Le président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, a chargé le 26 mars deux personnalités des deux grands partis de la région de former un seul gouvernement pour la province du Kurdistan. « C'est un moment historique pour les Kurdes d'Irak qui ont besoin d'unir leurs rangs », a déclaré Nechirvan Barzani, appelé à occuper le poste de chef du gouvernement, après avoir été officiellement chargé de former ce cabinet. Nechirvan Barzani, dirigeant du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), sera secondé dans sa mission par Omar Fattah de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK du président fédéral Jalal Talabani). Le 21 janvier, les chefs de ces grandes formations ont signé un accord prévoyant la mise en place d'une seule administration dans la région autonome. L'accord a été paraphé lors d'une réunion extraordinaire du Parlement kurde à Erbil par Jalal Talabani et Massoud Barzani. Les deux grands partis kurdes avaient annoncé le 7 janvier mettre les dernières touches à cet accord qui mettra fin à la présence de deux administrations dans la région autonome, qui a élu le 30 janvier 2005 un seul Parlement kurde de 111 membres pour une période de quatre ans. L'accord signé le 21 janvier ne prévoit toutefois pas de faire fusionner tout de suite les départements de l'Intérieur, des Finances, de la Justice et des Peshmergas (forces armées) du PDK qui contrôle les provinces d'Erbil et de Dohouk et de l'UPK qui administre la province de Souleimaniyeh. Un délai d’un an est prévu afin d’harmoniser les règlements et procédures ainsi que les statuts des personnels de ces ministères. La formation du Gouvernement kurde unifié pourrait prendre quelques semaines en raison notamment du retard pris dans la constitution du gouvernement fédéral à Bagdad. Certaines personnalités étant pressenties pour les deux gouvernements une certaine synchronisation semble nécessaire.
Par ailleurs, le Haut commissariat de l'Onu aux réfugiés (HCR) a exhorté le 6 mars des réfugiés kurdes iraniens qui avaient fui l'Irak pour un no man's land le long de la frontière jordanienne à se rendre au Kurdistan irakien. Dans un communiqué, l'Agence onusienne a estimé que les 190 Kurdes iraniens qui avaient fui un camp à l'ouest de Bagdad début 2005 pour une zone désertique dans l'ouest du pays « se sont mis eux-mêmes dans une situation risquée » et ne peuvent être aidés par le HCR pour des raisons logistiques. Le HCR leur demande de profiter d'un accord passé en septembre entre l'Agence onusienne et le gouvernement régional du Kurdistan d'Irak pour s'installer à Kawa, dans la province d'Erbil. L'Agence onusienne a promis de fournir une assistance financière et des moyens de transports aux réfugiés qui souhaiteraient s'installer au Kurdistan irakien, où des logements, des rations alimentaires et des écoles seront mis à leur disposition. Selon le HCR, ces Kurdes iraniens demandent à entrer en Jordanie dans un camp de transit mis en place après l'intervention en Irak par les forces de la coalition en mars 2003, avant d'être installés par le HCR dans un pays tiers. Ces Kurdes, qui avaient fui l'Iran après la révolution islamique, vivaient jusqu'à début 2005 dans un camp de réfugiés près de Ramadi, à l'ouest de Bagdad.
D’autre part, les autorités kurdes ont, le 1er mars, annoncé que des négociations sont en cours avec la compagnie pétrolière canadienne Western Oil Sands pour la conclusion d'un contrat d'exploration dans la région de Garmiane, à 120 km au sud de Soulaimaniyeh. « Des discussions ont eu lieu au cours des derniers mois avec des représentants de Western Oil Sands sur les détails d'un contrat d'exploration de pétrole de la région de Garmiane », a indiqué Jamal Aziz, ministre de la Coopération au sein du gouvernement autonome kurde de Soulaimaniyeh. La région de Garmiane, qui comprend Kalar, Baounour et Chokel, est riche en pétrole et renferme d'importantes réserves. Il s'agit du deuxième projet pétrolier annoncé par les autorités kurdes. Le 29 novembre 2005, un premier puits de test a été foré dans la région de Zakho, à la frontière avec la Turquie, par une compagnie norvégienne, DNO.
Les dirigeants d'Irak peinent à doter leur pays d'institutions stables trois ans après l'intervention en Irak par une coalition internationale qui a chassé du pouvoir le régime dictatorial de Saddam Hussein. Trois mois après son élection, le Parlement irakien a tenu le 16 mars à Bagdad une session inaugurale protocolaire, alors que les tractations politiques butent toujours sur le choix d'un Premier ministre et la formation d'un gouvernement d'union nationale. Lors de la session qui n'a duré que 40 minutes, les 275 députés réunis dans le secteur fortifié de la Zone verte à Bagdad, au milieu d'un imposant dispositif de sécurité, ont prêté serment sans désigner leur président. Avant de proclamer officiellement la dissolution de l'Assemblée intérimaire et confier la présidence de la session de M. Pachachi, 83 ans, le président sortant de la chambre, le sunnite Hajem al-Hassani a souligné que la première priorité pour le pays était la formation d'un gouvernement d'union nationale. La session a commencé par la lecture de versets du Coran et une minute de silence a été ensuite observée pour marquer l'anniversaire de l'attaque à l'arme chimique en 1988 contre les habitants de ville kurde de Halabja.
Les partis kurdes et sunnites sont opposés à ce que le Premier ministre irakien sortant, soit reconduit à son poste. « Les groupes kurdes et sunnites pensent que (Jaafari) n'est pas la personne appropriée et ils ne peuvent pas former un cabinet avec lui car il n'adopte pas une position neutre », a affirmé, le 2 mars, le négociateur kurde Dr. Mahmoud Othman. En février, Ibrahim Jaafari avait été choisi pour ce poste par les chiites conservateurs de l'Alliance unifiée irakienne qui avaient obtenu 128 sièges sur 275 lors des élections de décembre. Il avait battu d'une voix le candidat du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), le vice-président Adel Abdel Mahdi. Mais ce choix est désormais rejeté par plusieurs groupes parlementaires: l'Alliance kurde (53 sièges), le Front de la Concorde sunnite (44 sièges) et la liste de l'ancien Premier ministre chiite Iyad Allaoui (25 sièges). Ces groupes considéraient qu'Ibrahim Jaafari avait échoué dans sa tâche l'an dernier. Le chef de l'Etat irakien Jalal Talabani avait vivement critiqué le 1er mars la visite à Ankara de M. Jaafari et indiqué que tout accord avec la Turquie n'aurait « aucune valeur », le gouvernement actuel étant seulement chargé des affaires courantes. « La présidence de la République est extrêmement surprise par le voyage de M. Jaafari en Turquie sans qu'il en informe le gouvernement irakien, ce qui est en contradiction avec la Loi fondamentale, toujours en vigueur », a affirmé un communiqué de la présidence.
Pour avancer dans la formation du gouvernement, une nouvelle institution, un Conseil de sécurité nationale, formé de 19 membres, a été approuvée le 19 mars dans son principe. Mais les prérogatives du Conseil, supposé contre-balancer le pouvoir du Premier ministre, restent à définir. Elles doivent être consultatives selon le bloc chiite majoritaire au Parlement qui insiste sur le respect de la Constitution, et plus que ça selon les sunnites, les Kurdes et le bloc d'Iyad Allaoui. Le Conseil de sécurité nationale, bien qu'il ne soit pas prévu par la Constitution, est perçu comme un moyen de faciliter la formation d'un gouvernement d'union nationale entre les différentes familles politiques antagonistes. Il est supposé favoriser la participation de tous, chiites, sunnites et Kurdes, aux prises de décisions et semble remporter l'adhésion des représentants de ces groupes.
Par ailleurs, le troisième anniversaire de l'intervention militaire en Irak a déclenché de vives critiques contre l'administration Bush. La plus spectaculaire est venue d'un général à la retraite de l'armée de terre, qui était responsable de la formation des forces irakiennes de sécurité en 2003 et 2004. Le général Paul Eaton a rejeté le blâme pour les échecs en Irak sur le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld, le dépeignant dans une tribune libre dans le New York Times comme un dirigeant brutal voulant s'occuper des moindres détails, s'aliénant ses alliés et ignorant les recommandations de l'état-major. De son côté, l'ancien Premier ministre intérimaire irakien Iyad Allaoui, dans une interview diffusée le même jour par la BBC télévision, a estimé que l'Irak est aux prises avec une guerre civile dont les conséquences n'épargneront pas l'Europe et les Etats-Unis. « C'est malencontreux, mais nous sommes en guerre civile », a déclaré M. Allaoui. « Chaque jour nous perdons une moyenne de 50 à 60 personnes à travers le pays, peut-être plus. Si ce n'est une guerre civile, alors Dieu seul sait ce que peut être une guerre civile », a-t-il ajouté.
A Washington, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld a averti qu'une retraite précipitée d'Irak aurait pour résultat une prise de pouvoir des terroristes dans ce pays et serait comme si l'Allemagne d'après-guerre avait été rendue au régime nazi. « Considérez que si nous nous retirons maintenant, il y a toute raison de penser que les partisans de Saddam (Hussein) et les terroristes rempliront le vide -- et que le monde libre pourrait ne plus avoir la volonté de leur faire face », a déclaré M. Rumsfeld le 19 mars au Washington Post, au lendemain de manifestations contre la guerre en Irak qui ont rassemblé plusieurs centaines de milliers de personnes aux Etats-Unis. « Tourner le dos à l'Irak aujourd'hui serait l'équivalent moderne d'un retour de l'Allemagne d'après-guerre aux nazis. C'est comme si on avait demandé aux pays libérés d'Europe de l'Est de retourner sous domination soviétique », a-t-il assuré. Enfin, le chef des forces américaines en Irak a déclaré le 19 mars que les troupes américaines devraient rester sur place ces prochaines années, même si leur nombre sera réduit au fur et à mesure que les forces irakiennes deviendront plus puissantes. L'armée américaine a, le 30 mars, annoncé que 2.330 soldats américains et personnels assimilés morts sont en Irak depuis l'intervention militaire en mars 2003, selon un décompte de l'AFP basé sur les chiffres du Pentagone.
Il est vrai que les attentats à caractère confessionnel se multiplient. Le 14 mars, les corps de 44 Irakiens ont été découverts dans une camionnette et dans une fosse commune à Bagdad, selon une source du ministère de l'Intérieur. Les corps de 15 jeunes Irakiens, les mains ligotées et portant des traces de pendaison, ont été découverts dans une fourgonnette dans l'ouest de Bagdad. Selon un policier à la morgue de Bagdad, les quinze personnes ont été pendues. Le seul portant une pièce d'identité est un étudiant sunnite de Bagdad, a précisé ce policier. Par ailleurs, 29 autres corps criblés de balles, les mains ligotées, ont été retrouvés dans une fosse commune dans l'est de Bagdad. Ces découvertes portent à 80 le nombre de corps retrouvés en deux jours en Irak, faisant craindre des liquidations à caractère confessionnel. La veille, 13 corps avaient été découverts dans le quartier chiite de Sadr City, à Bagdad, où six attentats avaient tué le 12 mars plus de 50 personnes et blessé 204 autres. Vingt et un autres corps criblés de balles, dont certains les mains ligotées et portant des traces de torture, avaient également été découverts le 13 mars à Bagdad et à Mossoul.
Par ailleurs, le 27 mars, quarante personnes ont péri dans un attentat suicide contre des recrues de l'armée irakienne dans la région d’Azki Kalak, province de Mossoul, l'attentat le plus sanglant contre les recrues des forces de sécurité irakiennes depuis celui qui avait tué près de 70 personnes en janvier à Ramadi. L'attentat survient au lendemain d'un raid sanglant dans le nord de Bagdad dans lequel des responsables chiites ont vu une nouvelle bavure de l'armée américaine faisant 16 morts. Le président irakien Jalal Talabani a annoncé la création d'une commission d'enquête américano-irakienne qu'il va présider après ce raid meurtrier. Le 20 mars, le magazine Time a annoncé que l'armée américaine enquête déjà sur la mort de 15 civils irakiens qui auraient été tués par des Marines le 19 novembre 2005, près de la ville de Haditha, dans l'ouest de l'Irak, après que leur véhicule eut été atteint par une bombe. Sept femmes et trois enfants figuraient parmi les tués, selon le magazine. Selon des organismes de défense des droits de l'Homme cités par Time, si ces accusations sont vérifiées, il s'agirait du plus grave cas de meurtre délibéré d'Irakiens par des GI's depuis le début de la guerre en Irak.
De nombreux intellectuels turcs et kurdes se sont réunis les 11 et 12 mars à Istanbul pour chercher une solution pacifique à la question kurde en Turquie alors que le pays négocie son adhésion à l'Union européenne. Baptisée « Quêtes pour une solution civile et démocratique : le problème kurde de la Turquie », la conférence qui a duré deux jours s'est ouverte sous haute sécurité, des groupes ultranationalistes ayant menacé de perturber les réunions. Des policiers ont fouillé les participants à l'entrée du campus de l'université privée de Bilgi où se sont déroulées les discussions alors que de nombreux policiers anti-émeutes étaient déployés dans les environs. Ercan Karakas, ancien ministre de la Culture impliqué dans le projet, a déclaré que « des groupes ultranationalistes ont menacé de saboter la conférence ». Seul un petit groupe de nationalistes de gauche a manifesté pour dénoncer la conférence. M. Karakas a estimé qu’ « en dépit de certains pas en faveur des Kurdes, le problème reste entier ». Mais il a reconnu que des progrès avaient été réalisés dans la société pour parler du conflit kurde, autrefois sujet tabou. « Une telle conférence il y a 20 ans aurait été impensable », a-t-il affirmé.
Il ne s'agit pas de la première rencontre de ce genre mais de par le nombre des participants et les sujets abordés, la conférence, qui a donné la parole à une cinquantaine d'intellectuels, des universitaires, des politiciens, des journalistes et des acteurs de la vie culturelle, est la plus importante de ces dernières années. Les différentes table-rondes ont été l’occasion de traiter les sujets suivants : « L’évolution et l’arrière-plan historique de la question kurde », « les organisations et expériences », « les exodes et leurs conséquences psychologiques et sociales », « nationalisme », « l’expérience irakienne et ses impacts régionaux », « les droits à l’identité, dimensions sociales et culturelles », « notion de minorité », « la question kurde et les politiques d’Etat » et « la question kurde et les média ».
Le conflit entre l’armée turque et le parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), qui a pris les armes contre Ankara en 1984, a fait environ 37.000 morts, plus de 3 millions de déplacés et a conduit à des violations des droits de l'homme, telles que l'usage systématique de la torture ou l'incendie de milliers de villages kurdes par les forces turques. L’Association turque des droits de l’homme parle de plus de 3400 villages kurdes détruits, incendiés ou évacués.
Lors de la conférence, Ismail Besikci, sociologue et écrivain turc qui a passé 14 ans dans les geôles turques en raison de ses travaux universitaires sur les Kurdes, a très chaleureusement été ovationné par la salle. Le sociologue a déploré lors de son intervention le fait que les Kurdes tout au long de leur histoire aient été considérés comme « une source de problème » par les États de la région où ils vivent écartelés, dont la Turquie.
L'ensemble des intervenants a appelé le PKK à renoncer à la violence. Sertaç Bucak, un défenseur des droits des Kurdes, a exhorté les combattants kurdes à déposer les armes afin qu'une « solution fédérale » puisse être trouvée au conflit à l'instar d'autres pays européens frappés autrefois par le séparatisme nationaliste comme l'Espagne. « La violence engendre la violence et ne bénéficie qu'à ceux qui tirent profit des combats », a-t-il souligné.
Nilüfer Akbal, une chanteuse populaire kurde qui exhorte à la levée de toutes les restrictions imposées sur la langue kurde en Turquie, a affirmé : « Je veux chanter dans ma langue maternelle, c'est mon droit le plus légitime ». L’artiste a estimé que si la Turquie veut se démocratiser c'est avant tout par la langue kurde qu'elle doit commencer. « J'ai toujours vécu le sentiment d'être l'autrui, celle qui est différente des autres », c'est-à-dire les Turcs, a-t-elle indiqué au deuxième et dernier jour de la conférence. Chanter en kurde est désormais autorisé mais Mme Akbal déplore encore de nombreux préjugés: « Quand je dis à quelqu'un que je fais de la musique kurde, on me regarde d'un air bizarre, comme si j'étais une “terroriste“ », a expliqué l'artiste. A l'instar d'autres artistes kurdes, elle dénonce des pressions des autorités policières. « Nous les artistes kurdes, nous sommes fichés à la police et on doit présenter un casier judiciaire vierge à chaque fois que nous voulons donner un concert », a affirmé la chanteuse.
Désireuse d'affermir sa crédibilité en tant que régime démocratique afin de s'intégrer à l'UE avec laquelle elle a entamé en octobre des négociations d'adhésion, la Turquie a autorisé en 2003 l'enseignement, à titre privé, de la langue kurde ainsi que son usage, très limité et encadré dans des émissions publiques. Mais les Kurdes de Turquie estimés à plus de 18 millions sur une population de 72 millions en demandent davantage et appellent le gouvernement d'accorder à la langue kurde le statut de langue officielle. La Constitution turque interdit l'utilisation d'une autre langue que le turc, seule langue officielle, dans les établissements publics. Le principal parti pro-kurde de Turquie, le DTP (Parti pour une société démocratique) a demandé la semaine dernière au gouvernement d'accorder à la langue kurde le statut de langue officielle, un appel qui a eu peu d'effets à Ankara. « Nous insistons pour que le kurde soit enseigné à l'école et dispose d'un statut officiel », a expliqué Ahmet Türk, un ancien député kurde, co-président du DTP présent à la conférence.
Plusieurs établissements privés d'enseignement du kurde ont ouvert leur portes après les réformes pro-européennes d'Ankara mais ils sont actuellement tous fermés, faute notamment de fonds et d'élèves. « Le kurde n'a pas de prestige social (...) les gens savent qu'ils ne peuvent l'utiliser dans la fonction publique et le commerce mais seulement dans la vie quotidienne, chez eux, et n'envoient donc pas leurs enfants l'étudier dans les écoles privées », a relevé Dr Salih Akin, chercheur à l'Université de Rouen, en France. Il a exhorté le gouvernement à amender la Constitution pour que le kurde devienne « la deuxième langue officielle » de la Turquie.
La conférence, qui constituait une « première », a été largement couverte par la presse internationale. Elle a fait la Une des journaux turcs, et accueilli parmi les participants de nombreuses délégations des représentations étrangères en Turquie.
Des émeutes ont, le 28 mars, secoué Diyarbakir, la capitale politico-culturelle du Kurdistan turc, lorsque plusieurs milliers de personnes se sont affrontés à la police turque après l'enterrement de quatre de 14 combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) tués le 25 mars dans des accrochages avec l'armée dans la province de Mus. La police a tiré en l'air et lancé de grenades de gaz lacrymogène pour disperser une foule d'environ dix mille personnes qui scandaient des slogans après l’enterrement. Les manifestants ont jeté des pierres contre des bâtiments publics lors des incidents qui se sont produits surtout dans le quartier populaire de Baglar. La police anti-émeutes a répliqué avec des grenades lacrymogènes, des canons à eau et des tirs d'avertissement. Des renforts dont des paramilitaires ont été envoyés à Diyarbakir depuis cinq provinces voisines, selon les autorités locales. Des chars sont arrivés dans une garnison située aux abords de la ville. Des patrouilles ont sillonné la ville et des membres des forces spéciales de la police, fusils-mitrailleurs à la main et protégés par des véhicules blindés, ont été déployés à une centaine de mètres de la mosquée aux abords de laquelle les manifestants avaient commencé à se rassembler dans la matinée. Les manifestants ont vandalisé de nombreux magasins et se sont attaqués aux bâtiments publics dans la ville. De nouvelles violences ont éclaté le 30 mars alors que des milliers de personnes assistaient aux obsèques des trois victimes des affrontements des deux jours précédents, deux jeunes hommes et un enfant de huit ans. Certains membres du cortège funèbre s'en sont pris à un commissariat de police. Les forces de l'ordre ont riposté en tirant des grenades lacrymogènes et en faisant usage de leurs matraques, tuant un enfant de 7 ans. Selon les chiffres officiels le 31 mars, six personnes, dont deux enfants, ont été tuées et plus de 250 autres blessées, pour la plupart des membres des forces de sécurité, dans les émeutes.
Environ 200 manifestants ont été arrêtés au cours des violences, les pires depuis dix ans à Diyarbakir, selon le gouverneur de la ville, Efkan Ala. Les incidents dans cette ville d’un million d’habitants ont fait tâche d'huile dans les villes voisines. Ainsi à Batman, à l'est de Diyarbakir, quelque 3.000 manifestants kurdes ont incendié le 30 mars une succursale de banque et un bâtiment des chemins de fer. Les affrontements ont fait dix blessés. Des incidents similaires se sont produits à Siirt, à une centaine de kilomètres à l'est de Diyarbakir mais également à Adana (sud), qui compte une forte communauté kurde.
Les nationalistes turcs mettent en cause la politique du Premier ministre Tayyip Erdogan, qui s'était rendu à Diyarbakir l'été dernier où il avait affirmé que la Turquie avait commis des erreurs dans sa gestion du « problème kurde ». Le 30 mars au soir, de retour d'une visite privée en Arabie Saoudite, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a indiqué qu' « aucune action non-conforme aux lois ne sera tolérée » dans la ville. « Notre peuple doit se sentir en sécurité. Les forces de sécurité feront le nécessaire », a-t-il déclaré. Le ministre de l'Intérieur Abdülkadir Aksu est de son côté arrivé à Diyarbakir tard le 30 mars pour des inspections. Signe d'un accroissement des tensions, le ministère de l'Intérieur a annoncé qu'une enquête avait été ouverte sur des propos favorables aux protestataires qu'aurait tenus le maire de Diyarbakir, Osman Baydemir. Ankara soupçonne M. Baydemir - dont le Parti pour une société démocratique (DTP) se bat pour les droits politiques et culturels des Kurdes, d'être lié au PKK. « Se servir de femmes et d'enfants dans un combat terroriste traduit un manque de respect envers l'être humain (...) Il est hors de question que le gouvernement tolère des actions hors-la-loi. Personne ne doit s'attendre à ce que nous transigions là-dessus », a déclaré Erdogan. Un communiqué conjoint de l'armée, de la police et des autorités civiles annonce qu'ont été prises « toutes le mesures nécessaires dans le cadre des limites de la loi et de la démocratie pour combattre le séparatisme ainsi que le terrorisme, et de les mettre en oeuvre avec une détermination absolue ».
Un regain de violence est enregistré depuis juin 2004, quand le PKK a déclaré la fin d'un cessez-le-feu alors qu’Ankara refuse tout dialogue avec le PKK, considéré comme un groupe « terroriste ». La diplomatie turque a exhorté le 29 mars le Danemark à fermer la chaîne de télévision kurde par satellite Roj TV, qui émet depuis le Danemark, et qui selon Ankara a encouragé les Kurdes au soulèvement de cette semaine. Ankara accuse Roj TV d'être l'organe du PKK, la chaîne affirmant qu'elle n'a aucun lien avec lui.
A l’instar du porte-parole de la police à Ankara, Ismail Caliskan, qui a évoqué une « provocation » des combattants kurdes et accusé les émeutiers de s'être servi des enfants dans les incidents, la presse turque appelait le 31 mars le gouvernement à ne pas baisser les bras devant ce qu'elle considère comme une « provocation » du PKK. « Un pays qui marche sur la voie de l'adhésion à l'UE et met en oeuvre des réformes courageuses ne doit pas céder devant ce qui se produit », estimait un éditorialiste du Turkish Daily News.
Les Baha'is de France ont manifesté le 28 mars leur inquiétude après le lancement en Iran d'une opération de recensement et de surveillance de leurs coreligionnaires dénoncée par une spécialiste des droits de l'Homme à l'ONU. Dans un communiqué, les Baha'is de France se disent « très inquiets pour la vie des 350.000 Baha'is iraniens, la minorité religieuse non musulmane la plus nombreuse du pays ». Ils soulignent que « l'établissement de ce fichier et le climat actuel rappellent les campagnes qui avaient annoncé les précédentes vagues de répression massive », notamment en 1955 et 1979. La semaine précédente, Mme Asma Jahangir, rapporteur spécial de la Commission des droits de l'Homme de l'ONU sur la liberté de religion ou de conviction, a publié un communiqué dénonçant des instructions données fin octobre pour recenser et mettre sous surveillance les Baha'is en Iran.
Mme Jahangir indiquait avoir eu connaissance d'une lettre confidentielle attribuant ces instructions au chef de l'Etat Ali Khamenei et envoyée le 29 octobre 2005 par le chef d'état-major iranien à divers organismes gouvernementaux dont les Gardiens de la Révolution et les forces de police. « Ces derniers développements montrent en réalité que la situation des minorités religieuses en Iran se détériore », selon le communiqué de Mme Jahangir, qui redoutait que cette mise sous surveillance « puisse être utilisée comme base pour davantage de persécutions et de discriminations envers les fidèles de la foi Baha'ie ».
Par ailleurs, le dissident politique iranien, Akbar Ganji, a, le 18 mars, été libéré après avoir purgé six ans de prison. Portant une longue barbe, le dissident qui ne pèse plus que 49 kg qui était à son domicile dans le nord de Téhéran, s’est contenté de faire de larges sourires et des signes de la main. « Il a décidé de ne pas parler à cause de sa situation physique, il ne doit pas être fatigué », a déclaré son avocat, Mostapha Molaïe, qui se tenait à ses côtés. « Cela n'a rien à avoir avec des pressions et une demande quelconque de la part du pouvoir », a-t-il ajouté. M. Ganji, arrêté en avril 2000 alors qu'il travaillait au quotidien Sob-e Emrouz, a été condamné en 2001 à six ans de prison après plusieurs articles mettant en cause plusieurs dignitaires dans une série de meurtres d'intellectuels et d'écrivains. Depuis sa prison, il a également écrit plusieurs brûlots critiquant sévèrement le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, réclamant même sa démission. L'été dernier, il a mené une longue grève de la faim pour demander sa libération, mais les autorités ont refusé de se plier à sa demande. En août 2005, il avait finalement mis un terme à sa grève de la faim de plus de 60 jours avant d'être renvoyé de l'hôpital où il se trouvait à la prison. Le mois dernier, son épouse avait indiqué que l'état de santé de son mari s'était détérioré après cinq mois en isolement.
De plus, l'avocat iranien Abdolfattah Soltani, collaborateur du Prix Nobel de la paix Shirin Ebadi, a été libéré sous caution le 5 mars. Il a été détenu pendant plus de sept mois. « Après que le tribunal ait accepté de baisser le montant de la caution de huit milliards à un milliard de rials (de 874 000 à 109 000 dollars), un certificat de propriété d'un montant équivalent a été donné par ses amis au tribunal et il a été libéré la nuit dernière », a déclaré son épouse. Elle a précisé qu'aucune date n'a été fixée pour le début de son procès et que ses avocats n'ont pas eu accès au dossier d'accusation. M. Soltani a été détenu 218 jours, dont 43 en isolement, selon Mme Dehghan. Abdolfattah Soltani a été arrêté le 30 juillet 2005 alors qu'il tenait un sit-in dans l'un des locaux du barreau de Téhéran pour protester contre un mandat d'arrêt délivré à son encontre. L'Iran avait annoncé en 2004 avoir arrêté une dizaine de personnes espionnant les activités nucléaires nationales pour le compte des Etats-Unis et d'Israël. M. Soltani appartient au cercle d'avocats du prix Nobel Shirin Ebadi, qui traite de dossiers aussi sensibles que ceux des espions nucléaires.
Selon un décompte de l'AFP basé sur des informations de presse et des témoins,
28 personnes ont été exécutées en Iran depuis le début de l'année.
Au moins 81 personnes ont été exécutées en Iran en 2005, selon ce même décompte. La trahison, l'espionnage, le meurtre, l'attaque à main armée, le trafic de drogue à partir de plus de 5 kg d'opium saisis, le viol et la sodomie, l'adultère, la prostitution et l'apostasie sont passibles de la peine de mort en Iran.
La Syrie a, le 8 mars, célébré le 43ème anniversaire de l'arrivée au pouvoir du Baas, dans l'isolement et sur fond d'accusations internationales dans l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri. L'organe du parti au pouvoir, « al-Baas », a affirmé la veille que « la révolution du 8 mars 1963 n'a pas été un évènement ordinaire » et appelé les Syriens à ne pas voir que « les quelques erreurs » commises durant ce long parcours. Depuis l'assassinat de Rafic Hariri, le 14 février 2005, la Syrie est dans le collimateur de la communauté internationale. L'Onu, Washington et Paris notamment, réclament de Damas une coopération totale à l'enquête sur cet assassinat.
Malgré les recommandations du parti Baas en faveur de nouvelles réformes, lors de son de son congrès général de juin 2005, les autorités ont multiplié les arrestations et les tracasseries contre les militants de la démocratie. Dix-huit Kurdes, arrêtés le 20 mars avec des dizaines d'autres personnes par les forces de sécurité syriennes à Alep ont, le 28 mars, été libérés, a affirmé Ammar al-Kourbi, défenseur des droits de l'Homme. « Les autorités syriennes ont libéré 18 Kurdes, parmi les 36 personnes poursuivies en justice, arrêtées pendant les célébrations du nouvel an kurde à Alep, dans le quartier d'Achrafié », a indiqué M. Kourbi dans un communiqué. Il réclame « une solution au problème du peuple kurde en Syrie, l'octroi de la nationalité promise et la libération de tous les prisonniers politiques ». Les 36 personnes arrêtées le 20 mars étaient « accusées d'avoir porté atteinte aux biens publics, incité au confessionnalisme et résisté par la violence » aux forces de sécurité, avait, le 26 mars, indiqué l’avocat et militant des droits de l'Homme Moustapha Souleiman. Quelque 3.000 Kurdes portant des drapeaux kurdes s'étaient rassemblés le 20 mars en soirée dans le quartier Achrafié à Alep pour célébrer le nouvel an kurde, le Newroz. Les policiers sont intervenus pour les disperser en tirant des gaz lacrymogènes et les manifestants ont riposté en jetant des pierres sur les forces de l'ordre. Ces heurts surviennent alors qu'Alep, la deuxième ville de Syrie située à 350 km au nord de Damas, célèbre sa nomination comme capitale de la culture islamique 2006 choisie par l'Organisation islamique pour l'Education, les sciences et la culture (OIESC) pour la région arabe. Pièces de théâtre, films, conférences ainsi que tables rondes, salons du livre, concerts et défilés y ont lieu. Par ailleurs, selon le communiqué, deux étudiants Mohammad Oussama Kash (arrêté en 2003) et Abdel Rahmane al-Chérif (arrêté en 2004) ainsi que Hussein Rajab al-Aboud ont été condamnés à dix ans de prison, sans préciser les chefs d'accusation. « L'écrivain Fayez al-Hallak a été arrêté à la suite de la publication de son dernier livre et déféré devant un tribunal militaire (le 27 mars, ndlr) », selon le texte. « Ces arrestations sont injustifiées de la part du pouvoir syrien et sont nuisibles au pays », a dénoncé M. Kourbi.
De plus, le 19 mars, la Cour de sûreté de l'Etat syrien a condamné six Kurdes à des peines allant de six mois à sept ans de prison. Balkhati Abdo, Mohammad Khalil Aalo et Walat Younès, membres du Parti de l'Union démocratique, formation kurde interdite, ont été condamnés à deux ans et demi de prison pour appartenance à « une organisation secrète », a indiqué l'avocat des droits de l'Homme Anouar Bounni. Sadeq Aalo et Loqmane Othmane ont été condamnés à sept ans de prison et Ali Mahii à six mois pour avoir tenté d' « annexer une partie du territoire » syrien à un pays étranger. Un Syrien, Ahmad Haj Omar, accusé de vouloir « modifier la société et d'affaiblir le sentiment national », a en outre écopé de dix ans de prison. Un Jordano-Palestinien, dont seul le nom de famille, Abou-Mayyala, était connu, a été condamné à trois ans de prison puis à l'expulsion de la Syrie pour « atteinte à l'image de l'Etat » syrien, a poursuivi Me Bounni. D’autre part, deux étudiants syriens, Omar Abdallah et Diab Serrieh, ont été arrêtés samedi pour avoir voulu « constituer un rassemblement démocratique de jeunes pour discuter des problèmes de la jeunesse ». Au total, huit étudiants sont incarcérés en ce moment pour avoir voulu former un groupe politique, précise Anouar Bounni.
Me Bounni, directeur du Centre syrien pour les études judiciaires, a demandé aux autorités syriennes de « cesser de mener une politique visant à terroriser la société et les militants en réprimant toute action et en ayant recours à la Cour de sûreté de l'Etat, qui est un tribunal illégal ». Par ailleurs, cinq mouvements de défense des droits de l'Homme ont demandé au gouvernement syrien dans un communiqué de « libérer immédiatement tous les détenus politiques des geôles syriennes et de prendre d'urgence des mesures sérieuses pour introduire la démocratie ». « Il est nécessaire de lever tous les interdits muselant les droits à la libre expression et à la formation de partis politiques et d'organisations de la société civile », ajoute le texte. Parmi les signataires, figurent l'Organisation syrienne des droits de l'Homme (OSDH) et les Comités de défense des libertés démocratiques et des droits de l'Homme en Syrie.
Du 12 au 17 mars 2004, des affrontements sanglants avaient opposé pendant cinq jours des Kurdes aux forces de l'ordre ou à des tribus arabes au Kurdistan de Syrie, notamment à Qamichlo et Alep, faisant 40 morts selon des sources kurdes, et 25 morts selon les autorités syriennes. L'opposant et ex-député syrien Riad Seif a été libéré dans la nuit du 13 mars, plusieurs heures après son arrestation lors d'un sit-in à Damas commémorant les heurts ayant opposé en mars 2004 Kurdes et forces de l'ordre. M. Seif a été arrêté alors qu'il se trouvait parmi des manifestants qui avaient tenté le 12 mars de transmettre un message au Premier ministre syrien, Mohammad Naji Otri, demandant la libération de détenus politiques. Quatre militants kurdes, Ismaïl Mohammad (étudiant), Zoubeir Abdel Rahman Haïdar, Assaad Cheikho et Tamr Moustapha du Parti démocratique progressiste kurde qui ont été arrêtés en compagnie de Riad Seif, sont maintenus en détention. En outre, l'Organisation syrienne des droits de l'Homme (OSDH) a annoncé le 12 mars l'arrestation du porte-parole de l'Organisation arabe des droits de l'homme en Syrie, Ammar Qourabi, à l'aéroport international de Damas, à son retour d'une tournée en France et aux Etats-Unis. Les autorités judiciaires ont également « renforcé les accusations » portées contre l'opposant Kamal Labouani, arrêté en novembre 2005 à son arrivée à l'aéroport de Damas en provenance des Etats-Unis. M. Labouani, fondateur du Rassemblement libéral, est accusé à présent de « contacts avec un pays étranger pour l'inciter à lancer une agression » contre la Syrie. Ce chef d'accusation est passible de « travaux forcés à perpétuité ». Auparavant, M. Labouani avait été accusé d' « avoir transmis des informations mensongères », accusation passible de trois ans de prison. Durant sa visite à Washington, M. Labouani s'était notamment entretenu avec le conseiller adjoint à la sécurité nationale du président américain George W. Bush. Ce dernier a réclamé la libération de M. Labouani.
La presse contrôlée par le Baas qui règne sans partage sur le pays depuis quatre décennies, subit bien sûr le même sort que les militants des droits de l’homme. Pour les Syriens en quête d'une information libre, la Toile représente aujourd'hui la seule bouffée d'oxygène mais l'exercice n'est pas sans risque. Quand il s'agit de politique, les Syriens préfèrent aller surfer sur Champress (www.champress.net), Syria News (www.syria-news.com) ou All4Syria (www.all4syria.org). De loin le plus libre, ce dernier site, qui propose de véritables revues de presse et des articles en anglais, est dirigé par Ayman Abdelnour, qui appartient pourtant au parti. En dépit de ces attaques virulentes contre le régime, M. Abdelnour, qui se targue d'avoir 16.000 abonnés, n'a pas subi les foudres du pouvoir, peut-être grâce à sa relation, jusque là de confiance, avec le président syrien Bachar al-Assad. D'autres ont été moins chanceux. Massoud Hamid, un journaliste kurde syrien de 29 ans, a été arrêté en juillet 2004 et condamné à trois ans de prison pour « appartenance à une organisation secrète », selon l'organisation de défense de liberté de la presse Reporters sans frontières, qui l’a primé pour son courage. Il avait diffusé sur un site Internet basé à l'étranger des photos d'une manifestation kurde en Syrie. Au nombre des sites très consultés figurent également Al-Hiwar Al-Moutamaden (www.rezgar.com), fondé par une coalition de partis de gauche, et Akhbar al-Charq (www.thisissyria.net), proche des Frères musulmans, une formation interdite. Le site féministe Syrian Women (www.nesasy.com) aborde des sujets sensibles au sein d'une société traditionaliste en remettant en cause les lois jugées discriminatoires. Comme d'autres, ils sont parfois bloqués puis rouverts au gré de l'humeur des censeurs syriens. Au-delà du problème de la censure de la Toile, une autre problème rend difficile l'accès à ces médias alternatifs: seuls 4,1% des Syriens ont accès à l'Internet, selon un rapport publié en octobre dernier par l'Arab Advisors Group, basé à Amman.
Par ailleurs, malgré les pressions régionale et internationale, la croissance économique a enregistré un taux de 4,5% en 2005, la plus forte depuis dix ans, selon la revue spécialisée, Oxford Business group. L'année écoulée s'est caractérisée par un bond de 30% des investissements étrangers directs (IDE), notamment américains (Coca-cola, Pepsi-cola, Kentucky fried Chicken) et français (fromageries Bel, électricien Legrand). Les pays arabes du Golfe sont également présents dans des projets immobiliers d'une valeur d'environ 6 milliards de dollars (Emirats arabes unis, Koweit). Des compagnies pétrolières chinoise, russe et indienne se préparent à investir dans ce secteur, en dépit de la baisse de la production du pétrole en Syrie. Mais le principal problème reste le chômage, qui s'établit à plus de 20% de la population active, alors que le taux d'inflation s'élève à 10%, selon des chiffres officiels. De plus, le département américain du Trésor a interdit le 9 mars aux institutions financières du pays d'ouvrir ou de conserver des comptes pour la Commercial Bank of Syria (CBS), car cette banque « a été utilisée par des terroristes pour déplacer des fonds, et a blanchi de l'argent de la vente illicite de pétrole irakien ».
Plus de 120.000 personnes selon la police et plus de 500 000 selon les organisateurs, ont fêté pacifiquement le 21 mars à Diyarbakir, le Newroz, le nouvel an kurde, sans que des incidents majeurs ne se produisent comme le craignaient les autorités. Quelque 3.000 policiers étaient déployés pour assurer l'ordre sur la Place des Foires, à une dizaine de kilomètres du centre-ville. Le principal parti pro-kurde de Turquie, le DTP (Parti pour une société démocratique), avait, le 18 mars, choisi symboliquement de faire débuter cette année les célébrations dans la petite ville de Semdinli, aux confins de l'Iran et de l'Irak, frappée en novembre par un attentat qui a fait un mort et six blessés. La justice a lancé des poursuites contre deux militaires turcs et un repenti du PKK, soupçonnés d'être les auteurs de l'attentat à la bombe, qui visait une librairie appartenant à un ancien membre du PKK. Un général de haut rang, commandant l'armée de terre, a également été visé dans le cadre de cette affaire par un acte d'accusation lui reprochant la création supposée d'une « organisation clandestine » et des « abus de pouvoir ». Une délégation du DTP a profité de la cérémonie de réouverture de la librairie pour allumer le premier bûcher traditionnel du Newroz et appeler à un règlement pacifique de la question kurde devant une assistance de quelque 2.000 personnes. « Il n'est pas possible de régler les problèmes de ce pays avec les seuls moyens et menaces militaires. Venez et réfléchissons ensemble, assurons l'union et la fraternité », a déclaré le co-président du DTP Ahmet Türk.
Même si les célébrations se sont généralement déroulées dans le calme ces dernières années, les autorités craignaient des incidents en raison d'une recrudescence des violences après une série d'attentats sanglants attribués au PKK. Les forces de sécurité étaient sur le qui-vive, les incidents s'étant multipliés depuis juin 2004. Sur son site Internet, le PKK a appelé les Kurdes à se « soulever » contre l'Etat turc pour le Newroz et à « intensifier » la lutte armée. Les participants, qui étaient nombreux à brandir des drapeaux aux couleurs du PKK en dépit des interdictions édictées par les autorités, ont réclamé la libération d'Abdulah Öcalan et une amnistie pour les membres du PKK. « Amnistie générale pour une paix sociale », pouvait-on lire sur les banderoles déployées par les manifestants. Des avocats d'A. Öcalan ont lu à la foule un message de leur client qui a exhorté le gouvernement à déclarer une « amnistie générale » pour les combattants. « Je ne veux pas la guerre », a-t-il notamment affirmé. De nombreuses personnes ont signé une pétition en faveur de sa libération, qui purge une peine de prison à vie depuis 1999.
Des festivités étaient organisées dans l'ensemble du Kurdistan mais également dans les grandes villes turques. Plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont réunies sur une esplanade à la périphérie d'Istanbul pour allumer les traditionnels bûchers du Newroz. En dehors de jets de pierre sporadiques contre des policiers, aucun débordement n'a été constaté. La manifestation était encadrée par 4.500 policiers soutenus par des véhicules blindés, 500 gendarmes et un millier de soldats ayant été maintenus en état d'alerte à proximité de l'esplanade. Les unités anti-émeutes de la police sont en revanche intervenues dans la nuit du 19 mars pour disperser des manifestations kurdes illégales dans des quartiers populaires d'Istanbul. A Izmir (ouest), où quelque 5.000 personnes s'étaient réunies le 19 mars, la police est intervenue quand des manifestants ont déployé des affiches représentants Abdullah Öcalan, ceux-ci ripostant avec des jets de pierre. A Mersin (sud), théâtre l'an dernier de violents affrontements avec la police, les forces de sécurité -plus d'un millier- ont fouillé les milliers de participants aux cérémonies, qui ont eu lieu sans incidents, pour saisir les drapeaux et banderoles.
Le Newroz a été célébré d’une manière festive et familiale dans l’ensemble du Kurdistan irakien où il est fête nationale ainsi que dans le Kurdistan iranien. En Syrie, les autorités ont toléré la tenue de rassemblements de célébration mais il y a eu plusieurs incidents. Dans la diaspora kurde, les concerts et célébration de Newroz s’étalent souvent sur plusieurs semaines et permettent aux Kurdes et à leurs amis de se retrouver autour de leurs musiques et de leurs danses.
L'armée de l'air turque compte acheter 100 nouveaux appareils représentant une commande de 10 milliards de dollars et choisira le modèle d'ici la fin de l'année, rapporte le 28 mars l'agence de presse turque semi-officielle Anatolie, citant un haut fonctionnaire. Le choix se fera entre le F-35 Joint Strike Fighter (JSF) de Lockheed Martin et l'Eurofighter Typhoon, construit par le consortium éponyme formé par BAE Systems, EADS et Alenia Aeronautica, filiale de Finmeccanica, mais Ankara pourrait également panacher. Quoi qu'il en soit les nouveaux chasseurs doivent remplacer des F-16 et des F-4, a déclaré le sous-secrétaire à l'Industrie de la Défense Mourat Bayar, cité par l'agence de presse. Il a ajouté que la Turquie voulait que sa propre industrie de la défense assure la moitié du contrat. M. Bayar, responsable des marchés publics turcs pour la défense, devrait s'entretenir avec des responsables de Lockheed Martin, du Pentagone et plus généralement de l'industrie de la défense américaine à l'occasion d'un déplacement aux Etats-Unis.
Le JSF, outre d'être le programme d'armement du Pentagone le plus coûteux avec un budget qui dépasse les 250 milliards de dollars, est un avion de combat furtif, supersonique et multifonctions. Le projet est cofinancé par les USA et huit autres pays, dont la Turquie. Les autres pays associés sont la Grande-Bretagne, l'Australie, le Canada, l'Italie, les Pays-Bas, le Danemark et la Norvège. Le projet donne toutefois lieu à un contentieux dû au fait que Washington rechigne au partage des technologies. La Turquie, dont les Etats-Unis sont le fournisseur militaire attitré, a investi 175 millions de dollars dans la phase de développement du JSF et espère décrocher cinq milliards de dollars de contrats pour sa propre industrie, croient savoir les médias turcs.
La Turquie a, le 21 mars, été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour « violation de la liberté d'expression » suite à la requête du propriétaire et du rédacteur en chef d'un mensuel condamnés pour la publication d'articles sur le problème kurde et critiquant la politique carcérale du ministre de la justice. Tayfun Koç, propriétaire de la revue mensuelle Révolution pour l'égalité, la liberté et la paix et Musa Tambas, son rédacteur en chef, avaient été condamnés le 24 août 1998 par la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul, notamment pour diffusion de propagande contre « l'unité indivisible de l'Etat ». Les condamnations à des peines d'amende, à l'interdiction de la publication de la revue pendant un mois et à la confiscation des numéros litigieux avaient été suspendues, puis annulées le 6 juin 2003.
La Cour de Strasbourg a estimé que les articles, malgré leur ton quelquefois hostile, n'encourageaient pas à la violence, à la résistance armée ou à l'insurrection et ne s'analysaient pas en un discours de haine. Les juges des droits de l'homme ont par ailleurs relevé que « les peines avec sursis infligées aux requérants ont eu pour effet de censurer la profession même des intéressés, les contraignant à s'abstenir de toute publication susceptible d'être jugée contraire aux intérêts de l'Etat ». La Cour a en conséquence condamné Ankara pour violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme qui garantit la liberté d'expression et a alloué conjointement aux requérants 4 000 euros pour préjudice moral et 2 290 euros pour frais et dépens.