ces territoires libérés. Le Kurdistan autonome de fait passe ainsi de 42 000 km2 à près de 75 000 km2.
Le 14 avril, une colonne blindée américaine est entrée à Tikrit, ville natale de Saddam Hussein et dernier bastion de ses partisans. D’autres villes sunnites arabes comme Samarra et Ramadi se sont rendues sans combats, après des accords convenus entre les chefs de tribus et les responsables américains. Les deux divisions de Gardes républicaines chargées de la défense de ces bastions sunnites se sont auto-dissoutes, probablement en dissimulant leurs armements pour la conduite d’actions futures contre les Américains.
Avec la chute de Tikrit, la guerre d’Irak a, pour l’essentiel, pris fin. Débute alors la difficile période de pacification et de reconstruction politique et matérielle du pays.
Un bilan provisoire rendu public le 15 avril établit comme suit les pertes subies depuis le début de cette guerre, le 20 mars :
- 121 soldats américains ont été tués, quatre sont portés disparus. Trente et un soldats britanniques ont été tués.
- Du côté de la coalition américano-britannique, un peu plus de 300.000 hommes sont actuellement déployés dans la région, dont environ 255.000 Américains, 45.000 Britanniques, 2.000 Australiens, 400 Tchèques et Slovaques, 200 Polonais. Quelque 100.000 soldats américains sont attendus en renfort.
- Pertes irakiennes: pas d'estimation officielle ni côté irakien, ni côté coalition. Toutefois, des responsables américains ont déclaré que plus de 4.000 soldats irakiens ont été tués. De son côté, Bagdad fait état de près de 600 civils tués et de plus de 4.000 blessés. Quelques jours plus tôt, le Pentagone avait déclaré que les forces américaines détenaient au moins 7.300 prisonniers de guerre tandis que le gouvernement britannique annonçait que ses troupes détenaient 6.500 prisonniers au total. Un centre de détention pour les prisonniers de guerre est en cours de construction dans la ville méridionale d'Oum Qasr et aura une capacité de quelque 24.000 places.
- Depuis le début du conflit, les forces de la coalition ont tiré plus de 800 missiles de croisière Tomahawk sur l'Irak. Selon le vice-amiral Timothy Keating, moins de dix « n'ont pas atteint la cible ». Par ailleurs, les avions basés sur des porte-avions ont réduit le nombre de leurs missions à 800 sorties quotidiennes, ne larguant qu'un peu moins de 200 bombes et missiles.
- Plus de 43 millions de tracts ont été largués par les forces de coalition sur l'Irak.
Aide: le gouvernement des Emirats arabes unis et la Croissant Rouge ont coordonné la livraison de 772 tonnes de vivres, d'eau et d'équipement médical au port d'Oum Qasr. Deux navires britanniques, le RFA Sir Galahad et le RFA Sir Percivale, ont livré un total de 1.100 tonnes de vivres, de médicaments et d'eau à Oum Qasr. Les Etats-Unis ont envoyé deux navires avec plus de 50.000 tonnes de blé, alors que l'Australie achemine vers l'Irak 100.000 tonnes de blé.
L'administrateur civil provisoire de l'Irak, le général américain Jay Garner, a évoqué le 23 avril à Erbil la vision américaine de la démocratie avec des responsables kurdes, au deuxième jour de son séjour dans le Kurdistan irakien. « Notre mission ici, est de créer un environnement (..) où nous pouvons avoir un processus démocratique et où les Irakiens peuvent choisir leurs propres dirigeants (..) un gouvernement qui représente la volonté libre et élue de l'Irak », a dit le général américain à des responsables kurdes à Erbil. « Grâce à votre énergie, à votre intelligence et à votre processus démocratique, vous avez fait plus, au cours des dix dernières années, que ce qui avait été fait au cours des 20 années précédentes », a ajouté le général américain âgé de 65 ans. « Vous pouvez être un modèle pour vos frères et sœurs dans le sud (..) vous devez travailler avec eux pour créer un grand Irak démocratique », a-t-il poursuivi.
Jay Garner est arrivé à Erbil à bord d'un hélicoptère de l'armée américaine, gardé par des soldats des forces spéciales armés de mitrailleuses. Il a inspecté une école, où de nombreuses personnes brandissaient des drapeaux kurdes, américains et britanniques en jetant sur son passage des pétales de fleurs.
Le général à la retraite avait, la veille, rencontré dans la localité kurde de Dokan près de Souleimaniyeh les dirigeants kurdes Jalal Talabani de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) et Massoud Barzani, du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), les deux mouvements qui contrôlent le Kurdistan irakien depuis la fin de la guerre du Golfe, en 1991.
Jay Garner a ajouté lors de sa rencontre avec des responsables kurdes à Erbil avoir l'intention de se concentrer au cours des prochaines semaines sur le processus de construction des ministères et de la remise en état des services en Irak. Le général américain, qui a en outre visité le Parlement kurde à Erbil, a affirmé que la majorité d'Irakiens appréciait la présence américaine en dépit d'une série de manifestations anti-américaines. « Je crois que ce que voyez là sont des manifestations organisées, mais à part cela, la majorité de la population est heureuse que nous soyons ici », a affirmé le général Garner, qui s’est ensuite rendu dans la ville de Mossoul.
De son côté, le chef de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), Jalal Talabani, a annoncé le 23 avril, après sa rencontre avec Jay Garner qu’un comité sera mis en place sous la supervision des Etats-Unis pour assurer le retour de dizaines de milliers de Kurdes déplacés sous le régime de Saddam Hussein. « Un comité représentant toutes les parties sera formé, sous la conduite des Etats-Unis, pour organiser le retour des gens dans leurs maisons de manière organisée et non dans le chaos », a ajouté M. Talabani. « Nous avons pris un engagement que nous avons répété hier », a-t-il poursuivi. Un responsable américain, qui accompagnait le général Garner lors de sa visite au Kurdistan a indiqué que quelques 200.000 Kurdes avaient été déplacés de la ville de Kirkouk sous le régime déchu, qui avait engagé une politique d'arabisation des zones kurdes.
Par ailleurs, les leaders kurdes Massoud Barzani et Jalal Talabani ont participé le 30 avril à Bagdad à une réunion de l'ex-opposition au régime de Saddam Hussein. Cette réunion importante rassemblait environ 300 personnalités kurdes et arabes.
Le 21 avril, le PDK et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) avaient appelé les principaux partis d'opposition irakiens à participer à cette réunion. Celle-ci vise à préparer une conférence élargie de l'opposition pour examiner la formation d'un gouvernement irakien de transition, représentatif de toutes les composantes de l'opposition. Lors de sa réunion à Salaheddine, l'opposition avait mis en place une direction collégiale composée de six membres, qui se voulait le noyau d'un gouvernement de l'après-Saddam Hussein.
Les membres de cette direction sont, outre M. Barzani, Jalal Talabani, chef de l'UPK, Ahmed Chalabi, chef du Congrès national irakien, Adnan Pachachi, ancien ministre des Affaires étrangères de l'Irak dans les années 1960 (indépendant), Abdel Aziz Al-Hakim, représentant de l'Assemblée suprême de la révolution islamique en Irak (Asrii, principal mouvement d'opposition chiite, basé en Iran), et Iyad Al-Alaoui, de l'Entente nationale irakienne.
Une précédente réunion de ce type, le 15 avril, près de la ville de Nassiriyah (sud de l'Irak), en présence de responsables américains, avait débouché sur l'adoption d'une déclaration en treize points en faveur d'une évolution vers la démocratie et la mise en place d'un Etat de droit. Une soixantaine d'Irakiens, représentant des mouvements chiites et sunnites modérés ou radicaux, les Kurdes et les monarchistes, avaient participé à la réunion de Nassiriah.
Le Parlement régional kurde a prononcé le 20 avril la fin de l'état d'urgence qui prévalait depuis le 19 mars dans cette région.
Les députés kurdes, qui se réunissaient pour la première fois à Erbil depuis la guerre, ont également entendu le général américain à la retraite Bruce Moore, désigné pour gérer temporairement le Kurdistan irakien. Le général Moore les a rassurés que son équipe allait se concentrer sur les problèmes humanitaires et ne pas fonctionner comme un véritable gouvernement civil ou militaire. Il a également indiqué que son équipe avait vocation à devenir une instance de conseil pour l'administration intérimaire irakienne lorsque celle-ci aura été formée.
Le général Moore a indiqué aux journalistes après la réunion que quelque 50.000 soldats américains allaient être déployés dans les grandes villes de la région, Kirkouk et Mossoul, pour veiller à la sécurité.
Le président du Parlement, Dr. Roj Nouri Shawesh, du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), a déclaré lors de la réunion que les Etats-Unis, plutôt que les Nations Unies, devraient superviser la reconstruction de l'Irak et l'organisation de l'aide humanitaire pendant la phase de transition pour éviter trop de bureaucratie.
Par ailleurs, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) a indiqué le 19 avril avoir commencé à libérer des soldats irakiens qui s'étaient rendus ou avaient été faits prisonniers durant les combats dans le Kurdistan irakien. Les 750 prisonniers détenus au camp d'Achkawtan, à une centaine de kilomètres au nord d'Erbil, ont été divisés en trois groupes selon leur lieu de résidence, a indiqué Akram Soufi, un responsable du PDK qui supervisait le camp. Les prisonniers venant de la région de Mossoul et ceux originaires de Kirkouk ont été ramenés chez eux dans des bus fournis par une organisation non gouvernementale suédoise. Ceux résidant à Bagdad ou originaires des provinces du sud seront transférés tous vers la capitale d'où chacun devra rentrer chez lui par ses propres moyens, a indiqué M. Soufi.
Au cours de la seconde audience du 25 avril, la Cour de sûreté de l’Etat (DGM) d’Ankara a une nouvelle fois refusé la libération provisoire des ex-députés kurdes du parti de la Démocratie (DEP). L’audience, présidée par Mme Sureyya Gonul en raison de l’absence pour des raisons médicales du président de la Cour, Mehmet Orhan Karadeniz, a été poursuivie avec l’audition des « témoins-fonctionnaires » ayant déposé à charge lors du procès de 1994. Me Yusuf Alatas, avocat des défendeurs, a rappelé le fait qu’il y a dix ans ces mêmes témoins avaient tout simplement effectué leurs dépositions au parquet sans aucun interrogatoire ni contre-interrogatoire et a souhaité que cette procédure ne soit pas renouvelée à nouveau pour la bonne justice en demandant l’enregistrement vidéo et audio des témoignages et le droit d’interroger et de présenter des témoins. Mais la Cour s’est opposée à la requête et a procédé à l’audition pure et simple des témoins.
Ces derniers composés de 19 fonctionnaires dont 8 policiers se sont pour la plupart cantonnés à répéter leurs précédentes dépositions. Un autre témoin, Eyup Karakeçi, agriculteur à Urfa et membre du parti DEP, a quant à lui, déclaré : « le directeur de la branche anti-terreur à Urfa à l’époque des faits, Mustafa Tekin, m’a demandé de mettre fin à mes activités politiques ou de quitter Urfa en une semaine. Ne cédant pas, la police a perquisitionné ma maison et m’a mis en détention à Ankara en 1994 où j’ai été torturé. Ils m’ont alors fait la proposition de lever toute poursuite contre moi en échange d’un témoignage contre L. Zana et H. Dicle. Mais j’ai refusé ». Un autre témoin, Kerem Ok, vendeur ambulant de pains de sésame à Bursa, a déclaré à la question « dans une déposition à la police tu as affirmé que l’argent allait au PKK », il a répliqué qu’il n’avait jamais fait une telle déposition et qu’il avait simplement signé un document préparé par la police.
Chef de la tribu Babat, Mehmet Tahir Babat, a réaffirmé sa déclaration tout en soulignant qu’il a été témoin d’un discours « en kurde, mais je ne me souviens pas d’autres choses ». Cinq témoins de la même tribu ont simplement affirmé que « cela faisait trop longtemps » donc ils ne se souvenaient pas.
Selim Sadak qui a été condamné sur la base de ces simples témoignages a rétorqué « la tribu Babat nous calomnie. Cette tribu est impliquée dans des meurtres, le trafic de drogue et la contrebande ».
Par ailleurs, Mehmet Sevki Temel, père de trois enfants dont deux protecteurs de village et l’autre policier, a ajouté qu’un de ses fils étant kidnappé, il a ravi une personne à son tour et qu’à la suite de cela il a reçu la visite de Leyla Zana et qu’il voulait porter plainte contre L. Zana et H. Dicle. Un autre témoin, Abdullah Dursun, a réitéré sa première déposition en déclarant que Leyla Zana et Hatip Dicle avaient fait subir des préjudices à la population kurde.
La Cour s’est contentée de prononcer un mandat d’amener à l’encontre des témoins absents pour la prochaine audience et a statué contre la libération provisoire des anciens députés, en fixant au 23 mai la prochaine audience.
L’audience a été suivie par une délégation du Parlement européen composé de cinq députés et présidé par Joost Lagendijk, mais également par Mme Claudia Roth du parti Vert allemand et de nombreux observateurs d’organisations de défense des droits de l’homme. M. Lagendijk, également président de la délégation à la commission parlementaire mixte UE-Turquie, a déclaré à la presse qu’il suivait de près les réformes entreprises par la Turquie « mais, d’après ce que je puis constater aujourd’hui, le rejugement se présente comme une copie du procès de 1994. Je souhaite que le rejugement se déroule d’une manière juste et que l’on pourra voir l’application effective des réformes adoptées sur le papier ». La Cour a, par ailleurs, refusé dans la salle d’audience les roses apportées par C. Roth qui a déclaré : « Ce procès est très important pour les droits de l’homme et la démocratisation de la Turquie. Je pense que la Turquie fera un pas important avec ce procès »
Par ailleurs, une conférence de presse s’est tenue le 23 avril en présence de Mme Danielle Mitterrand, présidente de la Fondation France-Libertés et du CILDEKT, de Mme Ségolène Royal, députée des Deux-Sèvres et de Kendal Nezan, président de l’Institut kurde de Paris, au Centre d’accueil de la presse étrangères (CAPE) pour faire le point sur la situation des députés et alerter l’opinion publique sur le sort des prisonniers d’opinion en Turquie. La conférence a été suivie de la projection du film de Kudret Gunes consacré à Leyla Zana « Leyla Zana, le cri au-delà de la voix étouffée »
La Commission européenne vient de proposer une « feuille de route » à la Turquie qui, si elle était suivie, lui permettrait d'adhérer à l'Union européenne. « Les exigences que nous fixons à la Turquie sont élevées, mais la gageure peut être relevée », a déclaré le commissaire européen à l’élargissement, Günter Verheugen. En décembre 2002, les Quinze avaient assuré à la Turquie que des négociations d'adhésion seront entamées fin 2004 si des progrès décisifs étaient réalisés vers les critères fixés par l'Union européenne. Bruxelles jouera un rôle crucial en rédigeant à l’intention des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union un rapport déterminant sur le respect de ces critères par Ankara.
Concrètement, la Commission propose aux Quinze d’octroyer une aide financière de 1,05 milliard d’euros sur la période 2004-2006, soit le double du niveau actuel.
Mais en contrepartie, la Turquie devra faire preuve de la plus extrême retenue au Kurdistan irakien, alors qu’Ankara souhaite y envoyer des milliers d’hommes sous couvert d’aide humanitaire aux réfugiés irakiens. « Il est clair que toute incursion turque dans le Nord de l'Irak ne serait pas souhaitable, serait déplacée », a-t-il déclaré. « On pourrait difficilement faire une bévue plus grave en pleine crise », a-t-il ajouté. « S'il y avait une incursion, cela aurait des conséquences sérieuses pour l'avenir des relations entre l'Union européenne et la Turquie ». Bruxelles souhaite aussi que les autorités turques fassent pression sur les dirigeants de la communauté chypriote turque afin qu’un accord de paix soit conclu permettant l’adhésion à l’UE d’une île réunifiée. Le Conseil national de sécurité (MGK) devra également être réformé afin de desserrer le contrôle de l’armée turque sur le pouvoir civil. Le parlement et le gouvernement turcs doivent contrôler l’armée, a estimé le commissaire européen, « et pas l’inverse ». Les autorités turques devront également ratifier la Convention internationale sur les droits politiques et civils, appliquer des mesures de lutte contre la torture et garantir « dans la pratique » le droit à la défense des prisonniers. Enfin, la liberté d’expression et d’association devra être réelle et les droits des minorités, notamment kurde, garantis par le biais de l’accès à la télédiffusion et à l’éducation.
“ LES STATUES ”. Ahmet Altan, journaliste et écrivain de renom en Turquie, analyse, après la chute de Saddam Hussein, le culte de la personnalité imposé dans certaines sociétés, en faisant le parallélisme avec Ataturk, décrété « le père des Turcs ». Voici l’intégralité de cet article publié le 14 avril sur le site du journal Gazetemnet:
“ Lorsque je regarde les films et les documentaires retraçant les grandes souffrances, les tueries, les guerres et aujourd’hui encore en regardant la réalité de la guerre, c’est toujours Fogg, le personnage de l’œuvre de Jules Verne “ Le tour du monde en 80 jours ”, traversant l’océan atlantique qui me vient à l’esprit. Pressé de rejoindre Londres à temps, Fogg achète une vieille embarcation et puis manquant de charbon à quelques lieues de la fin de son voyage, il brise le bateau pour utiliser le bois comme combustible. Le bateau progressait ainsi tout en se consumant.
L’humanité arrive probablement à avancer tout en se consumant à l’instar du bateau de Fogg, brûlant toujours la vie des hommes pour faire son chemin. Je pense qu’il faudrait au moins tirer les leçons de cet étrange voyage et de la souffrance de se consumer comme combustible, et donc il faudrait tirer les enseignements pour rendre le “ voyage ” plus sûr et moins douloureux. La dernière guerre américano-irakienne a probablement été l’occasion pour les uns et les autres de tirer certaines leçons et de contribuer à leur expérience par de nouvelles informations. Entre autres choses, pour ma part, profitant de mon expérience personnelle, j’ai trouvé l’occasion de me forger une idée générale sur les rapports entre les statues et les sociétés. Je pense que si les statues d’un seul homme se trouvent érigées dans un pays, elles sont finalement condamnées à être déboulonnées. De plus les pays qui ont érigé les statues d’un seul homme perdent toujours les guerres. Lors de mes voyages je n’ai pas rencontré à chaque étape des statues de Napoléon à Paris, ni celles de Washington à New-York, ni de Cromwell à Londres, ni de Garibaldi à Rome et non plus celles de Bismarck à Berlin. Ces hommes étaient-ils de peu d’importance pour leur pays ? Non, loin de là, mais chaque parcelle de terrain n’était pas recouverte de leur statue. Et celles que j’ai pu rencontrer avaient soit une importance artistique au niveau de l’œuvre sculpturale ou encore étaient-elles l’œuvre de grands artistes…
A mon sens, ces statues constituent, dans les pays en voie de développement, une pièce maîtresse d’un décor servant à dissimuler les réalités. Derrière ces statues représentant des personnes sanctifiées et qui ne peuvent être sujet à la critique, se cachent des réalités effrayantes dont on ne désire pas discuter. Derrière les statues de Lénine dans les pays soviétiques, celles de Ceausescu en Roumanie et derrière les statues de Saddam en Irak, d’énormes escroqueries s’abritaient. Nous aussi nous faisons partie de ces pays dotés de statues d’un seul homme. Vous ne pouvez pas faire un pas sans rencontrer les statues d’Ataturk. Mustafa Kemal est une des grandes personnalités de notre histoire mais il n’est pas le seul, depuis l’empire ottoman, en six siècles, d’autres hommes se sont élevés dans ce pays. De plus, Washington, Napoléon, Garibaldi, Bismarck et Cromwell se trouvent aussi être des personnalités historiques pour leur pays. Alors pour quelle raison n’érigeons- nous que la statue d’Ataturk ? Et quelles sont les vérités que l’on dissimule derrière ces statues ? Anoblissons-nous Ataturk en élevant ses statues, ou alors le dressons-nous en sujet sanctifié indiscutable en dissimulant derrière ces statues quelques anomalies ?
Selon moi, ces statues sont utilisées pour occulter les anomalies et les escroqueries en Turquie. Une série d’anomalies juridiques et économiques, à commencer par l’immixtion de l’armée dans la vie politique que l’on associe à Ataturk et l’ataturkisme, se cache derrière ces statues et derrière cette sanctification que l’on veut créer par ces statues. Ne pouvant pas discuter de la position de l’armée dans la vie politique, vous ne pouvez pas non plus parler du poids du budget de la défense dans l’économie turque et sur la Turquie, ni de la raison d’entretenir une armée aussi importante dans le monde d’aujourd’hui, ni des responsables du problème chypriote qui a conduit à la cassure entre la Turquie et l’Europe. Et pourquoi ne peut-on pas avancer l’idée d’un débat sur la question kurde ? Pour quelle raison ne peut-on pas discuter du fait que l’on se considère comme proches les Turcomans d’Irak alors que l’on voit les Kurdes comme des ennemis ? Vous ne pouvez pas non plus discuter du fait qu’en établissant cette différence entre les Turcomans, de la même ethnie que certains de nos concitoyens et les Kurdes, de la même ethnie que certains autres de nos concitoyens, l’on tombe dans la position d’Etat raciste, non plus du fait que l’on déclare illégale l’attaque américaine en Irak et que l’on envisage en même temps d’attaquer Mossoul et Kirkouk sans aucune base juridique.
Les statues dissimulent donc toutes ces bizarreries et les sujets inabordables empoisonnent notre vie et nous poussent tous les jours dans une pauvreté de réflexions incompréhensibles et le chaos. Si la Turquie ne peut pas parler de “ ses tabous ” elle ne pourra pas sauver son avenir et son sort sera réglé par d’autres. Sans nier la position et l’importance d’Ataturk dans notre histoire, je crois qu’il va falloir lui ôter sa condition de “ bouclier sanctifié ” des anomalies.
Si vous observez les pays qui font partie des pays ayant la statue d’un seul homme, vous comprendrez qu’il n’y a pas de quoi être fier à figurer dans la liste de ces pays. Je ne suis pas un thuriféraire d’Ataturk et je pense qu’à côté des choses très importantes qu’il a accomplies, il a également fait beaucoup d’erreurs, mais je pense qu’il est injuste de le rendre responsable de toutes les anomalies.
La vie fera et devra faire en sorte que ces statues soient au fur à mesure de moins en moins nombreuses, même si cela ne se passe pas d’une manière aussi violente que dans d’autres pays. Il n’y a pas de quoi se réjouir de se voir faire des parallélismes entre l’Irak de Saddam et nous mêmes. Dans les sociétés où l’on trouve des personnes sanctifiées il y a toujours des anomalies. Le développement arrive en se débarrassant des sanctifications. Il est temps non seulement de sauver la Turquie mais également Ataturk. Etre un pays équipé de la statue d’une personne unique n’augure rien de bon. Sortir la Turquie de ce mauvais présage et faire en sorte qu’Ataturk cesse d’être utilisé comme rideau dissimulant les mauvais signes agirait contre qui ? Pourquoi ne pas ériger d’autres statues ? De belles statues. Des statues dignes d’un pays développé où l’on parle de la réalité des choses. Peut-être qu’à ce moment-là le fondement d’une République et ses bâtisseurs deviendront source de fierté pour nous tous. ”.
Ertugrul Ozkok, le rédacteur en chef du quotidien turc Hurriyet critique dans son éditorial du 22 avril la position de l’armée turque dans l’après-guerre en Irak. Voici de larges extraits de cet article intitulé “ Les généraux à la retraite aiment-ils tellement les Arabes? ” :
“ Je voulais depuis longtemps écrire un article sur ces commandants de l’armée à la retraite qui passent à la télévision depuis le début de la guerre en Irak.
Mais à vrai dire, embarrassé à l’idée d’interroger l’armée turque, je pensais que je ne pourrais écrire un tel article qu’avec beaucoup de circonspection…
Une interview effectuée par Nese Duzel et publiée dans le quotidien Radikal d’hier a permis de trouver la réponse à mon interrogation et a facilité la rédaction de cet article. En écoutant les analyses des commandants de l’armée à la télévision j’avais toujours cette question en tête : “ Nos généraux s’expriment-ils ainsi parce qu’ils veulent la victoire de Saddam ou croient-ils réellement en leurs thèses ? ”…
S’ils croient vraiment à ce qu’ils annoncent alors il y a un sérieux problème dans la politique de défense de la Turquie…
Aussi, l’interview du général Nejat Eslen, réalisée par Nese Duzel pour le quotidien Radikal, est-elle importante. Le général à la retraite y déclare clairement sa déception que l’armée irakienne ait déposé les armes si rapidement… “ J’ai été très peiné pour les Irakiens. Mais aujourd’hui je suis triste d’avoir été triste ” déclare-t-il. Le général voulait tellement la victoire de Saddam qu’il exprimait avec colère sa désillusion.
Si l’armée irakienne avait opposé plus de résistance, s’il y avait plus de victimes, le général se serait réjoui. Ce général à la retraite a-t-il formulé ce vœu par “ amour envers les Arabes ” ? Non, puisque son opinion sur les Arabes n’est pas des plus sympathiques : “ On ne peut pas savoir ce qu’un Arabe peut faire. Ces gens sont ceux qui nous ont poignardé dans le dos pendant la première guerre mondiale. Il y a probablement un peu de sang de la trahison dans le sang des Arabes ”… Je pose alors la question, observer la guerre avec de tels sentiments peut-il conduire à des commentaires militaires impartiaux ?
…Les points de vue de nos militaires ne reflètent ni leurs connaissances ni leurs théories mais leurs sentiments personnels à propos de cette guerre… ”
Le secrétaire d'Etat américain Colin Powell a, le 2 avril, obtenu l'assistance logistique de la Turquie pour le ravitaillement des forces américaines, positionnées au Kurdistan Irakien, tout en réaffirmant l'opposition de son pays à une intervention turque dans cette région. Ce soutien logistique, qui selon M. Powell concerne principalement « le carburant, la nourriture et d'autres types de ravitaillement », va donner un coup de pouce aux forces américaines aéroportées au Kurdistan irakien au moment où la guerre s'intensifie.
S'exprimant lors d'une conférence de presse avec son homologue turc Abdullah Gul, M. Powell s'est félicité du soutien de la Turquie « un membre important de la coalition » engagée contre l'Irak et qui aura un « rôle important à jouer dans l'effort de reconstruction » de ce pays après la guerre. M. Powell, arrivé, le 1er avril à Ankara, s'est entretenu le 2 avril successivement avec M. Gul, avec le président Ahmet Necdet Sezer et avec le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, pour tenter d'aplanir les différences qui ont surgi entre les deux pays concernant l'Irak. Il devait également rencontrer le chef d'état-major de l'armée, le général Hilmi Ozkok.
« La relation américano-turque est forte et dure depuis plus de 50 ans », a affirmé M. Powell qui a reconnu que son pays avait toutefois été déçu par le rejet par le Parlement turc, le 1er mars, d'une demande d'autorisation pour le déploiement de 62.000 soldats américains dans le pays afin d'ouvrir un front nord contre l'Irak. Ce refus a remis en cause les plans de campagne des Etats-Unis en Irak et M. Powell a reconnu que « la campagne se déroule de façon différente à ce qui avait été envisagé ». La coopération turque se limite actuellement à l'ouverture de l'espace aérien du pays aux avions et missiles de la coalition.
Il a estimé par ailleurs que les forces turques n'avaient aucune raison, à l'heure actuelle, de passer au Kurdistan irakien, la situation étant « sous contrôle » du fait de la présence des forces américaines. « Les forces turques n'ont aucun besoin de passer la frontière », a-t-il déclaré.
Le secrétaire adjoint américain à la Défense Paul Wolfowitz, avait, le 27 mars, critiqué le gouvernement turc en déclarant que celui-ci « ne savait pas très bien ce qu'il faisait » en ne parvenant pas à obtenir de son Parlement qu'il autorise le déploiement de forces terrestres américaines en vue d'ouvrir un second front en Irak. Pour lui, Ankara a commis là « une grosse, grosse erreur », même s'il a reconnu que Washington en avait demandé beaucoup à la Turquie et que ce pays avait tout de même accepté d'ouvrir son espace aérien à l'aviation américaine. M. Wolfowitz comparaissait devant une sous-commission des finances de la Chambre des représentants pour défendre la demande du président Bush d'accorder une aide d'un milliard de dollars à la Turquie dans le cadre d'une rallonge budgétaire de 74,7 milliards de dollars pour la guerre en Irak.
Dominique de Villepin, ministre français des affaires étrangères en visite officielle à Ankara a été, le 22 avril, reçu par son homologue turc Abdullah Gul. « La France a beaucoup apprécié la retenue, la modération et la maturité dont la Turquie a fait preuve » durant l'offensive américano-britannique en Irak, a déclaré Dominique de Villepin, qui a exprimé le soutien de la France à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. « Il y a plusieurs arguments en faveur de cette candidature, qu'ils soient stratégiques, économiques, liés à la sécurité ou à la diversité culturelle », a noté le chef de la diplomatie française. « Nous voyons la profonde aspiration de la Turquie à rejoindre l'Union et la France prévoit de rester à vos côtés sur cette voie, qui est la voie de la démocratie, du développement économique et de la cohésion sociale », a-t-il déclaré. L'UE doit annoncer fin 2004 si elle ouvre ou non les négociations d'adhésion avec Ankara.
Ankara a, quant-à-lui, vivement protesté contre la décision de la municipalité de Paris qui a érigé la statue du musicien arménien Komitas sur une place parisienne le 24 avril 2003 en commémoration du génocide arménien. « Ce n’est pas cela l’amitié » titrait Hurriyet le 22 avril pour la visite de M. de Villepin.
Dix-huit Kurdes - 17 combattants et un interprète de la BBC - sont morts, 45 ont été blessés lorsque deux avions américains ont, le 6 avril, fait une « erreur » de tir, selon le porte-parole du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), Hoshyar Zebari.
Le pilote américain aurait confondu les positions des forces kurdo-américaines, qui avaient tout juste récupéré des chars irakiens, avec celles des troupes de Saddam Hussein qui venaient de se replier pratiquement sans combat mais tentaient après-coup une contre-attaque.
À 12H30 (08H30 GMT), les onze véhicules, 4x4 américains ou kurdes qui finiront carbonisés sont à l'arrêt sur le haut d'une colline de Dibagah. Les combattants kurdes sont assis dans leur véhicule ou dehors en train de discuter. Ils attendent le soutien aérien rapproché que l'équipe de quatre ou cinq membres des forces spéciales viennent de demander pour bombarder les forces irakiennes. A 12h32, il ne reste plus rien qu'une scène de dévastation.
Plusieurs hauts responsables militaires du PDK étaient présents pour cette opération kurdo-américaine. Le commandant Kawrini ou le général Mustafa Kakamine, commandant en chef pour la région d'Erbil en sont sortis indemnes. Mais pas Wajih Barzani, le jeune frère du chef du PDK, Massoud Barzani. Grièvement blessé, le jeune homme, chef des forces spéciales du PDK, a été évacué par les Américains vers l'Allemagne.
« Le pilote a été induit en erreur, ceux qui l'avaient dirigé se sont trompés. Ce n'est pas la faute des Etats-Unis mais d'un officier qui a donné une mauvaise information », a estimé le général Kakamine. Les forces spéciales américaines travaillent au sol conjointement avec les peshmergas pour faire du radioguidage et permettre aux pilotes d'atteindre leurs cibles, généralement de façon très précise. « Ce n'est pas la première fois que cela arrive. Il y a déjà eu de telles erreurs en Afghanistan ou dans le sud de l'Irak, c'est la guerre », a ajouté le général très ému.
M. Zebari a assuré pour sa part que cette « malencontreuse erreur » ne « sapera » la résolution des Kurdes à travailler avec les Américains pour « libérer » l'Irak.
Selon l’hebdomadaire Time daté du 24 avril, les forces américaines à Kirkouk ont arrêté 23 membres des forces spéciales turques (TIM) soupçonnés de provocation et de manœuvre de déstabilisation de la région. Arrêtés lors d’un contrôle, en civil, ils étaient lourdement équipés d’armes, dont de nombreuses Kalachnikov, des M4, des grenades et même des mines antipersonnelles.
Bill Mayville, le commandant américain de l’armée de l’air, a déclaré qu’ils avaient eu des informations et que les forces spéciales turques étaient attendues. « Leur but était de créer une situation nécessitant l’envoi des militaires turcs à Kirkouk » en ajoutant que les « Turcs ont d’abord agi dans le cadre humanitaire mais qu’après ils se sont livrés à d’autres œuvres ». Il a également ajouté que les organisations agissant sous le drapeau du Front Turcoman d’Irak, obéissent aux ordres et aux demandes turcs et qu’ils projettent avec l’aide des forces spéciales turques de provoquer l’intervention turque.
Les membres du TIM ont été remis à la Turquie qui dans un premier temps s’est étonnée que leur allié américain divulgue l’information et qui plus tard s’est contentée de nier les faits en invoquant des raisons humanitaires pour la présence de ses soldats d’élite aussi lourdement équipés.
La Turquie et l'Iran ont exprimé le 6 avril lors d'une visite à Ankara du chef de la diplomatie iranienne Kamal Kharazi, leur volonté d'engager un dialogue avec la Syrie sur l'Irak et plus particulièrement la situation dans le Kurdistan irakien. « La relance du mécanisme de consultation entre la Turquie, l'Iran et la Syrie est une nécessité. Nous sommes en faveur de réunions à trois en ce sens », a dit M. Kharazi lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue Abdullah Gul. Ce dernier a indiqué de son côté qu'il se rendrait le 13 avril à Damas à l'invitation du ministre syrien des Affaires étrangères Farouk al-Chareh pour évoquer la question irakienne. « Il n'y a rien de plus naturel que les pays de la région discutent » de la guerre en Irak, a-t-il déclaré, indiquant que son pays et l'Iran « partagent les mêmes préoccupations » concernant notamment le Kurdistan irakien.
M. Kharazi avait déjà présenté la question kurde comme « un sujet d'inquiétude commun à l'Iran et la Turquie ainsi qu'à la Syrie », pays où vivent les Kurdes. M. Kharazi a affirmé dans ce contexte que l'Iran et la Turquie avaient des « intérêts communs » au sujet de l'avenir politique de l'Irak et que « sans le soutien des pays voisins, il n'est pas possible d'assurer la stabilité en Irak ».
Les deux ministres se sont en outre fermement prononcés en faveur de la sauvegarde de l'intégrité territoriale de l'Irak.
M. Kharazi a également ajouté : « Le fait que nous nous opposons à la guerre (contre l'Irak) ne veut pas dire que nous soutenons le régime de Saddam Hussein » Les dirigeants iraniens, dont le pays se trouve comme l'Irak sur « l'axe du mal » dénoncé par le président George W. Bush, s'inquiètent de voir l'étau américain se resserrer sur eux. Le ministre iranien a accusé Washington de mener une « guerre contraire au droit international » contre l'Irak et a appelé les Nations Unies à « intervenir » pour mettre un terme à l'opération américano-britannique.
M. Kharazi s’est également entretenu avec le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan avant de quitter Ankara.
Ankara a ordonné à trois diplomates irakiens de quitter la Turquie parce qu'ils auraient pris part à des activités étrangères à leur mission diplomatique, a affirmé le ministère des affaires étrangères. Le ministère n'a pas précisé ce dont sont exactement soupçonnés les diplomates, mais il semblerait qu'ils soient accusés d'espionnage.
Les Etats-Unis ont demandé à tous les pays possédant une ambassade irakienne d'expulser les diplomates irakiens, pour isoler le régime de Saddam Hussein et prévenir d'éventuelles attaques contre les intérêts américains.
La décision a été rendue publique le 5 avril, au lendemain du renforcement de la sécurité autour des missions diplomatiques américaine et britannique et des installations militaires où sont postées les troupes US. Les autorités turques examinent par ailleurs une requête de Washington visant à geler les avoirs bancaires de l'ambassade irakienne.
Le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé le 18 avril le déblocage d'une tranche de crédit de 701 millions de dollars en faveur de la Turquie. Cette tranche de crédit s'inscrit dans le cadre d'un accord stand-by approuvé en février 2002 par le FMI et prévoyant l'octroi d'une ligne de crédit totalisant environ 18 milliards de dollars pour aider la Turquie à faire face à une grave récession consécutive à deux crises financières. La Turquie avait retiré jusqu'ici environ 14 milliards de dollars sur la ligne de crédit de 18 milliards de dollars.
La Turquie s'attend au déblocage jusqu'à la fin de 2004 par le FMI et la Banque mondiale de crédits totalisant 5,2 milliards de dollars, avait indiqué le 6 avril le ministre turc de l'Economie Ali Babacan en annonçant la signature avec le FMI d'une lettre d'intention décrivant la politique économique à laquelle s'engage Ankara. Après les 701 millions de dollars, sept autre tranches d'environ 500 millions de dollars chacune seront débloquées par le FMI jusqu'en décembre 2004, selon M. Babacan.
Malgré la récession qui frappe l’économie turque, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a, le 21 avril, signé la décision d’acheter quatre avions de surveillance de type AWACS à la société américaine Boeing pour un montant d’1,2 milliards de dollars. Les négociations avaient débuté depuis 2001 et selon la presse turque le premier avion sera livré dans quatre ans.
Une tournée européenne entreprise par le secrétaire général du tout puissant Conseil national de sécurité (CNS), le général Tuncer Kilinç, s’est révélée être une campagne ouvertement et officiellement anti-européenne dénoncée par la presse turque. Ainsi, des quotidiens ont tout particulièrement fait écho de la réunion le 15 avril à l’ambassade de Turquie à Bruxelles, rassemblant de nombreuses associations turques. Selon Fikret Bila, journaliste du quotidien turc Milliyet [22-04-03], le général Kilinç, qui s’est lancé dans ces rencontres depuis deux ans afin de réunir les personnalités et organisations fidèles à l’idée de la laïcité et d’unité de l’Etat que se fait l’armée turque, a publiquement insulté les représentants de Milli Görüs [ndlr : « Vision nationale », organisation fondamentaliste turque] en scandant violemment au cours de la réunion : « Taisez-vous, vous les sectaires, les fanatiques, les imprudents ». Hurriyet dans son édition du 24 avril a d’ailleurs donné en sur-manchette l’événement, sous le titre de « Altercation sur le sectarisme à l’Ambassade ». Selon le journal, le général Kilinç se lançant dans un sermon déclare : « Il n’y a pas de clergé dans l’Islam. Nous n’avons pas besoin de mollah ou de cheikh. Adaptez-vous au pays d’accueil, apprenez la langue », un groupe dans la salle réplique alors : « Vous nous demandez d’oublier notre langue et notre religion. Vous êtes contre la religion. Nous ne vous reconnaissons pas ». « Vous êtes des fanatiques. Je pensais qu’il y avait des gens clairvoyants en Europe » rétorque avec véhémence le général Kilinç.
Le rédacteur en chef de Hurriyet, Ertugrul Özkök, divulgue le même jour dans ses colonnes une phrase du crypto officiel de l’Ambassade turque à Bruxelles envoyé à Ankara : « Le général Kilinç a eu des propos contre l’Union européenne adressés aux responsables des associations turques rencontrées sur place ». Ozkok poursuit : « Nous connaissons les positions du général Kilinç sur l’UE. Au cours d’un de ses précédents discours à l’Académie de guerre, il avait déclaré que la Turquie devait abandonner l’idée d’adhésion à l’UE et chercher une union toute autre avec la Russie et l’Iran…Les propos du Pacha sont-ils un message pour les représentants turcs demandant qu’ils travaillent pour que la Turquie n’adhère pas à l’UE ? Alors dans ce cas-là, pendant que le parlement turc se lance dans des réformes pour se conformer à l’UE, le secrétaire général de l’organisation où l’on discute de la sécurité de l’Etat fait une campagne contre l’UE… »
Par ailleurs, une fois les grands journaux lancés sur le sujet, le quotidien Zaman du 25 avril ajoute que son correspondant se trouvait dans la salle de réunion à Bruxelles et rapporte d’autres propos du général habitué à codifier sur tout, jusqu’au style vestimentaire : « Je n’ai rencontré nulle part ailleurs dans le monde ce que j’ai pu constater dans le quartier de Schaerbeek. C’est le seul endroit au monde où l’on trouve des femmes portant des pantalons sous des jupes. Cette façon de s’habiller ne se retrouve même pas en Anatolie ». Le journaliste rapporte qu’un auditeur réplique : « Monsieur, vous pensez vous trouver dans une caserne et vous nous considérez comme des soldats ».
L’atmosphère devenant très tendue, le général Kilinç décide alors de sortir de la salle mais dissuadé au dernier moment revient terminer son sermon : « Je suis pour l’adhésion à l’UE mais je n’ai aucun espoir sur la question. Ils ne nous ouvriront pas les portes. Depuis la conquête d’Istanbul, l’Europe a toujours vu en nous des ennemis…Ils n’accepteront jamais en leur sein les Turcs héritiers d’une nation arrivée jusqu’aux portes de Vienne. L’UE n’a jamais été proche de la Turquie que ce soit pour des raisons culturelles ou religieuses. L’Europe a mis à l’ordre du jour la question arménienne depuis 1850. En nous faisant ennemis avec les Arméniens après la première guerre du monde, ils ont bâti les raisons de déclenchement de dizaines d’événements. L’organisation du PKK est une création de l’UE. C’est l’UE qui est responsable de la mort de nos 33 000 habitants. L’UE a ouvertement ou d’une manière plus obscure soutenu les organisations terroristes en Turquie. L’UE est effrayée à l’idée que la Turquie se fortifie comme du temps des Ottomans… »
« La religion islamique est très propice à la laïcité. Il ne peut avoir de démocratie sans la laïcité. L’Etat existe pour l’individu…Ces derniers temps la question du voile islamique vue comme symbole politique est devenue un problème…Celles qui le désirent peuvent se couvrir à l’extérieur comme les femmes d’Anatolie mais jamais dans les établissements publics… Le Premier ministre déclare que ses filles étudient aux Etats-Unis parce qu’il n’y a pas de démocratie en Turquie. « Monsieur le Premier ministre si vous vous enchaînez les pieds, vous ne pourriez pas courir. Si vous voilez votre fille, vous ne pouvez pas la faire étudier, lui ai-je rétorqué » » déclare le général Kilinç.