Les membres du premier gouvernement irakien de l'après-Saddam Hussein ont prêté serment le 3 septembre, alors que les Etats-Unis ont annoncé leur intention de soumettre au Conseil de sécurité une nouvelle résolution qui élargirait le mandat de l'Onu en Irak. Les ministres ont prêté serment lors d'une cérémonie au siège de la coalition dirigée par les Etats-Unis à Bagdad. La cérémonie s'est déroulée en présence notamment de l'administrateur civil américain en Irak, Paul Bremer. Vingt-trois ministres, dont une femme - une Kurde, Mme Nesrine Moustapha al-Barwari, chargée des travaux publics - ont prêté serment sur le Coran, répétant la même phrase : « Au nom de Dieu le miséricordieux, je jure par Dieu tout-puissant de faire tout mon possible pour servir et protéger l'Irak, son peuple, son territoire et sa souveraineté, et que Dieu en soit témoin ». L'unique ministre chrétien, Bahnam Zaya Boulos, en charge des Transports, a prêté serment sur la Bible. Les ministres du Pétrole Ibrahim Mohammad Bahr al-Ouloum, et du Commerce Ali Allaoui, n'étaient pas présents à la cérémonie.
Le Conseil de gouvernement transitoire irakien, désigné en juillet par les Etats-Unis, a nommé le 1er septembre ce cabinet chargé de conduire le pays jusqu'aux élections en 2004. Le gouvernement, qui ne compte pas de Premier ministre est formé de 13 Arabes chiites, cinq Arabes sunnites, cinq Kurdes, un chrétien et un Turcoman, soit exactement la même composition confessionnelle et ethnique que le Conseil. Le Conseil, dont le chiite Ahmad Chalabi a pris la présidence tournante pour un mois, demeure la plus haute autorité irakienne, et les ministres doivent lui rendre compte. Les Affaires étrangères ont été confiées au Kurde Hoshyar Zebari, jusque-là porte-parole du Conseil de gouvernement transitoire et haut responsable du Parti démocratique du Kurdistan (PDK de Massoud Barzani), les Finances au sunnite Kamal al-Gailani, le Pétrole au chiite Ibrahim Mohammad Bahr al-Ouloum et l'Intérieur au chiite Nouri Badrane. Un chrétien, Bahnam Zaya Boulos, a été nommé ministre des Transports et un Turcoman, Bayane Baqer Soulagh, à la Reconstruction et au Logement.
Il n'existe plus de ministère des Affaires religieuses, ni de la Défense, ni de l'Industrialisation militaire, considéré par les Etats-Unis comme le maître d'œuvre des programmes présumés d'armes de destruction massive du régime, ni de l'Information. Ce dernier devrait être remplacé par un Conseil de l'Information.
Le gouvernement comporte plusieurs ministères qui n'existaient pas sous l'ancien régime : les droits de l'Homme, dont le titulaire est Abdel Bassat Turki, l'Environnement, confié à Abderrahmane Sadik Karim, l'Emigration à Mohammad Jassem Khodayyir, la Technologie, à Rachad Mandane Omar, ainsi que les Travaux publics et la Jeunesse et les Sports, à Ali Faëk al-Ghabbane. Auparavant, les responsabilités de ce dernier ministère incombaient au Comité olympique, dirigé par le fils aîné de Saddam Hussein, Oudaï. Par ailleurs, l'Electricité et le Plan accèdent au rang de ministères, respectivement confiés à Ayham al-Samarraï et Mahdi al-Hafez.
Ils devront rendre compte au Conseil de gouvernement et seront assistés de conseillers choisis par la coalition militaire dirigée par les Etats-Unis. Cela a suscité des doutes sur leur marge de manœuvre même si l'administrateur civil américain Paul Bremer, qui garde la haute main sur l'Irak, a déclaré que les Américains leur transféreraient progressivement l'autorité.
Dans un esprit de compromis, les Kurdes se sont contentés de cinq portefeuilles ministériels alors que représentant plus de 25 % de la population, ils auraient eu droit à six postes. Outre Hoshyar Zebari, les autres ministres kurdes sont : Mme Nesrine Moustapha al-Barwari, chargée des travaux publics, Abderrahmane Sadik Karim, chargé de l’environnement, Mohammed Tawfik Raheem, chargé de l’industrie et des ressources minières et Abdul-Latif Rasheed, chargé des ressources d’eau.
Les dirigeants civils et militaires turcs se sont réunis le 19 septembre pour discuter du possible envoi d'une force de maintien de la paix en Irak, une idée avancée avec insistance par le gouvernement, mais qui est loin de faire l'unanimité. Selon le gouvernement, il s'agissait juste d'entendre le point de vue des militaires au sein du Conseil national de sécurité (MGK) avant une réunion du cabinet sur la question.
Le gouvernement turc, bien que ne liant pas sa décision à un feu vert des Nations unies, souhaite que les Américains convainquent le Conseil de sécurité de l'ONU de soutenir la force internationale de maintien de la paix en Irak, ce qui renforcerait la légitimité d'un déploiement turc, notamment aux yeux du Parlement qui devra au final approuver ou non une telle opération. Le gouvernement, qui veut relancer la coopération avec les Etats-Unis après le coup de froid provoqué par le refus des parlementaires d'appuyer les efforts de guerre américains, a du mal à convaincre le pays du bien-fondé de cette opération. Les députés de l'opposition sont contre, ceux de la majorité ne sont guère convaincus et 6 Turcs sur 10 y sont opposés, selon un récent sondage. Officiellement, le MGK devait étudier les rapports de missions qui se sont récemment rendues en Irak pour y évaluer la situation et entendre le point de vue des populations locales.
La majorité des interlocuteurs irakiens - à commencer par les membres du Conseil de gouvernement transitoire - se sont publiquement prononcés contre un déploiement de soldats turcs, craignant de réveiller les convoitises d'une ancienne puissance coloniale qui a occupé pendant des siècles la région. Les Kurdes irakiens sont particulièrement mécontents. La chaîne d’information turque, CNN-Turk, rapportait le 26 septembre, que la Turquie a demandé aux Américains de contrôler, au sein de la force de stabilisation de l'Irak, une portion du territoire irakien couvrant 30.000 kilomètres carrés entre Mossoul, Souleimanieh et Bagdad. Cette zone commencerait à la jonction des fleuves le Tigre et Grand Zap, au sud de Mossoul, rejoint le nœud de Altoun Kopri sur le petit Zab, entre Erbil et Kirkouk, contourne cette ville par le sud pour presque rejoindre Souleimanieh avant de descendre jusqu'à la capitale Bagdad.
Le nouveau ministre irakien des Affaires étrangères, le Kurde Hoshyar Zebari, avait estimé le 5 septembre qu'un déploiement de troupes turques ou d'autres pays voisins ne ferait qu'ajouter aux problèmes de sécurité de son pays et souhaité des troupes françaises, russes et allemandes. “ Nous ne voulons aucune implication d'aucun des voisins de l'Irak dans les opérations de maintien de la paix car chacun y a ses propres objectifs politiques ”, a déclaré le ministre. M. Zebari avait par ailleurs appelé trois pays qui se sont opposés à la guerre américaine en Irak à envoyer des troupes pour aider à stabiliser son pays. “ Je pense que l'on a besoin que des pays européens favorables à un Proche-Orient stable participent à l'internationalisation de la force ” de la coalition américano-britannique en Irak, avait-il ajouté, en soulignant que ce serait bien “ si les Français, les Russes et les Allemands par exemple y participent ”. M. Zebari affirme que son gouvernement était opposé à une présence militaire turque. “ En se déployant, les Turcs auront le moyen de poursuivre leurs objectifs politiques ce qui pourrait conduire à une déstabilisation de l'Irak… L'objectif du processus d'internationalisation est de stabiliser la situation sur le terrain mais si au bout il y a déstabilisation, il y a donc un problème ”, a souligné le ministre. Selon lui, “ le corridor pose problème ”, se référant au fait que les troupes turques auraient à traverser la zone kurde.
“ L'idée d'envoyer des soldats turcs en Irak ne bénéficie de la sympathie d'aucun groupe irakien ”, soulignait le 19 septembre le président de la confédération patronale turque (TUSIAD), Tuncay Ozilhan. “ Il semble donc peu raisonnable de penser que la présence de soldats turcs contribue à rétablir la stabilité ” dans ce pays, a-t-il ajouté.
Le gouvernement turc envisage un déploiement de 10.000 soldats, ce qui constituerait la troisième plus importante force étrangère après celle des Américains et des Britanniques. “ Bien sûr, personne ne souhaite voir des troupes étrangères dans son pays (...), mais si des troupes étrangères devaient être déployées, le peuple irakien préférerait encore que ce soient des soldats turcs plutôt que des soldats britanniques, russes, américains ou polonais ”, affirmait récemment le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gul pour qui des militaires musulmans seraient mieux accueillis par la population.
Interrogé sur la question, Colin Powell, le chef de la diplomatie américaine, reconnaît qu’“ il y a de sérieuses sensibilités (en Irak) sur la question de l'envoi de troupes turques ”.
Les Etats-Unis, qui doivent prochainement débloquer le premier volet d'un prêt financier de 8,5 milliards de dollars pour la Turquie, ont également été invités par Ankara à prendre des mesures contre les combattants du PKK, réfugiés à la frontière irano-irakienne. Washington a promis son soutien, mais pourrait refuser d'agir militairement avant février, date de l'expiration d'une offre d'amnistie faite par Ankara aux membres du PKK. Cemil Cicek, le ministre turc de la justice, a laissé entendre le 25 septembre, que ce serait le prix de la participation turque à la force internationale de maintien de la paix en Irak : “ Nous souhaitons aller (en Irak) en tenant compte de nos propres intérêts, mais en échange il est clair que nous avons une attente particulière de la part des gens avec qui nous allons coopérer ”, a affirmé le ministre, qui est également porte-parole du gouvernement, à la télévision turque NTV.
M. Cicek a affirmé que la lutte contre le PKK était une priorité pour son gouvernement et que des discussions à ce sujet avaient eu lieu avec les Américains dans le cadre des négociations sur une participation turque à la force de maintien de la paix en Irak. Toutefois “ à mon avis, certaines de ces questions n'ont pas encore été réglées de manière satisfaisante ”, a ajouté M. Cicek. “ Nous avons des difficultés à expliquer (à l'opinion publique turque) qu'on ne nous ait même pas remis deux ou trois individus dans cette région ”, a souligné M. Cicek.
Des responsables turcs et américains doivent se rencontrer les 1er et 2 octobre pour discuter des mesures à prendre. La délégation américaine à ces pourparlers, qui se tiendront dans la capitale turque, sera dirigée par Joseph Cofer Black, coordinateur pour le contre-terrorisme au département d'Etat.
Le secrétaire d'Etat américain Colin Powell s'est rendu le 15 septembre à Halabja pour un hommage aux habitants de cette localité du Kurdistan d'Irak gazée par Saddam Hussein. Après avoir fait escale dans la ville pétrolière de Kirkouk (environ 250 km au nord de Bagdad), M. Powell s'est rendu en hélicoptère à Halabja, à environ 130 km plus à l'ouest, près de la frontière iranienne, où quelque 5.000 personnes ont été tuées en 1988 lors d'un bombardement chimique perpétré par l'armée irakien, pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988).
M. Powell a été accueilli en héros par la population, qui s'est massée dans les rues, brandissant des messages de sympathie à l'égard des Américains. Puis, dans une ambiance recueillie, il a participé avec les deux leaders kurdes, Massoud Barzani et Jalal Talabani à une cérémonie à la mémoire du massacre de 1988. « Je ne vais pas vous dire que le monde aurait dû agir plus tôt, vous le savez », « ce qui s'est passé à Halabja ne doit plus jamais arriver », a dit M. Powell en présence de plusieurs centaines de représentants des familles des victimes, « Cette ville est entrée dans l'histoire pour toujours (...) Je me souviendrai toujours de Halabja », a conclu le secrétaire d’Etat américain qui est le premier dirigeant occidental à se rendre sur le site de la ville-martyre kurde.
Les anciens députés kurdes du parti de la Démocratie (DEP), Leyla Zana, Orhan Dogan, Hatip Dicle et Selim Sadak, emprisonnés en Turquie depuis plus de 9 ans, se sont présentés, le 15 septembre, devant la Cour de sûreté de l’Etat (DGM) d’Ankara pour la 7ème audience du procès, réouvert depuis le 28 mars 2003, après plusieurs condamnations unanimes de la Turquie par la Cour européenne des droits de l’homme. À l’issue de l’audience, présidée par Mme Süreyya Gönül, la cour a ajourné le procès au 17 octobre tout en refusant la libération conditionnelle de Leyla Zana, lauréate du Prix Sakharov 1995 et de ses collègues.
Le Parlement européen a vivement réagi à la position de la justice turque. Jooste Lagendijk, co-président de la Délégation à la commission parlementaire mixte UE-Turquie, a déclaré que la question des députés kurdes était devenue une plaie saignante entre l’Union européenne et Ankara, que de nombreuses lois en Turquie restaient sur le papier et que ce procès exposait ouvertement cet état de fait. “ Malheureusement, avec ce procès, la Turquie ne fait que procurer des arguments aux nombreux Européens ayant des préjugés sur la Turquie et détruit les arguments des défenseurs de la Turquie ” ajoute J. Lagendijk. Un autre député européen, Richard Balfe, a indiqué pour sa part que cette affaire prouvait non pas le vide des réformes mais un vide juridique en Turquie et qu’aucun principe juridique en vigueur en Turquie n’avait été appliqué dans cette affaire.
La presse turque relate également que le président du Parlement européen, Pat Cox, a appelé le ministre turc des affaires étrangères, Abdullah Gul, quelques jours avant l’audience pour indiquer que “ le développement du procès affectera la vision du Parlement européen sur les réformes engagées en Turquie ”. Le quotidien turc Milliyet daté du 16 septembre, titre “ Nous préférons la libération des députés kurdes ”, reprenant les propos d’A. Gul, tout en ajoutant qu’il fallait être respectueux des décisions de justice indépendante.
Leyla Zana, a, quant à elle, déclaré que les réformes d’harmonisation à l’UE n’étaient pas appliquées et que “ seules certaines choses ont changé sur le papier ”. Elle a également indiqué qu’au cours de leur rejugement, ils n’avaient exprimé que des messages de paix, de fraternité et d’amitié et que cela n’avait pas été pris en considération, mais qu’ils avaient été “ innocentés dans le cœur de la société ”. Leyla Zana a également accusé la Cour de sûreté de l’Etat de représenter le statu quo sans tenir compte des changements. “ Nous ne pouvons pas être une plante de décoration, un maquillage ou encore le carbone du passé dans les relations entre la Turquie et l’UE ” a déclaré Leyla Zana en qualifiant le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan et son parti de la Justice et du développement (AKP) de “ faux et rentiers ”. Elle a vivement critiqué le Premier ministre turc qui avait récemment déclaré “ si vous n’y pensez pas, il n’y a pas de question kurde ”.
Dans son intervention, Orhan Dogan, a déclaré à la Cour qu’ils avaient été “ victimes de violations des droits de l’homme ” le jour même du procès en dénonçant les mauvais traitements qu’ils avaient reçus lors de leur transport. En fait, des membres des forces spéciales, de la gendarmerie (JITEM) ont bousculé, molesté, fouillé, d’une façon humiliante Dogan et ses collègues lors de leur transport
Hormis les déclarations des députés, la Cour a procédé à l’audition de trois témoins à la demande du représentant de la défense, Me Yusuf Alatas. Ces derniers ont infirmé les allégations de l’accusation en déclarant que les députés avaient œuvré dans la région pour pacifier les esprits et rassembler les tribus ennemies.
Invité par la Commission des affaires étrangères et des droits de l'homme du Parlement européen, Me Alatas, a estimé le 23 septembre que le nouveau procès des députés, ouvert en mars 2003, n'était pas équitable. “ Nous avions un vrai espoir au début que ce procès soit équitable. Mais au bout de huit audiences, aucune de nos attentes ne s'est réalisée ”, a déclaré Yusuf Alatas. “ Nous ne sommes pas du tout optimistes. Il s'agit d'un procès uniquement formel, la Turquie fait semblant d'appliquer la décision de la Cour européenne des droits de l'homme ”, a poursuivi l'avocat, également entendu par la délégation à la commission parlementaire mixte UE-Turquie. M. Alatas a notamment dénoncé les difficultés rencontrées pour permettre l'audition des témoins de la défense et le fait que le refus de libérer les anciens députés, après 9 ans d'emprisonnement, n'avait même pas été justifié.
L'Union européenne devra se prononcer fin 2004 sur l'ouverture ou non de négociations d'adhésion avec Ankara.
Ankara a ordonné le 24 septembre aux autorités locales turques d'autoriser les familles kurdes à donner des prénoms kurdes à leurs enfants, un nouveau pas formel des autorités d'Ankara pour améliorer ses chances d’adhésion à l'Union européenne. Cette dernière exige de la Turquie qu'elle accorde de plus larges droits culturels à l'importante minorité kurde.
Cependant, le ministère turc de l'Intérieur précise dans sa circulaire que les noms comprenant des lettres inexistantes dans l'alphabet turc, comme les “ x, w et q ”, très largement utilisées en kurde, ne pouvaient être choisies. “ Les prénoms donnés par nos concitoyens, selon leurs traditions, qui sont formés à partir de l'alphabet turc, dans la lignée des valeurs morales (...) et qui ne sont pas offensants, ne violent pas la loi de l'état civil ”, indique la circulaire du ministère de l'Intérieur adressée aux autorités locales de tout le pays.
Répondant aux exigences européennes, le Parlement turc a adopté l'année dernière une série de lois permettant de donner un nom kurde aux enfants et le droit de diffuser et d'enseigner la langue kurde. Mais il n’y avait pas eu d’application de ses réformes sur le terrain. Des familles kurdes avaient déploré que certaines autorités locales refusent d'enregistrer les prénoms kurdes et elles avaient porté l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme.
La Cour de cassation turque a confirmé, le 29 septembre, la condamnation de l'ex-président du parti du peuple démocratique (DEHAP- pro-kurde), Mehmet Abbasoglu, et de trois autres anciens dirigeants à 23 mois de prison pour “ avoir falsifié des documents ayant trait à l'ouverture de représentations dans le pays afin de pouvoir présenter des candidats au scrutin de novembre 2002 ”. Les dirigeants du DEHAP ont été reconnus coupables de fraude pour avoir prétendu être organisés dans 63 des 81 provinces du pays alors qu'ils ne le seraient que dans six selon la justice turque. La législation turque prévoit qu'un parti politique doit être implanté dans plus de la moitié des provinces du pays six mois avant un scrutin national pour pouvoir y prendre part. Plus concrètement l’acte d’accusation reprochait au DEHAP soit de ne pas avoir de contrat immobilier du parti, ou encore dans certains districts l’absence d’extraits de casier judiciaires d’au moins sept personnes nécessaires pour la reconnaissance d’implantation du parti, ou encore l’absence de pièces d’identité. La Cour de cassation qui a l’habitude d’instruire entre 6 mois et un an pour les procès avec arrestation et jusqu’à 2 ans pour les procès sans arrestation, surprend par sa célérité en mettant à son ordre du jour ce procès, 4 mois seulement après le pourvoi.
Le DEHAP est depuis longtemps sur la sellette en Turquie où la justice envisage de l'interdire pour “ liens présumés avec les rebelles kurdes ”. Le DEHAP, implanté surtout dans les provinces kurdes, a été fondé en 1997 par d'anciens partisans d'un autre parti pro-kurde, le HADEP, qui craignaient à l'époque de voir leur parti interdit par la Cour constitutionnelle pour “ liens organiques ” avec le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan). Le HADEP, qui n'a pas pris part aux élections de novembre, de peur d’être interdit au cours de la période éléctorale, mais qui avait appelé ses adhérents à voter DEHAP, a effectivement été interdit en mars 2003. Le DEHAP quant à lui a obtenu près de deux millions de voix aux élections, soit 6,2 % des suffrages, moins que les 10 % nécessaires pour prétendre à une représentation au parlement. Depuis lors, les pressions sur le DEHAP se sont multipliées.
Pour parer à une éventuelle interdiction de leur parti, plusieurs partisans du DEHAP viennent d'ailleurs de fonder un nouveau parti, le parti de la Libre société (Ozgur Toplum Partisi).
La Commission européenne s'est inquiétée des conséquences du verdict de la Cour de cassation turque. “ Nous allons analyser cet arrêt de très près, car il pourrait avoir des conséquences non négligeables pour le système politique en Turquie, qui iraient au-delà du cas en question ”, a déclaré, le 29 septembre, à la presse Jean-Christophe Filori, le porte-parole du commissaire européen à l'élargissement Guenter Verheugen. “ La Commission espère vivement que cet arrêt ne compromettra pas le processus de réforme engagé en Turquie, poursuivi avec vigueur par le présent gouvernement ”, a ajouté M. Filori. “ La Commission rappelle que tout doit être mis en œuvre pour que les réformes engagées soient traduites en actes ”, a-t-il également indiqué.
L’arrêt de la Cour de cassation turque risque par ailleurs de provoquer une crise politique ouverte en Turquie selon les observateurs. Il pourrait par ricochet entraîner de nouvelles élections législatives, ou modifier la répartition des sièges au sein du Parlement au détriment de l'AKP (actuellement 367 sur 550 sièges), le parti porté au pouvoir en novembre 2002 après une nette victoire électorale.
Le parti de la Juste Voie (DYP ) s’est basé sur ce verdict pour saisir le Haut conseil électoral (YSK) et demander une révision de la répartition des sièges à l'Assemblée nationale. Le DYP avait en effet obtenu 9,5 % des suffrages, soit à peine moins que les 10 % nécessaires pour obtenir des sièges au parlement. Il demande l'invalidation des quelque deux millions de voix étant allées au DEHAP et un nouveau calcul de la participation électorale ce qui lui permettrait alors, selon les spécialistes, de prétendre à 66 sièges au parlement.
Tarham Erdem, un analyste politique, comme beaucoup d’autres journalistes, affirme que “ l'ombre de la fraude plane désormais sur le parlement ”, et appelle les députés à convoquer de nouvelles élections. Le président du parlement Bulent Arinc, un membre du parti de la Justice et du Développement (AKP), au pouvoir, a pour sa part exclu toute remise en question du résultat des législatives, estimant qu'il serait impossible de redistribuer les sièges.
Au YSK, une commission de sept juges, pourrait soit invalider les élections, soit invalider uniquement les près de deux millions de voix obtenus par le DEHAP, soit maintenir le résultat des élections ou encore demander au parlement de statuer sur la question, selon les experts. Selon un ancien vice-président du l'YSK, Sabri Coskun, la décision de justice ne saurait remettre en cause le résultat des élections, la condamnation étant prononcée à l'encontre d'anciens dirigeants du DEHAP plutôt qu'à l'encontre du parti lui-même.
En cas de redistribution des sièges parlementaires, l'AKP qui dispose actuellement de 367 sièges (sur 550) pourrait en perdre 44 et le principal parti d'opposition, le parti républicain du peuple (CHP, 175 sièges) en perdre 22 au profit du DYP. Mais, l'AKP a déjà fait savoir qu'il convoquerait de nouvelles élections en cas de redistribution de sièges au profit du parti de la Juste Voie (DYP).
Par ailleurs, la Cour constitutionnelle turque devrait se prononcer sur l’affaire du parti pro-kurde HADEP, dissout par la justice turque sur la base de l’article 8/1 de la loi anti-terreur turque, aujourd’hui abrogé dans le cadre des efforts d’harmonisation pour l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Sept de ses dirigeants ayant été condamnés sur la base de cet article, le HADEP avait été par voie de conséquence interdit et 46 membres du parti avaient été interdits de la vie politique. Ces derniers ont donc saisi la Cour constitutionnelle en évoquant l’abrogation de l’article 8/1.
Pleurs et cris de vengeance se sont mêlés le 2 septembre à Nadjaf, où plus de 100.000 personnes ont assisté aux obsèques du chef religieux chiite Mohamed Bakr al Hakim, victime d'un attentat à la voiture piégée aux portes de la mosquée de la ville sainte. La foule bouleversée se frappait la poitrine en signe de deuil derrière le cercueil d'Hakim, conduit sous un soleil de plomb vers le tombeau de l'imam Ali, là où l'attentat, juste après la grande prière du vendredi, a tué l'ayatollah et au moins 82 autres personnes.
L'attentat du 29 août a profondément choqué la communauté chiite, qui représente 60 % de la population irakienne et fut persécutée par le parti Baas sous le règne du président Saddam Hussein, chassé du pouvoir au printemps dernier. Il s'agit du deuxième attentat perpétré en une semaine contre un haut représentant du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), une instance qui est soutenue par les religieux chiites iraniens et a choisi de coopérer avec les forces américaines en Irak.
Le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII) a élu à sa tête le numéro deux du mouvement, Abdel Aziz Hakim, qui succède à son frère, l'ayatollah Mohammad Baqer Hakim, a indiqué le CSRII le 3 septembre. Abdel Aziz Hakim représente le CSRII au sein du Conseil de gouvernement transitoire irakien.
Quelques semaines plus tard, le 25 septembre, une autre personnalité chiite de premier plan, Mme Akila al-Hachimi, l'une des trois femmes siégeant au Conseil du gouvernement transitoire, est décédée après avoir été grièvement blessée par balles le 20 septembre par des inconnus près de son domicile à Bagdad. Une centaine de fidèles se sont rassemblés le 26 septembre pour une cérémonie religieuse au siège du Conseil. Des personnes en pleurs accompagnaient le cercueil enveloppé d'un drapeau irakien et des prières ont été récitées. Les mesures de sécurité autour du siège du Conseil ont été renforcées, et des soldats américains, britanniques, australiens et népalais surveillaient les alentours.
Le Conseil a, le 26 septembre, rendu un dernier hommage à Akila al-Hachimi, en la saluant comme "un martyr sur la voie de la lutte pour la liberté et la démocratie". "Nous réaffirmons notre engagement à continuer sur la même voie et nous avancerons avec détermination et nous emploierons à remplir les objectifs de notre nation", a indiqué le Conseil dans un communiqué.
Par ailleurs, le conseil de gouvernement transitoire irakien a, le 23 septembre, annoncé « des mesures sévères et dissuasives » à l'encontre des chaînes satellitaires arabes Al-Jazira et Al-Arabiya. Le chef de la commission de sécurité, Iyad Allaoui, avait accusé ces chaînes satellitaires d'inciter à la liquidation de membres du conseil, dans un communiqué publié après l'attentat contre Mme Akila Al-Hachimi. « Les chaînes satellitaires arabes, notamment Al-Jazira et Al-Arabiya, diffusent des images de criminels cagoulés qui incitent à liquider des membres du conseil, ce qui constitue un encouragement aux actes terroristes dont le dernier (…) contre Akila al-Hachimi », avait-il affirmé.
Les responsables américains avaient été également très critiques à l'encontre des chaînes satellitaires arabes qui donnent une grande place aux attaques anti-américaines, servent de tribune aux anciens dirigeants irakiens et diffusent des enregistrements attribués à Saddam Hussein.
La vague d’attentats attribués aux réseaux baasistes et islamistes tente de s’étendre aux Kurdistan où pourtant la police est connue pour son efficacité et sa vigilance. Ainsi le 10 septembre à Erbil, un enfant de quatre ans a été tué et une cinquantaine de personnes blessées, dont six membres du Pentagone, dans un attentat suicide à la voiture piégée. Selon un responsable de la sécurité kurde, l'explosion s'est produite devant un ensemble de villas louées par le Pentagone pour son personnel. Parmi les blessés figurent surtout des femmes et des enfants, dont une dizaine grièvement, selon des sources hospitalières.
Une semaine plus tôt, le 3 septembre, trois islamistes présumés avaient été arrêtés dans la métropole pétrolière kurde de Kirkouk (250 km au nord de Bagdad) par l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) en possession d'explosifs. Ils ont avoué préparer des attentats et révélé l'emplacement de 1.200 kg d'explosifs dans des conteneurs d'ordures, a indiqué un responsable de l'enquête. L'un des conteneurs avait déjà été placé sous un pont de Kirkouk et les deux autres étaient encore à bord de camions-poubelles en vue d'un attentat dans un endroit passant à Kirkouk et d'une tentative d'assassinat contre le chef de l'UPK Jalal Talabani à Souleimaniyeh. Les détenus sont soupçonnés d'appartenir "à un très vaste réseau terroriste", qui serait impliqués dans les attentats qui ont visé le siège des Nations unies à Bagdad le 19 août et Najaf le 29 août. Un des suspects a avoué appartenir au groupe islamiste radical Ansar al-Islam, selon les enquêteurs.
Pendant ce temps, la mise en place des forces de sécurité irakiennes progresse. Un nouveau contingent de 250 policiers irakiens a achevé le 4 septembre une formation accélérée. La coalition américano-britannique veut porter les effectifs de la police à 65.000 et 70.000 membres, contre 40.000 actuellement.
” À l’occasion du 23 ème anniversaire du coup d’Etat militaire du 12 septembre 1980, Mehmet Altan, universitaire et journaliste au quotidien turc Sabah, se remémore le bilan et les conséquences de cette intervention militaire qui perdure en Turquie avec la Constitution de 1982, héritière du coup et aujourd’hui principal obstacle aux libertés fondamentales. Dans son article daté du 13 septembre, le journaliste dénonce l’ingérence de l’armée dans la vie académique sous le titre de “Attachons le Haut conseil de l’enseignement (YOK) à l’armée de terre… ”. Voici de larges extraits de cet article :
“ Hier, c’était le 23ème anniversaire du coup d’Etat militaire du 12 septembre. Le bilan de ce coup d’Etat nous est revenu en mémoire. “ 650 000 personnes ont été placées en garde-à-vue et torturées. 2 000 000 de personnes ont été fichées et torturées. 230 000 autres ont été jugées par les tribunaux d’exception d’état de siège. 98 000 personnes ont été poursuivies pour appartenance à une organisation et la peine de mort a été requise contre 7 000 personnes. Les journalistes ont été condamnés à 3 315 ans de prison au total. 14 personnes sont mortes à la suite de la grève de la faim et 171 autres à la suite des tortures subies. 144 autres ont perdu la vie dans des conditions douteuses. Et 50 personnes ont été condamnées à la pendaison et exécutées ”. Parmi ces derniers, il y avait Erdal Eren, âgé de 17 ans, vieilli délibérément. Kenan Evren, pour cette décision problématique avait déclaré “ Vous voulez ne pas les pendre mais les nourrir ? ”…
Le coup d’Etat du 12 septembre a redoré le blason du régime de parti unique en Turquie… Le 12 septembre a mis la camisole au pluralisme, à la démocratie et aux droits individuels. Grâce à l’Union européenne, on n’aperçoit qu’aujourd’hui cette camisole.
Le secrétariat général du Conseil de sécurité nationale (MGK) recommande à l’Etat de faire une opération psychologique contre son peuple… Et cette circulaire est en vigueur depuis 20 ans… malgré les nombreux gouvernements qui se sont suivis et une grande société…
Lors de son allocution pour la rentrée judiciaire, le président de la Cour de cassation, Eraslan Ozkaya, faisait cette constatation sur la Constitution de 1982 produit de ce coup d’Etat. “ La Constitution de 1982 a fait objet de nombreux changements positifs jusqu’aujour’hui, plus de 30 articles de son préambule ont été révisés. Cependant, ces révisions demeurent non seulement insuffisantes mais ont également provoqué des incompatibilités avec les articles restants. C’est pour ces raisons que les problèmes constitutionnels de la Turquie demeurent. Conçue par une conception autoritaire de l’Etat, cette Constitution ne peut subir que des améliorations limitées. C’est pourquoi, cette Constitution de 1982, source de nombreux problèmes, devrait être complètement révisée ”.
Une des institutions de cette Constitution de 1982, élaborée par une “ conception autoritaire de l’Etat ”, selon les remarques du président de la Cour de cassation, Ozkaya, est le controversé Haut conseil de l’enseignement (YOK)…
Quelques jours avant le 20ème anniversaire du coup d’Etat militaire du 12 septembre, nous avons été informés que le commandant en chef de l’armée de terre, Aytaç Yalman a invité le président du YOK et quelques autres recteurs pour discuter des esquisses du projet de loi relatif au YOK. Le commandant en chef de l’armée de terre, après avoir précisé qu’il allait porter la question à l’ordre du jour du Conseil de sécurité nationale (MGK), a suggéré aux recteurs de “ mettre en valeur les cérémonies d’ouverture ” et de “ donner des messages”…
Dans un des journaux d’hier, il y a donc eu des détails de cette rencontre…Et on a écrit à quel point les parties étaient d’accord…
En 2003, il n’y a que le YOK qui ne trouve aucun inconvénient au fait que le commandant en chef de l’armée de terre intervienne dans la discussion de la nouvelle organisation du Haut conseil de l’enseignement.
(…)
Dans les pays membres de l’Union européenne, peut-on voir l’intervention d’un commandant en chef de l’armée de terre dans les discussions académiques entre le gouvernement et l’Université ? Est-ce conforme aux lois universelles, à la liberté de pensée ou encore à l’autonomie académique ?
À la question posée les universités se taisent.
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Si on doit rester sur ce point, je suggére que l’on attache le YOK à l’armée de terre. Au moins ce serait plus clair…”
Le « dinar suisse », en circulation dans le Kurdistan irakien, aura cours dans l'ensemble de l'Irak à la mi-octobre, remplaçant celui portant l'effigie de Saddam Hussein, a annoncé le 12 septembre le ministre de la Planification Mahdi al-Hafez. « A partir du 15 octobre, le « dinar suisse » remplacera celui portant l'effigie de Saddam Hussein », a indiqué le ministre irakien, sans préciser son taux.
Contrairement à son nom et à la croyance des Irakiens, le « dinar suisse » n'est pas imprimé en Suisse mais en Grande-Bretagne et en Russie. Il est entré en circulation en 1941 et ses coupures portent des monuments historiques et des sites géographiques.
Le régime de Saddam Hussein avait commencé à imprimer, voire photocopier, des dinars localement en raison des sanctions internationales imposées au pays après son invasion au Koweït en 1990. Il faut actuellement quelque 1.500 de ces dinars pour acheter un dollar.
Le chancelier allemand Gerhard Schroeder a expressément appuyé, le 2 septembre, la candidature controversée de la Turquie à l'Union européenne, félicitant Ankara pour ses “ progrès ” dans les réformes, à l'issue du premier déplacement à Berlin du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. Ce nom “ est associé à des progrès, pour lesquels j'exprime mon grand respect ”, a dit le chancelier, à l'issue de sa première rencontre à Berlin avec M. Erdogan en tant que Premier ministre. “ Je suis assez convaincu que le processus engagé va grandement aider la Turquie à réaliser son vœu, à savoir devenir un jour un membre à part entière de l'UE ”, a ajouté M. Schroeder. “ Les attentes (des Turcs) ne peuvent pas et ne doivent pas être déçues ”, a assuré Gerhard Schroeder.
“ L'Union européenne n'est pas une communauté culturelle, religieuse ou géographique ”, a dit pour sa part le Premier ministre turc. “ C'est une communauté de valeurs ”, a-t-il plaidé, mettant en avant “ les nombreux ensembles de réformes importants ” adoptés par Ankara.
Les Quinze, très divisés sur une adhésion de la Turquie à l'UE, avaient annoncé lors du sommet de Copenhague en décembre 2002 qu'ils décideraient fin 2004 de l'opportunité d'entamer des négociations avec Ankara en fonction de l'avancée démocratique de ce pays. L'intégration de la Turquie divise toutefois l'UE, notamment à cause de la situation des droits de l'Homme dans ce pays, objet de critiques régulières. Signe de cette méfiance : la justice allemande a rejeté la semaine dernière l'expulsion du Turc Metin Kaplan, chef de l'organisation islamiste interdite Hilafet Devleti, craignant que la procédure judiciaire en Turquie ne soit pas conforme aux principes de l'Etat de droit. Les deux hommes ont par ailleurs vivement critiqué le parti conservateur allemand bavarois CSU, qui veut faire campagne sur le refus de voir la Turquie rejoindre l'UE lors des élections européennes de 2004. “ C'est une polémique de caniveau ”, a jugé le chancelier. Mais, le Premier ministre turc a, lui-même, lancé une polémique, lorsqu’il a affirmé à une question posée par l’ambassadeur allemand à Ankara, qu’un homme avait le droit d’avoir jusqu’à quatre épouses si celles-ci étaient malades ou handicapées.
Sur le plan bilatéral, le Premier ministre turc a réitéré son intérêt pour les chars allemands Leopard-2. Berlin avait adopté une réglementation sur les armes introduisant pour le pays acquéreur le respect des droits de l'Homme comme l'un des critères à respecter. “ Nous ne pouvons pas accepter qu'un pays qui va être membre de l'UE et se prépare à des négociations se voie ainsi imposer des restrictions pour les exportations d'armes ”, a déclaré M. Erdogan au journal économique allemand Handelsblatt.
Osman Ocalan, membre du Conseil du commandement du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), rebaptisé Congrès de la démocratie et de la liberté pour le Kurdistan (Kadek), a, le 4 septembre, menacé, de renouer avec la guérilla après une trêve de quatre ans, si la Turquie ne convenait pas d'une “ feuille de route ” pour résoudre le problème kurde. “ La guerre, cette fois, ne sera pas traditionnelle et c'est la Turquie qui assumera la responsabilité de pertes civiles éventuelles ”, a affirmé au journal arabe Al-Hayat Osman Ocalan. “ Notre parti est tout à fait prêt à mener de grandes attaques dans les différentes villes et gouvernorats et ne se contentera pas de lutter dans les montagnes et les villages comme il le faisait au début des années 1990 ”, a-t-il ajouté au lendemain de l'annonce de la fin du cessez-le-feu unilatéral décidé en 1999 par le PKK.
M. Ocalan, interviewé dans son fief dans les montagnes Qandîl du Kurdistan irakien, à la frontière entre l'Irak et l'Iran, a estimé que le seul choix de la Turquie pour éviter la guerre était de convenir d'une “ feuille de route ” pour résoudre pacifiquement le problème kurde. Ce plan de paix stipulerait un cessez-le-feu bilatéral, le transfert de son frère, Abdallah Ocalan, condamné à perpétuité et détenu dans l'île d'Imrali, “ où l'humidité nuit à sa santé ”, et la dissolution des “ forces de protection des villages ”, mises sur pied par le gouvernement turc. M. Ocalan a par ailleurs reconnu avoir à deux reprises eu des contacts non officiels avec des responsables américains, qu'il n'a pas identifiés, dans le but de “ faire connaissance ”.
Il a affirmé que les Américains n'avaient pas demandé à son parti d'abandonner les armes. “ Les Américains autorisent tout le monde à travailler (NDLR : politiquement) en Irak tant qu'ils restent loin de la violence ”.
En annonçant le 1er septembre la fin de cette trêve unilatérale, le PKK n'avait pas pour autant appelé ses militants à renouer avec la guérilla qui a fait plus de 36.000 morts depuis 1984.
Par ailleurs, depuis le 29 juillet, date d'entrée en vigueur de la loi d'amnistie partielle, huitième du genre depuis le début du conflit en 1984, offerte aux repentis d'organisations clandestines armées, y compris ceux du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK-rebaptisé KADEK), huit militants kurdes seulement sont arrivés d'Irak au poste frontière voisin, témoignant du peu de succès de l'opération.
Trois “ centres de réhabilitation ” mis en place en août dernier dans le pays pour les repentis restent désespérément vides. La loi d'amnistie, appelée “ loi de repentis ”, propose aux militants de groupes armés, dans le meilleur des cas un pardon, mais le plus souvent de simples remises de peine et seulement au cas où ils fourniraient aux autorités des informations sur leurs activités. Selon les derniers chiffres officiels, un total de 2.138 personnes - en majorité des membres du PKK, mais aussi des militants de groupes armés de gauche - ont demandé à bénéficier de la loi d'amnistie. Mais 1.927 d'entre eux sont déjà en prison, et espèrent seulement obtenir ainsi une réduction de peine. Selon les autorités, un total de 211 militants du PKK se sont rendus - dont huit venant des maquis irakiens et qui se sont présentés au poste frontière d'Habur.
Les dirigeants de l'organisation sont exclus de l'offre d'amnistie et les “ repentis ” de base risquent de passer aux yeux de la population comme des “ collaborateurs ” puisqu'ils leur faut fournir des renseignements aux autorités. Pour le parti pro-kurde de la démocratie (Dehap), principale formation pro-kurde du pays, la loi est un “ fiasco total ”. “ Au lieu de proclamer des lois de remise de peine, l'Etat devrait plutôt travailler à une amnistie générale qui concernerait tous les membres du PKK ”, y compris leur chef Abdullah Ocalan qui purge depuis 1999 une peine de prison à vie, selon Tuncer Bakirhan, le président du Dehap. Pour le chef de ce parti, menacé d'interdiction par la justice turque en raison de liens présumés avec le PKK: “ Pas un seul rebelle n'est descendu de sa montagne jusqu'à présent ”.
Pour le président de l'Association turque des droits de l'Homme (IHD), Husnu Ondul, seule une amnistie qui comprendrait les cadres du PKK est susceptible de mettre fin à la lutte armée.
La section de l’Association turque des droits de l’homme à Diyarbakir (IHD), a, le 11 septembre, rendu public le bilan du mois d’août des violations des droits de l’homme dans la province de Diyarbakir. L’association a affirmé que les violations des droits de l’homme enregistrées pour le seul mois d’août dépassaient le bilan de toute l’année 2002. L’année 2002 enregistrait 14 morts alors qu’il y a eu 17 morts en août 2003. Ce bilan s’établit comme suit :
L’ANCIEN MINISTRE IRAKIEN DE LA DÉFENSE S’EST RENDU AUX AMÉRICAINS APRÈS DES NÉGOCIATIONS
Sultan Hachim Ahmed, l'ancien ministre irakien de la Défense, numéro 27 sur la liste des 55 Irakiens les plus recherchés par les Américains, s'est rendu le 19 septembre dans la ville de Mossoul après plusieurs semaines de négociations avec des responsables kurdes qui l’ont remis aux Américains en lui garantissant la vie sauve. Les Etats-Unis ont bon espoir que Sultan Hachim Ahmed leur fournisse des informations de taille sur les programmes d'armement du président irakien déchu Saddam Hussein. DES RESPONSABLES POLITIQUES PRO-KURDES ET DES MUSICIENS PLACÉS EN GARDE-À-VUE POUR AVOIR PARTICIPÉ À UN FESTIVAL KURDE EN ALLEMAGNE
Les présidents de deux partis pro-kurdes, présentés le 23 septembre à une cour de sûreté de l'Etat à Ankara, seront jugés, avec trois musiciens, pour “ aide à une organisation illégale armée ” en raison de leur participation à un festival kurde en Allemagne. Les présidents du Dehap (parti du peuple démocratique), Tuncer Bakirhan, et du parti Ozgur Toplum (parti de la libre société), Ahmet Turan Demir, ont été entendus pendant six heures, après avoir passé plus de 36 heures en garde-à-vue. Le procureur avait demandé qu'ils soient incarcérés jusqu'au procès, mais le tribunal les a libérés dans l’après-midi. “C'est un événement malheureux ”, a déclaré M. Demir à sa sortie du tribunal, dénonçant “ un pays où d'un côté on promulgue des lois d'harmonisation (avec les critères démocratiques européens) et de l'autre ce genre d'incidents perdurent”. Ils sont accusés d'avoir aidé les combattants kurdes de Turquie en participant à un concert donné en Allemagne il y a 10 jours par une association culturelle kurde soupçonnée de soutenir le parti des travailleurs du Kurdistan (rebaptisé Kadek). Un chanteur de rock célèbre, Haluk Levent, et ses deux musiciens, seront également jugés pour s'être produits lors de cette manifestation où des spectateurs avaient brandi des pancartes favorables au PKK et à son chef emprisonné, Abdullah Ocalan. Le chanteur Haluk Levent a déploré que “ dans ce pays, ce soit la police qui vienne chercher chez eux les gens invités à déposer devant la justice ”, ajoutant qu'il n'avait “ aucune arrière-pensée séparatiste ” en participant au concert. Par ailleurs, dans la matinée, quinze membres du parti pro-kurde Dehap, parmi lesquels le président de la branche régionale, ont été interpellés le 23 septembre à Urfa. Les membres du Dehap (parti du Peuple démocratique) tenaient une conférence de presse devant les locaux du parti dans le centre ville, en présence de 150 personnes, mais la police a jugé ce rassemblement contraire à la législation sur les manifestations. TROIS COMBATTANTS DU PKK TUÉS LORS D’UNE OPÉRATION À TOKAT
L’armée turque a le 23 septembre annoncé que trois combattants du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK, rebaptisé Kadek) avaient été tués au cours d'une opération de l'armée turque dans la région de Tokat, centre du pays, qui ne connaît habituellement pas ce genre d’opération. Selon les officiels, les trois hommes n'ont pas obtempéré à l'ordre des gendarmes de se rendre et ont été abattus. Aucune précision n'a été donnée sur la date de cet incident. Les responsables du PKK avaient annoncé le 1er septembre qu'ils entendaient mettre terme à quatre années de trêve unilatérale en raison du refus d'Ankara d'engager avec eux un dialogue politique. ABDULLAH OCALAN PROTESTE CONTRE SES CONDITIONS DE DÉTENTION EN REFUSANT SES PROMENADES QUOTIDIENNES ALORS QUE LA COMMISSION PARLEMENTAIRE DES DROITS DE L’HOMME SE PRONONCE POUR SON TRANSFERT
Abdullah Ocalan a décidé de refuser les promenades quotidiennes pour protester contre ses conditions de détention et exiger un contact plus régulier avec ses avocats, ont indiqué ses défenseurs le 30 septembre. Il renoncera à ses deux heures de sortie (dans une enceinte murée de quatre mètres carrés avec grillage en guise de plafond) et ses avocats n'essaieront pas de se rendre à l'île-prison d'Imrali (sud d'Istanbul), ont-ils déclaré lors d'une conférence de presse. Maîtres Hatice Korkut et Behiç Asçi ont rappelé que l'isolement complet du chef du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan, rebaptisé Kadek), arrêté au Kenya et incarcéré durait depuis près de cinq ans et nuisait à sa santé. Selon eux, l'autorisation de le rencontrer une fois par semaine pendant une heure est réduite dans les faits à une heure par mois en raison de prétextes “difficiles à croire ”, tels météorologie peu clémente ou pannes de bateau. Ils ont également dénoncé le fait que le ministère de la Justice ait refusé de leur communiquer le rapport médical rédigé à la suite de la visite de six experts, et de préciser si un traitement avait été recommandé. Toutefois, la requête des avocats du détenu demandant le transfert dans un établissement pénitentiaire de haute sécurité de la capitale a reçu un accueil favorable de la Commission parlementaire des droits de l'Homme, écrit, le 13 septembre le journal turc Cumhuriyet (République). “ Notre commission a inspecté récemment la prison de Sincan (banlieue d'Ankara) et l'a trouvée convenable, sinon le transfert pourrait aussi se faire vers un autre établissement”, explique dans le journal le vice-président de cette commission, Cavit Torun. “ Il est question de trouver une solution autre que l'isolement (d’Abdullah Ocalan) ”, a indiqué M. Torun, “ car la prolongation de l'état d'isolement peut s'avérer contre-productive ”. Selon ses avocats, le leader du PKK souffre de difficultés respiratoires et de sinusite, de malaises cardiaques et de problèmes rénaux, et ils réclament un contrôle médical “ indépendant ”. Par ailleurs, six membres du parti pro-kurde DEHAP, dont le dirigeant de la branche régionale du parti, ont été arrêtés le 19 septembre à Gaziantep pour avoir protesté contre les conditions de détention d’Abdullah Ocalan. Les personnes arrêtées sont accusées “ d'assistance à une organisation illégale ”. Quatre autre personnes ont été interpellées le même jour à Tunceli pour avoir organisé une grève de la faim au siège du parti pour protester contre les conditions de détention d'Ocalan. SEIZE OPPOSANTS KURDES IRANIENS, SOUS LA PROTECTIONS DU HCR EN TURQUIE, ONT ÉTÉ REMIS À TÉHÉRAN PAR LES AUTORITÉS TURQUES
Un parti d'opposition kurde iranien a accusé le 8 septembre la Turquie d'avoir remis 16 opposants Kurdes iraniens au gouvernement de Téhéran et de mettre ainsi leur vie en péril. “ Les Turcs ont remis au (gouvernement) iranien 16 Kurdes iraniens qui étaient actifs dans le passé au sein de l'Union des révolutionnaires du Kurdistan (URK) et du Parti démocratique du Kurdistan d'Iran (PDKI), en vertu d'un accord entre les services de renseignements des deux pays ”, a déclaré à Erbil, au Kurdistan irakien, le porte-parole de l'URK, Hussein Yazdanpana. “ Cela met leur vie en péril ”, a-t-il déclaré, affirmant que deux dissidents remis par la Turquie à la République islamique d'Iran avaient été exécutés en janvier et novembre 2002. M. Yazdanpana s'exprimait au lendemain de la publication par son organisation d'un communiqué dans la ville kurde d'Erbil, accusant les autorités turques d'avoir transféré un nombre de Kurdes iraniens d'un camp de réfugiés à Van vers une zone frontalière de l'Iran en prévision de leur expulsion en République islamique. Selon le communiqué, les Kurdes iraniens étaient enregistrés auprès du Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) et vivaient à Van d'où ils avaient l'intention de partir vers un pays tiers. M. Yazdanpana a accusé le HCR de n'avoir pas empêché cette expulsion et exhorté les organisations de défense des droits de l'Homme à intervenir pour protéger les quelques 1.500 Kurdes iraniens réfugiés dans le camp. |