Les tensions interconfessionnelles s’aggravent en Irak depuis l'attentat à la bombe commis le 22 février contre la Mosquée d'Or de Samarra, haut lieu du chiisme irakien. Cet attentat a plongé l'Irak dans un cycle de représailles entre chiites et sunnites. Le bilan des émeutes et des attaques ciblées entre membres des deux communautés est difficile à établir. Les autorités irakiennes et américaines contestent qu'il y ait eu plus de 200 morts alors que certains annoncent 379 personnes tuées lors des heurts interconfessionnels. Le 25 février, après quatre jours de tension, le ministre irakien de la Défense, Saadoun al Doulaïmi, avançait un bilan de 119 civils tués. Le président, George W. Bush, a téléphoné le 25 février à des leaders irakiens de toutes confessions pour les encourager à « continuer à travailler ensemble afin de déjouer les efforts des auteurs des violences ». « Etant donné l'importance historique, culturelle, et religieuse de ce sanctuaire, cet attentat est un crime contre l'humanité », ont déclaré l'ambassadeur des Etats-Unis à Bagdad, Zalmay Khalilzad et le général George Casey, commandant des forces américaines en Irak. L’ambassadeur américain, fortement impliqué dans les tractations en vue de former un gouvernement irakien d'unité nationale, a reconnu que les Irakiens étaient « passés au bord de la guerre civile » à la suite de l'attentat mais « les choses s'améliorent ». De son côté, l'envoyé de l'ONU en Irak Ashraf Qazi a offert l'assistance de l'ONU pour la reconstruction du mausolée chiite détruite lors de l’attentat. « La destruction du mausolée des deux imams est une tragédie consternante. C'est un acte sacrilège. C'est un affront à tous les Musulmans et une trahison envers tous les Irakiens », a déclaré le 25 février le représentant spécial du secrétaire général pour l'Irak. Cette attaque était dirigée contre la paix et l'unité, en réalité le futur même de l'Irak, a observé le représentant spécial. Les Nations Unies sont prêtes, avec le soutien de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), à créer d'urgence un fonds spécial pour la reconstruction, avec l'aide de la communauté internationale, afin de restaurer le mausolée des deux imams et les autres mosquées endommagées, en vue de leur rendre leur dignité originelle, a annoncé le représentant spécial. Le mausolée, qui abrite les tombes des 10e et 11e imams chiites - Ali al-Hadi décédé en 868 et son fils Hassan al-Askari, décédé en 874 -, est l'un des grands lieux saints de l'islam chiite. L'imam Hassan est le père de l'imam Mohamed al-Mahdi, « l'imam caché » dont les chiites croient qu'il reviendra un jour pour restaurer la justice dans le monde. En avril 2005, ce site avait déjà été visé par des actes de destruction, une explosion ayant détruit le sommet du minaret en spirale de la mosquée al-Mutawakkil.
Lors d'une conférence de presse télévisée donnant suite à la rencontre avec les principaux dirigeants politico-religieux du pays, à l'exception notable de la principale alliance sunnite, le Front de la concorde, le président irakien, Jalal Talabani, s'est, le 23 février, employé à calmer la flambée de violences et a souligné qu'une guerre civile « n'épargnerait personne ». Un couvre-feu a été imposé durant trois jours dans la capitale et ses environs après la flambée de violence qui a suivi le dynamitage du mausolée chiite. Des exactions contre les lieux de culte et la communauté sunnites avaient eu lieu durant 48 heures et à partir de vendredi, jour de la prière, le gouvernement avait transformé Bagdad en ville morte avec interdiction pour ses habitants de circuler. Le ministère de l’intérieur a annoncé le 27 février que les forces de sécurité irakiennes avaient abattu 35 insurgés et en avaient arrêté 487 autres lors de divers raids menés depuis l’attentat de Samarra. Les principales autorités religieuses sunnites irakiennes ont formulé des critiques inhabituellement vives à l'encontre du grand ayatollah Ali Sistani, qui avait invité, tout aussi inhabituellement, les fidèles chiites à manifester leur colère - avec modération - après la destruction du dôme de Samarra. Le chef radical chiite Moqtada Sadr a, pour sa part, affirmé être revenu précipitamment en Irak pour reprendre en main sa milice: l'Armée de Mehdi, après les accusations d'exactions portées contre elle. « J'ai écourté ma tournée et suis rentré pour reprendre en main l'Armée de Mehdi », a-t-il déclaré le 26 février au soir à son retour à Najaf. « L'Armée de Mehdi doit agir en coordination avec le gouvernement, l'armée, la police et le peuple pour garantir l'unité et la solidarité de tous », a ajouté le chef chiite, démentant que les attaques et l'incendie des mosquées soient le fait de cette milice. Selon le Parti islamique d'Ira (sunnite), au moins 90 mosquées sunnites au total ont été attaquées, occupées, voire incendiées, dont plus de 50 rien qu'à Bagdad. Dans la capitale, trois lieux de culte ont été détruits à l'explosif.
Pour Joost Hilterman, expert irakien à l'International Crisis Group, le risque de guerre civile en Irak est aujourd'hui « extrêmement sérieux ». Selon un communiqué daté du 27 février de l'International Crisis Group (ICG), basé à Bruxelles et animé notamment par d'anciens hauts responsables américains, L'Irak pourrait plonger dans la guerre civile si les chiites et les Kurdes, vainqueurs des dernières législatives, ne donnaient pas aux sunnites un rôle important au gouvernement et ne désarmaient pas les milices. « Il reste peu de temps pour arrêter la chute vers la guerre civile », a estimé cet influent groupe de réflexion. « L'attentat contre le mausolée chiite à Samarra (le 22 février), les représailles contre les mosquées sunnites et les assassinats de sunnites sont la dernière indication que l'Irak s'approche d'un désastre total », ajoute-t-il. Pour le ICG, « les partis politiques irakiens et la communauté internationale doivent agir rapidement pour éviter que les incidents ne dégénèrent en guerre civile qui pourrait entraîner la désintégration de l'Irak et déstabiliser toute la région ». Selon l'organisation, « les élections de janvier et décembre 2005 ont mis au jour la prédominance de la religion, les mosquées se transformant en quartiers généraux de partis politiques et les religieux en politiciens ».
Nechirvan Barzani a été, le 22 février, choisi à l'unanimité comme Premier ministre par le Parlement du Kurdistan irakien composé de 111 députés réunis à Erbil. Le Parlement a également désigné Omar Fattah, un dirigeant de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) comme vice-Premier ministre. Les deux hommes étaient auparavant Premiers ministres respectifs d'Erbil et de Souleimaniyeh, les deux régions du Kurdistan. Le chef du Parlement kurde, Adnan Mufti, a indiqué que le président du Kurdistan, Massoud Barzani, demandera au Premier ministre de former le gouvernement d'ici à un mois et l'exécutif comprendra outre des représentants des deux grands partis kurdes laïcs, des ministres turcomans, assyriens, chaldéens et islamistes. Les deux grands partis avaient signé début février un accord pour unifier leur gouvernement qui sera en place jusqu'aux élections régionales de 2007. Par ailleurs, des représentants des communautés chiites, sunnites et kurdes se sont engagés le 25 février à relancer la formation d'un gouvernement d'union nationale, trois jours après que les sunnites eurent claqué la porte des négociations. Les dirigeants des principales formations politiques sont parvenus à cet accord lors d'une réunion dans la résidence du Premier ministre irakien Ibrahim Jaafari à Bagdad. « Je suis très heureux et très optimiste », a déclaré Ibrahim Jaafari. « Notre peuple est très loin de la guerre civile et tout le monde a convenu que le premier ennemi des Irakiens c'est le terrorisme et qu'il n'existe pas de Sunnite contre un Chiite ni de Chiite contre un Sunnite ». Cet accord intervient alors que l'Irak semble plonger dans le cycle vengeance-représailles qui a fait quelque 200 morts dans tout le pays suite à la destruction partielle du sanctuaire chiite de Samarra. En pleine escalade, pour exprimer leur colère face aux représailles dont ils étaient victimes, les Sunnites avaient claqué le 23 février la porte des pourparlers en cours avec leurs homologues chiites pour la formation du nouveau gouvernement. Un responsable sunnite, Tariq al-Hashimi, a affirmé que toutes les parties avaient convenu que la solution à la crise « est de former un gouvernement dès que possible ». Selon l'homme politique kurde Mahmoud Othman, ce revirement de situation est notamment du aux coups de téléphone passés le 25 février par le président américain George W. Bush à sept leaders des communautés chiites, sunnites et kurdes.
Le secrétaire au Foreign Office, Jack Straw, arrivé le 20 février à Bagdad, a souligné la nécessité d'un gouvernement d'union nationale en Irak « C'est aujourd'hui un moment crucial pour les Irakiens. Nous avons eu les élections le 15 décembre et nous avons maintenant les résultats définitifs. Ils montrent qu'aucun parti, aucun groupe ethnique ou religieux ne peut dominer le gouvernement en Irak », a déclaré le chef de la diplomatie britannique à l'issue d'un entretien avec le président irakien Jalal Talabani. « Cela donne une nouvelle impulsion à ce que les Irakiens nous avaient dit qu'ils voulaient: un gouvernement d'union nationale représentant toutes les facettes de la société irakienne », a-t-il ajouté. « La communauté internationale, et particulièrement ceux qui ont participé à la libération de l'Irak, ont intérêt à ce qu'il y ait en Irak un gouvernement prospère, stable et démocratique », a indiqué Jack Straw. L'ambassadeur des Etats-Unis à Bagdad, Zalmay Khalilzad, avait également souligné que Washington n'accepterait aucune dérive communautariste ou activiste au sein du nouveau gouvernement.
De son côté, l'ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse chiite d'Irak, a insisté pour que le gouvernement irakien soit formé le plus rapidement possible. Le haut dignitaire religieux chiite a mis l'accent sur «l'accélération du processus de formation du gouvernement» en recevant le 20 février à son domicile le premier ministre, Ibrahim Jaafari, désigné par l'Alliance unifiée chiite, vainqueur des élections, pour former le prochain cabinet. La constitution du gouvernement devra «respecter les critères de compétence, d'honnêteté et de transparence», indique l'ayatollah Sistani, selon son entourage. Selon lui, la principale tâche du gouvernement devra être «de servir le peuple et de garantir des services publics» efficaces. L'ayatollah Sistani a insisté sur «le respect de la Constitution dans les prérogatives accordées aux postes importants» de l'exécutif, tels que la présidence, la présidence du conseil et les ministères de souveraineté. Le président irakien, Jalal Talabani, a récemment demandé un élargissement des prérogatives du président de la République. Par ailleurs, un projet est à l'étude pour la création d'un haut conseil consultatif, qui réunirait des représentants des différents groupements politiques, pour superviser l'action du gouvernement et du Parlement. Pour sa part, M. Jaafari a déclaré à l'issue de l'entrevue qu'il espérait que «la formation du gouvernement ne prendrait pas autant de temps que le premier gouvernement» provisoire qui avait tardé trois mois avant de voir le jour. Sur l'avenir de Kirkouk, dont le rattachement au Kurdistan est revendiqué par les Kurdes, le premier ministre a affirmé: «nous appliquerons tout ce qui est prévu dans la Constitution».
L’Association turque de défense des droits de l'homme (IHD) a affirmé le 28 février que l’année 2005 a été une année décevante pour les droits de l'homme en Turquie, pays qui a pourtant ouvert en octobre des négociations d'adhésion à l'Union européenne. Un rapport établi par l'Association fait état de 721 décès liés à des affrontements armés ou à des exécutions sommaires, en majorité dans le cadre de la lutte contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). De même, 781 personnes ont été blessées dans de telles circonstances, ajoute l'association. «Du point de vue des droits et des libertés, 2005 a été une année perdue», a expliqué le président d'IHD, Yusuf Alatas, lors d'une conférence de presse à Ankara. Le mauvais bilan de la Turquie en matière de droits de l'homme a freiné à plusieurs reprises ses efforts pour rejoindre l'Union européenne. Les négociations d'adhésion, qui suscitent de fortes réticences dans plusieurs pays de l'Union, ne devraient pas aboutir avant 2015, au plus tôt, selon certains observateurs.
Par ailleurs, au terme d'une visite d'une semaine en Turquie, Martin Scheinin, le rapporteur spécial sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme, a critiqué au cours d'une conférence de presse la loi antiterroriste adoptée en 1991 contre le PKK. La définition du terrorisme en Turquie est beaucoup trop vague et peut provoquer des poursuites judiciaires contre des personnes qui n'ont pas de lien direct avec des actes terroristes, a affirmé le 23 février à Ankara l’envoyé de l'Onu. Cette loi est trop vague concernant les groupes « terroristes » locaux et remet en question son efficacité dans la lutte antiterroriste, a-t-il estimé. « Elle définit le terrorisme en se fondant sur ses objectifs plutôt que de faire référence à des actes spécifiques », a souligné le responsable onusien. L'envoyé onusien qui s'est également rendu à Diyarbakir a estimé que « seul un petit nombre de poursuites étaient directement lié à de véritables actes terroristes ». Pour accroître ses chances de rejoindre l'Union européenne, la Turquie a, à plusieurs reprises, amendé sa loi antiterroriste, allégeant notamment les sanctions envers la presse et introduisant des dédommagements pour les villageois kurdes déplacés de force par les autorités turques et les protecteurs de village, groupes paramilitaires locaux. L'envoyé de l'Onu a en outre remarqué l'absence de « transparence et de clarté » en ce qui concerne les organisations dites terroristes.
La Turquie mène depuis des années une lutte sans merci contre le PKK qui a pris les armes contre Ankara en 1984, mais lutte également contre toute personne exprimant un point de vue adverse ou contradictoire des thèses officielles turques. Le conflit a fait plus de 37.000 morts, trois millions de déplacés, et a conduit de part et d'autres à des allégations de violations des droits de l'homme, telles que l'usage systématique de la torture ou l'incendie de villages kurdes par les forces turques.
Des opérations des forces de sécurité turques se sont intensifiées au Kurdistan turc ces derniers mois. Selon les autorités turques, huit combattants kurdes du PKK ont été abattus dans des combats survenus le 23 février avec l'armée turque près du hameau de Belen, dans la province de Mardin. Des attentats ont également été perpétrés en Turquie. Un homme de 21 ans blessé le 9 février dans l'attaque à la bombe visant un café Internet fréquenté par des agents de police à Istanbul, a succombé à ses blessures à l'hôpital, portant le bilan de l'attentat à un mort et 15 blessés. Un groupe armé, les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), a revendiqué cet attentat qui a visé un café situé dans le district de Bayrampasa. Le café est situé à environ 100 mètres du siège local de la police anti-émeutes. Un autre attentat perpétré le 13 février contre une chaîne d’alimentation appartenant à un député du parti de la Justice et du Développement (AKP-au pouvoir) à Istanbul a fait 15 blessés dont deux gravement selon les médias locaux. De plus, vingt-quatre personnes ont, le 18 février, été interpellées à Van lors d'une manifestation de sympathisants d’Abdullah Öcalan qui a dégénéré en heurts avec la police. Les manifestants, environ 150 personnes réunies pour marquer le septième anniversaire de l'arrestation du dirigeant du PKK, ont jeté des pierres et des blocs de glace sur les policiers venus disperser la manifestation. Les forces de sécurité ont riposté en lançant des grenades lacrymogènes. Un tribunal d'Adana a par ailleurs ordonné le même jour la mise en détention provisoire de 39 personnes -37 femmes et deux mineurs- arrêtées la veille au cours d'une manifestation pro-Öcalan et inculpées de destruction de biens publics, résistance aux forces de l'ordre et soutien à une organisation illégale. A Mersin, neuf manifestants interpellés le 15 février ont été incarcérés, selon l'agence de presse Anatolie. Par ailleurs, un dirigeant du PKK a prédit le 21 février un prochain dialogue avec les autorités turques comme celui engagé par Ankara avec le mouvement islamiste palestinien Hamas. « Dialoguer avec le PKK n'est pas une éventualité utopique (...) Tôt ou tard ils vont nous rencontrer », a déclaré Murat Karayilan, chef de l'aile militaire du PKK, dans un entretien à l'agence de presse pro-kurde Firat News Agency, basée en Europe. « Est-ce que les autorités turques ne rencontrent pas le PKK car les Kurdes font moins d'attentats suicide » que le Hamas, s'est demandé Karayilan qui a accusé le gouvernement d'Ankara de « deux poids, deux mesures » en dialoguant d'une part avec le groupe palestinien radical mais rejetant d'autre part le PKK. La visite de cinq membres du Hamas à Ankara, les 16 et 17 février derniers, a été critiqué par les médias turcs et vivement condamnée par Israël, qui exclut catégoriquement tout pourparler avec le Hamas tant que le groupe continue de souhaiter la destruction de l'Etat hébreu.
D’autre part, un tribunal de Diyarbakir a, le 27 février condamné 62 personnes, dont des officiers, gardiens et policiers, à cinq ans de prison avec sursis chacune pour leur implication dans une intervention sanglante contre des détenus de la prison de la ville en 1996. Toutefois, les juges ont décidé de surseoir à ces sentences aux termes d'une amnistie promulguée en 2001, qui ne prévoit en principe pas d'incarcération pour les condamnations à moins de dix ans de réclusion. Soixante-douze personnes étaient jugées depuis près de dix ans dans le cadre de ce long procès. Trois d'entre elles ont été acquittées et sept ont bénéficié d'une prescription. Le 24 septembre 1996, dix détenus avaient été tués et plusieurs autres blessés lorsque les forces de sécurité étaient intervenues pour mettre fin à un début de soulèvement de prisonniers membres pour la plupart du PKK. Les incidents avaient éclaté alors que les forces de l'ordre s'apprêtaient à transférer un groupe de détenus vers une prison d'une ville voisine. D'autres détenus s'étaient interposés, refusant de remettre aux forces de l'ordre leurs camarades dont ils craignaient l’isolation et la torture.
Les autorités kurdes irakiennes craignent des foyers de grippe aviaire après la mort de 250 volatiles domestiques dans le village de Jao Khaled. Un cordon sanitaire a été imposé au village pour empêcher l'expansion de l'épizootie. Les responsables kurdes luttent d'arrache-pied pour prévenir toute pandémie, achetant même en Europe au marché noir des médicaments antiviraux. « Nous naviguons à vue. Nous n'avons pas les équipements de laboratoire adéquats pour diagnostiquer la maladie. Les analyses sont effectuées à l'étranger et prennent quinze jours », a affirmé le 8 février Mohammad Khouchnaw, le ministre kurde de la Santé de Souleimaniyeh. Les autorités kurdes luttent avec les moyens du bord, manquant de matériel de laboratoire, de désinfectant. « Nous avons dans l'urgence acheté au marché noir en Europe des médicaments antiviraux, payant quatre fois le prix officiel », confie le ministre. Les équipes, en contact avec la maladie, se battent sur le terrain avec des combinaisons inadéquates, perméables et en tissu, et utilisent des gants synthétiques disponibles sur le marché.
Cette campagne, financée par les autorités kurdes, a grevé son budget, et risque d'avoir de lourdes répercussions économiques. « Nous sommes les premiers fournisseurs d'oeufs et de poulets de l'Irak. Ces livraisons sont actuellement suspendues, et le manque à gagner se chiffre jusqu'à aujourd'hui à cinq millions de dollars », a indiqué Tahsine Namek, le chef de la lutte contre la grippe aviaire à Souleimaniyeh. Il a estimé l'aide nécessaire au secteur de l'agriculture à un million de dollars, et un autre million pour la santé. L'Irak a annoncé en janvier deux cas humains de grippe aviaire de type H5N1. Deux personnes sont décédées des suites du virus H5N1 au Kurdistan irakien, selon les résultats d'analyses effectuées par l'OMS. Il s'agit de Hamma Sour Abdallah, 40 ans, décédé le 27 janvier, et sa nièce de 14 ans, Chanjin Abdelkader, originaire de la région kurde de Rania (frontalière de l'Iran et de la Turquie), morte le 17 janvier.
Cependant, une délégation de huit experts de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) est arrivée le 5 février au Kurdistan irakien. Venant d'Amman, le groupe est arrivé à Erbil et a été reçue par le ministre kurde de la Santé Jamal Abdel Hamid. La délégation de l’OMS a également entamé le 9 février une visite de trois jours à Souleimaniyeh pour aider les autorités kurdes. « Nous sommes venus, à la demande des ministères irakien et kurde, pour étudier les moyens mis en oeuvre pour enrayer le risque de pandémie et apporter notre soutien aux efforts déployés par le gouvernement local », a déclaré à la presse Naïma Hassan al-Kassir, chef de la délégation et représentante de l'OMS pour le Proche-Orient. La délégation, qui regroupe entre autres des experts épidémiologistes, a examiné le premier cas de décès de cette maladie en Irak, celui de l'adolescente Chanjin AbdelKader. « Nous tenons à rendre hommage à l'attitude du gouvernement local et des autorités irakiennes. Ils font preuve de transparence totale et traitent avec sérieux les cas confirmés et suspects », a-t-elle souligné. Elle a déclaré la disposition de l'organisation mondiale à apporter « une aide matérielle, technique et logistique ». L'OMS est prête à « combler les lacunes », a-t-elle déclaré. « Nous allons examiner les capacités de Souleimaniyeh à faire face et étudier les moyens d'apporter notre aide », a-t-elle ajouté, précisant que l'aide porterait « sur l'envoi d'experts, l'équipement de laboratoires, l'envoi de laborantins pour former les gens sur place, des stages de formation ». Elle a évoqué le projet d'équiper Souleimaniyeh d'un laboratoire semblable à celui créé à Bagdad, avec le financement de l'Union européenne (UE). « Nous allons également fournir une partie des médicaments nécessaires », a-t-elle dit. Selon elle, ces livraisons sont financées par l'OMS, l'agence américaine USAID et le gouvernement irakien. Par ailleurs, un éleveur de pigeons d'Amara, dans le sud de l'Irak, est mort le 5 février porteur des symptômes de la grippe aviaire.
L’Institut kurde de Paris, en partenariat avec le ministère de l’Emploi et de la Cohésion sociale, le Fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD) et la Mairie de Paris, a, le 24 février, organisé une conférence sur « les processus d’intégration des Kurdes dans les pays de l’Union européenne » dans la salle Victor Hugo de l’Assemblée nationale. Des universitaires spécialisés, des acteurs de la vie culturelle et associatives, des responsables d’institutions oeuvrant pour l’intégration et des représentants de la seconde génération de Kurdes de plusieurs pays européens ont pris part à la conférence qui s’est déroulée en français, et avec traduction simultanée en anglais, en kurde et en allemand.
La conférence est partie du constat que l’Union européenne compte plus d’un million de résidents d’origine kurde dont plus de la moitié en Allemagne, environ 150 000 en France. La Suède, le Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Belgique, l’Autriche et le Danemark comptent également d’importantes communautés kurdes. Elle s’est donnée pour objectif d’établir un état des lieux, de confronter les diverses expériences et de dégager des perspectives.
Mme Joyce Blau, professeur émérite en charge de la chaire de kurde pendant 30 ans à l’Institut national des langues orientales (INALCO), a ouvert la conférence en présidant la première table-ronde sur le thème « Les Kurdes en Europe : Qui sont-ils ? Pourquoi sont-ils venus ? Que font-ils ? ». Dr. Ann-Catrin Emmanuelsson qui a introduit le débat, a ensuite exposé l’état des lieux de la diaspora kurde en Europe à l’aide de tableaux et de diaporamas projetés sur écran. Cette introduction a été suivie par l’intervention des acteurs de la vie associative oeuvrant dans les institutions pour l’intégration des Kurdes en Europe, de même que des avocats et des universitaires spécialisés. Pour avoir un panorama précis, M. Metin Incesu, président du Centre d’études kurdes (Navend) à Bonn, a commencé à dresser le tableau des Kurdes en Allemagne, qui abrite avec plus de 500 000 Kurdes, la plus importante communauté de la diaspora. Il a mis l’accent sur les difficultés rencontrées par les Kurdes dans un pays qui abrite également 2 millions de Turcs. Cette intervention a été complétée par Dr. Birgit Ammann du Centre européen pour les études kurdes de Berlin qui a relevé la difficulté de chiffrer les Kurdes en Allemagne puisque les recensements prennent en compte la nationalité officielle des résidents. Mme Sermin Bozarslan, présidente de la Fédération des associations du Kurdistan en Suède, a exposé la politique d’intégration suédoise plus disposée à prendre en compte les spécificités culturelles des Kurdes notamment en finançant des cours de langue maternelle dans les écoles publiques ainsi que des revues et livres kurdes. Pour la France, Me Franck Cecen, avocat au barreau de Paris, a présenté les problèmes juridiques rencontrés par les demandeurs d’asile kurdes en France et le douloureux problème des déboutés du droit d’asile. Mlle Rusen Werdi, de l’Institut kurde de Paris, a décrit l’intégration finalement paisible des 150 000 Kurdes de France. Dr. Khaled Salih, du centre pour les études du Moyen-Orient contemporain à l’Université Sud du Danemark, est intervenu tout au long de ce débat pour apporter des éclaircissements et répartir la parole entre les intervenants.
La Seconde-table ronde présidée par Dr. Abbas Vali, de l’Université de Swansea en Grande-Bretagne et intitulée « Les Femmes dans la diaspora » a été introduite par Prof. Theda Borde, professeur à Alice Salomon Hochschule de Berlin. Mme Aso Agace, directrice du Centre international pour l’information et la formation des Femmes (Hînbûn) à Berlin a exposé les activités de son centre en faveur des femmes kurdes en mettant l’accent sur les carences du système allemand. Dr. Minoo Alinea venant de Suède et Me Sève Izouli, avocate au barreau de Paris ont animé le débat en dénonçant la pression sociale et familiale sur les femmes, pour autant Me Izouli a tenu à préciser qu’il faudrait se garder d’énoncer des généralités sur ce point et que la femme kurde investit de plus en plus le domaine aussi bien associatif que politique.
Le thème des « identités diasporiques et relations trans-nationales » a regroupé la troisième table-ronde. Dr. Najmaldin O. Karim, président de l’Institut kurde de Washington et présidant la séance, a élargi le débat au-delà des frontières européennes en parlant des Kurdes établis aux Etats-Unis. Dr. Osten Wahlbeck, professeur à l’Université Abo Académie en Finlande, a présenté une étude sociologique des Kurdes en introduisant le débat. Le débat autour de la langue kurde élément majeur de l’identité kurde a dominé cette table-ronde avec l’intervention de M. Reso Zilan, linguiste et professeur de kurde en Suède, qui a relevé que plus de 5000 enfants pouvaient bénéficiers des cours de kurdes dans l’enseignement public en Suède. Dr. Clémence Scalbert a complété ces propos en parlant de la littérature kurde et des publications en kurde en Suède et en Europe et Dr. Salih Akin, de l’université de Rouen, a présenté une étude relative aux Kurdes de France démontrant l’attachement des Kurdes à leur langue maternelle utilisée principalement dans le cadre familial. M. Khaled Khayati, chercheur à l’Institut pour les études sociologiques, à l’Université Linköping en Suède, a conclu ce débat en présentant une étude sociologique des Kurdes de Suède.
Prof. Ilhan Kizilhan, psychologue et professeur à l’Université de Constance en Allemagne, a introduit le débat en présentant les difficultés rencontrées par la nouvelle génération des Kurdes autour de cette table-ronde intitulée « l’insertion des générations nouvelles ». Dr. Chirine Azadpour, directrice de la mission locale de Châtillon-Montrouge, M. Barzoo Eliassi, du département du travail social de l’Université de mid-Sweden et Dr. Chirine Mohseni, ont exposé les problèmes liés à l’insertion socio-économique de cette génération.
La dernière table-ronde a abordé le thème « d’une coordination européenne des politiques d’intégration » sous la présidence du président de l’Institut kurde de Paris, Dr. Kendal Nezan. Mme Khédidja Bourcart, adjointe au maire chargée de l’intégration et des étrangers non-communautaires, Dr. Robin Schneider, du bureau pour l’intégration et la migration du Senat de Berlin, Mme Lucile Schmid, conseillère régionale d’Île-de-France, ancienne conseillère technique chargée de l’intégration au cabinet du ministère des Affaires sociales, ont présenté les approches française et allemande de l’intégration des immigrés, évoqué la crise des modèles d’intégration traditionnels qui révèle souvent aussi une crise d’identité. L’heure est un peu partout en Europe au débat critique sur les modèles en crise et l’élaboration d’approches innovantes tenant compte des spécificités socio-culturelles des vagues récentes d’immigration et de l’évolution des sociétés européennes.
La conférence a accueilli tout au long de cette journée plus de 250 participants qui ont réagi au débat en interpellant les intervenants à la fin de chaque table-ronde. Quelques interventions sont d’ores et déjà consultables sur le site Internet de l’Institut kurde de Paris :
www.institutkurde.org (rubrique : Conférences)
Lien: Les processus d'intégration des Kurdes dans les pays de l'Union européenne
Pour le 23ème anniversaire de l’Institut kurde de Paris, son conseil culturel et scientifique s’est réuni les 25 et 26 février à Paris pour rassembler ses membres répartis dans de nombreux pays en Europe et aux Etats-Unis et qui oeuvrent dans les domaines culturel, artistique, intellectuel et sociale kurdes. La réunion a permis l’échange de vue et des expériences relatives au rôle incombant à l’Institut dans la situation actuelle, marquée par une internationalisation de la question kurde, tant pour le rôle majeur joué par les Kurdes dans le processus politique en Irak que dans le contexte des négociations entre la Turquie et l’Union européenne. De plus, la question de l’intégration des immigrants est devenue une question politique cruciale dans différents pays européens. La réunion a permis de discuter des questions telles que : « Que peut-on faire en collaboration avec d’autres organisations kurdes en faveur d’une meilleure intégration de notre diaspora ? », « Comment peut-on mobiliser cette diaspora pour la cause kurde et pour tout le Kurdistan ? » De plus, la réunion a permis de procéder à une évolution des activités récentes de l’Institut et de formuler des propositions pour les trois années à venir.
Le Conseil a également procédé à l’élection de ses instances dirigeantes. Ainsi, Me Sève Izouli a été réélue à la présidence du Département Arts, musique et activités culturelles et le musicien Issa Hassan a été élu vice-président. Le Département Information et Droits de l’homme a élu a sa présidence, Yavuz Onen, qui est par ailleurs président de la Fondation des droits de l’homme de Turquie. Akil Marceau a été élu vice-président et Rusen Werdi, coordinatrice.
Le Département des Sciences humaines a élu à l’unanimité comme président Dr. Khaled Salih, et vice-président Ephrem Isa Youssif, philosophe et écrivain.
Enfin, le Département de la langue et de la littérature a réélu à l’unanimité comme président M. Reso Zilan (Suède) et vice-président Dr. Salih Akin, maître de conférence à l’Université de Rouen.
Les présidents de ces quatre départements vont siéger au conseil d’administration de l’Institut kurde qui compte 12 membres, dont 5 femmes. Lors de sa réunion du 27 février, le conseil d’administration de l’Institut ainsi remanié, a élu pour un mandat de 3 ans son bureau. Ont été élus à l’unanimité : Kendal Nezan, président ; Dr. Najmaldin O. Karim et Yavuz Onen, vice-présidents ; Mme Joyce Blau, trésorière et Mme Sève Izouli, secrétaire.
L’organisation Human Rights Watch (HRW) a, le 27 février, dénoncé « l'augmentation alarmante des exécutions » en Iran. Sur la base d'articles de presse iraniens, l'organisation de défense des droits de l'homme dénombre la mise à mort de 10 prisonniers entre le 20 janvier et le 20 février, en plus de la condamnation à mort de 21 personnes. HRW joint ainsi sa voix à celle d'Amnesty international (AI), qui a exprimé les mêmes préoccupations le 24 février. Selon Amnesty, 94 exécutions ont eu lieu récemment en Iran, dont 28 depuis le début de l'année 2006. Tant HRW qu'AI évoquent la pendaison, le 7 février dernier, d'Hojjat Zamani, membre de l'Organisation iranienne des moudjahidin du peuple, principal groupe armé d'opposition au régime iranien. Enlevé en Turquie en 2003, il avait été condamné à mort l'année suivante pour sa participation à un attentat à l'explosif ayant fait trois morts à Téhéran en 1988. Selon HRW, Zamani n'a pas eu droit à une audience répondant aux normes internationales, puisqu'il n'a jamais pu rencontrer ses avocats. De son côté, AI qualifie Zamani de « prisonnier politique ».
HRW craint aussi l'exécution imminente de trois personnes accusées d'avoir participé au détournement d'un avion en 2001. L'association basée à New York note d'ailleurs que l'un des accusés avait 17 ans lors des faits qui lui sont reprochés. La Convention sur les droits de l'enfant, signée par Téhéran, interdit d'imposer la peine de mort à des criminels de moins de 18 ans lors des faits.
Sur un autre chapitre, un journal réformateur a, le 20 février, publié un dessin représentant le président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Cela faisait 25 ans qu'aucun président iranien n'avait été caricaturé dans la presse du pays. Le dessin, en dernière page du journal Etemad Melli, le montre au milieu d'un parterre de poulets, portant des gants de boxe, en train de taper sur un punching-ball décoré du symbole du nucléaire. Il «montre Ahmadinejad occupé avec deux dossiers intérieurs et internationaux: la question nucléaire et la grippe aviaire», explique Bozorgmehr Hosseinpour, 29 ans, auteur du dessin. B. Hosseinpour explique avoir profité du tout nouveau feu vert du ministère de la Culture autorisant les caricatures du président. Ces 25 dernières années, la presse iranienne s'en était abstenue, par respect présumé pour ses dirigeants, en général également personnalités religieuses. En 2000, un journal avait publié une caricature où l'on voyait juste le pied du président Mohammad Khatami, disant ne pas vouloir en dessiner plus en signe de respect pour son vêtement religieux. Après la révolution islamique qui renversa la monarchie en 1979 et avant son durcissement, la presse iranienne avait fréquemment caricaturé le premier président Abolhassan Banisadr, un laïc, tout comme Ahmadinejad. Selon le site Internet de la Maison de la caricature de l'Iran, associée au quotidien Hamshahri, le plus important journal iranien publié par la municipalité de Téhéran, la meilleure caricature sur l'holocauste sera récompensée par un prix de 12.000 dollars pour un concours international de caricatures sur l'holocauste des juifs. « Il s'agit de la récompense la plus importante au monde dans un concours de caricatures », précise le site. « Le lauréat recevra 12.000 dollars. La deuxième et la troisième caricatures seront récompensées respectivement par des prix de 8.000 et 5.000 dollars », ajoute le site, qui indique que « douze autres prix sont également prévus ». Peu après son élection en juin 2005, le président Ahmadinejad s'est lancé dans une bataille contre le « mythe » de l'holocauste des juifs. Il a qualifié l'Etat d'Israël de « tumeur » et appelé à ce qu'il soit « rayé de la carte » de la région pour être implanté en Europe ou aux Etats-Unis.
La Cour de sûreté de l'Etat syrien, un tribunal d'exception, a condamné le 19 février deux Kurdes à des peines de deux ans et demi de prison pour appartenance à « une organisation secrète ». Mohammad Fakhri Haj Khalil et Farid Khalil Ahmad, membres du Parti de l'union démocratique, formation kurde interdite, ont été reconnus coupables d'appartenance à « une organisation secrète visant à faire annexer une partie des territoires syriens par un pays étranger », a indiqué leur avocat Fayçal Badr. « C'est l'accusation habituelle portée contre tout Kurde qui comparaît devant ce tribunal », a ajouté l'avocat. Il a appelé à annuler le verdict, « prononcé par un tribunal anticonstitutionnel qui se base sur la loi d'urgence », en vigueur en Syrie depuis 1963.
Par ailleurs, les services de sécurité syriens ont, le 7 février, arrêté à Tartous (ouest) l'écrivain-journaliste Adel Fayad en raison de ses articles publiés dans la presse et sur Internet, a indiqué l'avocat des droits de l'Homme Anouar Bounni. Adel Fayad, arrêté à son domicile devant sa famille, publie régulièrement des articles sur Internet et dans la presse arabe, notamment dans le quotidien libanais As-Safir. L'avocat a en outre fait état de l'arrestation, il y a dix jours près de Damas, de deux étudiants, qui, selon lui, « pensaient constituer un rassemblement démocratique de jeunes pour discuter des problèmes de la jeunesse ». Ali Ali et Houssam Melhem sont respectivement étudiants en gestion et en journalisme à l'université de Damas. Les services de sécurité seraient à la recherche d'autres étudiants pour la même raison, selon Me Bounni. « Les autorités syriennes tolèrent les actes de violence perpétrés par des manifestants contre des ambassades européennes alors qu'elles répriment durement les activités pacifiques », a-t-il dénoncé. Il faisait référence aux attaques commises le 4 février contre des représentations diplomatiques européennes à Damas de la part de manifestants protestant contre les caricatures controversées du prophète Mahomet publiées dans des journaux occidentaux. Les ambassades du Danemark et de la Norvège ont été attaquées et incendiées et l'ambassade des Etats-Unis à Damas a fermé ses portes. Le ministère français des Affaires étrangères a affirmé le 5 février que les consignes de prudence ont été « particulièrement rappelées » aux Français vivant en Syrie après les manifestations violentes à Damas, ajoutant toutefois n'avoir pris « aucune mesure particulière ».
D’autre part, l’Iran continue d’afficher son soutien au régime de Damas. Après la visite officielle en janvier dernier du président iranien Mahmoud Ahmadinejad en Syrie, c’est autour du premier vice-président iranien Parvis Davoudi de se rendre à Damas. M. Davoudi a participé à la session du Haut comité mixte Iran- Syrie, durant laquelle les deux parties ont discuté de l'expansion de coopération et ont signé huit documents. M. Davoudi a dit avoir rencontré le président syrien Bashar al- Assad, le vice-président Farouq Shara et le Premier ministre Muhammad Naji Ottri, ajoutant que les deux parties « ont convenu d'adopter les positions communes sur les questions économique et politique prenant en compte la situation sensible actuelle dans la région ». Le premier vice- président iranien Parviz Davoudi a décrit sa visite officielle de trois jours en Syrie comme « très utile », lorsqu'il est rentré de Damas le 25 février. L'Iran et la Syrie ont maintenu les relations étroites depuis la guerre Iran-Irak 1980-1988, durant laquelle la Syrie a pris le parti de l'Iran contre l'Irak sous l'ancien régime de Saddam Hussein. Les deux pays sont aussi sous les sanctions économiques américaines pour leur soutien au terrorisme.
Une association de protection des enfants a porté plainte le 21 février devant un tribunal de Diyarbakir, pour faire interdire la diffusion d'un film turc sur la guerre en Irak qu'elle juge raciste et visant à saboter le climat de paix en Turquie. «La Vallée des Loups - Irak», qui bat des records d'audience en Turquie depuis sa sortie le 5 février, a été tourné avec « une vision hitlérienne et nationaliste », a expliqué à la presse à l'entrée du tribunal Nil Demirkazik, présidente de l'association de défense des enfants Cocuk-Der. «En essayant d'injecter le racisme et l'idée morbide que le monde entier est l'ennemi de la Turquie, en louant une partie de la population et en abaissant une autre, il se rend coupable en Turquie de discrimination», a-t-elle poursuivi.
La superproduction la plus chère de l'histoire du cinéma turc, avec un budget de 8,4 millions d'euros, a attiré dans les salles quelque 3,1 millions de spectateurs en deux semaines, selon les chiffres donnés le 18 février par sa société de diffusion. Le film raconte comment le jeune turc Polat se rend au Kurdistan irakien pour éliminer un capitaine américain, Sam, qui avait trahi un ami officier de l'armée turque. Le capitaine Sam est particulièrement tourné en ridicule. On le surprend à prier dans ses moments de doute au pied d'un crucifix et derrière son bureau est accrochée une reproduction de la Cène. Le film, qui regorge de violence sanguinolente, s'attarde aussi sur un médecin juif prélevant des organes sur des détenus de la prison d'Abou Ghraïb à des fins de transplantation pour le compte de riches clients à New York, Londres et Tel Aviv. Au passage, le réalisateur Serdar Akar en profite pour dénoncer, plus sobrement, la torture dans cette prison. Le héros entend venger son pays humilié par l'armée américaine lors d'un incident véridique: l'arrestation le 4 juillet 2003 dans la ville kurde de Souleimaniyeh par une unité de GI's de 11 militaires turcs qui préparaient un attentat contre le gouverneur kurde de Kirkouk dont les têtes ont été recouvertes de sacs de jute. Ces commandos turcs avaient été relâchés deux jours plus tard pour des raisons diplomatiques afin de ne pas créer un conflit avec Ankara.
« La Vallée des Loups », diffusé dans pas moins de 472 salles, est quasiment assuré de battre des records d'entrées en Turquie. Le film doit aussi être diffusé dans une douzaine d'autres pays, dont l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Russie, les Etats-Unis, l'Egypte et la Syrie. En Allemagne, le président-ministre de la Bavière Edmund Stoiber a appelé les exploitants de cinémas à le déprogrammer. Le film, ouvertement anti-américain et antisémite, séduit la communauté turque d'Allemagne mais une partie de la classe politique allemande redoute qu'il ne vienne renforcer le fossé entre occidentaux et musulmans. Hymne au nationalisme turc, mais surtout pamphlet, un peu confus, contre la guerre en Irak, « La vallée des loups » a déjà attiré depuis deux semaines plus de 200.000 spectateurs en Allemagne, qui compte la plus grosse communauté turque d'Europe. Pour Edmund Stoiber, président de l'Union chrétienne-sociale (CSU), la branche bavaroise du parti de la chancelière Angela Merkel, « ce film irresponsable ne développe pas l'intégration mais cultive la haine et la défiance à l'égard de l'Occident ». Plusieurs cinémas ont déjà choisi de ne pas renouveler l'exploitation. Markus Söder, secrétaire général de la CSU, y voit un obstacle à la candidature de la Turquie à l'Union européenne. Le distributeur du film, Anil Sahin, lie le débat autour du film à la querelle autour des caricatures du prophète Mahomet dans les journaux occidentaux, qui a suscité des manifestations violentes dans le monde musulman. Selon lui, « il y a là quelque chose qui ne va pas. Quand un caricaturiste offense deux milliards de musulmans, c'est de la liberté d'expression, quand un film d'action prend un Américain pour cible, c'est de l'incitation à la haine ».
Certains responsables turcs se sont également émus du réalisme du film. « C'est un film extraordinaire, qui va rester dans l'histoire », a prédit le président de l'Assemblée nationale Bülent Arinç, lors d'une présentation de gala à laquelle a assisté, entre autres, Emine Erdogan, épouse du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan donnant ainsi au film le plein appui des dirigeants turcs.
En France, la forte demande de la communauté turque a poussé les distributeurs à précipiter la sortie le film sans visa d’exploitation munis d’une dérogation spéciale fournie par le Conseil national du cinéma (CNC).
L'Iran a commencé à tester une cascade de 20 centrifugeuses dans son unité pilote d'enrichissement d'uranium de Natanz, intensifiant ses efforts de purification du combustible nucléaire en dépit des pressions internationales, selon un rapport confidentiel de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Le rapport du directeur général de l'AIEA, Mohamed El Baradei, indique que l'Iran a entamé à Natanz d'importantes rénovations du système de traitement de l'hexafluorure d'uranium (gaz UF6), transformé dans les centrifugeuses en combustible nucléaire enrichi. Le rapport ajoute que la cascade de 20 centrifugeuses a entamé des essais de vide le 22 février. Il juge par ailleurs que l'AIEA n'est toujours pas en mesure de déterminer si le programme atomique de l'Iran est entièrement pacifique car Téhéran ne coopère pas pleinement à l'enquête de l'organisme onusien. « Il est regrettable et inquiétant que les incertitudes liées à l'étendue et à la nature du programme nucléaire de l'Iran n'aient pas été clarifiées après trois ans de vérifications intensives de l'agence », note Mohamed ElBaradeï. « Nous ne sommes toujours pas en mesure de conclure qu'il s'agit d'un programme nucléaire à visées civiles », a déclaré un haut responsable au fait des investigations de l'AIEA. A Tokyo, le chef de la diplomatie iranienne, Manouchehr Mottaki, a assuré que Téhéran ne renoncerait pas à son programme nucléaire, mais a estimé que les négociations en cours avec la Russie concernant l'enrichissement conjoint de l'uranium apaiseraient les inquiétudes de la communauté internationale quant aux ambitions atomiques de la République islamique. « Comme le Japon, nous aimerions jouir de notre droit à disposer d'une technologie nucléaire, bien sûr à des fins pacifiques », a déclaré Mottaki à la presse après avoir rencontré le ministre japonais du Commerce, Toshihiro Nikai.
Le rapport d'ElBaradeï a été adressé le 27 février aux 35 pays représentés au sein du Conseil des gouverneurs de l'AIEA, qui doit se réunir le 6 mars. Après la réunion du Conseil des gouverneurs, le rapport sera transmis au Conseil de sécurité, lequel pourrait envisager des sanctions contre Téhéran. Toujours d'après ce rapport de 11 pages, Téhéran a indiqué à l'AIEA qu'il allait commencer à installer au dernier trimestre 2006 ses 3.000 premières centrifugeuses, sur un total de 50.000 prévues. Si 3.000 centrifugeuses du type de celles dont disposent les Iraniens à Natanz fonctionnaient sans arrêt pendant un an, elles produiraient les 20 kg d'uranium fortement enrichi nécessaires pour une tête nucléaire, estiment des experts. Dans son rapport, ElBaradei écrit que l'Iran a produit 85 m3 de gaz UF6 dans son usine de conversion d'uranium d'Ispahan depuis septembre 2005. Cela suffirait pour plusieurs bombes atomiques lorsque l'Iran maîtrisera, à un stade industriel, la technologie d'enrichissement.
La Turquie a appelé le 27 février l'Iran à faire preuve de transparence sur son programme nucléaire, alors que le régime de Téhéran est soupçonné de vouloir se doter de l'arme atomique. Ankara dit ne pas vouloir d'une nouvelle guerre dans une région déjà troublée. « D'un côté, il y a une inquiétude croissante liée aux recherches nucléaires iraniennes, de l'autre il y a les affirmations de l'Iran », qui assure mener un programme civil et pacifique, a observé Cemil Cicek, ministre de la justice et porte-parole du gouvernement turc. « Nous estimons que notre voisin l'Iran devrait faire preuve de davantage de transparence pour le bien de la région, de l'humanité et de l'Iran lui-même », a ajouté M. Cicek. Selon lui, la Turquie redoute des développements indésirables, en particulier une action militaire contre l'Iran. Quant à savoir si Ankara craint une guerre, le porte-parole a répondu: « Nous n'en voulons pas ».
Deux universitaires turcs, Baskin Oran, professeur des relations internationales et expert dans le domaine des droits de l'Homme et Ibrahim Kaboglu, ancien président du Comité consultatif des droits de l’homme attaché au cabinet du Premier ministre, ont, le 15 février, été présentés devant un tribunal turc pour un rapport sur les minorités en Turquie. Le Premier a affirmé ne pas comprendre pourquoi un procès lui était intenté et le second a déploré être jugé en raison de ses opinions. «C'est la liberté d’opinion qui est jugée ici», a-t-il affirmé. «Ce procès est déplorable car je suis sur le banc des accusés pour mes opinions que j'ai exprimées librement» dans les recommandations du rapport, a-t-il continué. Le rapport incriminé qualifiait de «paranoïa» la menace, souvent agitée par les nationalistes, d'une partition du pays en cas d'octroi de nouveaux droits aux minorités, notamment aux Kurdes. Ce procès contre l'auteur du rapport, M. Oran, et le président du comité, constitue un nouveau test de la volonté des autorités turques d'élargir la liberté d'expression dans un pays qui a entamé en octobre des négociations d'adhésion à l'Union européenne. Plusieurs diplomates européens étaient présents dans l'assistance, aux côtés de représentants d'associations de défense des droits de l'Homme. La Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) s'est dite «très inquiète» des poursuites lancées contre les deux intellectuels qui ont par la suite quitté leur poste au sein du comité qui ne s'est plus réuni depuis février 2005.
D’autre part, un procès s'est tenu, mardi 7 février, contre cinq journalistes turcs accusés de « tentative d'influencer la justice » et d’ « insulte à la nation turque ». Ismet Berkan, Erol Katircioglu, Haluk Sahin et Murat Belge, du quotidien de gauche Radikal, ainsi que Hasan Cemal, éditorialiste à Milliyet, comparaissaient devant la cour de Bagcilar, dans la banlieue d'Istanbul. La justice turque leur reproche d’avoir critiqué, en septembre 2005, la décision d'un tribunal administratif de reporter une conférence universitaire critique sur « les Arméniens à la fin de l'Empire ottoman ». La réunion avait finalement pu avoir lieu dans une autre université, les organisateurs contournant la décision de justice. Selon le Réseau de communication indépendante (BIA), une organisation non gouvernementale de défense de la liberté d’expression et des droits des journaliste, pas moins de 29 journalistes sont actuellement poursuivis en Turquie pour délit d'opinion, sur le fondement de trois articles du code pénal turc (les articles 288, 301 et 305) jugés liberticides. Le nouveau code pénal turc, entré en vigueur en juin 2005 et réformé sous la pression de l'Union européenne, mécontente les associations de journalistes, qui s'estiment moins bien protégés par les nouvelles dispositions.
Par ailleurs, une pétition signée par 700 universitaires appelle le ministère de l'Enseignement à abandonner les « obstacles pratiques qui se dressent devant l'enseignement de la théorie de l'évolution ». Les universitaires turcs se sont mobilisés pour l'enseignement de la théorie de l'évolution en Turquie contre des efforts du gouvernement de préconiser la thèse divine de la création du monde, a, le 22 février, indiqué Özgür Genc, le secrétaire général de l'Association des conseils d'Université, l'un des organisateurs. La pétition réclame en outre que les mentions sur le créationnisme dans les manuels scolaires soient rayées. Pour cette influente association, le gouvernement islamo-conservateur du Parti de la Justice et du Développement (AKP) souhaite « remplacer la théorie de Darwin par le créationnisme » dans les collèges et lycées et encourage notamment les professeurs à mettre en doute certains aspects de l'évolution. Plusieurs enseignants d'Ankara et de Mersin (sud) se sont vus infliger des sanctions disciplinaires pour leur « obstination » à enseigner la théorie de Darwin plutôt que de favoriser un enseignement de la thèse créationniste dans les écoles publiques, selon M. Genç. Une première mention a été faite du créationnisme dans les manuels de biologie en 1985 mais l'AKP « veut privilégier aujourd'hui cette thèse », affirme l'universitaire. Interrogé par les journalistes sur ce point, le ministre de l'Education Hüseyin Celik a indiqué que les manuels étaient préparés par des scientifiques et a promis d'étudier la pétition.
Un adolescent turc de 16 ans a été interpellé le 7 février pour le meurtre d'un prêtre catholique italien à Trabzon (nord-est de la Turquie), commis dans un climat de violences dans le monde musulman lié à la publication en Europe de caricatures du prophète Mahomet. La chaîne d'information NTV a affirmé que, selon les premiers éléments de l'enquête, le jeune homme est passé aux aveux et a indiqué avoir tué le 5 février le prêtre à cause de ces caricatures. Un pistolet de 9 mm a été saisi lors de son arrestation et après un examen balistique il a été conclu que c'est bien l'arme du crime. Trabzon et les villes avoisinantes sont connues pour la passion que vouent leurs habitants aux armes à feu et il n'est en principe pas difficile de s'en procurer. Le prêtre, Andrea Santoro, 61 ans, originaire de Piverno, près de Rome, a été tué par balles plusieurs heures après la fin de la messe à l'église Sainte-Marie, dans le centre-ville. Il était en Turquie depuis cinq ans. L'assassinat du père Santoro a créé une onde de choc en Turquie. Plusieurs thèses ont été avancées: crime organisé en relation avec la traite des blanches, acte crapuleux au motif islamiste pour protester contre des efforts de prosélytisme religieux --très mal perçus notamment dans le nord-est conservateur--, ou encore un acte isolé lié à la publication de caricatures de Mahomet. Selon le nonce apostolique en Turquie Antonio Lucibello, le meurtrier aurait crié « Allah est grand » avant de s'enfuir.
Le pape Benoît XVI s'est déclaré le 6 février « profondément affecté » par le meurtre d'un prêtre italien en Turquie et a exprimé sa condamnation de « toute forme de violence ». Le père Andrea Santoro était un prêtre « fidei domum », c'est-à-dire envoyé en mission en Turquie par le diocèse de Rome. Il travaillait notamment auprès des prostituées de Trabzon (Trebzon). Le président turc Ahmet Necdet Sezer a, le 9 février, invité le pape Benoît XVI à se rendre en Turquie fin novembre 2006. L'invitation a été acceptée par le souverain pontife, a précisé le Vatican, affirmant que ce déplacement aurait lieu du 28 au 30 novembre. Le mois dernier, le Vatican avait confirmé qu'une date avait été choisie pour cette visite, sans en dire davantage. Ce déplacement va coïncider avec la fête, le 30 novembre, de Saint-André, considéré comme le patriarche de Constantinople, l'ancienne capitale de l'empire byzantin. Le patriarche orthodoxe Bartholomée Ier, chef spirituel de plus de 200 millions de chrétiens orthodoxes, avait espéré que le souverain pontife marquerait cette fête avec lui l'année dernière. Mais Ankara, au lieu d'approuver cette visite, a lancé sa propre invitation pour 2006.