Quinze ans après avoir acquis son autonomie vis à vis de Bagdad, à l'issue de la première guerre du Golfe, le Kurdistan irakien a, le 7 mai, unifié son administration, scellant la réconciliation des deux partis kurdes historiques. Le 21 janvier, Jalal Talabani, président de l’Irak et chef de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) et Massoud Barzani, président du Kurdistan et leader du parti démocratique du Kurdistan (PDK), avaient signé un accord prévoyant la mise en place d'une seule administration dans le Kurdistan. Jusqu'à présent, le PDK administrait les provinces d'Erbil et de Douhok, et l'UPK celle de Souleimaniyeh. Cet accord met ainsi fin à la présence de deux administrations dans le Kurdistan, qui avait élu le 30 janvier 2005 un seul parlement kurde de 111 membres pour une période de quatre ans. Le Parlement kurde a voté, à l'unanimité, la formation d'un unique gouvernement pour le Kurdistan. Vingt-sept ministères ont été créés, dont 11 ont été confiés à l'UPK, 11 au PDK, et cinq autres à différentes forces politiques et groupes confessionnels. Nechirvan Barzani, PDK, a été nommé le nouveau Premier ministre de ce gouvernement uni et Omar Fattah, UKP, a été lui nommé vice-Premier ministre, lors de cette session solennelle du Parlement kurde.
"Nous allons récupérer pacifiquement, démocratiquement, en vertu de la Constitution de l'Irak, les droits qui nous furent arrachés à Mendali, Khanaqin, Kirkouk, Makhmour, Chekhan et Sindjar", a notamment déclaré dans son discours d’investiture le Premier ministre. Le contrôle des quatre ministères clé du gouvernement kurde -Défense, Intérieur, Finances et Justice- reste cependant un point en discussion entre les partis. Les ministres de l'intérieur, de la justice, des finances et des peshmergas sont secondés de ministres d'Etat pour la période transitoire d’un an au cours de laquelle les divers problèmes juridiques, administratifs, techniques et financiers liés à l’unification de leurs départements doivent être réglés.
Une cinquantaine de diplomates et personnalités politiques, kurdes et irakiennes, dont assisté à la formation de ce nouveau gouvernement kurde, dont les ambassadeurs américain, russe, britannique, chinois, indien, polonais et tchèque et le vice-président irakien, Adil Abdul Mahdi, mais aussi le ministre (fédéral) irakien de la Défense Saadoun al-Doulaïmi et le président du Parlement et les représentants de tous les partis irakiens. « C'est un jour historique, où le Kurdistan nous donne un exemple de l'unité et de la prospérité », a affirmé le vice-président irakien, le chiite Adel Abdel Mehdi. « A ceux qui ont peur que le Kurdistan soit fort, je réponds que si le Kurdistan est fort, c'est l'Irak qui est fort, si le Kurdistan est unifié, c'est l'Irak qui est unifié », a-t-il ajouté. L'ambassadeur américain, Zalmay Khalilzad, a de son côté, déclaré : « Je rends hommage aux sacrifices consentis par le peuple kurde, le peuple irakien, et les peshmergas, pour créer un état libre en Irak après la chute du régime dictatorial de Saddam Hussein ».
La réunification de deux administrations kurdes a donné lieu à des festivités dans le Kurdistan irakien. Elle a également été saluée par les principales forces politiques et les personnalités kurdes de Turquie, d’Iran, de Syrie et de la diaspora.
Au lendemain de ce grand événement, Massoud Barzani, président du Kurdistan irakien, a effectué une visite officielle au Koweït à l’invitation de l’émir qui lui a réservé un accueil très chaleureux. La conférence de presse organisée à l’issue de cette visite a donné lieu à des polémiques avec certains milieux nationalistes arabes. Interrogé sur les relations que les autorités du Kurdistan entretiennent avec Israël, il a déclaré le 12 mai que le Kurdistan n’a pas de relation avec Israël et il n’y a actuellement aucune présence israélienne au Kurdistan. Mais, sur le plan des principes « ce n'est pas un crime d'entretenir des relations avec Israël » puisque d’importants pays arabes comme l’Egypte et la Jordanie ont déjà de telles relations. « Si Bagdad devait établir des relations diplomatiques avec Israël, nous pourrions ouvrir un consulat à Erbil (capitale du Kurdistan) » a déclaré M. Barzani. Dans un communiqué, le Comité des oulémas a, le 15 mai, émis de vives critiques contre cette prise de position. « Ces déclarations sont très dangereuses et elles portent atteinte aux sentiments de 1,5 milliard de musulmans dans le monde, qui ont souffert de manière directe ou indirecte de l'Etat hébreu », a-t-il estimé. Le bureau de la présidence du Kurdistan a le lendemain répondu à travers un communiqué. « Le Comité n'a visiblement pas lu la déclaration de M. Barzani. La position kurde en ce qui concerne Israël est liée à la position de Bagdad, c'est Bagdad qui décide et cette décision sera appliquée au Kurdistan », selon le communiqué. « De quel droit le Comité prétend-il parler au nom de tous les musulmans ? Pourquoi n'a-t-il jamais réagi pour dénoncer le crime d'Halabja et les souffrances du peuple kurde », s'est interrogé M. Barzani, qui a invité le Comité à cesser de publier des « communiqués takfiri (extrémistes sunnites, ndlr) ».
Le Kurdistan a abrité jusqu’aux années 1950 l’une des plus anciennes communautés juives du monde et les relations judéo-kurdes ont toujours été amicales. Les Juifs du Kurdistan, au nombre de 100 000 environ forment une communauté dynamique et kurdophile en Israël.
Le premier gouvernement permanent de l'après Saddam Hussein a vu le jour le 20 mai en Irak après cinq mois d'attente. Le Premier ministre Nouri Maliki a présenté son gouvernement au Parlement en précisant que les portefeuilles de l'Intérieur, de la Défense et de la Sécurité nationale seraient assumés provisoirement par lui-même et ses deux vice-présidents. L'annonce de la formation du gouvernement, dont la cérémonie s'est déroulée dans la Zone verte ultra sécurisée de Bagdad, a été saluée par Washington, Londres et l'Onu. Le président américain George W. Bush a félicité M. Maliki et salué la formation du nouveau gouvernement en estimant qu'il « ouvre un nouveau chapitre » de l'histoire de l'Irak et qu'il constitue une « chance de progrès ». L'investiture du nouveau gouvernement représente « un changement crucial » dans la situation de ce pays, a déclaré pour sa part le Premier ministre britannique Tony Blair. Le secrétaire général de l'Onu Kofi Annan a souhaité « au nouveau gouvernement de réussir face aux énormes défis que doit affronter l'Irak », alors que le roi Abdallah II de Jordanie exprimait l'espoir qu'il soit « une étape vers la construction d'un nouvel Irak ». Devant les difficiles tractations entre les listes sunnites et chiites, M. Maliki a dû se résoudre à présenter un gouvernement incomplet. « J'assumerai la responsabilité du ministère de l'Intérieur dans un premier temps, le vice-Premier ministre Salam al-Zobaïe sera le ministre de la Défense par intérim et le vice-Premier ministre Barham Saleh sera ministre de la Sécurité nationale par intérim », a annoncé le Premier ministre. Les onze députés sunnites du Front pour le dialogue et six des 44 élus du Front de la Concorde, la principale coalition sunnite, ont quitté les lieux en refusant de voter l'investiture, pour afficher leur mécontentement après la présentation d'un gouvernement incomplet. Les postes des ministères-clés de l'Intérieur et de la Défense sont en effet particulièrement disputés. Les sunnites accusent l'ancien titulaire du portefeuille de l'Intérieur le chiite Bayane Jabr Soulagh de laisser les milices interférer dans les forces du ministère de l'Intérieur. M. Maliki, issu du parti Daoua, l'un des piliers de l'Alliance irakienne unifiée (AIU) chiite, était soumis à de fortes pressions pour satisfaire les exigences des sunnites et des Kurdes, mais c'est auprès de ses coreligionnaires chiites qu'il a eu le plus de mal. L'AIU, qui englobe 18 formations diverses, a paru à plusieurs reprises au bord de l'implosion. Il a fallu l'intervention du clergé chiite irakien et de l'Iran pour maintenir sa cohésion. Le parti Fadhila (Vertu- 15 députés), dont l'influence excède la simple représentation au parlement, s'est retiré des tractations après avoir perdu le ministère du Pétrole, un poste-clef dans un pays que ses réserves de brut classent au troisième rang mondial.
Les ministres et les deux vice-Premiers ministres ont été investis par les députés, à l'issue d'un rapide vote à main levée. Le nouveau gouvernement, très largement renouvelé, ne compte que trois femmes, dont deux Kurdes, contre sept dans le précédent. M. Maliki a exposé en 34 points, dont le dernier concerne les milices armées, son programme de gouvernement qui a été approuvé par les députés. Le gouvernement a ensuite prêté serment. Le Premier ministre a mis l'accent sur la nécessité pour son pays d'établir « un calendrier afin que les forces de sécurité irakiennes puissent assumer pleinement les tâches de sécurité et pour mettre un terme aux missions de la Force multinationale afin que les troupes regagnent leur pays respectif ». « Je vais prendre en main les trois dossiers importants pour le peuple irakien, la sécurité, la lutte contre la corruption et les services », a-t-il ensuite assuré lors d'une conférence de presse.
Le nouveau gouvernement est composé d'une trentaine de ministères, avec 17 postes pour l'AUI, dont l'Intérieur, le Pétrole et les Finances. La coalition kurde obtient six ministères (dont celui des Affaires étrangères et de l'Industrie), la liste du chiite laïque Iyad Allaoui cinq (dont la Défense et la Justice), le Front de la concorde (sunnite) quatre (dont la Planification et l'Enseignement supérieur), la liste du sunnite dissident Salah Motlaq trois. Les chrétiens et Turcomans disposeront chacun d'un ministère. Parmi les ministres investis, le chiite indépendant Hussein Chahristani a été nommé au ministère du pétrole et le controversé ministre de l’Intérieur M. Soulagh a pris le portefeuille des Finances. Le ministre des Affaires étrangères, Hoshyar Zebari, reconduit à son poste a jugé la journée historique. « Il s'agit du premier gouvernement permanent et consensuel de l'Irak, approuvé par le Parlement et soutenu par le concert des nations », a-t-il assuré. « Je demande au peuple irakien de lui apporter tout son soutien face aux importants enjeux qui nous attendent: améliorer la sécurité, améliorer les services, instaurer un État de droit », a-t-il conclu.
Le président Jalal Talabani a, le 27 mai, souligné la nécessité de confier les postes vacants à des personnalités indépendantes sans liens avec des partis ou des milices armées. De son côté, le Parlement irakien a, le 28 mai, tenu une réunion marquée par des divergences sur les prérogatives de son président, le sunnite Mahmoud Machhadani. Les Arabes sunnites ont demandé que le président de l'Assemblée ait de larges prérogatives, alors que les Kurdes et les chiites ont exigé d'associer ses adjoints à toute décision, selon plusieurs parlementaires. M. Machhadani est secondé par un vice-président chiite, cheikh Khaled al-Attiya, et un vice-président kurde, Aref Tayfour.
Par ailleurs, le ministre iranien des Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, s'est entretenu avec le principal dirigeant des chiites irakiens, le grand ayatollah Ali al-Sistani, le 27 mai à Najaf. La veille, le chef de la diplomatie iranienne s'est rendu en visite à Kerbala, une autre ville sainte des chiites dans le sud de l'Irak. M. Mottaki s'est, le 26 mai, entretenu à Bagdad avec des responsables du nouveau gouvernement irakien, dont le Premier ministre Nouri al-Maliki. Il a écarté la possibilité d'entreprendre des négociations avec les Etats-Unis sur le futur de l'Irak, mais a exprimé le soutien de Téhéran au nouveau gouvernement irakien. La visite de M. Mottaki est la première visite d'un responsable iranien de haut rang en Irak depuis l'élection de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence iranienne en juin dernier. Le chef de la diplomatie iranienne a déclaré que son pays était prêt à aider l'Irak au plan économique et avait réservé pour cela une enveloppe de près d'un milliard de dollars. Signe de l'amélioration des relations entre Téhéran et Irak après la guerre de 1980-88, l'Iran a nommé un ambassadeur à Bagdad pour la première fois depuis plus de vingt ans. Hassan Kazemi Qomi a présenté ses lettres de créance le 9 mai au président irakien Jalal Talabani, qui a estimé que « relever le niveau des relations entre les deux pays va ouvrir une nouvelle page de l'histoire des liens » entre les deux capitales. Peu avant l'attaque de l'Iran par l'Irak en 1980, leurs ambassadeurs avaient été rappelés. Depuis, les relations officielles étaient restées au niveau des chargés d'affaires.
Le gouvernement du Kurdistan irakien a, le 17 mai, accusé l'armée turque d'avoir bombardé un village kurde près de la frontière. Dr Khaled Salih, ministre d'Etat et porte-parole du gouvernement du Kurdistan irakien a indiqué que « cet après-midi, des tirs d'artillerie de l'armée turque ont atteint le village de Kafer Shour, près de la ville de Kani Masi ».
La ville de Kani Masi se trouve à proximité de la frontière avec la Turquie et avec l'Iran, dans la province de Douhok « Trois obus d'artillerie se sont abattus sur le village, mais personne n'a été blessé », a ajouté le porte-parole du gouvernement kurde. Le 30 avril et le 1er mai, ce sont les forces armées iraniennes qui avaient bombardé des positions du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), pénétrant de 5 km au Kurdistan irakien et contraignant à la fuite des dizaines de familles dans la région de Souleimaniyeh (à proximité des villages montagneux de Laradou, Roushga et Qalaa Touka, à quelques 190 km au nord de la ville de Soulemaniyeh).
Cemil Bayik, un des chefs militaires du PKK, a menacé à cette occasion l'Iran de mener des opérations en représailles d'incursions iraniennes au Kurdistan irakien. « Nous avons le droit de lancer des attaques contre les forces iraniennes. Nous sommes les agressés. S'ils ne nous avaient pas attaqué, nous ne riposterions pas », a indiqué le 6 mai Cemil Bayik dans un entretien à l'AFP. Les combattants du PKK sont persuadés que l'Iran prépare une nouvelle série de bombardements et ils se préparent en conséquence. « Nous ne pouvons pas nous permettre d'affronter l'armée iranienne dans une bataille rangée. Mais nous pouvons leur faire mal avec des raids de guérilla, avec nos Kalachnikov, nos lance-roquettes, nos mitrailleuses et nos mortiers », a déclaré Cemil Bayik. Pour lui, les attaques iraniennes s'inscrivent dans le contexte de la crise nucléaire qui oppose la République islamique aux Etats-Unis. « Les autorités iraniennes font tout ce qu'elles peuvent pour s'assurer que la Turquie ne sera pas aux côtés des Américains en cas d'attaque contre l'Iran », estime-t-il. Pour lui, les attaques iraniennes s'inscrivent aussi dans le cadre de la lutte pour le contrôle de la ville irakienne de Kirkouk et sa région, riche en ressources pétrolières. « Si les Kurdes en viennent à affronter les Arabes à propos de Kirkouk, nous nous battrons à leurs côtés (auprès des Kurdes, ndlr) », a déclaré Bayik, jugeant un tel conflit « possible ».
Une telle fraternité d'armes ne semble guère émouvoir les autorités du Kurdistan autonome, qui ont demandé le 5 mai au PKK de ne pas utiliser le territoire irakien pour lancer des attaques contre les pays voisins. Les autorités kurdes ont mis en garde le PKK contre toute attaque visant la Turquie ou l'Iran à partir du territoire irakien. « Ils (le PKK) se trouvent sur notre sol, nous voulons qu'ils respectent la loi et qu'ils ne se servent pas de notre territoire pour lancer des attaques » contre l'Iran et la Turquie, avait déclaré Imad Ahmed, vice-Premier ministre de la province de Souleimaniyeh. « Nous voulons qu'ils quittent notre pays pacifiquement. S'ils veulent rester, ils doivent utiliser la voie politique et non les armes » pour leur cause, a indiqué M. Ahmed qui a condamné les récentes incursions iraniennes en territoire kurde. Les députés irakiens, réunis le 3 mai pour leur première session de travail, ont également évoqué les récentes incursions iraniennes. « Pendant que vous discutez du règlement intérieur, des villages kurdes sont bombardés par les forces iraniennes, il faut condamner officiellement ces attaques dans un communiqué », s'est écrié un député de la coalition kurde, Hussein al-Barzanji. Le ministre des Affaires étrangères, le Kurde Hoshyar Zebari, a toutefois demandé aux députés de ne pas faire de commentaire officiel pour le moment. « C'est vrai qu'il y a eu des violations de frontière, mais le gouvernement irakien fait le nécessaire avec les pays concernés et je ne pense pas qu'il y ait un véritable danger dans ces régions », a-t-il déclaré aux parlementaires.
La Turquie, s'est félicitée des incursions iraniennes alors que le PKK a, le 3 mai, menacé la Turquie de représailles si ses troupes pénétraient en Irak pour attaquer ses bases. « Si les forces turques franchissent la frontière, la guerre s'étendra. L'Etat turc et le Premier ministre (Recep Tayyip) Erdogan seront responsables du chaos qui en résultera, y compris en Turquie », a affirmé Murat Karayilan, membre du bureau politique du PKK. « Nous ne voulons pas la guerre, mais nous nous défendrons contre toute incursion des forces turques. Nous riposterons en conduisant une guerre générale contre la Turquie, partout sur tous les plans, militaire, politique, économique et social », a-t-il ajouté. L'agence pro-kurde Firat, basée en Europe, a de plus rapporté le 13 mai, que le chef du PKK, Abdullah Öcalan a menacé le gouvernement turc d' « intensifier » la lutte armée de son parti si l'armée turque continue de traquer ses combattants. « Le PKK ne peut être anéanti par la violence, il se renforcera en nombre, le combat s'intensifiera. Nous avertissons », aurait déclaré A. Ocalan depuis sa prison d'Imrali à ses avocats qui lui rendent visite chaque semaine, selon l'agence.
Abdullah Öcalan, a exhorté le gouvernement turc à mettre en oeuvre un « projet démocratique » qu'il ne détaille pas. Le dirigeant du PKK qui purge une peine de prison à vie depuis 1999 a indiqué que si Ankara répondait aux revendications de ses combattants, ces derniers pourraient être « convaincus » de se retirer du territoire turc pour se réfugier dans le Kurdistan irakien et, à terme, d'abandonner les armes, ajoute l’agence de presse Firat. L'armée turque a affirmé qu'elle se réservait le droit de pénétrer en Irak pour poursuivre les combattants kurdes qui y ont établi des bases, mais a démenti que de telles opérations soient actuellement en cours. Le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gül a salué le 4 mai les efforts « sérieux » de l'Iran dans sa lutte contre les combattants kurdes et a prédit que les militants menaceraient un jour la stabilité des Kurdes d'Irak s'ils continuaient de tolérer leur présence. Téhéran et Ankara ont passé un accord appelant l'Iran à combattre le PKK et la Turquie à lutter contre les Moudjahidine du peuple, un groupe armé d'opposition iranien basé en Irak. Le général Bekir Kalyoncu, chef des opérations à l'état-major turc a, le 2 mai, déclaré : «Toutes nos activités (...) ont lieu de notre côté de la frontière». «Si les conditions (pour des opérations transfrontalières) se réalisent, la Turquie fera usage de ses droits comme n'importe quel pays souverain», a ajouté le général. «Ces conditions sont spécifiées dans la Charte de l'ONU». La Turquie déploie depuis 1997 quelque 1.500 soldats en territoire kurde irakien, le long de la frontière. Le général Kalyoncu a assuré que ces troupes, chargées de sécuriser la frontière, n'avaient pas d'activités «opérationnelles» mais a prévenu qu'elles resteraient positionnées là «tant que l'organisation terroriste restera dans le secteur».
L'ambassadeur américain en Turquie, Ross Wilson, a, le 26 mai, déclaré pour sa part que les Etats-Unis ont entamé des discussions avec le nouveau gouvernement irakien en vue d'une action contre le PKK. « Nous avons à présent un nouveau gouvernement fort à Bagdad. Nous pensons que cela peut fournir une bonne base pour travailler ensemble de manière plus efficace », selon M. Wilson en visite à Diyarbakir. « Nous avons déjà parlé avec les autorités irakiennes de nos vives préoccupations à propos du PKK et de la nécessité d'une action efficace pour s'occuper de sa présence dans le nord de l'Irak », a indiqué le diplomate. M. Wilson a réitéré l'engagement de Washington à soutenir Ankara dans sa lutte contre le PKK. Le gouvernement turc est depuis longtemps insatisfait de la réticence des Américains et des Irakiens à intervenir dans les montagnes aux confins du Kurdistan irakien. Lors d'une visite à Ankara fin avril, la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice a cependant mis le gouvernement turc en garde contre d'éventuelles opérations au-delà de la frontière irakienne. Elle a appelé à la reprise de rencontres trilatérales entre Washington, Bagdad et Ankara pour discuter de mesures contre le PKK une fois que le nouveau gouvernement irakien serait entré en fonction.
Le PKK a multiplié ces derniers mois ses opérations contre l’armée turque au Kurdistan de Turquie alors qu’Ankara a massé des troupes le long de sa frontière avec le Kurdistan irakien dans le but officiel d'empêcher l'infiltration du PKK mais qui en réalité menace directement les Kurdes d’Irak. Le 31 mai, dans des combats survenus dans une zone montagneuse d’Uludere, deux soldats turcs et trois « gardiens de village », des miliciens kurdes armés par l'Etat, ont été tués. Deux soldats et deux combattants kurdes y avaient été tués la veille. Deux militaires ont par ailleurs été blessés par l'explosion d'une mine dans une zone rurale de la province de Bingöl. Dans la province de Sirnak, deux soldats turcs et deux combattants du PKK ont été tués le 30 mai dans des combats survenus dans la zone montagneuse de Cudi, selon les responsables locaux de la sécurité. Un militaire et deux combattants ont été tués dans des heurts tandis qu'un deuxième appelé turc a perdu la vie par l'explosion d'une mine dans la même zone. Quatre soldats turcs et un combattant kurde avaient été tués dans des accrochages le 12 mai dans la localité de Küpelidag, dans la même province. Le 28 mai, un sous-officier avait été tué et trois « gardiens de village » ont été blessés à Hazro, une sous-préfecture de Diyarbakir.
Le 23 mai, des combattants du PKK ont perpétré un attentat à la bombe contre un gazoduc dans une zone rurale à proximité de la ville de Dogubayazit, province d'Agri, interrompant son débit. L'explosion a endommagé partiellement le gazoduc et une équipe de la compagnie d'Etat BOTAS qui l'exploite s'est rendue sur les lieux pour le réparer et éviter les fuites. La compagnie nationale des chemins de fer (TCDD) avait, le 5 mai, été visée par une bombe qui a explosé au passage d'un train de fret sans faire de victimes. L'explosion, survenue entre deux gares dans la province de Mus, avait fait dérailler deux wagons et endommagé d'autres. L'attentat n'avait pas été revendiqué. Le 22 mai, un soldat turc a été tué et un autre blessé dans deux explosions de mines. Le premier incident s'est produit à Lice, dans la province de Diyarbakir, où une mine a explosé au passage d'un véhicule militaire. Une attaque similaire a eu lieu près de la ville de Baskale, dans la province de Van. De plus, quatre garçons, âgés de 6 à 12 ans, ont perdu la vie à la suite d'un attentat à la bombe le 13 mai dans la ville de Ulalar, dans la province d'Erzincan sans que l'attaque ne soit revendiquée, et la veille un soldat turc a été tué par l’explosion d’une mine lors d'une opération contre le PKK dans une zone rurale proche de Cukurca, une localité de la province de Hakkari. Une bombe avait explosé le 3 mai au passage d'un véhicule qui transportait des soldats et leurs enfants faisant 17 blessés dont 11 enfants et cinq militaires dans la même province.
De plus, plusieurs attentats à la bombe revendiqués par les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), un groupe apparenté par les autorités au PKK, ont par ailleurs frappé des villes de l'ouest du pays depuis le début de l'année. Le groupe armé a revendiqué un « sabotage » de ses membres à l'aéroport international d'Istanbul, où un vaste incendie a provoqué le 24 mai d'importants dégâts matériels dans la zone réservée au fret et fait trois blessés légers. « Le sabotage est une réponse aux politiques de massacre poursuivis par l'Etat turc contre les Kurdes », ont affirmé les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK) dans un message électronique à l'agence Firat. Le groupe souligne que ses actions se poursuivront « tant que les politiques d'extermination de l'Etat turc contre les Kurdes seront en vigueur ».
Par ailleurs, deux Kurdes disposant de la double nationalité turque et suédoise ont été inculpés par un procureur de Diyarbakir pour « propagande en faveur du PKK », ont rapporté les sources judiciaires le 31 mai. Ibrahim Güçlü et Zeynel Abidin Özalp risquent jusqu'à trois ans de prison chacun aux termes de l'acte d'accusation élaboré par le procureur de Diyarbakir. Les faits reprochés aux deux hommes figurent dans une déclaration de presse publiée le 2 mai qui dénonçait le déploiement par l'armée turque d'importantes forces à sa frontière avec l'Irak pour contrer le PKK. Le document affirmait que ce vaste déploiement militaire était fait « contre le peuple kurde ». Une troisième personne, de nationalité turque, a été inculpée pour le même délit. MM. Güçlü et Özalp sont membres d'une association culturelle kurde interdite par les autorités le mois dernier.
Le président irakien Jalal Talabani, a, le 10 mai, annoncé que plus de 1.000 personnes ont été victimes de meurtres confessionnels en avril dans la seule ville de Bagdad, alors que le pays attend toujours l'annonce de la formation d'un gouvernement d'union nationale. « J'ai reçu un rapport de l'Institut médico-légal selon lequel 1.091 personnes ont été assassinées en avril dans la seule ville de Bagdad », a déclaré M. Talabani dans un communiqué. « Nous sommes choqués, attristés et en colère en apprenant l'étendue de ces meurtres, parfois accompagnés de cruelles tortures, qui frappent quotidiennement les Irakiens sur leur seule identité Si nous ajoutons cela au nombre des corps qui ne sont pas découverts, ou à des crimes similaires dans d'autres provinces, alors le nombre total (...) montre que nous faisons face à une situation non moins dangereuse que les résultats d'actes terroristes », a-t-il ajouté. « De tels crimes vont à l'encontre de la religion, de la morale et de l'humanité », a affirmé le président irakien.
Malgré des avancées sur le plan institutionnel avec les premières élections libres, une nouvelle Constitution et un Parlement permanent élu, les violences n'ont pas faibli. Le conflit interconfessionnel s'est aggravé, après l'attentat contre la mosquée chiite de Samarra le 22 février dernier, qui a entraîné une vague d'attaques contre des mosquées ou religieux sunnites. Un récent rapport qualifie cependant 11 des 18 provinces du pays de stables. Dans six, la situation est « grave » et, dans l'une d'entre elles, Anbar, qui comprend Falloujah, elle est jugée « critique ». Pour le sénateur démocrate Joseph Biden, membre éminent de la Commission des Affaires étrangères du Sénat, qui prône dans le New York Times une solution institutionnelle de type bosniaque, « la violence intercommunautaire a dépassé l'insurrection en tant que principale menace à la sécurité ». A l'issue d'une rencontre avec la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice et le patron du Pentagone Donald Rumsfeld, le président Bush a reconnu le 1er mai qu’ « il y aura encore des jours difficiles ».
Le mois de mai s'est révélé particulièrement meurtrier en Irak et 1.055 Irakiens ont été tués et 1.423 blessés dans des violences, soit une augmentation de 38% par rapport au mois d'avril, selon un bilan recueilli le 1er juin par l'AFP auprès de sources aux ministères de l'Intérieur, de la Défense et de la Santé, ne prenant pas en compte les pertes des insurgés. Quelque 26 voitures piégées, 65 explosions d'engins artisanaux, deux attaques suicide par des kamikazes portant une ceinture d'explosifs et une soixantaine d'attaques armées ont été recensées en mai, selon des sources de sécurité. Une nouvelle fois, ce sont les civils qui constituent la très grande majorité des victimes: 932 civils ont été tués et 1.273 blessés en mai, contre 686 morts et 865 blessés en avril, selon des chiffres provenant du ministère de la Santé. Quatre-vingt-quinze policiers ont également trouvé la mort dans des attaques et autant ont été blessés en mai, contre 54 morts et 95 blessés en avril, d'après une source au ministère de l'Intérieur. Vingt-huit soldats ont péri et 55 ont été blessés en mai, a indiqué une source au ministère de la Défense. Ils étaient 22 à avoir été tués et 34 blessés en avril. En ce qui concerne les terroristes, 345 ont été tués en mai selon les sources des ministères de la Défense et de l'Intérieur, contre 180 en avril. Quelque 1.635 personnes ont été arrêtées en mai par les forces de sécurité (692 en avril). De plus, l'état d'urgence a été décrété le 31 mai pendant un mois à Bassorah, capitale méridionale de l'Irak saisie par la violence qui s’est multipliée dans la ville sur fond de rivalités interchiites pour le contrôle de la contrebande lucrative de produits pétroliers.
Les médias américains ont, le 31 mai, rapporté qu’un rapport du Pentagone a prédit que la violence en Irak devrait vraisemblablement rester « stable » cette année. Toutefois, ce rapport trimestriel obligatoire présenté au Congrès sur l'Irak, publié la veille, estime que « l'attrait et la motivation (des terroristes) pour la poursuite des actions violentes devrait commencer à faiblir en début 2007 ». Néanmoins, il reconnaît la persistance et la croissance de la violence à l'heure actuelle. Au cours de la période de 13 mois du 11 février au 12 mai, indique le rapport, les attaques hebdomadaires ont été en moyenne au nombre de plus de 600, soit une augmentation de 13% par rapport aux 6 mois précédents. Ces derniers mois, les «terroristes » sunnites ont rejoint la branche d'al-Qaïda dirigée par le terroriste jordanien Abou Moussab al- Zarqaoui, ce qui a augmenté les attaques, reconnaît le rapport. « Les luttes sectaires apportent une contribution significative à la violence, particulièrement contre les civils », met en garde le rapport. Un point positif du rapport souligne les progrès dans la formation des forces de sécurité irakiennes entraînées par les Etats-Unis, bien qu'aucun chiffre ne soit mentionné sur le nombre de troupes irakiennes capables d'opérer sans aide américaine. Selon le Pentagone, les troupes irakiennes comptent désormais 263.400 soldats répartis dans 71 bataillons.
Par ailleurs, la Corée du Sud, troisième contingent étranger le plus important en Irak, a, le 9 mai, commencé le retrait d'un millier de ses 3200 militaires stationnés au Kurdistan irakien. La Corée du Sud avait déployé 3600 militaires en 2004 dans le cadre de la coalition formée par les Etats-Unis. Ce contingent, déployé dans la région d'Erbil, a participé à des travaux de reconstruction et à des opérations de sécurité. A la fin de l'année 2005, le parlement sud-coréen avait autorisé le prolongement pour une année supplémentaire de la présence militaire en Irak, mais avec une réduction des effectifs portant sur un millier de soldats. Le retrait du millier de soldats devrait être achevé à la fin de l'année.
Trente six jeunes de moins de 18 ans ont été inculpés à Diyarbakir pour leur participation présumée aux violentes émeutes qui ont dévasté la ville le mois dernier, ont affirmé le 9 mai des sources judicaires turques. Le nombre d'inculpations pour ces émeutes passe ainsi à 301, dont 116 mineurs, 80 adolescents ayant déjà été inculpés. Ils encourent des peines allant de neuf ans et demi à 24 ans de prison. Le ministère public qui avait, dans un premier temps, vu son acte d'accusation contre les 36 nouveaux prévenus, dont 15 en détention, rejeté par une cour spéciale chargée de la délinquance juvénile, a rédigé un nouveau texte dans lequel il requiert contre eux des peines allant de 6 mois à 18 ans d'emprisonnement. Il les accuse de délits allant de l'obstruction à l'appartenance à une organisation armée.
Le droit turc considère les enfants de moins de 12 ans comme pénalement irresponsables. Les émeutes ont débuté à Diyarbakir le 28 mars lors de funérailles de combattants du PKK abattus par l'armée puis se sont étendues à d'autres villes de la région. Seize personnes, dont trois enfants en bas âge, ont été tuées durant les heurts, les forces de sécurité faisant usage de leurs armes et de grenades lacrymogènes pour disperser les manifestants, qui ont attaqué les policiers avec des cocktails Molotov et ont saccagé des bâtiments publics et des magasins. Parmi les victimes figurent trois femmes écrasées lors d'une attaque au cocktail Molotov commise par des sympathisants du PKK contre un bus à Istanbul.
Osman Baydemir, le maire de Diyarbakir a quant à lui été inculpé pour avoir usé des services municipaux afin de faire transporter la dépouille d'un combattant kurde, rapporte le 30 mai les sources judiciaires turques. Il risque jusqu'à un an de prison pour les faits qui remontent à mars 2005. M. Baydemir et trois de ses collaborateurs sont accusés d'avoir affrété une ambulance de la municipalité pour convoyer de Diyarbakir à Gaziantep, à environ 320 km plus au sud-ouest, le corps d'un membre du PKK tué dans des combats avec l'armée, selon l'acte d'accusation. M. Baydemir, membre d'un parti pro-kurde, fait actuellement l'objet de plusieurs enquêtes judiciaires. Il est soupçonné de s'être « engagé auprès des émeutiers » lors de violents incidents qui, fin mars-début avril, avaient secoué sa ville et d'autres cités avoisinantes, faisant 16 morts, dont trois enfants en bas âge.
Lors d'un congrès local de son parti à Diyarbakir, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, a, le 7 mai, appelé les Kurdes à condamner le les violences commises par le PKK. « En nous unissant, nous allons fermer la voie au terrorisme et nous allons travailler de toutes nos forces pour faire de ce pays un pays chaque jour un peu plus libre, démocratique, riche et heureux », a déclaré M. Erdogan devant plusieurs dizaines de milliers de sympathisants de son Parti de la justice et du développement (AKP). Le Premier ministre a insisté sur la distinction à faire entre les revendications démocratiques des Kurdes, qui selon lui seraient soutenues par le gouvernement, et l'action violente, que les autorités continueront de réprimer. « En tant que gouvernement, nous allons d'un côté agir activement contre la terreur et de l'autre poursuivre avec détermination nos efforts en faveur de la démocratie et du développement », a-t-il assuré à la foule réunie dans un stade de Diyarbakir sous haute sécurité, assurée notamment par des hélicoptères. M. Erdogan a pris pour preuve de son engagement en faveur du développement de la région, une des plus pauvres de Turquie, l'inauguration de 21 usines à laquelle il devait participer dans la journée.
De son côté, le député européen néerlandais Joost Lagendijk, vice-président de la commission parlementaire conjointe turco-européenne, a, le 6 mai, appelé à Diyarbakir les Kurdes à se distancier du PKK. « Dans les années 1980 et 1990, il y avait une grande sympathie en Europe (...) en faveur du combat des Kurdes pour leurs droits, en particulier quand la répression était particulièrement intense, et tout le monde fermait un peu les yeux sur la violence » du PKK, a déclaré l'eurodéputé Vert à l'AFP. « Maintenant, la Turquie est dans un processus d'adhésion à l'Union européenne, elle devient un pays plus démocratique », a-t-il poursuivi. « Je veux en quelque sorte prévenir les Kurdes que s'ils laissent la politique être déterminée par le PKK, ils vont perdre de plus en plus de sympathie dans l'UE ». M. Lagendijk, venu à Diyarbakir pour participer à une conférence sur les droits civils au Kurdistan, a appelé plus tôt dans la journée la société civile et les politiciens kurdes à condamner clairement la violence. « La violence n'a pas sa place pour faire progresser les droits des Kurdes (…) Il faut condamner clairement la violence et toute activité terroriste », a-t-il déclaré. Le député européen a dans le même temps appelé le gouvernement turc à « accélérer les réformes menées pour faire progresser les droits » des Kurdes, l'encourageant notamment à étendre le droit de diffuser des programmes télévisés en langue kurde. Interrogé sur la recrudescence des activités du PKK et sur le récent déploiement de troupes turques à la frontière irakienne, M. Lagendijk a estimé que « ces deux développements n'apportent rien de bon aux gens de la région ».
Le procès de deux militaires et d'un informateur de la gendarmerie turque, accusés d'avoir commis un attentat à la bombe dans le but supposé de déstabiliser le Kurdistan de Turquie, a repris le 5 mai à Van. Plusieurs blindés et des unités de la police anti-émeute ont été déployés devant le tribunal. Les trois prévenus, deux sergents-chefs et un militant repenti du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), encourent une peine d'emprisonnement à vie incompressible pour « participation à des actions visant à briser l'unité du pays », meurtre et tentative de meurtre. Ils sont accusés d'avoir commis le 9 novembre un attentat à la bombe qui avait fait un mort et six blessés dans une librairie appartenant à un ancien membre du PKK à Semdinli. Les trois hommes avaient manqué d'être lynchés par la foule après l'attentat. Des armes, des grenades, un plan de la librairie et une liste de noms, incluant celui du libraire, avaient été retrouvés dans la voiture avec laquelle ils tentaient de fuir. Le sous-officier Ali Kaya, qui avait entamé sa déposition le 4 mai en plaidant son innocence et celle de l'ensemble des forces de sécurité, a répondu le lendemain aux questions d'avocats de la partie civile désireux de faire la lumière sur les pratiques du service de renseignement auquel il appartient. « Depuis 1991, dans cette région de Bingöl-Diyarbakir-Hakkari (trois provinces kurdes), plus de 1.000 meurtres dont l'auteur est inconnu ont été commis. Sur combien d'entre eux vos travaux ont ils apporté un éclairage? », a martelé Me Sezgin Tanrikulu, bâtonnier de Diyarbakir.
Reprenant quasiment mot pour mot la déposition de leur chef Ali Kaya, le sous-officier Özcan Ildeniz et l'informateur Veysel Ates ont plaidé leur innocence et attribué leur présence près du lieu de l'attentat au « hasard ». Les nombreuses questions des avocats de la partie civile sur les pratiques des services de renseignement militaire -pour lesquels travaillait le trio- dans leur lutte contre le PKK ont donné lieu à de violents accrochages verbaux avec la défense. « Il n'est pas correct de dévoiler ici les missions des forces de sécurité chargées de la lutte antiterroriste (…)La réponse à ces questions relève du secret d'Etat », s'est indigné Me Vedat Gülsen avant de quitter avec fracas la salle d'audience le 6 mai.
La Turquie a été accusée dans les années 1990, au plus fort des affrontements avec le PKK, d'avoir commandité ou encore fermé les yeux sur des pratiques d'exécutions sommaires, d'enlèvements et de trafic de drogue dans le Kurdistan. La plupart des questions, accueillies avec hostilité par les avocats de la défense, ont reçu des réponses laconiques. Dans son acte d'accusation, le procureur chargé du dossier avait considéré l'attentat comme une provocation visant à déstabiliser le Kurdistan, où le PKK et l’armée turque s'affrontent depuis 1984, et à faire capoter le processus d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Il avait aussi accusé le général Yasar Büyükanit, commandant de l'armée de terre, d'avoir créé à la fin des années 1990, alors qu'il était en poste dans la région, une « organisation clandestine » et d'avoir tenté d' « influencer » les tribunaux par des propos en faveur d'un des auteurs présumés de l'attentat. Le conseil de la magistrature a décidé en avril de radier le procureur de Van pour avoir agi hors de sa compétence juridictionnelle. La partie civile a tenté de revenir sur cette implication supposée d'un haut gradé, en demandant au prévenu s'il avait été « félicité » par celui-ci pour ses bons et loyaux services. A quoi le sergent-chef a répondu une fois encore par une brève négation. Les avocats de la partie civile, qui avaient demandé le 3 mai le remplacement du président de la cour, accusé de partialité, se sont insurgés de la présence, dans une salle d'audience exiguë au point de ne pouvoir les contenir tous, d'une dizaine de gendarmes en civil, venus assurer la sécurité des prévenus, selon le juge. Les avocats de la partie civile ont également dénoncé un procès politique et se sont insurgés lorsque le président de la cour a refusé de lire l'intégralité de l'acte d'accusation, notamment les pages mettant en cause un général de l'état-major.
Placé dans l'embarras, le gouvernement a promis de faire la lumière sur cette affaire survenue un mois après le lancement de négociations d'adhésion avec l'UE et suscitant le doute sur la volonté réformatrice d'Ankara.
Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a, le 25 mai, affirmé que les « ennemis » de l'Iran voulaient provoquer des tensions ethniques pour combattre le programme nucléaire iranien. « Avec le succès obtenu dans le domaine de la technologie nucléaire, l'équation mondiale a changé et notre pays est devenu une puissance influente (...) C'est naturel que les ennemis complotent (...) mais les complots des ennemis n'ont jamais réussi », a déclaré M. Ahmadinejad.
Ces dernières semaines, plusieurs villes du nord-ouest de l'Iran (Tabriz, Urmieh, Nagadeh, Ardébil), peuplés d'Azéris, qui forment 25% des 69 millions d'Iraniens, soit la plus grande minorité iranienne, et de Kurdes, 15% de la population, ont connu des manifestations violentes pour protester contre une caricature parue dans le quotidien gouvernemental Iran jugée insultante. La caricature, publiée mi-mai, montrait un jeune garçon répétant le mot persan pour « cafard » de différentes façons, face à un cafard lui demandant « Quoi? » en langue azérie. Quatre personnes ont été tuées et 43 blessées lors de manifestations d'Azéris à Nagadeh.
« Ces tentatives pour provoquer des tensions ethniques constituent le dernier geste de l'ennemi contre la République islamique et le peuple iranien », a, le 28 mai, déclaré le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, lui-même d'origine azérie. « Aujourd'hui, ils croient utiliser les Azéris (...) mais c'est encore une erreur historique car les Azéris ont toujours joué un rôle décisif pour défendre la République islamique et l'intégrité territoriale », a-t-il ajouté. « Mort à l'Amérique », « mort à Israël », ont scandé les députés tout en criant en langue azérie: « l'Azerbaïdjan et la révolution sont inséparables ». Selon le commandant de la région, 20 personnes ont été arrêtées à Nagadeh et 15 autres à Urmieh. Il a également fait état de l'arrestation de 16 membres d'un réseau qui avaient fait venir clandestinement dans la région depuis la Turquie du matériel anti-émeute. Il a toutefois affirmé que « cinquante (...) journalistes locaux et étrangers, venant des pays européens et d'Allemagne étaient entrés dans la province ». « Ces personnes ont des objectifs particuliers et nous agirons contre eux lorsqu'ils s'approcheront de leur objectif », a-t-il ajouté, sans donner d'autres précisions. A Téhéran, quelque 200 étudiants azéris ont tenté de manifester le 28 mai devant le parlement iranien contre cette caricature. Les manifestants qui ont été rapidement dispersés par la police anti-émeute, scandaient des slogans contre la caricature et en faveur de l'enseignement de la langue azérie. Selon l'agence semi-officielle Irna, de violentes manifestations se sont déroulées la veille dans la ville d'Ardébil (chef lieu de la province du même nom) contre la caricature. Les manifestants ont attaqué des banques et des magasins. Les responsables iraniens ont tenté de ramener le calme dans la région en dénonçant eux-mêmes avec virulence cette caricature. D'ailleurs, le journal gouvernemental Iran a été suspendu et le dessinateur Mana Neyestani et un rédacteur du journal, Mehrdad Qassemfal, ont été arrêtés.
Depuis un an, plusieurs provinces non persanes ont connu des troubles et affrontements. La province du Khouzistan (Arabistan), où les Arabes forment la majorité de la population, a connu plusieurs attentats meurtriers revendiqués par des groupes sunnites. A l'autre bout du pays, au Sistan-Balouchistan (sud-est) des sunnites du groupe Joundallah (soldats de Dieu), accusé d'être lié à Al-Qaïda, ont tué à deux reprises, en mars et début mai, des voyageurs non loin de la frontière pakistanaise. Enfin, la province du Kurdistan est depuis un an le théâtre d'affrontements armés entre les soldats iraniens et des militants du Pejak, un groupe indépendantiste kurde proche du PKK. De plus, deux bombes ont explosé le 8 mai à quelques minutes d'intervalle dans des bâtiments gouvernementaux de Kermanshah, métropole économique à forte majorité kurde, faisant six blessés. Les deux attentats, visaient les bureaux du gouverneur de Kermanshah et la Chambre de commerce de la province. Ces attentats interviennent alors que la semaine précédente, les forces iraniennes avaient bombardé une zone frontalière du Kurdistan irakien.
Les autorités iraniennes ont accusé à plusieurs reprises les Etats-Unis et la Grande-Bretagne de soutenir les organisations dissidentes arabes, kurdes et baloutches. Toutefois, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a écrit au président américain pour lui proposer de « nouveaux moyens » de régler les tensions, un geste sans précédent depuis 1980 révélé le 8 mai qui coïncide avec les fortes pressions sur l'Iran appelé à cesser ses activités nucléaires sensibles. Selon l'analyste Hamid Reza Jalaïpour « il y a un mécontentement latent qui explique ces mouvements mais je pense que les services de renseignements étrangers jouent aussi leur rôle en soutenant ces mouvements ». « Les Etats-Unis sont certainement contents de voir des troubles qui affaiblissent le pouvoir islamique. Mais je ne pense pas que de tels mouvements mettront en danger le pouvoir », car « le nationalisme iranien est très puissant et il pourrait se réveiller s'il sent un danger. A Tabriz par exemple, le pouvoir a rassemblé 100.000 personnes après une manifestation de protestation contre la caricature qui avait réuni 15.000 personnes », ajoute-t-il. Les Persans forment moins de 40% alors que les différentes minorités représentent plus de la moitié de la population iranienne. Il s'agit de 25% d'Azéris, de 15% de Kurdes, de 7% d'Arabes, 6% de Baloutches et de 3% de Turkmènes, concentrés dans les provinces frontalières de l’empire iranien.
Par ailleurs, le journal canadien National Post rapporte dans son édition du 19 mai que le nouveau code vestimentaire adopté par le Majlis (Parlement) aurait un caractère discriminatoire pour les minorités religieuses. Ce projet de loi obligerait les juifs, chrétiens et adeptes d'autres confessions minoritaires, comme les zoroastriens, à porter des vêtements de couleur permettant de les distinguer des musulmans. Pour le député Mohsen Yahyavi, un vétéran de l'Assemblée, l'information donnée par la presse canadienne est « totalement fausse ». « Le texte a pour objectif d'inciter les créateurs de mode à concevoir des vêtements qui soient plus compatibles avec l'islam. Mais le port d'autres vêtements ne sera aucunement prohibé », a-t-il assuré. Un député représentant la petite minorité juive d'Iran, Moris Motamed, est lui-aussi formel. « Il n'y a pas un seul mot dans ce texte parlant de coupe ou de couleur particulières réservées aux groupes religieux minoritaires » selon lui. Le texte adopté par le Majlis intervient deux ans après une invite du Guide suprême de la révolution islamique pour la création d'un costume national iranien. Dans son appel, l'ayatollah Ali Khamenei invitait ses compatriotes à ne pas se laisser influencer par les revues de mode occidentales. Le texte de loi, voté dans ses grandes lignes, doit encore recevoir l'onction du Conseil des gardiens, une instance formée de religieux chargée de contrôler la constitutionnalité des lois. La République islamique s'est dotée depuis 1979 d'un code vestimentaire islamique très strict au terme duquel les femmes doivent être voilées de la tête au pied lorsqu'elles sortent de chez elles. Leur chevelure doit être soigneusement dissimulée aux regards, de même que leurs formes. Le régime a créé une police et une milice, les « bassidji », chargées de vérifier que ces règles sont appliquées dans les faits.
Les minorités religieuses sont tolérées en Iran qui garantit théoriquement la liberté de culte. Toutefois, certains postes dans les forces armées et le service de santé sont interdits aux non-musulmans. Le récentes déclarations du président Mahmoud Ahmadinejad contestant la réalité de la Shoah ont semé le trouble au sein des quelque 25.000 juifs qui vivent toujours en Iran.
Les autorités syriennes ont, le 17 mai, procédé à de nouvelles arrestations dans le cadre de leur campagne contre les signataires d'une déclaration réclamant une réforme radicale des relations avec le Liban, un journaliste et opposant de renom risquant même la peine de prison à vie. Au total, six militants et signataires de la Déclaration Beyrouth-Damas, dont l'opposant et journaliste Michel Kilo, ont été arrêtés depuis le 14 mai. La campagne a commencé par l'arrestation de ce dernier, membre des Comités pour la renaissance de la société civile et signataire de la Déclaration de Damas en 2005, qui constitue l'appel le plus important jamais lancé en faveur de la démocratisation de la Syrie. M Kilo a, le 16 mai, été déféré à la justice, selon l’Organisation nationale des droits de l'Homme en Syrie (ONDHS). Le même jour, Mahmoud Merhi, secrétaire général de l'Organisation arabe des droits de l'Homme, et Nidal Darwich, membre des Comités de défense des droits de l'Homme et des libertés démocratiques, avaient été arrêtés pour le même motif. Selon l'ONDHS, la justice syrienne va poursuivre M. Kilo pour des chefs d'accusation qui pourraient le faire condamner à la prison à vie. M. Kilo est notamment accusé de «provoquer des dissensions confessionnelles et raciales, de publier des informations mensongères et exagérées qui ont pour but de porter atteinte au prestige de l'État et de diffamation à l'encontre du chef de l'État et des tribunaux», a indiqué l'organisation dans un communiqué. Selon le président de l’ONDHS, Ammar al-Qorabi, les services de sécurité ont également arrêté le 10 mai Safouane Tayfour, médecin de formation à Hama (nord) et Mahmoud Issa, un traducteur, à Homs (au nord de Damas). M. Issa avait été déjà arrêté en 1992 puis en 2000 pour « appartenance au parti interdit de l'Action communiste ». Une troisième personne a été arrêtée à Deir el-Zour, à 432 km au nord-est de Damas, car elle porte le même nom que l'un des signataires de la pétition. Il s'agit de Khaled Khalifa, «un citoyen qui n'a aucune activité politique» selon M. Qorabi. L'ONDHS a ensuite diffusé un communiqué annonçant l'arrestation le 17 mai à Damas de Khalil Hussein, un ancien détenu politique kurde qui fut emprisonné pendant 12 ans en Syrie. Deux autres Syriens, Souleimane Al-Chamr et Kamal Cheikho, qui ont signé la pétition, ont été convoqués par les services de sécurité.
La Déclaration Beyrouth-Damas, diffusée le 11 mai à Beyrouth avec la signature de près de 300 intellectuels syriens et libanais, appelle à «respecter et consolider la souveraineté et l'indépendance du Liban et de la Syrie dans le cadre de relations institutionnalisées et transparentes». Elle insiste sur «la nécessité d'une reconnaissance syrienne définitive de l'indépendance du Liban. Les premiers pas dans cette direction consistent en la délimitation des frontières et l'échange d'ambassadeurs».
A l'occasion de la 16ème journée internationale de la liberté de la presse, l'avocat et militant des droits de l'Homme, Anouar Bounni a, le 3 mai, réclamé de son côté la libération de trois journalistes syriens détenus par les autorités de ce pays. « Aujourd'hui, on se rappelle des journalistes kurdes Massoud Hamid détenu depuis trois ans, Ali Abdallah et Mohammad Ghanem incarcérés depuis plus d'un mois », a indiqué Me Bounni dans un communiqué. Il a appelé les autorités syriennes à « respecter la liberté d'expression et de la presse, à cesser les pressions et à libérer les détenus », déplorant en même temps les « menaces » et tracasseries dont font l'objet des journalistes syriens comme Hakam al-Baba, Michel Kilo et Abdel Razzaq Id, et la fermeture (par les autorités) de sites Internet de l'opposition. « La liberté de la presse et d'expression sont (nécessaires) pour dénoncer les violations et lutter contre la corruption », a poursuivi Me Bounni, porte-parole du Centre national de défense de la liberté de la presse et des journalistes en Syrie.
Par ailleurs, Hossam al-Deen Habash, un avocat syrien a, le 14 mai, annoncé que la Syrie a demandé aux services français d'Interpol de lui livrer l'ancien vice-président syrien Abdul-Halim Khaddam, inculpé dans son pays notamment pour trahison et corruption. L'assignation, envoyée par l'intermédiaire des bureaux d'Interpol à Damas, demande qu'il soit remis aux autorités syriennes pour avoir notamment encouragé une attaque étrangère contre la Syrie. L'avocat qui a engagé les poursuites contre Abdul-Halim Khaddam, a confié que s’il ne revient pas en Syrie, il sera jugé par contumace. L'assignation a peu de chance d'être suivie d'effets, même si l'avocat s'est dit confiant dans une réponse positive de la France. L'ancien vice-président syrien, qui a exercé des fonctions importantes en Syrie pendant près de 30 ans, a provoqué un tollé en décembre parmi les dirigeants syriens lorsqu'il a accusé le président syrien Bachar el-Assad d'avoir menacé l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri quelques mois avant l'assassinat de ce dernier, en février 2005. Ces accusations ont été démenties par Bachar el-Assad. Il vit aujourd’hui en France avec sa famille depuis qu'il a démissionné de son poste et quitté la Syrie l'année dernière.
Le président américain George W. Bush a, le 8 mai, prolongé l'embargo sur les exportations vers la Syrie de matériels militaires ou sensibles ainsi que le gel des avoirs de Syriens contribuant à l'ingérence au Liban ou soutenant des organisations terroristes. M. Bush a ordonné de proroger les sanctions décrétées le 11 mai 2004, a annoncé la Maison-Blanche à Fort Lauderdale où le président était en déplacement. « Les actions du gouvernement syrien soutenant le terrorisme, l'ingérence au Liban, la recherche d'armes de destruction massive et la poursuite de programmes balistiques, les efforts pour saper les efforts des États-Unis et les efforts internationaux en ce qui concerne la stabilisation et la reconstruction de l'Irak représentent une menace continue et extraordinaire pour la sécurité nationale» américaine, explique M. Bush dans le décret adressé au Congrès.
Alparslan Arslan, avocat nationaliste de 29 ans, a, le 17 mai, fait irruption au Conseil d'Etat, plus haute instance juridique administrative du pays et hurlé: « Je suis un soldat de Dieu » avant d'ouvrir le feu sur quatre juges, tuant le plus âgé et blessant les trois autres. Il a déclaré qu'en tirant sur les juges il voulait les punir pour avoir décrété une interdiction du foulard islamique dans les institutions et les universités publiques. L'attaquant a été maîtrisé par les forces de l'ordre en possession de son arme, un pistolet automatique Glock qui passerait inaperçu par les détecteurs métalliques, selon les autorités. Il a été le 21 mai écroué avec trois autres hommes soupçonnés de complicité dans l’affaire après avoir été entendus par un procureur. Interrogé par une section antiterroriste, il a affirmé avoir agi seul et n'être lié à aucune organisation. La police a néanmoins interpellé deux personnes susceptibles d'être liées au tireur. Selon les journaux, l'homme, basé à Istanbul, est connu pour être un musulman pratiquant et proche des milieux islamo-nationalistes. Ses trois soeurs portent le voile islamique, selon le quotidien Vatan. L'assaillant a affirmé vouloir « punir » cette institution, notamment les juges de la 2e Chambre, pour ses décisions contre le port du voile, selon Mme Cölasan.
La 2e Chambre du Conseil d'Etat s'était prononcée en février contre le port du foulard pour la directrice d'une école maternelle d'Ankara, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'établissement. Le journal islamiste, Vakit, avait publié à la Une les photos des juges membres de cette Chambre, devenus ainsi la cible des milieux islamistes. A. Arslan et ses trois complices ont été accusés de tentative de renversement de l'ordre constitutionnel, un chef passible de l'emprisonnement à vie, d'assassinat prémédité, de tentative d'assassinat prémédité, d'usage d'explosifs et de violations de la loi sur les armes à feu. Cinq autres hommes arrêtés dans le cadre de cette affaire ont été relâchés. Le 20 mai, un ancien officier de l'armée, Muzaffer Tekin, a été hospitalisé à la suite d'une tentative de suicide. Soigné sous surveillance policière il est soupçonné, d'avoir échangé plusieurs coups de fil avec le meurtrier présumé avant l'attaque. Interrogé à l'hôpital par la presse il a reconnu connaître le meurtrier présumé mais démenti être le cerveau de l'attentat contre les magistrats.
Le gouvernement de M. Erdogan est montré du doigt dans cette attaque car le Premier ministre, un militant islamiste dont l'épouse et les deux filles portent le voile, s'en était publiquement pris à des décisions du Conseil sur le port du voile. La presse libérale accusait le 18 mai le gouvernement d'avoir implicitement encouragé cette attaque par les remarques des autorités gouvernementales sur le port du voile. « Balle tirée contre la laïcité » titrait le quotidien Milliyet qui publie une tribune exhortant le gouvernement à renoncer à « provoquer des tensions » au sein de la société turque. Dans une interview accordée le 19 mai le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a estimé que ce meurtre faisait partie d'un complot visant à discréditer son gouvernement. La presse se demandait aussi si cette attaque était liée aux trois attentats à la grenade qui ont visé récemment à Istanbul le siège du journal pro-laïque Cumhuriyet.
Quelques 25 000 personnes ont, le 18 mai, crié des slogans « la Turquie est laïque et le restera » devant le mausolée d'Atatürk, le fondateur de la Turquie. Une manifestation, avec à sa tête les chefs des principales instances judiciaires du pays -Cour constitutionnelle, Conseil d'Etat, Cour de cassation- aux mines graves, ont observé une minute de silence avec des procureurs et avocats, en robes et une foule compacte, d'hommes, de femmes et d'enfants, rassemblés pour défendre officiellement « la laïcité ». De nombreuses questions restent en suspend comme la facilité avec laquelle le meurtrier a pu rentrer dans une institution sous haute protection et faire passer un pistolet sans attirer le moindre soupçon alors que selon la presse les détecteurs de métaux étaient ce jour-là en panne.
Un procès contre le journaliste turc d'origine arménienne, Hrant Dink, accusé de « tentative d'influencer la justice » pour avoir commenté ses propres démêlés judiciaires, a, le 16 mai, été suspendu à Istanbul après que des nationalistes eurent provoqué des incidents. L'audience a été fortement perturbée par un groupe de juristes nationalistes à l'origine des poursuites, au point d'obliger la cour à reporter le procès au 4 juillet, a affirmé Me Fethiye Cetin. « Kemal Kerinçsiz (président de l'Union des juristes nationalistes) et son équipe sont venus en nombre, ils nous ont agressé aussi bien physiquement que verbalement », a déclaré Me Cetin, qui n'a pas pu donner de plus amples détails, expliquant qu'elle était sous protection policière. « Quand je suis rentré, ils s'en sont pris à moi, ils ont crié « fiche le camp de ce pays » et m'ont craché dessus », a expliqué M. Dink, ajoutant qu'il avait du quitter le tribunal par la porte de derrière et sous escorte policière. La police a également dû intervenir à la demande de la cour pour empêcher des militants nationalistes d'entrer dans la salle d'audience. A l'extérieur du tribunal, une cinquantaine de manifestants d'extrême droite se sont battus avec une quinzaine de militants de gauche venus soutenir M. Dink aux cris de « ce sont nos intellectuels, nos peuples sont frères ».
M. Dink, rédacteur en chef du quotidien bilingue turc-arménien Agos, et trois autres membres de la rédaction encourent jusqu'à trois ans de prison pour s'être interrogés en octobre dans leurs colonnes sur le fonctionnement de la justice turque. L'article en question faisait suite à la condamnation de M. Dink à six mois de prison avec sursis pour « insulte à l'identité turque ». M. Dink était poursuivi pour un article paru en 2004 dans son journal consacré à « la mémoire collective des massacres » d'Arméniens commis entre 1915 et 1917 en Anatolie. La question arménienne est très sensible en Turquie, qui refuse de reconnaître le génocide arménien.
En France, une proposition de loi qui pénaliserait la négation du génocide arménien de 1915, présentée par les socialistes, devrait bientôt être examinée par le Parlement. La France a déjà adopté une telle mesure pour toute négation de la Shoah. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a, le 9 mai, déclaré à des dirigeants d'entreprises françaises en visite en Turquie qu'une loi faisant un délit de la négation du génocide arménien endommagerait les relations franco-turques. « Nous attendons des cadres des entreprises françaises qu'ils réagissent à la proposition de loi », a déclaré le Premier ministre, ajoutant que cette loi, si elle était adoptée, nuirait aux relations bilatérales. En outre, elle ne serait pas favorable à la liberté de pensée et d'expression, estime-t-il. Le 8 mai, la Turquie a rappelé ses ambassadeurs à Paris et à Ottawa « pour une courte période pour des consultations sur les derniers développements des allégations sans fondement du génocide arménien en France et au Canada », avait précisé le ministère turc des Affaires étrangères. Le Premier ministre canadien Stephen Harper a soutenu récemment l'assimilation de ces massacres à un génocide. Les autorités turques affirment de manière invariable que le nombre de morts avancé par les Arméniens est exagéré, et insistent sur le fait qu'ils ont été tués ou déplacés alors que l'empire ottoman essayait de sécuriser sa frontière avec la Russie et de faire cesser les attaques de militants arméniens. La Turquie avait déjà annulé des contrats de défense avec des compagnies françaises s'élevant à plusieurs millions d'euros après l'adoption d'une loi reconnaissant le génocide arménien.
Par ailleurs, la justice turque a acquitté le 10 mai les auteurs d'un rapport sur les minorités commandé par le gouvernement, qui étaient accusés d" « incitation à la haine » pour avoir écrit que la Turquie devrait accorder davantage de droits aux minorités telles que des Kurdes. Les professeurs Ibrahim Kaboglu et Baskin Orhan encouraient jusqu'à cinq ans de prison. Leur rapport en 2004 avait déclenché la colère des nationalistes, qui craignent qu'une reconnaissance des droits des minorités n'aboutisse à la partition ethnique du pays.
De plus, Ridvan Kizgin, président de la section locale de l'Association turque des droits de l'homme (IHD) de Bingöl, a, le 4 mai, été inculpé pour avoir « dénigré l'État turc », en vertu de l'Article 301 du Code pénal. La justice turque lui reproche d’avoir adressé aux autorités une lettre à propos du mot Cewlik, nom kurde de Bingöl. Malgré des réformes législatives et constitutionnelles, les autorités continuent de harceler les défenseurs des droits humains.
La compagnie Atomstroïexport, qui s'occupe de la construction des centrales nucléaires à l'étranger, a, le 16 mai, annoncé que la Russie était prête à construire des centrales nucléaires en Turquie. La construction d'une première centrale doit débuter en 2007 pour une mise en exploitation en 2012. Suite à l’annonce de la volonté de construire de la Russie des centrales nucléaires en Turquie, les responsables turcs ont expliqué, au cours d'une réunion de la commission russo-turque sur l'énergie qui a eu lieu à Moscou la semaine dernière, que les entreprises russes pouvaient « investir dans l'énergie turque dans le cadre de la législation turque ».
Inquiète d'une possible pénurie d'énergie et désireuse de réduire sa dépendance énergétique notamment vis-à-vis du gaz naturel fourni par la Russie et l'Iran, la Turquie prévoit la construction de trois centrales nucléaires d'une puissante totale de 5.000 mégawatts, qui devraient entrer en service en 2012. La construction de la première centrale à Sinop au bord de la mer Noire doit débuter en 2007 pour une mise en exploitation en 2012.
Quelque 4.000 personnes ont manifesté fin avril à Sinop pour réclamer l'abandon du projet de centrale nucléaire dans la région et demander au gouvernement de chercher des solutions de remplacement. La Turquie avait déjà envisagé la construction d'une centrale nucléaire mais avait dû abandonner le projet en juillet 2000 en raison des difficultés financières qu'elle connaissait alors et des protestations des écologistes, en Turquie et chez ses voisins, Grecs et Chypriotes.
La première chaîne de télévision privée kurde iranienne, Rojhelat TV, a, le 15 mai, annoncé avoir commencé à émettre à destination du Proche-Orient par satellite à partir d'un endroit non précisé près de Stockholm. « C'est la première chaîne de télévision kurde indépendante destinée à tous les Kurdes et la première à émettre à la fois en kurde et en persan », a déclaré un porte-parole de la chaîne, Kurdo Baksi.
La chaîne diffuse deux heures d'informations quotidiennes sur l'actualité internationale, en mettant l'accent sur le Proche-Orient et l'Iran. La majorité des 20 collaborateurs de Rojhelat TV sont des Kurdes d'Iran, d'Irak et de Turquie. Le lieu d'où elle émet n'a pas été précisé pour des raisons de sécurité.
Trois ans après la chute du régime de Saddam Hussein, la reconstruction du pays, pour laquelle les Etats-Unis ont investi plus de 20 milliards de dollars (15,95 milliards d'euros), se fait difficilement. Certes, des écoles ont été reconstruites, des centrales électriques réparées, des barrages améliorés. Mais l'industrie pétrolière, cible privilégiée de l'insurrection, est au plus mal. La production est tombée à deux millions de barils par jour l'an dernier, contre 3,5mbj en 1990. Les coupures de courant restent un sujet d'irritation permanent. Et seuls 19% des Irakiens sont reliés aux égouts, contre 24% avant la guerre, selon les chiffres du gouvernement américain. Dans son dernier rapport, l'inspecteur général chargé de la vérification des comptes pour la reconstruction du pays, Stuart Bowen, rapporte que 80% des projets de rénovation des ports, voies ferrées, routes, ponts et aéroports ont été achevés. Mais, ajoute-t-il, seuls 4% des trains circulent chaque jour. Un rapport d'enquête du Pentagone publié le 1er mai affirme pour sa part que la reconstruction de l'Irak a fait des progrès « significatifs » ces derniers mois, en dépit d'échecs et de lacunes, particulièrement dans le secteur énergétique. La production de pétrole reste en deçà des niveaux d'avant-guerre et des objectifs fixés par le ministère du pétrole, alors même que les Etats-Unis ont investi 1,7 milliards de dollars dans ce secteur. « Les Irakiens ne profitent toujours pas pleinement de leurs énormes réserves de pétrole », souligne le rapport, évoquant « de grosses difficultés de sécurité et d'infrastructure (qui) n'ont pas beaucoup changé depuis le précédent trimestre ». Le secteur est également l'un des principaux touchés par la corruption, encouragée notamment par le manque de mesures fiables permettant de comparer la quantité de pétrole produit et commercialisé. « En outre, l'insurrection serait partiellement financée par la corruption en Irak et par une part prélevée sur les profits du marché noir ».
Ce rapport est publié trois ans après la fin des « opérations de combat principales », proclamée par le président Bush. Au total, il souligne que 67% des 21 milliards de dollars alloués à la reconstruction ont déjà été dépensés, et qu'il ne reste que 2 milliards de dollars à engager. Le Congrès américain débat actuellement l'octroi de 3,2 milliards de dollars supplémentaires pour la reconstruction, dans le cadre d'un collectif budgétaire.
Le vice-ministre de l'Education supérieure et de la recherche scientifique au Kurdistan, Rizgar Jiawok a, le 8 mai, appelé la communauté internationale à aider à la reconstruction de l'Irak à l'ouverture de la 3ème conférence « Rebuilt Iraq 2006 » (reconstruction de l'Irak) avec la participation de 1.000 sociétés de plus de 50 pays. « Il ne faut pas se limiter à dépenser de l'argent sur des machines, des voitures et des équipements », a affirmé M. Jiawok. « Les machines sont faciles à acheter, mais pour que les personnes soient qualifiées, cela prend du temps », a-t-il déclaré. « La technologie se développe rapidement et l'Irak a été loin de tout cela pendant des années », a ajouté M. Jiawook. Il s'exprimait à l'ouverture de cette conférence de quatre jours lancée par l'Agence américaine pour le développement international (USAID) avec la participation de l'Alliance de l'Information irakienne et la technologie de communication (ICT), un organisme qui cherche a développer l'initiative privée. « Il existe un esprit d'entreprise très vif en Irak », s'est félicité le directeur à Bagdad de l'USAID, Dawn Liberi. La conférence à laquelle participent plus de 1000 sociétés de 50 pays, a été qualifiée par des experts comme une opportunité pour le monde des affaires dans la reconstruction de l'Irak dévasté par la guerre. « Rebuilt Iraq 20006 » est la troisième conférence du genre organisée depuis 2004. Le but est de fournir à des sociétés internationales les moyens de faire des affaires en Irak, qui, selon des experts nécessite 60 milliards de dollars pour rétablir son infrastructure. La corruption ainsi que l'insécurité dans le pays, sont le défi majeur face à l'effort de reconstruction, estiment des experts.
Par ailleurs, une entreprise de Calgary, Western Oil Sands, a, le 15 mai, conclu une entente avec le gouvernement du Kurdistan pour exploiter les ressources énergétiques. L'entreprise veut explorer les gisements de pétrole et de gaz de la province. Selon des études énergétiques américaines, l'Irak possède la deuxième plus importante réserve pétrolière mondiale, avec 112 milliards de barils.
De son côté, la compagnie nationale jordanienne Royal Jordanian a, le 31 mai, annoncé qu’elle desservira deux fois par semaine à partir de juin la ville kurde de Souleimaniyeh. Les vols aller-retour commenceront le 5 juin et auront lieu tous les lundis et vendredis. Ces liaisons porteront à 25 les vols hebdomadaires de la Royal Jordanian pour l'Irak dont 16 vers Bagdad, trois vers la ville méridionale de Bassorah et quatre vers Erbil. La compagnie jordanienne et la compagnie irakienne Iraqi Airways, de même que la compagnie kurde Kurdistan Airlines sont les seules à assurer régulièrement des vols commerciaux à destination et en provenance de l'Irak.
Les travaux pour l'édification d'une zone franche dans le secteur de Yaaroubia (1.000 km au nord-est de Damas) proche de la frontière avec l'Irak ont commencé le 28 mai. Cette zone franche, située dans le gouvernorat kurde de Hassaké, doit coûter près de 20 millions de dollars et s'étendra sur une superficie de 60.000 m2. Elle vise à développer la région conformément aux plans gouvernementaux. La zone franche de Yaaroubia, proche de l'Irak et de la Turquie, « sera l'une des plus importantes de Syrie », selon le directeur général des zones franches Adnan Souleimane.
Des milliers de Kurdes iraniens, chassés d'Iran au début des années 1980 et installés dans un camp au Kurdistan d'Irak, réclament un statut de réfugiés par l'Onu, a, le 13 mai, déclaré Mahmoud Azizi, un de leurs représentants. « Nous voulons rentrer (chez nous) sous la supervision des Nations unies mais l'Iran ne nous accepte pas. Et nous n'avons aucun statut selon l'Onu », a affirmé Mahmoud Azizi, membre du comité représentant les 223 familles kurdes iraniennes du camp Qawa à Erbil, au Kurdistan irakien.
Ces Kurdes avaient été chassés de la ville kurde iranienne de Qasri Shirin au début de la guerre Iran-Irak (1980-88). Une fois en Irak, ils avaient été installés dans la province d'Al-Anbar (ouest de Bagdad), aujourd'hui en majorité sunnite. Mais ils ont dû fuir cette province fin 2005, car ils y étaient harcelés et attaqués par des terroristes. Ils sont alors partis vers le Kurdistan irakien. Selon Mansour Abdallah, un résident du camp âgé de 21 ans, 25 familles vivent encore dans Al-Anbar. « Notre situation a empiré. Ici, la plupart des jeunes sont sans emploi. Nous manquons de produits essentiels », a affirmé M. Abdallah. « Ces personnes veulent rentrer en Iran », a expliqué Dindar Zebari, responsable des relations entre le gouvernement kurde et l'Onu, mais « ils se contenteraient d'un asile politique en Irak ». Selon M. Zebari, le gouvernement kurde serait prêt à construire des maisons pour eux, si le statut officiel de réfugié leur était accordé par l'Onu
Un tribunal d'Ankara a, le 5 mai, rejeté une requête d’Abdullah Öcalan qui demandait à être rejugé, allant ainsi à l'encontre d'une décision de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH). « Ce n'est pas une surprise, nous nous attendions à cette décision », a déclaré Hatice Korkut, une des avocates d'Öcalan. Elle a indiqué qu'un appel était possible, mais que l'équipe de juristes allait d'abord étudier le contenu de la décision avant de décider de la suite des opérations.
Le chef du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), incarcéré depuis 1999 sur l'île-prison d'Imrali (nord-ouest), a demandé en janvier à être rejugé conformément à un arrêt en ce sens de la CEDH. La Cour européenne a recommandé en mai 2005 l'organisation d'un nouveau procès contre Öcalan après avoir estimé que celui au terme duquel il avait été condamné à mort, en 1999, était « inéquitable ». La peine capitale prononcée avait été commuée en réclusion à vie en 2002 après l'abolition de la peine de mort en Turquie. La Turquie a indiqué qu'elle respecterait la recommandation de la CEDH mais elle doit au préalable amender sa législation. Une loi votée en 2003 permet de rejuger les détenus dont le jugement a été infirmé par la CEDH, mais n'est pas rétroactive, ce qui exclut A. Öcalan et une centaine d'autres personnes de ce droit. « Le parlement doit amender cette disposition car elle va clairement à l'encontre du principe de légalité », a commenté Me Korkut. Aucune initiative n'est actuellement en cours pour un tel amendement.
La Turquie a, le 2 mai, été condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour avoir violé le droit à la liberté d'expression d'un auteur sanctionné pour un ouvrage dénonçant la corrélation entre islam et injustices sociales. Le requérant, Aydin Tatlav, journaliste de profession, avait publié en 1992 un livre intitulé « Islamiyet Gerçegi » (La réalité de l'islam). Dans son ouvrage il avançait l'idée que la religion avait pour effet de légitimer les injustices sociales en les faisant passer pour « la volonté de Dieu ». En octobre 1996 il en publie la cinquième édition. Suite à une dénonciation, l'auteur est alors inculpé pour « avoir fait une publication destinée à profaner l'une des religions » et condamné à une peine d'un an de prison convertie en amende.
Les juges de Strasbourg notent que si certains passages du livre contiennent de vives critiques de la religion sur le terrain socio-politique, et constituent un commentaire caustique de l'islam, ceux-ci ne visent pas directement les croyants, et ne constituent pas non plus une attaque contre des symboles sacrés. Ils estiment de plus que sa condamnation pénale, pourrait avoir pour effet de dissuader auteurs et éditeurs à publier sur la religion des opinions qui ne soient pas conformistes, faisant ainsi obstacle à la « sauvegarde du pluralisme indispensable à l'évolution saine d'une société démocratique ». L'ingérence litigieuse n'ayant pas été « proportionnée au but légitime poursuivi », ils concluent par conséquent à la violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme. La cour a alloué à M. Tatlav 3.000 € pour préjudice moral et matériel.
Par ailleurs, selon la presse turque datée du 10 mai, le parti de la justice et du développement (AKP-au pouvoir) en Turquie a décidé de poursuivre en justice un octogénaire qui a fustigé la politique gouvernementale en évoquant une dérive islamiste en Turquie. La colère du parti AKP a été provoquée par une lettre de deux pages collée au livre d'or dans la maison natale de Mustafa Kemal Atatürk, à Salonique. Ce document, particulièrement critique envers l'AKP, a été découvert et déchiré du livre par le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan qui a visité la semaine dernière cette ville grecque où s'est déroulé le sommet annuel du Processus de coopération en Europe du Sud-Est (SEECP). La lettre de Mehmet Fethi Dördüncü, un ouvrier à la retraite de 82 ans, accuse l'AKP d'être constitué d' « infidèles » voulant « se servir de l'islam comme un bouclier » et d' « exploiter les sentiments religieux » des Turcs, selon des extraits publiés par les journaux. Il s'en prend particulièrement à M. Erdogan qu'il accuse d'être un « esclave » des Etats-Unis et de l'Union européenne.
A l'issue d'un conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement et ministre de la Justice Cemil Cicek a, le 8 mai, appelé implicitement les députés et les ministres à poursuivre en justice l'auteur de la lettre controversée, affirmant qu'il s'agissait là d'« une sorte de communiqué d'une organisation illégale ». Interrogé par les journaux, plusieurs ministres se sont dit déterminés à lancer des poursuites pénales pour calomnies: « Bien sûr je vais saisir la justice », a notamment indiqué le vice-Premier ministre Mehmet Ali Sahin, cité par le quotidien Sabah. Un autre député, Mahmut Durdu, ne se contentera pas de le traîner en justice. Il a promis de lui « cracher à la figure », selon le journal.
Près de 200 demandeurs d'asile, en majorité des Kurdes syriens, campaient le 10 mai sur la principale place de Nicosie, réclamant une aide financière de l'Etat, de meilleures conditions de vie et l'autorisation de travailler. « Aucun droit de travailler, pas de protection sociale, comment allons-nous vivre? » pouvait-on lire sur une pancarte. Des femmes et des enfants étaient réfugiés dans des tentes installées place Eleftheria, tandis que les hommes se sont amassés à l'entrée d'un bâtiment devant la mairie de Nicosie, du haut duquel quatre d'entre eux ont menacé de se jeter. Après près de six heures passées dans l'immeuble, les quatre Kurdes sont sortis sous les applaudissements et aux cris de « Kurdistan! Kurdistan! »
Le gouvernement chypriote autorise les demandeurs d'asile à travailler uniquement dans les domaines de l'agriculture et de l'élevage de bovins, des secteurs qui connaissent un manque de main d'oeuvre. Leur demande est soutenue par l'ONG Kisa, qui a appelé le gouvernement à mettre un terme à sa politique d'expulsion des demandeurs d'asile et à leur procurer de meilleurs logements. Kisa demande en outre la libération des demandeurs d'asile détenus par la police et qui ne font pas l'objet d'un avis d'expulsion imminent. « Nous avons été obligés de fuir la Syrie parce que nous étions victimes de discriminations, mais ce n'est pas mieux ici (…) En Syrie, nous sommes considérés comme des étrangers, on nous traite comme du bétail. Et à Chypre, on nous jette à la rue », affirme Baran, Kurde syrien de 26 ans, à Chypre depuis trois mois. Damas exclue quelques 300 000 Kurdes de la citoyenneté syrienne depuis 1963. «Ce qui m'écoeure, c'est que les gens d'ici ont oublié qu'eux aussi, en 1974, étaient des réfugiés », souligne pour sa part un jeune Camerounais, qui refuse de s'identifier, en référence à l'exode des Chypriotes-grecs venus s'installer dans le sud après l'invasion du nord de l'île par les troupes turques.
Une soixantaine de détenus étrangers, dont des Iraniens, se sont mutinés le 4 mai dans la prison centrale de Nicosie. Les manifestants ont indiqué qu'ils mettraient un terme à leur mouvement lorsque leur demande d'aide financière serait satisfaite. Chypre est le pays du monde industrialisé qui reçoit le plus de demandes d'asile par rapport à sa population. Quelque 10.000 demandes d'asile sont actuellement en cours d'examen sur l'île, qui a rejoint l'Union européenne en mai 2004. Pour la seule année 2005, Chypre a traité 7.770 nouvelles demandes.