tags: N° 220-221 | juillet-août 2003
L’été 2003 aura été marqué dans l’Irak d’après Saddam par une série d’attentats spectaculaires et meurtriers occultant les progrès importants réalisés dans le processus de la reconstruction politique du pays et dans la neutralisation des principaux dirigeants de l’ancien régime.
Alors que dans une grande partie du pays (Le Kurdistan et le sud chiite) règne le calme, que la mise en place des institutions (conseils municipaux, gouverneurs) et la remise en état des écoles, des hôpitaux, des services administratifs et des infrastructures progressent, certains quartiers de Bagdad et le triangle dit sunnite incluant les villes de Falluja, Tikrit et Ramadi, au nord de la capitale irakienne sont le théâtre de violences et d’attentats anti-américains. Des agents de la Section des opérations spéciales des Moukhabarate (services secrets dissous), des membres des gardes républicaines spéciales restés fidèles à Saddam Hussein, des « islamistes sans frontières » en djihad contre les occidentaux, des agents des services de renseignement iranien (Italaat) agissant seuls ou de concert, sont tenus pour responsables de ces actions qui ne visent pas que les Américains.
En effet, la campagne d’attentats a été lancée début août par l’explosion d’un camion piégé devant l’ambassade de Jordanie qui a fait 17 morts et qui a été attribuée aux réseaux baasistes. Pourtant, Amman venait tout juste d’offrir l’asile aux deux filles de Saddam Hussein et à leurs enfants. Celles-ci, dans leurs déclarations aux média, n’ont pas manqué de faire l’éloge de leur dictateur de père, affirmer que sans celui-ci, ses oncles et autres membres de sa famille n’auraient pu, dans le meilleur des cas, devenir que des chauffeurs de taxi et dénoncer leurs manigances et leur félonie.
Alors que les supputations allaient bon train sur les raisons et les commanditaires de cet attentat contre l’ambassade d’un pays arabe qui fut pendant des décennies un allié dévoué du régime irakien, il y a eu l’attentat encore plus meurtrier du 20 août devant le siège de la représentation à Bagdad de l’ONU. L’explosion d’un camion bourré d’obus, de mortiers, de grenades et d’explosifs militaires, a fait une vingtaine de morts dont Sergio Vieira de Mello, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU et de ses principaux collaborateurs. L’auteur connaissait apparemment bien les lieux, l’emplacement du bureau du représentant spécial et son emploi du temps. Sous prétexte de ne pas se couper de la population, l’ONU n’avait pas jugé opportun de demander aux forces américaines l’instauration d’un périmètre de sécurité. Pire encore, elle avait continué d’employer comme gardes de sécurité les agents mis à sa disposition par le régime de Saddam Hussein et donc fidèles à celui-ci. L’hypothèse de complicités internes fut assez rapidement évoquée et l’objectif de l’opération clairement identifié : faire peur aux occidentaux travaillant pour l’ONU et les ONG, les faire fuir et donner à l’opinion publique mondiale l’image d’un Irak à feu et à sang.
Cependant, la situation en Irak ne saurait être réduite à ces quelques événements spectaculaires. Il faut rappeler que pendant la même période de nombreux hauts dirigeants du régime déchu, auteurs de massacres et de crimes contre l’humanité ont été arrêtés ou éliminés. Parmi eux, les deux fils redoutables de Saddam Hussein, Oudaï et Qousaï, qui ont été tués par les forces américaines lors d’un raid le 22 juillet à Mossoul. L’annonce de leur mort a été saluée par des tirs de joie de la population d’un bout à l’autre du pays. Ils n’ont pas été enterrés comme des dizaines de milliers de leurs victimes dans de fosses communes secrètes ; la coalition a remis leur corps au Croissant rouge irakien qui, en liaison avec leurs proches, a assuré leurs funérailles conformément à la tradition locale.
Quelques semaines plus tard, le vice-président du régime déchu Taha Yassine Ramadan a été arrêté par les Kurdes et remis aux forces américaines. Sans les maladresses de celles-ci, cette arrestation aurait sans doute permis également la capture de Saddam Hussein. Toutefois, le cousin de ce dernier, Ali Hassan al-Majid, dit Ali le Chimique pour l’usage massif qu’il fit des armes chimiques lors des campagnes génocidaires contre les Kurdes (1988-1989) n’a pas pu échapper à la traque et son arrestation a été annoncée le 21 août. Elle a donné lien à des scènes de liesse populaire au Kurdistan ainsi qu’au Koweït dont il avait été le gouverneur lors de l’occupation irakienne.
Au plan politique, l’événement majeur a été la formation d’un Conseil de gouvernement transitoire regroupant les représentant des principales forces politiques, des communautés ethniques et religieuses et de la société civile. Composée de 25 membres, dont 13 chiites, 5 Arabes sunnites, 5 Kurdes, 1 chrétien et 1 Turcomane, le Conseil est à l’image de la diversité de la population irakienne. Fonctionnant comme un organe législatif provisoire, il est chargé de la mise en place d’un gouvernement intérimaire, de l’adoption du budget, de la nomination de hauts fonctionnaires et des ambassadeurs et de la désignation des membres d’une convention constitutionnelle.
La création de ce Conseil, a été saluée par les Nations-Unies, l’Europe, les Etats-Unis et la Ligue arabe, comme une avancée importante vers le gouvernement de l’Irak par les Irakiens eux-mêmes.
La première décision de ce Conseil a été d’abolir toutes les fêtes imposées par l’ancien régime et d’adopter le 9 avril, date de la chute de la dictature baasiste, comme journée de la libération de l’Irak et à ce titre fériée.
Après de longs débats, le Conseil pour mieux respecter l’égalité des droits entre les principales forces politiques qui le composent, est convenu de se doter d’une présidence collective de 9 membres. Chacun de ces derniers dirigera le Conseil pour une période d’un mois suivant l’ordre alphabétique en arabe. Ainsi, le premier président est Dr. Al-Jafari, représentant du parti chiite al-Daawa auquel succédera en septembre Ahmad Chalabi. Les deux leaders kurdes Barzani et Talabani font partie de cette présidence collective.
Parmi les toutes premières décisions du Conseil, la formation d’un gouvernement intérimaire de 25 membres et la mise en place d’une commission chargée de la préparation de la Convention constitutionnelle. Pièce maîtresse du processus politique la Constitution est au centre des débats animés. Les délégués kurdes ont demandé que les principes adoptés lors des précédentes conférences de l’opposition soient consacrés dans la nouvelle Constitution. Selon ces principes, l’Irak nouveau, sera un Etat démocratique, fédéral et laïc, respectant le pluralisme politique, la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’égalité des droits entre les hommes et les femmes. La question de la laïcité ayant été contestée par certains délégués chiites, les délégués kurdes ont soumis leur motion aux voix et obtenu 17 voix sur 25 sur la nécessité de la séparation de l’Etat et de la religion dans l’organisation de l’Irak futur.
Malgré les difficultés, des tensions et des frictions, on assiste à l’émergence progressive d’une culture de dialogue et de compromis aussi bien au sein du Conseil du gouvernement qu’au niveau des conseils municipaux. Les nouveaux média, les séminaires et conférences organisées un peu partout par des ONG, visent à inculquer à une société longtemps dominée par la violence, une culture de paix et de règlement par le dialogue des conflits d’intérêts. Cet Irak en gestation est évidemment moins médiatique et de ce fait moins connu de l’opinion publique, notamment en France.
Les dirigeants kurdes entendent jouer un rôle décisif dans la construction d’un Irak démocratique et fédéral et ils s’emploient à obtenir des soutiens internationaux aussi larges que possibles pour cette entreprise. Le Kurdistan qui bénéficie de la paix, de la stabilité, des institutions démocratiques et des infrastructures convenables, souhaite être à la fois un modèle pour l’Irak futur et une base pour les entreprises qui veulent investir en Irak. Pourvu d’une loi encourageant les investissements, le Kurdistan se dote aussi d’un aéroport international à Erbil. Inauguré symboliquement en juillet pour les vols humanitaires, l’aéroport devrait en décembre être en mesure d’accueillir des vols civils.
Pour promouvoir la cause du Kurdistan et celle de l’Irak, Jalal Talabani, leader de l’Union patriotique du Kurdistan et membre de la présidence du Conseil du gouvernement transitoire, s’est rendu successivement à Damas, à Moscou, à Paris, à Pékin, à Tokyo et à Canberra, où il a notamment été reçu par les ministres des Affaires étrangères.
De son côté, Nechirvan Barzani, le Premier ministre du gouvernement régional du Kurdistan, basé à Erbil, s'est entretenu le 2 juillet avec des responsables turcs à Ankara des questions de sécurité. M. Barzani a quitté lendemain la Turquie au terme de ses entretiens.
Cette visite est intervenue après un différend avec les Kurdes irakiens en juin 2003 qui a provoqué la fermeture pendant deux jours, par la Turquie, de son unique poste frontalier avec l'Irak. La Turquie a fermé le poste-frontière de Habur après que le parti démocratique du Kurdistan (PDK) eut empêché un groupe d'hommes d'affaires irakiens de se rendre en Turquie du fait qu'ils n'avaient pas de documents de voyage. Le PDK leur a finalement permis de passer la frontière.
M. Barzani s’est rendu ensuite à Washington, puis le 28 juillet à Tokyo où il a été reçu par le Ministre des Affaires étrangères, Yoriko Kawaguchi et les chefs d’entreprises nippones qu’il a invités à venir investir au Kurdistan. Les Japonais sont également intéressés par des projets humanitaires au profit des populations civiles kurdes et irakiennes.
Le chef de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), Jalal Talabani, a eu le 2 juillet à Damas des entretiens axés sur l'Irak avec plusieurs dirigeants syriens. M. Talabani s'est entretenu séparément avec le vice-président syrien Abdel Halim Khaddam et le numéro deux du parti Baas, Abdallah al-Ahmar, des moyens de “ renforcer les relations ” et des “ développements sur les scènes irakienne et kurde ”. Après un séjour de plusieurs jours à Damas, M. Talabani s’est rendu à Moscou où il a été notamment reçu par le ministre des Affaires étrangères, Igor Ivanov. À cette occasion, il a invité la Russie à tourner la page du passé et à jouer un rôle plus important dans la reconstruction politique et économique de l’Irak
A Paris, M. Talabani a été reçu le 15 juillet par le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin, dans le cadre « d'un dialogue régulier que la France entretient de longue date avec les partis kurdes d'Irak, l'UPK et le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) ». Il a également rencontré François Hollande, Premier secrétaire du Parti socialiste français (PS) et ont appelé « l'ensemble de la communauté internationale, notamment l'Onu » à aider les Irakiens à édifier « un nouvel Irak fondé sur la démocratie ». « M. Talabani a remercié les socialistes français pour le soutien qu'ils ont apporté depuis plusieurs années aux Kurdes irakiens dans les moments difficiles et douloureux de leur histoire sous la dictature de Saddam Hussein », a souligné le PS, dans un communiqué à l'issue de l'entretien, qui s'est déroulé au siège du PS.
L’étape chinoise de la visite de J. Talabani a surtout été de caractère informatif et diplomatique.
L'arrestation par l'armée américaine de 11 membres de forces spéciales turques au Kurdistan irakien a provoqué une véritable crise entre les deux pays, alliés de longue date au sein de l'Otan, a estimé le 7 juillet le chef d'état-major de l'armée turque, le général Hilmi Ozkok. “ Cette affaire a provoqué la plus grave crise de confiance ” entre les armées des deux pays et une véritable “ crise ” entre les deux pays, a affirmé le général à la télévision, alors qu'il recevait l'ambassadeur des Etats-Unis à Ankara Robert Pearson venu lui faire ses adieux après trois ans en Turquie.
Les soldats des forces spéciales turques, arrêtés le 4 juillet à Souleimanieh lors d'un raid musclé américain contre leur quartier-général, ont été libérés le 6 juillet au soir au terme de deux jours d'intenses contacts entre dirigeants turcs et américains. Les onze membres des forces spéciales turques sont arrivés en hélicoptère à Souleimanieh et ont repris le travail après avoir passé la nuit dans un hôtel de Bagdad pour des raisons de sécurité. “ J'ai du mal à considérer cette affaire comme un simple incident local… Ça s'est transformé en une grave crise de confiance entre les forces armées turques et américaines puis en une crise tout court ”, a déclaré aux journalistes, à Ankara, le chef d'état-major Hilmi Ozkok, qui a ajouté que “ nous accordons de l'importance aux liens turco-américains (...) mais notre honneur national et l'honneur des forces armées turques sont tout aussi importants ”, tout en rappelant que les Turcs avaient combattu “ coude à coude ” avec les Américains pendant la guerre de Corée et avaient depuis toujours été des alliés loyaux.
Selon les responsables américains en Irak les soldats turcs et plusieurs civils ont été arrêtés parce qu’ils s’apprêtaient à perpétrer des attentats dans le Kurdistan irakien. D’après la presse turque, ils sont soupçonnés d'avoir voulu organiser un attentat contre le gouverneur kurde de la ville de Kirkouk, une accusation qualifiée de “ sottise ” par le chef de la diplomatie turque, Abdullah Gul. “ Les militaires américains ont agi sur la base d'informations selon lesquelles ils [les militaires turcs] auraient pu être impliqués dans des activités troubles ”, a déclaré le porte-parole du ministère américain des Affaires étrangères, Richard Boucher. M. Boucher n'a pas voulu donner plus de détails sur la nature de ces activités, se retranchant derrière le fait que cette affaire devait faire l'objet d'une enquête conjointe américano-turque. Un autre haut responsable américain s'est contenté de rester allusif : “ Nous avions des renseignements substantiels selon lesquels ils auraient pu être impliqués dans des activités concernant des dirigeants locaux ”, a-t-il assuré sous couvert de l'anonymat. Selon des diplomates en poste au Proche-Orient, cités par AFP. l'un des détenus est un colonel turc qui a déjà été expulsé deux fois par les forces britanniques ou américaines pour “ activités suspectes ”. En avril dernier, les Américains avaient saisi d’importantes cargaisons d’armes dans un convoi “ humanitaire ” du Croissant rouge turc à destination de Kirkouk et expulsé un commando des forces spéciales turques déguisé en civil dans ce convoi. Dans la décennie 1990, les services secrets turcs ont joué un rôle aussi actif que ceux de l’Iran dans la déstabilisation du Kurdistan irakien.
Alors que le ton monte à Ankara, Washington a souligné que ce pays restait un allié “ fort ” au sein de l'Otan et un partenaire crucial pour le maintien de la stabilité dans le Kurdistan irakien. “ L'Otan est toujours forte, de même que nos relations avec tous nos alliés, y compris la Turquie ” au sein de cette organisation, a affirmé M. Boucher, qui s'est refusé à “ spéculer ” sur les conséquences possibles de cette affaire tant que l'enquête ne serait pas terminée. Il a également indiqué que cela n'empêchait pas Washington de continuer de travailler “ en coopération étroite ” avec Ankara pour “ la stabilité et la sécurité dans le Kurdistan irakien”. “ Nous sommes en contact étroit avec notre allié turc pour résoudre cette affaire. Le fait que, quand un incident comme celui-ci arrive, nous ayons toutes sortes de canaux pour parler en confiance avec nos alliés turcs de nos préoccupations et chercher à les résoudre est le signe de relations bonnes et saines ”, a-t-il insisté. Outre les contacts entre militaires des deux pays, cette affaire a été évoquée trois fois au téléphone par le chef de la diplomatie américaine Colin Powell avec son homologue turc, ainsi qu'entre le vice-président Dick Cheney et le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, a-t-il souligné.
La presse turque estimait le 7 juillet que la libération des soldats ne réglait pas pour autant la “ crise ” dans un pays où les sentiments nationalistes sont à fleur de peau dès qu'on touche à l'armée. Selon le quotidien Hurriyet, “ les Etats-Unis ont perdu même leurs plus proches amis en Turquie ”, tandis que le quotidien Radikal affirmait qu'il ne pourrait s'agir d'un simple accident et que cet incident mettait un terme à la “ relation stratégique ” entre les deux pays. Même le journal pro-islamiste Yeni Safak, proche du gouvernement du parti de la Justice et du Développement (AKP) du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, critique la gestion par le gouvernement de la crise, l'accusant de ne pas être assez ferme face aux Américains.
La détention provisoire des soldats turcs a donné lieu à des manifestations dans les rues d'Istanbul. Des nationalistes ont pris part à un sit-in devant le consulat des Etats-Unis et des affrontements ont eu lieu entre la police et d'autres manifestants qui cherchaient à pénétrer dans l'immeuble.
Cette crise grave survient quelques semaines après le vote par le Parlement du Kurdistan d’une résolution demandant le départ des quelques centaines de soldats turcs encore stationnés au Kurdistan irakien, qui n’ont plus aucune raison d’y rester si ce n’est celle d’armer et d’organiser une faction turcomane ultra-minoritaire, le Front turkmène, pour tenter de semer des troubles au Kurdistan et d’entraver la marche des Kurdes et des Irakiens vers un régime fédéral. Par ailleurs, Washington et plusieurs capitales européennes s’emploient à convaincre Ankara de décréter rapidement une amnistie permettant le retour en Turquie de la plupart des quelques 4000 combattants du PKK actuellement basés dans des camps situés sur la frontière du Kurdistan irakien et iranien afin de tourner la page de la lutte armée et d’engager un processus politique pour le règlement de la question kurde en Turquie aussi.
Cette évolution inquiète les “ faucons ” turcs qui multiplient les provocations et semblent placer leurs espoirs dans la déstabilisation du Kurdistan et de l’Irak pour précipiter le départ des Américains, objectif qui est partagé non seulement par les éléments du parti Baas entrés dans la clandestinité mais aussi par des services secrets iraniens qui agissent dans le Sud chiite.
Le fossé se creuse donc entre Turcs et Américains. Ces derniers ne s’attendaient pas à voir leurs “ alliés stratégiques ” d’hier apporter de l’eau au moulin de leurs ennemis déclarés de “ l’axe du mal ”. La libération des soldats turcs après quelques jours de détention n’a apaisé que superficiellement cette crise de confiance profonde.
Au cours de la cinquième audience du procès des anciens députés kurdes du parti de la Démocratie (DEP) - Leyla Zana, Orhan Dogan, Hatip Dicle et Selim Sadak- la Cour de sûreté de l’Etat d’Ankara N°1, a, le 18 juillet, rejeté une nouvelle fois leur demande de libération et ajourné l’audience au 15 août.
La Cour a procédé à l’audition des témoins de la défense dont Dr. Ozden Ozdemir, l’ophtalmologue qui a soigné un responsable local du PKK. Elle a pu ainsi indiquer qu’elle n’avait jamais été contactée par Orhan Dogan pour l’examen de ce patient comme l’affirment les autorités turques.
La Cour de sûreté de l’Etat a également entendu l’ancien bâtonnier du barreau de Diyarbakir, Fethi Gumus, qui a déclaré que Leyla Zana et Selim Sadak comme d’autres personnalités kurdes et défenseurs des droits de l’homme, ont effectivement rencontré des chefs de tribu pour essayer d’aplanir les conflits tribaux, mais que “ le PKK n’a même jamais été mentionné ” au cours de ces rencontres. Cinq autres témoins ont également apporté des témoignages similaires : Nevzat Kaya et Serif Gunduz, respectivement membres de la tribu Metina et de Zirka, Selahattin Acar, membre de l’Association turque des droits de l’homme, Veysi Parilti, ancien président de la section de Mardin du parti DEP et deux autres témoins encore. Ils ont tous déclaré qu’ils étaient présents aux entretiens que les députés avaient eus avec Mehmet Serif Temelli, chef de la tribu Metina. Nevzat Kaya, membre de la même tribu a ajouté que bien qu’il ait été l’adversaire politique de Leyla Zana et de Hatip Dicle, il accompagnait les anciens députés lors de cet entretien et qu’aucune référence au PKK n’avait été formulée pendant cette rencontre comme le prétend le parquet.
Les députés, qui n’ont pas pu tous s’exprimer faute de temps, ont ainsi laissé la parole à Leyla Zana qui a déclaré en leur nom qu’ils avaient mené des actions en faveur de la paix dans la région et pour arrêter l’effusion de sang. “ Notre seul choix est la voie qui conduit à la lumière. Un retour au passé n’est pas un choix : Cela nous a coûté trop de vies, d’énergie et de l’argent ” a déclaré L. Zana en ajoutant que “ cette région ne peut plus supporter de larmes, la douleur des mères, l’effusion de sang et les tombes ”
De nombreux observateurs, députés européens, responsables de plusieurs ambassades des pays européens et des Etats-Unis, de même que des responsables des partis politiques et des ONG étaient présents à l’audience. Ozan Ceyhun, député européen, élu en Allemagne et d’origine turque, a vivement critiqué le déroulement du procès et ajouté : “ Dans une période où les prévenus de l’affaire Susurluk [ndlr : affaire montrant au grand jour la collusion entre la mafia, les hommes politiques et la police en Turquie] sont en liberté, que même le président Sezer leur accorde la grâce, les trois juges qui ne libèrent pas les députés du DEP sont la honte de la Turquie. Je suis profondément déçu… Je voudrais également dire que les chances de la Turquie d’adhérer à l’Union européenne sont minces. Bruxelles attend un rapport de ma part et le fait qu’il soit en défaveur de la Turquie incombe à ces juges ”.
À la suite du procès, la Fédération Internationale des droits de l’homme (FIDH), qui avait mandaté un observateur au procès, a rendu public un communiqué : “ Le procès des anciens députés kurdes est une illustration des violations des droits de l’homme dont le peuple kurde de Turquie fait face…La liberté de l’expression et d’association reste profondément restreinte par les autorités judiciaires et publiques…Le procès illustre également la non-application des réformes légales significatives adoptées par la Turquie… ” souligne l’organisation qui demande “ la libération immédiate des députés kurdes en l’absence des raisons valables d’ajourner le procès ” et qualifie de “ parodie légale ” le nouveau procès des anciens députés.
L’audience de 15 août a suivi la même routine. Après l’audition de nouveaux témoins, la cour a remis au 15 septembre la prochaine audience de ce procès kafkaïen qui continue de susciter des réactions indignées tant en Turquie qu’en Europe. Ainsi, le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) a lancé au mois d’avril une pétition pour la “ Liberté pour Leyla Zana, Hatip Dicle, Orhan Dogan et Selim Sadak ”, en soulignant que “ l'arrestation et la condamnation d'élus pour motifs politiques constituent une atteinte grave à la démocratie ”.
Les personnes soussignées exigent la libération inconditionnelle des députés Leyla Zana, Hatip Dicle, Orhan Dogan et Selim Sadak la libération de tous les prisonniers politiques kurdes et turcs la reconnaissance des droits politiques et culturels du peuple kurde.
Premiers signataires :Patricia Adam, députée ; Sylviane Ainardi, députée européenne ; Mouloud Aounit, secrétaire général du MRAP ; Barrier Michel Conseiller Général (76) ; Barth Noëlle Adjoint au maire de Tomblanne (54) vice président de l'ANECR ; Bathias Chantal Conseiller Régional Bourgogne ; Blanchard Alain Conseiller Général ; Alain Bocquet, Président du groupe communiste à l'Assemblée Nationale ; Patrick Bloche, député de Paris (PS) ; Armonie Bordes, députée européenne LO ; Nicole Borvo, PCF, sénatrice ; Robert Bret, sénateur PCF ; Yasmine Boudjenah, PCF, députée européenne ;Danielle Bousquet, députée ; Jean Pierre Bouvet, conseiller général UMP ; Alain Callès, membre d'honneur du Forum Pour la Démocratie au Moyen-Orient ;Carin Claudine Vice président Conseil Régional Nord Pas de Calais ; Marie Arlette Carlotti, PS, députée européenne ; Chantal Cauquil, députée européenne LO ; Jacques Chantre, rescapé de Dachau, matricule 73248 ; Antoine Chassin (FASTI) ; Janine Chene, universitaire ; Philippe Chesneau, Conseiller Régional PACA ; Jean-Marc Coppola, PCF, vice-président du Conseil Régional PACA ; Jean Cordillot, conseiller régional Bourgogne ; Jean-Pierre Dufau, député (PS)Frédéric Dutoit, PCF, député ; Joël Dutto, PCF, vice-président du Conseil général 13 ; Jean Ehrard, professeur d'université ; Elmalan Mireille Maire de Pierre Benite (69) ; Patrick Farbiaz, responsable de la commission transnationale des Verts ; Jean-Jacques de Félice, président du Comité central de la Ligue des Droits de l'Homme ;Jean Ferrat, artiste compositeur ; Jacques Floch, député, ancien secrétaire d'Etat, membre de la Convention sur l'avenir de l'Europe ; Ida Friedmann, déportée à Auschwitz ; Jacques Fontaine, universitaire ; Frustie Guy , maire de Fontvieille ; Dr Bernard Granjon, président d'honneur de Médecins du Monde ; Maxime Gremetz, PCF, député ; Anne Hidalgo, 1ére adjointe au Maire de Paris ; Jean Huray, conseiller régional ; Sylvie Jan, membre du Conseil national du PCF ; Jean-Jacques Kirkyacharian, président du MRAP ; Alain Krivine, député européen LCR ; Lacombe Alain Maire de Fosses ; Arlette Laguiller, députée européenne LO ; Lebrun Jean Claude Conseiller Régional Maire de ST Laurent l'Abbaye (58) ; Emmanuelle Le Chevallier, présidente de la fédération de Paris du MRAP ; Jean-Claude Lefort, député PCF ; Gilles Le Maire, secrétaire national des Verts ; Renée Le Mignot, secrétaire générale adjointe du MRAP ; Martine Lignières Cassou, Conseiller Général députée ; Luby Yvon Maire d'Allones (72) ; Noël Mamère, député-maire, membre de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée Nationale ; Cécile Marin, universitaire (Paris 3) ; Christophe Masse, député PS ; Stéphane McAdams chercheur CNRS ; Mei Roger,Maire de Gardanne, PCF ; Thérèse Menat, présidente de l'association des déportés de la Haute Vienne ; André Métayer, président de la Délégation Rennaise Kurdistan ; Alain Olive, secrétaire général de l'UMSA ; René Ometa Vice Président CG 13 PS ; Aline Pailler, journaliste ; Plassard Jean Paul Conseiller Régional ; Sophie Roudil, secrétaire générale de Solidarité et Liberté, chargée de mission Turquie ; Rosso Georges, Maire de Rove (13) ; Sabine Salmon, présidente Femmes Solidaires ; Schiavetti Hervé - Maire d'Arles - Conseiller Général - PCF Georges Sinibaldi, président de Solidarité et Liberté, Jean Suret-Canale, universitaire (Paris VII) ; Roseline Vachetta, députée européenne LCR; Alain Vidalies, député des Landes ; Volpato Mirelle Conseillère Régionale ; Francis Wurtz, député européen PCF, président du groupe gauche unitaire européen.
Le responsable d'un parti kurde de Syrie a affirmé qu'un étudiant kurde avait été arrêté le 24 juillet dans l'enceinte de l'université à Damas alors qu'il passait ses examens. Des agents des services de la "sécurité politique" ont arrêté Massoud Hamed, étudiant en seconde année de la faculté de journalisme, alors qu'il se trouvait dans la salle d'examens, précise un communiqué, signé du secrétaire du parti kurde Yekiti, Abdel Baki Al-Youssef.
Le responsable kurde relève que cette "violation de l'enceinte de l'université a lieu alors que le régime syrien prétend mener une politique d'ouverture démocratique et d'octroi des libertés". Il affirme que cette mesure s'inscrit "dans le cadre d'une série d'arrestations menées cette année dans les rangs des étudiants kurdes dans les universités de Syrie".
Quatre associations syriennes de défense des droits de l'Homme avaient fait état, le 2 juillet, de l'arrestation de sept Kurdes le 25 juin à Damas lors d'une manifestation à l'occasion de la Journée mondiale pour la protection de l'enfance, durant laquelle ils réclamaient la nationalité syrienne. Quelques 200 enfants et une vingtaine de parents brandissant des pancartes réclamant « la nationalité syrienne ainsi que la reconnaissance des droits culturels du peuple kurde » s'étaient rassemblés à proximité du siège du Fonds de l'Onu pour l'enfance (Unicef) à Damas à l'occasion de la journée mondiale pour la protection de l'enfance, le 25 juin, mais à l'aide de matraques, les forces de l'ordre les avaient empêchés d'atteindre le siège de l'Unicef et avaient arrêté sept des adultes. Un communiqué avait été signé par les Comités de défense des droits de l'Homme en Syrie (CDDS), des Comités de défense des personnes déchues de leur nationalité en Syrie, de l'Association de défense des droits de l'Homme en Syrie et des Comités de réactivation de la société civile en Syrie demandant la libération immédiate des personnes arrêtées ainsi que celle de "tous les prisonniers d'opinion en Syrie".
La Syrie compte environ un million et demi de Kurdes, principalement dans le nord, le long des frontières avec le Kurdistan turc et irakien. Une partie d'entre eux – environ 150 000 à l’époque, probablement 300 000 aujourd’hui- ont été déchus de leur nationalité à l’occasion du recensement de 1962 et dans le cadre de la politique dite de « ceinture arabe » visant à couper et arabiser les territoires kurdes de Syrie du Kurdistan turc et irakien. Ces Kurdes déchus et leurs descendants vivent comme des paris, de véritables « sans papiers »dans leur propre pays.
La Cour européenne des droits de l'homme a condamné, le 24 juillet, la Turquie pour avoir délibérément incendié la maison d'un sympathisant du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). La Cour a estimé à l'unanimité que la Turquie avait violé les articles 3 (interdiction de la torture et de traitements inhumains et dégradants), 8 (droit au respect du domicile), 1 (protection de la propriété) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l'homme et alloué un total de 54.200 euros pour dommages matériel et moral à Celattin Yöyler.
En septembre 1994, les gendarmes avaient incendié sa maison dans le village de Dirimpinar, rattaché à la préfecture de Malazgirt, après que trois jeunes femmes, toutes trois parentes éloignées du requérant, eurent décidé de rejoindre le PKK. La Cour a estimé qu'il “ est prouvé au-delà de tout doute raisonnable que les forces de l'ordre ont délibérément incendié la maison de M. Yöyler contraignant sa famille à quitter le village ”. Une enquête ouverte après les faits s'était rapidement enlisée, les autorités judiciaires ne s'étant rendues sur place que deux ans et trois mois après avoir reçu la plainte du requérant. M. Yöyler, qui a été emprisonné à plusieurs reprises et menacé de mort à cause de ses activités politiques, avait été l'imam du village de Dirimpinar de 1966 à 1994.
Par ailleurs, la Cour européenne a, le 22 juillet, condamné Ankara pour “ torture et traitements inhumains et dégradant ” en constatant la violation de ce même article 3 de la Convention européenne, dans le cadre de trois autres plaintes [ndlr : Tepe c. Turquie, Esen c. Turquie et Yaz c. Turquie], formulées par trois ressortissantes turques, placées en garde-à-vue pour “ appartenance à l’organisation du PKK ”. La Cour européenne a décidé d’allouer des dommages et intérêts aux trois plaignantes ; 21 780 euros à Ayse Tepe, 19 000 euros à Hakime Esen et 34 000 euros à Oya Yaz.
Ankara a opté le même jour pour “ un règlement à l’amiable ” dans le cadre de deux autres affaires intentées par Ozgur Kilic et Mahmut Sunnetçi, qui accusaient les autorités policières turques de torture. Une compensation de 27 000 euros sera payée au premier et 25 000 euros à M. Sunnetçi.
Le journaliste turc Mehmet Ali Birand, passe en revue les pouvoirs du secrétariat général du Conseil national de sécurité (CNI), véritable exécutif en Turquie, dans son article publié le 22 juillet dans le quotidien anglophone Turkish Daily News. Dans l’article intitulé “ Le secrétariat général du CNI, un corps d’inspection militaire ”, le journaliste présente quelques attributs de cette fonction occupée par un militaire dont l’Union européenne demande des changements significatifs. Les autorités turques préparent dans le cadre du 7ème paquet d’harmonisation aux normes européennes des réformes de cette fonction. Voici de larges extraits de cet article :
“ Des institutions similaires existent également dans d’autres pays, cependant, aucune ne dispose de pouvoirs aussi impérieux. Dans d’autres pays, ces institutions n’exercent pas d’autres fonctions que des “ fonctions de conseil ”.
L’institution que nous avons dans notre pays opère complètement comme un corps exécutif…
L’article 9 disposant “ la distribution et le suivi des décisions du conseil des ministres sur les décisions du CNI ” par le secrétariat général du CNI, devrait être modifié. Dans le système actuel, le secrétariat général du CNI fournit l’information relative à l’application des décisions du gouvernement liées aux décisions du CNI, au président, au Premier ministre et aux membres du CNI.
L’article 13 définissant les devoirs du secrétariat général du CNI devrait être entièrement abrogé. Il devrait être remplacé par un nouvel article stipulant que le secrétariat général a le rôle de secrétariat du CNI, qui est d’“ exécuter les devoirs assignés par le CNI et par les lois ”.
Sous le système actuel, la loi édicte que le secrétariat général du CNI coordonne tous les services de la défense qui restent en dehors de la juridiction des forces armées…
Egalement dans l’actuel système, la loi dit que le secrétariat général du CNI travaille sur les mesures devant être prises en cas d’état d’urgence, décrété à la suite d’escalade d’actes de violence et de l’ordre public sérieusement troublé, déterminant les devoirs et les obligations qui devraient incomber aux établissements privés en cas d’état d’urgence, de guerre ou de situation d’après-guerre.
Il présente au Premier ministre ses propositions pour assurer la coordination en pratique.
Toujours dans l’actuel système, le secrétariat général du CNI est autorisé à prendre les mesures à la place du président, du Premier ministre et du CNI pour assurer l’application des devoirs cités à l’article 13, suivre et établir la direction de ces activités en conformité avec les directions qu’il recevra.
Dans le système actuel, les ministères, les établissements publics et les corps constitués ont l’obligation de délivrer au secrétariat général du CNI —régulièrement ou à la demande—information et documents incluant ceux qui sont classifiés de divers niveaux.
De plus, il y a une série de directives datant de 1983, qui est, des règlements qui sont estampillés CONFIDENTIEL. Avec les propositions de réformes, ces règlements CONFIDENTIEL devront être abrogés
Si vous vous dites, dans la Turquie actuelle le secrétariat général du CNI n’a pas besoin d’avoir des pouvoirs larges, alors laissez-nous tailler ces pouvoirs.
Si, d’un autre côté, vous vous dites en effet on a besoin de cela, alors laissez-nous inviter l’armée à nous gouverner. Il n’y alors pas besoin d’élections ou d’autres choses… ”
Le numéro deux du Pentagone Paul Wolfowitz s'est entretenu 20 juillet au Kurdistan irakien avec des responsables des deux principaux partis kurdes d'Irak. M. Wolfowitz a évoqué avec les dirigeants kurdes "l'évolution de la situation en Irak et l'importance du rôle kurde dans l'instauration de la démocratie dans le pays", a indiqué un responsable du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), Fadhel Mirani. Le responsable américain et ses interlocuteurs "sont convenus de l'importance de la signature par le prochain gouvernement irakien d'un accord de défense commune avec les Etats-Unis pour garantir la stabilité de l'Irak et préserver sa souveraineté et son intégrité territoriale", a ajouté M. Mirani. Selon lui, cet accord serait similaire à celui que lie les Etats-Unis à des pays comme le Japon, l'Allemagne, le Koweit et le Qatar.
Le chef du PDK, Massoud Barzani, et des responsables de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) - Jalal Talabani, se trouvant à l'étranger- ont assisté à la rencontre dans la ville de Salaheddine.
Par ailleurs, Massoud Barzani, a rejeté le 23 juillet l'idée d'une dissolution des peshmergas (combattants kurdes), estimant qu'aucune force ne pourrait décider de sa dissolution. « Les forces des peshmergas resteront tant qu'il y aura des Kurdes. Aucune force ne pourra décider de leur dissolution », a déclaré M. Barzani, cité par le quotidien al-Taakhi (Fraternité), organe du PDK. « Les peshmergas sont une source de fierté pour le peuple kurde », a ajouté M. Barzani, soulignant que ces forces « défendent actuellement l'Irak et son gouvernement après avoir défendu l'existence des Kurdes » contre le régime de Saddam Hussein.
Le 24 mai, la coalition américano-britannique avait annoncé que les Irakiens devraient avoir un permis pour porter des armes légères et que toutes les armes lourdes aux mains de groupes politiques, à l'exception des Kurdes, seraient interdites à partir du 15 juin.
Le Parlement turc a, le 23 juillet, manqué de réunir le quorum nécessaire à l'examen d'un article de loi prévoyant l'amnistie partielle de combattants kurdes, et l'ensemble du projet de loi a été renvoyé en commission. Cet article central du dispositif envisageait la relaxe totale de militants non impliqués dans des crimes, autres que l'appartenance au mouvement clandestin pro-kurde. 313 députés - sur 550 parlementaires turcs - ont voté pour, mais le parti du Parti républicain du Peuple (CHP, seul parti d’opposition au Parlement turc) a avancé que l'article revenait à une amnistie pure et simple et requérait la majorité qualifiée pour être adopté. Le vote est un revers pour le parti de la Justice et du Développement (AKP-au pouvoir), qui détient une majorité de 365 sièges au parlement : cinq de ses députés ont voté contre le projet et 53 autres étaient absents lors du vote. À la suite de cet échec, la commission parlementaire de la justice a retiré le projet de loi avant que les autres articles ne soient discutés.
L'examen entamé le 22 juillet au soir par le Parlement de ce projet d'amnistie pour les militants déposant les armes devait aider à mettre fin à près de deux décennies de conflit entre Ankara et le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
Finalement, le Parlement a adopté le 29 juillet en deuxième lecture la loi dite « de retour au foyer » qui après sa signature le 5 août par le président Sezer, est entrée en vigueur. Cependant cette amnistie conditionnelle et partielle a été rejetée par les responsables du PKK, qui ont menacé de reprendre les armes. “ La loi impose une repentance ”, avait relevé en juin un dirigeant du PKK, Murat Karayilan, selon le quotidien pro-kurde Ozgur Politika. D'après lui, le texte de loi prévoit de “ supprimer ceux qui ne se rendent pas et ne fournissent pas de renseignements ”. “ S'ils veulent l'anéantissement et le reniement, nous n'aurons plus qu'une option : une guerre pour l'honneur ”, avait-il alors affirmé.
Les autorités turques espèrent que quelque 2.000 militants pourraient demander à en bénéficier, ce qui pourrait accélérer le démantèlement du PKK. Les peines des militants impliqués dans des violences politiques devraient être réduites de moitié aux trois quarts, pour autant qu'ils livrent des renseignements sur leurs activités clandestines. Mais les hauts responsables du mouvement sont exclus de cette “ loi de repentance ”, à peine déguisée, qui est la huitième du genre adoptée à ce jour par le gouvernement turc avec des résultats très limités. La société civile turque et kurde attend une véritable loi d’amnistie permettant le retour des maquisards et des prisonniers politiques dans leur foyer pour tourner la page terrible de la “ sale guerre ” de l’Etat et de la lutte armée sanglante du PKK.
Par ailleurs, les Etats-Unis ont prévenu les combattants kurdes du PKK, repliés dans le Kurdistan irakien qu’ils doivent quitter la région, faute de quoi ils prennent le risque d'être chassés par la force. Robert Pearson, l’ambassadeur américain à Ankara a déclaré dans une interview publiée le 20 juillet dans le quotidien turc Hurriyet : “ Nous voulons qu'il ne subsiste en Irak aucune menace à l'encontre de la Turquie ”, soulignant que les Etats-Unis étaient déterminés à vider le Kurdistan irakien des combattants venus de Turquie. “ Soit ils se rendront, soit ils s'exposeront aux conséquences de leurs actes (...) L'alternative est l'usage de la force militaire. Ce sont des citoyens turcs, pas irakiens. Ils doivent rentrer chez eux, en Turquie ”, a ajouté l'ambassadeur américain. “ Nous mettons en place une stratégie pour convaincre les militants du PKK de se rendre (...) Nous travaillerons avec la Turquie sur cette question ”, a ajouté M. Pearson.
Depuis 1997, la Turquie a déployé des troupes dans le Kurdistan irakien en invoquant la défense de sa sécurité contre le PKK. Mais, selon des observateurs à Ankara, Washington souhaiterait à présent que cette présence militaire cesse. Les relations entre Washington et Ankara, alliés au sein de l'Otan, se sont tendues à la suite de plusieurs différends liés à la guerre en Irak.
Un chanteur kurde écroué pour “ propagande séparatiste ” après avoir appelé lors d'un concert à une amnistie générale en faveur des combattants kurdes de Turquie a été relâché, mais la procédure judiciaire contre lui se poursuit. “ La cassette de mon concert a été analysée par la Cour de Sûreté de l'Etat qui me poursuit, montrant bien que je n'ai pas lancé d'appel en faveur du PKK ”, a expliqué Ferhat Tunc, inculpé pour infraction à l'article 8 de la loi antiterroriste. Libéré le 16 juillet, le chanteur kurde doit néanmoins toujours être jugé.
Le chanteur avait réclamé une amnistie générale pour les combattants kurdes de l'ex-PKK (rebaptisé KADEK) pour “ que la région retrouve la paix ”. Alors que le gouvernement prépare une amnistie partielle pour les militants kurdes repentis et que le parti démocratique du Peuple (DEHAP) vient de rendre public une pétition d’un million de signatures appelant à une amnistie générale.
Des accrochages séparés dans le Kurdistan de Turquie entre des combattants kurdes du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK, rebaptisé KADEK) et l’armée turque ont fait le 6 juillet 4 morts, dont un militaire.
L'une des opérations, dans la région de Tunceli, s'est soldée par la mort d'un conscrit et trois autres soldats ont été grièvement blessés, alors qu'un combattant du PKK a été tué, selon Hurriyet du 6 juillet. Près de Bingol, deux opérations distinctes se sont chacune terminée par la mort d'un militant kurde, selon le même journal. Hurriyet rapporte par ailleurs que des violents accrochages entre membres du PKK, quittant le Kurdistan irakien pour s'établir en Iran, ont fait 31 morts parmi les forces de sécurité iraniennes et 22 parmi les combattants kurdes.