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Bulletin N° 261 | Décembre 2006

 

 

SADDAM HUSSEIN EXECUTÉ AVANT D’ÊTRE JUGÉ POUR SES CRIMES DE MASSE AU KURDISTAN

Trois ans après sa capture dans un « trou à rat » de sa région natale de Tikrit, Saddam Hussein a été exécuté le 30 décembre à l'aube par pendaison. La télévision irakienne a diffusé des images le montrant, les mains attachées dans le dos, refusant une cagoule, poussé vers une potence par deux bourreaux masqués qui lui passent une corde autour du cou. Les images s'arrêtent et ne montrent pas la pendaison elle-même, qui a eu lieu juste avant 06H00 (03H00 GMT). Une télévision privée a ensuite diffusé de furtives images de son corps au cou brisé, dans un linceul blanc ensanglanté. L’exécution de ses deux co-accusés, son demi-frère, Barzan al-Tikriti, ancien chef des services de renseignement, et Awad al-Bandar, ancien président du tribunal révolutionnaire a été reporté au dernier moment.

Le calendrier et les circonstances de la pendaison de l’ex-dictateur irakien ont donné lieu à des réactions diverses tant en Irak qu’à l’étranger. Tout se passe comme si le Premier ministre Maliki a voulu tenir son engagement d’en finir avec Saddam Hussein avant la fin de l’année. Ses services ont dû travailler d’une manière frénétique pour compléter en un temps record les formalités administratives requises et contourner l’opposition du président Jalal Talabani à la peine de mort

Tout en considérant qu’ils ne pouvaient pas, à la place des familles des centaines de milliers de victimes, pardonner Saddam Hussein, les dirigeants kurdes auraient voulu que le tyran soit jugé pour tous ses crimes de masse et qu’à la fin de ces procès il soit condamné à la prison à perpétuité

Finalement, évoquant la crainte de prises d’otages par des baassistes pour faire libérer leur leader, le Premier ministre, soutenu par les autres partenaires chiites de la coalition, a décidé de précipiter le processus d’exécution, sans même tenir compte de l’usage de la trêve observée à l’occasion de la fête musulmane du Sacrifice

Sa décision, considérée comme une preuve de détermination, a été largement approuvée par la population chiite. La nouvelle de la pendaison a été accueillie par des tirs de joie à Najaf, ville sainte chiite, mais dans une relative indifférence à Bagdad, où l'annonce de la mort de l'ex-dictateur n'a été saluée que par quelques tirs dans les quartiers majoritairement chiites. Le Premier ministre Nouri al-Maliki, se félicitant de l' « exécution du criminel Saddam », a lancé un appel à la réconciliation, à l'intention des partisans de l'ancien régime dont « les mains ne sont pas tâchées de sang ».

Le président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, a pris acte de la pendaison de Saddam Hussein, tout en rappelant l'importance de la poursuite du procès Anfal, dans lequel l'ancien président était poursuivi pour génocide contre les Kurdes. « Nous espérons que l'exécution de Saddam Hussein va ouvrir un nouveau chapitre de l'histoire de l'Irak et qu'elle marquera la fin de l'utilisation de la violence contre les civils », a déclaré Massoud Barzani dans un communiqué daté du 30 décembre. « Il est important que cette exécution ne soit pas un prétexte pour ne pas dévoiler l'ampleur des crimes commis lors des opérations Anfal et à Halabja, ainsi que le massacre de milliers de Kurdes et de membres de la famille Barzani », a cependant nuancé le président du Kurdistan autonome

Le Parti pour une société démocratique (DTP), principale formation pro-kurde de Turquie, a, pour sa part, dénoncé l'exécution. « Même si ce sont les Kurdes qui ont le plus souffert durant sa période de gouvernement (...) Saddam n'aurait pas du être pendu », a estimé Aysel Tugluk co-présidente du DTP dans un communiqué. Mme Tugluk a précisé que son parti s'opposait à la peine capitale et estimé que la pendaison de l’ex-dictateur pourrait avoir pour conséquence l'embrasement accrû de l'Irak, déchiré par des violences confessionnelles notamment. « Saddam avait déjà été condamné dans les consciences. Cette punition est beaucoup plus sévère que la peine de mort que nous devons rejeter », a-t-elle encore affirmé

Saluée immédiatement par Washington : L'exécution « ne mettra pas fin à la violence en Irak, mais c'est une étape importante sur la route de l'Irak vers une démocratie qui peut se gouverner (...) et être un allié dans la guerre contre le terrorisme », a déclaré le président américain George W. Bush dans un communiqué. Saddam Hussein « a payé », a estimé le gouvernement britannique, tout en réaffirmant son opposition à la peine de mort, alors que le ministère français des Affaires étrangères a « pris acte » de l'exécution et appelé les Irakiens à « travailler à la réconciliation et à l'unité nationale ». La présidence finlandaise de l'Union européenne, qui affirme avoir toujours été contre la peine de mort, a estimé que l'exécution « pourrait aussi s'avérer porteuse de divisions pour l'avenir de l'Irak ». L'exécution a également été perçue comme une « nouvelle tragique » au Vatican, opposé à la peine de mort, tout comme au Conseil de l'Europe qui estime que l'Irak a manqué une occasion « de rejoindre le monde civilisé ». Le ministère russe des Affaires étrangères a regretté que les appels internationaux à la clémence n'aient pas été écoutés, tandis que la chancelière allemande Angela Merkel a affirmé « respecter » le jugement, tout en rappelant que Berlin était opposé à la peine capitale.

L'Iran s'est, le 30 décembre, félicité de l'exécution de Saddam Hussein décrit par Téhéran comme l'« auteur des plus horribles crimes contre l'humanité ». « Avec l'exécution de Saddam, le dossier de l'un des pires dictateurs criminels s'est refermé », a commenté la télévision d'Etat iranienne. Téhéran réclamait que le tribunal pénal irakien chargé de juger Saddam Hussein condamne l'ancien président pour les crimes commis pendant la guerre Iran-Irak, et notamment pour l'usage d'armes chimiques contre les troupes iraniennes. Dès l'annonce de la mort de Saddam Hussein, des manifestations de joie ont eu lieu dans plusieurs quartiers de Téhéran mais aussi à Khorramshahr, cité portuaire à la frontière avec l'Irak, où des scènes de liesse populaire étaient signalées par les médias officiels iraniens. Khorramshahr avait été occupée par les forces irakiennes peu après le début de l'invasion de l'Iran en 1980. L'armée iranienne avait libéré la ville lors d'une bataille décisive en mai 1982

Dans les pays arabes les réactions ont été également de pure forme. La pendaison de Saddam Hussein, intervenue le premier jour de la fête musulmane d'al-Adha, a causé « surprise et consternation », selon l'agence SPA, qui reflète le point de vue officiel du royaume saoudien. La Jordanie, voisine de l'Irak, a exprimé l'espoir qu'elle n'aura pas d'incidences négatives sur le pays. A Gaza, la mort de Saddam Hussein a été qualifiée d' « assassinat politique » par le mouvement islamiste Hamas. Enfin, quelques milliers de manifestants sont descendus dans la rue pour protester contre cette exécution, en Inde, au Pakistan et au Bangladesh.

Les organisations de défense des droits de l'Homme ont regretté l'exécution. « Saddam Hussein était responsable de terribles et nombreuses violations des droits de l'homme, mais ces actes, aussi brutaux soient-ils, ne peuvent justifier son exécution, une punition cruelle et inhumaine », a déclaré pour sa part Human Rights Watch. Pour Amnesty International, cela a été « une occasion manquée » pour obliger l'ancien dictateur à rendre compte de tous ses crimes.

Le 19 octobre 2005, à l'ouverture de son premier procès pour crimes contre l'humanité pour la mort de 148 habitants du village de Djoubaïl après une tentative manquée d'assassinat en 1982, Saddam avait profité de la tribune que lui offrait le tribunal et déclaré en juillet qu'en tant qu'officier, s'il était condamné à mort, il devait être fusillé et non pendu. Au cours de son procès, il a tour à tour joué la corde du nationalisme arabe, de l'islam et du patriotisme irakien. Il se présentait comme un pieux musulman, ne se déplaçant jamais sans son exemplaire du Coran.

Saddam Hussein était poursuivi depuis le mois de juillet dans un second procès, où il était accusé de génocide contre les populations kurdes, dans le cadre de la campagne Anfal menées en 1987 et 1988 et au cours desquelles 180.000 personnes ont été tuées, dans des exécutions de masse ou des bombardements chimiques. Le procès Anfal, où six autres personnes sont poursuivies, dont un cousin de Saddam, Ali Hassan al-Majid, dit « Ali le chimique », va continuer, mais toutes les actions contre Saddam Hussein se sont éteintes à sa mort, selon la loi irakienne. L'attaque chimique menée par l'aviation irakienne en 1988 sur Halabja où quelque 5.000 Kurdes, en majorité des femmes et des enfants, ont été tués en quelques minutes, et 10.000 blessés, de même que l’exécution en 1983 de quelque 8.000 membres de la tribu Barzani constituent deux autres affaires distinctes concernant les Kurdes

Concernant le procès Anfal, Me Badih Aref Ezzat, représentant de Tarek Aziz, l'ancien vice-Premier ministre de Saddam Hussein, avait, le 27 décembre, annoncé le souhait de ce dernier de témoigner dans le procès Anfal avant l'exécution de Saddam Hussein. Tarek Aziz « a demandé à pouvoir témoigner dans l'affaire Anfal avant que ne soit exécutée la condamnation à mort de Saddam Hussein, et c'est aussi le souhait de Saddam Hussein », avait-il déclaré en ajoutant que M. « Aziz m'a dit qu'il avait des informations très importantes qu'il souhaiterait clarifier et livrer au monde ». « Ces renseignements vont provoquer un grand embarras chez beaucoup à l'intérieur et l'extérieur » de l'Irak, avait-il souligné sans plus de précisions. Tarek Aziz qui fut le porte-parole de Saddam Hussein sur la scène internationale, s'était rendu aux troupes américaines en avril 2003. Il est, depuis, détenu par les Américains et sa famille réclame constamment sa libération en raison de la détérioration de son état de santé

Autre fait troublant, un document présenté au procès de Saddam Hussein dans lequel ordre était donné aux officiers irakiens de « coopérer avec la partie turque conformément à l'accord signé avec eux pour pourchasser tous les réfugiés », avait été, le 21 décembre, présenté au Haut Tribunal pénal irakien. Ce document a été présenté par les procureurs irakiens comme étant l'une des preuves démontrant que Saddam Hussein avait donné l'ordre d'éliminer 182.000 Kurdes. Les autorités turques sont aussitôt montées au créneau en reconnaissant que l'Irak dirigé par Saddam Hussein avait cherché à obtenir le soutien de la Turquie contre les Kurdes d'Irak dans les années 1980, mais qu’Ankara s'y était opposé. Nuzhet Kandemir, ex-représentant spécial pour les relations avec l'Irak, a indiqué au quotidien Milliyet que cette proposition lui avait été faite par le vice-président irakien Taha Yacine Ramadan au cours d'une rencontre à Bagdad en 1988, quelques mois après le déclenchement de la campagne meurtrière contre les Kurdes baptisée « Anfal ». « Nous allons repousser les Kurdes vers le nord, vous les bloquerez et nous pourrons mettre fin de manière fondamentale au problème », aurait planifié M. Ramadan, d'après Nuzhet Kandemir. L'ancien ambassadeur affirme que la Turquie, sur ordre du Premier ministre turc de l'époque Turgut Ozal, avait repoussé cette offre. L'ancien ambassadeur a toutefois ajouté que le document faisait sans doute référence à un autre accord de sécurité turco-irakien signé au début des années 1980 et autorisant aux deux pays le franchissement de leur frontière commune pour pourchasser les combattants kurdes

Le procureur général irakien Mounkithe Al-Faroun avait exhibé lors de cette audience devant le Haut tribunal pénal irakien des documents émanant de l'état-major et ordonnant la destruction de « bases des saboteurs » par des bombardements aériens et d'artillerie utilisant « l'arme spéciale », référence à l'usage d'armes chimiques, un ordre écrit de l'état-major, daté d'avril 1988. Le procureur avait ordonné à quatre reprises de couper les micros pour poursuivre les discussions à huis clos sur des documents concernant « les relations Irak-Turquie » de l'époque et avait ensuite montré à la cour un mémo demandant aux officiers irakiens « de coopérer avec la partie turque, selon les termes d'un protocole de coopération prévoyant le renvoi de tous les réfugiés kurdes ». Un courrier du 28 août 1988 exigeant « la destruction de toutes les maisons » d'un village et conclut par: « en informer le président, que Dieu le bénisse », avait également été présenté. Un autre document, signé le 21 août de la même année du chef d'état-major d'alors Nazar Abdul Kareem Faisal, ordonne de « traiter les populations avec des frappes à l'arme spéciale afin de créer la panique », souhaitant « une destruction totale dans la zone nord (...) avant un nouveau possible conflit avec l'Iran ». Enfin, un courrier d'avril 1988 ordonne aux forces irakiennes « d'utiliser la munition spéciale contre les forces ennemies aussi longtemps que possible et frapper les bases des saboteurs autant que nécessaire ». Cette lettre est « paraphée d'une signature que nous pensons être celle de Saddam Hussein », selon le procureur. « C'est la première fois dans l'histoire que l'armée d'un pays utilise l'arme chimique contre son propre peuple », avait-il conclu

LE RAPPORT BAKER-HAMILTON SUR L’IRAK : REJETÉ PAR LES KURDES ET PAR LES CHIITES

Fruit de huit mois de travail des dix membres du Groupe d'études sur l'Irak (ISG), un rapport très attendu sur l'évolution de la stratégie des Etats-Unis en Irak préconise un désengagement graduel, l'armée américaine devant davantage axer sa mission sur la formation, l'équipement et le soutien des forces irakiennes que sur le combat. La commission coprésidée par l'ancien secrétaire d'Etat James Baker et l’ancien congressiste démocrate Lee Hamilton a ainsi publié le 6 décembre son rapport sans proposer ni retrait précipité, ni déploiement illimité. « Les priorités militaires doivent changer ». La commission indépendante, composée de cinq républicains et de cinq démocrates se prononce plutôt pour un « achèvement de la mission d'entraînement et d'équipement » avant la fin mars 2008. A cette fin, il demande que le nombre des militaires américains affectés à la formation des troupes irakiennes passe de 3.000-4.000 aujourd'hui à 10.000-20.000 à terme, les renforts pouvant provenir des brigades déjà présentes en Irak. Il suggère d'autre part à Washington de réduire son « soutien politique, militaire et économique » à l'Irak si le gouvernement de Bagdad n'enregistre pas des progrès substantiels en matière de sécurité

Lors d'une conférence de presse, M. Baker a estimé qu'il n'y avait pas « de formule magique » pour résoudre la crise en Irak. « Un glissement vers le chaos pourrait entraîner l'effondrement du gouvernement irakien et une catastrophe humanitaire. Les pays voisins pourraient intervenir », selon le rapport. « Des affrontements entre sunnites et chiites pourraient se propager et Al-Qaïda pourrait remporter une victoire de propagande et élargir sa base d'opérations », prévient la commission. Au niveau régional, elle préconise une offensive diplomatique et surtout des discussions directes avec Téhéran et Damas « pour essayer d'obtenir leur engagement à mener des politiques constructives à l'égard de l'Irak et d'autres problèmes régionaux ». Elle recommande des mesures « incitatives » et « dissuasives ».

Au lendemain de la publication du rapport, le président américain George W. Bush a reconnu la nécessité d'une « nouvelle approche » lors d'un entretien avec le Premier ministre britannique Tony Blair destiné à évoquer les différentes stratégies qui s'offrent à eux. A l'issue d'un entretien avec Tony Blair, il a admis lors d'une conférence de presse que la situation était « mauvaise » dans le pays.

De plus, les réactions à ce document et à ses recommandations sont venues souligner un peu plus encore les fractures politiques et confessionnelles du nouvel Irak. Les divergences sont centrées sur certains des thèmes les plus sensibles dans l'Irak d'aujourd'hui: la réconciliation nationale, le partage des richesses pétrolières et le rôle des pays voisins dans les efforts en vue de sortir du chaos.

Les Kurdes ont vivement critiqué le rapport. « Irréaliste, inadapté », a tonné Massoud Barzani, président du Kurdistan irakien en dénonçant le rapport de l'ISG. « Nous n'allons en aucun cas nous conformer à ce rapport », a assuré M. Barzani dans un communiqué publié le 8 décembre. « En dépit de notre gratitude envers le président George W. Bush et son administration, pour avoir renversé l'ancien régime et leurs efforts à bâtir un nouvel Irak, nous pensons que plusieurs des recommandations du Groupe d'études sont irréalistes et inappropriées », a-t-il ajouté. M. Barzani critique le fait que les auteurs du rapport ne se sont jamais rendus au Kurdistan pendant leurs neuf mois de travail préalable à sa rédaction. « Le rapport contredit ce que James Baker nous a dit au téléphone il y a deux jours, ce dernier nous ayant assuré que le statut spécial du Kurdistan était pris en compte », a encore souligné le président du Kurdistan. Le rapport suggère de retarder l'application de l'article 140 de la Constitution, qui prévoit un référendum pour décider de l'avenir de la région pétrolière de Kirkouk, revendiquée par les Kurdes. « Tout délai aura de graves conséquences et ne sera pas accepté par le peuple du Kurdistan », a averti M. Barzani, en refusant la recommandation de partager les revenus du pétrole découvert au Kurdistan. M. Barzani s'élève aussi contre le retour aux affaires des membres de l'ex-Baas, et à ce que les voisins de l'Irak aient leur mot à dire.

De même, le président irakien Jalal Talabani a, le 10 décembre, vivement rejeté le rapport, estimant qu'il « portait atteinte à la souveraineté de l'Irak ». « Le rapport Hamilton-Baker est injuste. Il contient des articles dangereux qui portent atteinte à la souveraineté de l'Irak et à sa Constitution. Je le rejette dans son ensemble », a affirmé sans ambages le président irakien, qui recevait des journalistes dans sa résidence à Bagdad. Le président irakien s'est montré particulièrement hostile à plusieurs points-clés du rapport. Il a ainsi dénoncé la volonté d'impliquer les anciens Baasistes dans le processus politique en Irak, qui « s'inscrit contre la longue lutte que le peuple irakien a menée contre la dictature » et l'augmentation du nombre de conseillers américains intégrés dans les unités irakiennes. M. Talabani a également critiqué la recommandation, contenue dans le rapport, d'une menace d'un retrait de l'aide américaine en cas de manque de progrès. « Cela revient à traiter l'Irak comme une jeune colonie à qui on peut imposer des conditions, en niant le fait que nous sommes un pays souverain et respecté », a-t-il jugé. Quant au général Wafiq al-Samarraie, conseiller en matière de sécurité du président Jalal Talabani, il a estimé sur les ondes de la chaîne de télévision panarabe Al-Jazira que la date de 2008 pour que l'armée irakienne puisse être totalement autonome était réaliste, « voir même avant si des mesures adaptées sont prises d'ici là ».

Le vice-Premier ministre irakien, Barham Saleh, a estimé, quant-à-lui que les conclusions du rapport du Groupe d'étude sur l'Irak « n'étaient pas une surprise » et a souligné que les Irakiens devaient assumer la responsabilité de leur propre sécurité. « La situation est grave, très grave en fait, et ne peut pas être tolérée », a déclaré Barham Saleh sur la chaîne de télévision par satellite Al-Arabiya. « La dépendance absolue envers des soldats étrangers n'est pas possible. La priorité doit être de renforcer les forces de sécurité irakiennes ». « En fait, les recommandations, au moins en principe, sont en accord avec la vision nationale irakienne qui souhaite le renforcement des capacités irakiennes, la remise des dossiers de sécurité aux Irakiens, et le respect de la volonté irakienne », a ajouté le vice-Premier ministre, précisant toutefois qu' « il pourrait y avoir des détails sur lesquels nos avis divergent »

Pour Dr. Mahmoud Othman, chef de l’alliance kurde au Parlement irakien, Washington veut graduellement retirer son soutien au gouvernement irakien pour faire pression sur lui afin qu'il augmente ses efforts de démantèlement des différentes milices et de lutte contre les violences inter-communautaires. « C'est une politique à double tranchant, et elle pourrait s'avérer négative car en vertu des conventions de Genève, l'occupant est responsable du pays dans tous ses aspects, et ils devraient assumer la responsabilité, pas l'abandonner », avait-il déclaré avant la publication du rapport. « D'un autre côté, cela pourrait mettre le gouvernement irakien face à la réalité et à la nécessité d'agir pour stopper le chaos ».

Par ailleurs, Abdul-Aziz al-Hakim, chef du CSRII (Conseil suprême de la révolution islamique en Irak) et principale personnalité politique chiite, juge que le rapport comprend des « informations inexactes basées sur des sources malhonnêtes ». Il rejette également le lien effectué entre l'Irak et le règlement du conflit arabo-israélien. Un autre responsable chiite estime pour sa part que les conclusions du rapport Baker-Hamilton sont partiales, orientées en faveur des sunnites. « Nous sommes tous sur le même bateau, nous ne combattons pas seulement des criminels internes, mais le terrorisme international. Nous avons besoin d'aide pour cela », selon Haïdar al-Ibadi, un député du Dawa, le parti du Premier ministre.

Si les sunnites sont d'accord avec le constat, ils ne le sont pas avec les solutions proposées. Ils jugent « positive » notamment l'idée d'impliquer l'Iran et la Syrie dans la recherche d'une solution. Mais les solutions proposées « ne sont pas à la hauteur de l'analyse de la situation », déplore l'Association des oulémas musulmans, par la voix de son porte-parole, Cheikh Mohammed Bachar al-Fayadh. Même son de cloche chez Falah Shanshal, député chiite du bloc sadriste: « L'Irak est capable de bâtir sa propre armée sans l'aide des autres », a-t-il lancé.

Le rapport de l'ISG invite l'administration américaine à développer des relations diplomatiques avec la Syrie et l'Iran pour ramener la stabilité en Irak. Il prône également des négociations directes entre Israël, la Syrie, le Liban et les Palestiniens, estimant que le règlement du conflit israélo-arabe permettrait d'améliorer la situation en Irak. Ainsi, la Syrie a-t-elle favorablement accueilli, le 7 décembre, le rapport Baker-Hamilton, saluant l'importance donnée par le document au règlement du conflit israélo-arabe et réitérant la volonté de Damas de récupérer le Golan annexé par Israël. Selon un responsable du ministère des Affaires étrangères cité par l'agence officielle syrienne sous couvert de l'anonymat, le rapport du Groupe d'étude sur l'Irak (ISG) est « positif car il traite du rôle des voisins de l'Irak dans les tentatives de ramener la sécurité et la stabilité en Irak ». Il a expliqué que Damas pourrait aider à apaiser la situation en Irak en échange d'un retour sous sa souveraineté du Golan, occupé par Israël depuis 1967. « La priorité de la Syrie est de recouvrer totalement les Plateaux arabes du Golan occupés », a-t-il indiqué. Le président américain avait répondu à la suggestion de l'ISG de négocier avec la Syrie et l'Iran sur l'Irak que « les pays qui participent aux discussions ne doivent pas financer le terrorisme, doivent aider la jeune démocratie à survivre, doivent aider l'économie du pays ».

L'Iran a réagi avec prudence aux propositions du groupe d'étude américain sur l'Irak. « La décision des Etats-Unis de se retirer d'Irak ne nécessite pas des négociations avec l'Iran ou avec quelque autre pays de la région », a, le 7 décembre, estimé le chef de la diplomatie iranienne, Manouchehr Mottaki, à la chaîne de télévision Al Djazira. « Ce rapport comporte certains points importants (...). Il semble que certains aspects de la politique américaine en Irak sont considérés comme des erreurs », a-t-il indiqué.

Si les conclusions de l'ISG intensifient les pressions sur la Maison Blanche en faveur d'une inflexion de la politique actuelle en Irak, déjà réclamée en novembre par les électeurs américains, George W. Bush n'est pas tenu de suivre ces recommandations. D'autant que d'autres options sont actuellement étudiées par le Pentagone, le département d'Etat et le Conseil de sécurité nationale.

Par ailleurs, selon un rapport de l’organisation International Crisis Group (ICG), publié le 19 décembre, l'Irak est au bord de la «désintégration». ICG estime notamment que le gouvernement d'union nationale du premier ministre Nouri al-Maliki n'est pas représentatif. «Le pays et ses institutions risquent de sombrer dans le chaos», menaçant la stabilité de toute la région, s'alarme dans ce document le président d'ICG, Gareth Evans. «La commission Baker-Hamilton et le renouvellement qu'elle représente de la politique américaine en Irak sont un premier pas important mais radicalement insuffisant si on veut éviter l'effondrement de l'Irak et une guerre régionale», estime ICG. «Tous les acteurs politiques irakiens impliqués dans la violence doivent être amenés à la table des négociations et mis sous pression pour accepter des compromis», souligne ICG. «Le gouvernement irakien et les forces de sécurité ne peuvent être considérés comme des alliés qu'on soutient: ils font simplement partie des nombreux acteurs du conflit», observe l'organisation. La commission Baker parle de «gouvernement d'union nationale représentatif du peuple irakien»: «ce n'est en rien vrai», selon ICG, qui propose «une nouvelle approche multilatérale mettant vraiment la pression sur les acteurs» nationaux

KURDISTAN IRAKIEN : ACCORD PROVISOIRE AVEC BAGDAD PERMETTANT LA NÉGOCIATION DES CONTRATS AVEC DES INVESTISSEURS ÉTRANGERS NOTAMMENT DES COMPAGNIES PÉTROLIÈRES

Des responsables irakiens sont, le 19 décembre, parvenus à un accord provisoire concernant un projet de loi sur les ressources pétrolières du pays autorisant les régions à négocier des contrats avec des investisseurs étrangers mais laissant le dernier mot au gouvernement central, selon des sources proches des négociations. La province du Kurdistan a accepté quant à elle de réexaminer les contrats qu'elle a déjà passés avec des compagnies pétrolières étrangères sur ses gisements pour vérifier leur conformité avec la loi. Parmi ces compagnies figurent la norvégienne DNO.

L'Irak a grand besoin des investissements étrangers pour redresser une économie très mal en point et qui reste extrêmement dépendante des exportations de brut, dont le pays détient les troisièmes plus importantes réserves au monde. Les sources proches des négociations ont indiqué que le Premier ministre irakien Nouri al Maliki a « signalé son approbation » du projet de loi, qui doit encore recevoir le feu vert des partis politiques et être adopté par le gouvernement. La loi prévoit la création d'un Conseil national du pétrole - dirigé soit par le Premier ministre, soit par le vice-Premier ministre - qui aura le pouvoir de rejeter tout contrat proposé pour un gisement. Les régions négocieraient conformément aux paramètres spécifiques et aux modèles d'investissement décidés par le Conseil national chargé de la politique pétrolière (...) en présence d'un représentant de l'organisme national pétrolier. En cas de refus, et si la région insiste sur un contrat, une commission d'experts serait chargée d'arbitrer. Le ministre du Pétrole, le gouverneur de la banque centrale, un représentant de chacune des régions et des experts pétroliers, financiers et économiques siégeront au Conseil national du pétrole. Un contrat ne deviendrait effectif que si le Conseil national l'accepte. S'il rejette un projet de contrat dans un délai de 60 jours, alors le contrat ne deviendrait pas effectif. Le projet de loi prévoit aussi la transformation des deux compagnies pétrolières nationales irakiennes en une seule holding avec plusieurs filiales opérationnelles pour gérer les différents stades de la production. Le projet appelle aussi à ce que la politique pétrolière de l'Irak soit fixée à l'échelon national, prône une restructuration du ministère du Pétrole et sa transformation en une instance de régulation, et la centralisation de toutes les recettes pétrolières dans une caisse nationale unique.

Le 7 décembre, le Premier ministre du Kurdistan avait fait état de l'échec des discussions avec le gouvernement central à Bagdad pour un accord sur le budget et la répartition des revenus du pétrole. « Nous n'avons pas pu parvenir à un accord sur le budget, la loi sur le pétrole et la répartition des revenus pétroliers. J'espère que la situation ne va pas s'envenimer », avait alors déclaré Nechirvan Barzani, au cours d'une conférence de presse à Erbil. Le Premier ministre du Kurdistan avait rencontré à Bagdad le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki et le ministre du Pétrole Hussein Chahristani pour discuter quel pourcentage des revenus issus du pétrole, la principale ressource budgétaire en Irak, devait revenir au Kurdistan irakien. « Le gouvernement nous a proposé de nous reverser 13% de ces revenus, mais nous avons répondu que ce n'était pas assez. Nous voulons 17% », avait expliqué M. Barzani

La Constitution irakienne prévoit que les régions du pays reçoivent chacune un pourcentage des revenus pétroliers. Dans le même temps, le gouvernement du Kurdistan autonome a demandé à Bagdad de pouvoir continuer à signer des contrats pétroliers avec des pays étrangers, dont elle conserverait les bénéfices. Les deux parties ont également échoué dans leurs efforts pour parvenir à un accord sur l'application de l'article 140 de la Constitution, qui prévoit l’organisation d'un référendum pour que certaines régions kurdes d'Irak puissent rejoindre le Kurdistan

Par ailleurs, treize camions chargés de mazout iranien sont arrivés le 14 décembre à Souleimaniyeh en provenance de l'Iran voisin. « Des camions transportant du mazout produit en Iran sont arrivés après un accord entre les autorités locales et la ville iranienne de Kermanshah en septembre dernier », a annoncé le gouverneur de Souleimaniyeh, Zana Mohammed Saleh. « Treize camions, transportant la première partie de ce mazout, sont arrivés aujourd'hui », a-t-il indiqué, précisant que chaque camion contenait 30.000 litres de mazout destinées à la cuisine et au chauffage domestique. Sept autres camions sont également attendus pour le lendemain en provenance d'Iran. L'accord entre responsables kurdes irakiens et les autorités iraniennes prévoit l'importation de 300 millions de litres de mazout iranien sur une période de trois mois pour faire face à une pénurie de produits pétroliers raffinés dans le Kurdistan d’Irak. Malgré des réserves de pétrole figurant parmi les plus grandes du monde, l'Irak souffre d'une pénurie de produits raffinés, notamment en raison d'une faiblesse des infrastructures de raffinage et les sabotages d'insurgés

TURQUIE-UE : GEL PARTIEL DES NÉGOCIATIONS AVEC ANKARA QUI REFUSE DE NORMALISER SES RELATIONS AVEC NICOSIE

Réunis en sommet les 14 et 15 décembre, les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’Union européenne (UE) se sont mis d'accord pour geler huit des 35 chapitres de la négociation engagée avec Ankara, en raison du refus de la Turquie de normaliser son commerce avec Chypre comme elle s'y était engagée dans « le protocole d'Ankara ». Les ministres des Affaires étrangères des pays de l’UE avaient, le 11 décembre, décidé de suspendre les discussions sur huit chapitres qui jalonnent les pourparlers avec les Turcs, en raison du refus persistant d'Ankara d'ouvrir ses ports et aéroports au trafic chypriote grec. Les 25 se sont d'abord entendus pour suspendre les huit chapitres ralentissant de facto la marche d’Ankara vers l'Union, déjà prévue pour durer au minimum 10 ou 15 ans. Ils ont aussi décidé de ne conclure aucun autre chapitre tant que la Turquie n'accepterait pas d'ouvrir ses ports et aéroports au trafic chypriote grec, son refus sur ce point étant à l'origine de la sanction des 25. Ils ont aussi trouvé un compromis pour réévaluer « si nécessaire » tous les ans jusqu'en 2009 les progrès que pourrait effectuer la Turquie. Enfin, ils sont d'accord pour dégeler les chapitres suspendus « à tout moment » en cas de progrès turcs.

Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a, le 13 décembre, qualifié de « décision crédible et équitable » le gel des négociations. Cette décision, « prise unanimement par les ministres des affaires étrangères des pays de l'UE, est une décision crédible et équitable parce qu'elle (l'UE) donne un signe très fort aux Turcs: qu'il faut bien sûr respecter ses obligations », a-t-il analysé. « C'est un signe fort, mais un signe qui ne veut pas fermer la porte à la Turquie. Ce n'est pas seulement la non-ouverture de huit chapitres, c'est la décision de ne fermer aucun chapitre des 35 avant le respect par la Turquie de toutes ses obligations », a-t-il précisé

En réaction, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a, le 12 décembre, dénoncé une « injustice ». « Malgré toute notre bonne volonté, la décision du Conseil (ministres des Affaires étrangères) de l'UE est malheureusement une injustice pour la Turquie », a-t-il déclaré devant le groupe parlementaire de son parti de la Justice et du Développement (AKP). « Les relations entre l'UE et la Turquie sont mises à rude épreuve, malgré tous nos efforts pour régler le blocage », a ajouté Erdogan. Le Premier ministre turc a toutefois déclaré que la Turquie était déterminée à poursuivre la mise en œuvre des réformes nécessaires à son entrée dans l'Union européenne. « Dans la période qui s'ouvre, nous savons très bien que nous devons mener nos réformes avec la même détermination », a-t-il indiqué. De son côté, le chef de la diplomatie turque Abdullah Gul a déploré « l'absence de vision » de ses homologues européens. Pour la presse turque, la situation actuelle n'est pas le plus mauvais scénario, car les 25 sont d'accord pour dégeler les chapitres suspendus en cas de progrès turcs. « Le train européen freine» titrait le journal Radikal, tandis que pour Zaman (islamiste modéré) « le train de l'UE poursuit son chemin». Les autorités turques refusent de laisser entrer dans leurs ports et aéroports les navires et avions de la République de Chypre occupant la partie grecque au sud de l'île divisée depuis 1974. Ils demandent que l'UE rompe au préalable l'isolement économique de la République turque de Chypre du Nord (RTCN), reconnue uniquement par Ankara.

TÉHÉRAN : PREMIER REVERS ÉLECTORAL POUR MAHMOUD AHMADINEJAD

Selon les résultats définitifs rendus publics le 21 décembre par le ministère de l'Intérieur iranien, les opposants au président iranien ont pris l'avantage lors des élections municipales et de l'Assemblée des experts constituant ainsi un premier revers électoral pour Mahmoud Ahmadinejad. Les électeurs devaient élire plus de 113.000 conseillers municipaux et locaux sur plus de 235.000 candidats. Au total, la participation à ces élections a atteint environ 60% -soit 26 des 46,5 millions d'électeurs iraniens-selon des membres du gouvernement. Les deux précédentes élections municipales de l'histoire de l'Iran depuis leur mise en place en 1999 par le président Mohammed Khatami, avaient attiré entre 50% et 55% d'électeurs aux urnes. Toutefois, il y a quatre ans, moins de 12% des électeurs avaient participé aux municipales de Téhéran. Selon ces résultats définitifs, les vainqueurs sont essentiellement des « conservateurs modérés » opposés au très radical président iranien, suivis par des réformateurs. Ces résultats risquent d'embarrasser Mahmoud Ahmadinejad, dont la rhétorique anti-israélienne et la position inflexible sur le dossier nucléaire ont provoqué la condamnation de l'Occident. Les deux scrutins du 15 décembre constituaient un test pour le président Ahmadinejad, qui a déjà perdu le soutien de plusieurs conservateurs, ces derniers estimant qu'il passe trop de temps à se confronter à l'Occident, au détriment de la question économique. Le président iranien, dont cette double élection était considérée comme le premier test de popularité depuis son arrivée au pouvoir en 2005, a évité toute analyse de fond sur les premiers résultats. « Le peuple a gagné », a déclaré M. Ahmadinejad

A Téhéran, les partisans du président Mahmoud Ahmadinejad- ancien maire de la ville où il a bâti sa popularité- arrivent en dernière position à l'élection municipale, derrière les conservateurs modérés et les réformateurs, selon la télévision d'Etat. Quatre candidats « réformateurs » devraient aussi entrer au conseil, alors que le camp réformateur qui contrôlait la municipalité en avait été complètement éliminé lors du scrutin de 2003. Seulement deux candidats de la liste ultra-conservatrice « la bonne odeur de servir » sont parmi les quinze premiers, dont la sœur du président, Parvine Ahmadinejad, placée en 10ème position. Le deuxième candidat arrive à la 14ème place.

Plusieurs femmes iraniennes sont arrivées en tête dans plusieurs villes importantes de province. C'est le cas notamment à Shiraz (sud) avec une étudiante de 25 ans, Fatemeh Houshmand, proche des réformateurs, mais aussi à Arak (centre) et Ardebil (nord-ouest).

Concernant l'élection à l'Assemblée des experts, corps de 86 religieux chargés de la surveillance du Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, les opposants au président iranien sont aussi largement en tête. L'ancien président iranien Hachemi Rafsandjani, battu par M. Ahmadinejad lors de l'élection présidentielle de 2005, a été facilement élu. En revanche, son principal rival, l'ayatollah Mohammad Taqi Mesbah Yazdi, perçu comme le mentor spirituel de Mahmoud Ahmadinejad, a été élu de justesse. La liste de ce dernier, « les experts des écoles théologiques et de l'université », a échoué par ailleurs dans la ville sainte de Machhad. L'Assemblée, où les partisans de l'ayatollah Mezbah Yazdi ne compteront qu'une poignée de membres, restera cependant largement dominée par les membres de l'Association du Clergé combattant, le bloc conservateur fidèle au guide suprême l'ayatollah Ali Khamenei.

Les élections pour l'Assemblée des experts se déroulent au niveau de chaque province. Dans la province de Téhéran, il y a 16 élus. Pour les élections à l'Assemblée des experts, les candidats se présentaient dans une des 30 provinces de leur choix. Celle de Téhéran rassemble les personnalités les plus éminentes. Lors de la précédente élection pour cette instance en 1998, la participation avait été de 42,5%. Cette fois, sa tenue en même temps que les municipales a favorisé la participation.

Par ailleurs, les autorités iraniennes ont bloqué l'accès des internautes au site de partage de vidéos en ligne YouTube.com. Reporters sans frontières s'est, le 5 décembre, inquiété de ce que l'organisation perçoit comme une hausse de la censure sur Internet sous le régime islamique. Les internautes qui ont tenté de se connecter sur le site ont été accueillis par le message suivant: « Sur la base des lois de la République islamique d'Iran, l'accès à ce site n'est pas autorisé ». Cette même explication figure également en lieu et place des sites pornographiques et de l'opposition politique du pays. Le gouvernement iranien bloque régulièrement des sites Web, dont des blogs, et ce message d'interdiction est apparu de plus en plus souvent cette dernière année. Il s'agit notamment de contrer les messages de groupes d'opposition, ou encore des clips de musique pop iranienne, mis en ligne sur YouTube.com. Selon Reporters sans frontières, le site Web du New York Times a également été bloqué, et la version en anglais de l'encyclopédie en ligne Wikipedia l'a été également. Les autorités iraniennes n'ont pas souhaité s'exprimer sur le sujet. Reporters sans frontière rappelle également les informations de la presse occidentale selon lesquelles les autorités iraniennes ont interdit les lignes ADSL en octobre. Les autorités ont nié ces informations.

GEORGE BUSH CONSULTE DES PARTENAIRES DE LA COALITION GOUVERNEMENTALE IRAKIENNE POUR FORMER UN BLOC MODÉRÉ ET LE PREMIER MINISTRE LANCE UNE CONFÉRENCE DE RÉCONCILIATION NATIONALE Á BAGDAD

En raison du mécontentement persistant autour de l’incapacité à réprimer les violences, les principaux partenaires de la coalition qui gouverne l'Irak se penchent dans les coulisses sur l'éviction du Premier ministre Nouri al-Maliki. Les discussions ayant pour objet de former un nouveau bloc parlementaire, permettant de remplacer le gouvernement actuel et excluant les partisans de l'imam chiite radical Moqtada al-Sadr, sont évoquées. La nouvelle alliance pourrait être conduite par Abdul Aziz al-Hakim, qui a, le 4 décembre, rencontré le président américain George W. Bush. Il ne devrait cependant pas prétendre au poste de Premier ministre, préférant rester au-dessus des affaires courantes. Un des personnages clés de cette éventuelle alliance, le vice-président Tarik al-Hachemi, de confession sunnite, s’est le 10 décembre rendu à Washington pour s'y entretenir avec George W. Bush, trois semaines avant la date prévue. L'autre vice-président, le chiite Adil Abdul-Mehdi, qui était pressenti avant l'émergence de Nouri al-Maliki, serait en course pour le poste de chef du gouvernement

George W. Bush a, le 13 novembre, notamment consulté les dirigeants kurdes avant de prendre le temps de la réflexion pour annoncer une nouvelle stratégie en Irak. Les entretiens téléphoniques avec le président irakien Jalal Talabani et le président du Kurdistan Massoud Barzani ont confirmé que son agenda restait ouvert et que l'une des hypothèses de travail de M. Bush était la formation d'un « bloc modéré » pour renforcer la fragile assise du Premier ministre Nouri al-Maliki. « Nous avons parlé ces jours derniers d'un bloc modéré qui comprend des dirigeants sunnites, chiites et kurdes », les trois grandes communautés irakiennes, et MM. Talabani et Barzani « entrent dans ce bloc modéré (...) non seulement en contribuant à un soutien plus large au gouvernement, mais aussi en agissant contre ceux qui veulent le déstabiliser par des actes de terrorisme », a déclaré le porte-parole de la Maison Blanche Tony Snow.

Dans ce contexte, la conférence de réconciliation nationale irakienne a, le 17 décembre, achevé ses travaux. Les 200 délégués présents ont proposé une série de « recommandations », dont le retour d'anciens membres du parti Baas (ex-parti unique sous le régime de Saddam Hussein) dans l'armée. Cette mesure, qui peut être interprétée comme un geste d'ouverture envers la communauté sunnite, concernerait plusieurs dizaines de milliers d'ex-officiers et pourrait convaincre de nombreux anciens baassistes, aujourd'hui actifs, de déposer les armes. Les diverses propositions faites à la conférence « sont des déclarations de bonne intention qui restent encore à être mises en œuvre », a cependant reconnu Nasser al-Ani, porte-parole de la conférence. « Une seule mesure pratique importante a été recommandée », qui doit être encore présentée par M. Maliki devant le Parlement, « c'est le paiement de pensions significatives aux anciens militaires », a expliqué M. Ani. Après la chute du régime de Saddam Hussein en avril 2003, Paul Bremer, l'ancien gouverneur américain de l'Irak, avait dissous l'armée irakienne, forte à l'époque de 400.000 hommes pour la plupart sunnites. Beaucoup d'observateurs y avaient vu une erreur qui avait poussé les anciens soldats dans les rangs de l'insurrection. Le parti Baas est interdit, selon l'article 7 de la Constitution, « mais à titre individuel, ses membres peuvent participer » à la conférence, avait souligné un député chiite, Abbas al-Bayati, membre de Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII).

La conférence avait débuté ses travaux le 16 décembre à Bagdad dans un centre de conférence de la « zone verte », secteur ultra-protégé du centre-ville de la capitale où se trouvent les principales institutions irakiennes et l'ambassade américaine et a été diffusée en direct à la télévision nationale. Le porte-parole du président Jalal Talabani, Kameran Qaradaghi a lancé officiellement le début des travaux, justifiant l'absence du chef de l'Etat par des « problèmes de santé ». Le président irakien avait, le 3 décembre repoussé l'idée du secrétaire général des Nations unies Kofi Annan d'organiser une conférence internationale sur l'Irak, estimant que les Irakiens devaient décider seuls du sort de leur pays. Jalal Talabani était le deuxième responsable irakien à s'exprimer en ce sens, après Abdul-Aziz al-Hakim. « Nous sommes une nation indépendante et souveraine et c'est nous qui décidons du sort de notre nation », avait déclaré M. Talabani, selon un communiqué diffusé par son bureau.

Initiateur de la conférence, promise début décembre mais dont la tenue est restée incertaine jusqu'à ces derniers jours, le Premier ministre Nouri al-Maliki a ensuite pris la parole. « La nouvelle armée irakienne a ouvert ses portes aux membres de l'ancienne armée, officiers et soldats, et le gouvernement d'union nationale est prêt à accueillir ceux qui ont le désir de servir la nation », a déclaré Nouri al-Maliki. Il a précisé que le nombre de places serait sans doute limité en raison de la taille de l'armée mais que ceux qui ne seraient pas acceptés recevraient une pension. Pour une partie des chiites et les Kurdes, victimes de la répression du Baas, l’idée de réintégration d’ex-baassites dans l’armée et l’administration est inacceptable. Pour une partie des sunnites, en revanche, il s'agit d'acteurs politiques incontournables.

Le Comité des oulémas musulmans avait annoncé qu'il boycotterait la conférence: « Nous avons trop vu par le passé le gouvernement signer des accords qu'il a plus tard dénoncés », a expliqué cheikh Mohammed Bashar al-Faidhi, porte-parole de la principale organisation religieuse sunnite. Son leader, le cheikh Hareth al-Dhari, actuellement réfugié à l'étranger, est accusé d'incitation à la violence confessionnelle. Son absence n'était pas une « surprise », pour le député kurde Mahmoud Othman, qui estime que le Comité est dans un « refus perpétuel ». Les sunnites reprochent surtout au gouvernement Maliki de ne pas s'être attaqué aux milices qu'ils jugent responsables des violences. Omar Abdul-Sattar Mahmoud, du Parti islamique irakien (sunnite), en appelle à leur démantèlement pur et simple pour « arrêter la terreur ». Le leader radical chiite Moqtada Sadr dont l'armée du Mahdi, une milice forte d'environ 60.000 hommes, est considéré comme un contre-pouvoir et soupçonné de participer activement aux violences confessionnelles. Le courant Sadr, qui compte 6 ministres et 32 députés (sur 275), a été toutefois à la table des négociations.

La Maison Blanche espérait que M. Bush pourrait rendre publique une nouvelle stratégie avant Noël. Il a été contraint de repousser au-delà du 1er janvier. L'administration a invoqué la complexité de la tâche et les multiples implications d'une nouvelle politique, y compris diplomatiques. Les voisins de l'Irak s'inquiètent de ce que pourrait être la nouvelle politique américaine. Le New York Times rapportait le 13 décembre que l'Arabie Saoudite sunnite avait averti les Etats-Unis qu'elle pourrait soutenir les sunnites en cas de guerre contre les chiites irakiens si les troupes américaines se retiraient.

TONY BLAIR EN VISITE Á ANKARA ET Á BAGDAD

Le Premier ministre britannique Tony Blair s'est, le 17 décembre, rendu à Bagdad pour affirmer son soutien à son homologue irakien Nouri al-Maliki. Arrivé dans le plus grand secret au cours de la matinée, il s’est rendu dans la « zone verte », secteur ultra-protégé dans le centre de Bagdad, où il s'est entretenu avec M. Maliki et le président irakien Jalal Talabani. M. Blair a déclaré que la Grande-Bretagne « soutiendra le gouvernement et le peuple irakiens pour assurer que votre démocratie ne soit pas détruite par le terrorisme, par le sectarisme (...) de ceux qui veulent vivre dans la haine plutôt que dans la paix ». « Du sang innocent est versé aujourd'hui en Irak, mais il n'est pas versé par le gouvernement, démocratiquement élu, ou ceux qui le soutiennent », a estimé M. Blair. Près de 7.100 soldats britanniques sont actuellement déployés en Irak, principalement dans la région de Bassorah (550 km au sud de Bagdad). Le déplacement de Tony Blair intervient au moment où celui-ci est sous la pression grandissante de son opinion publique pour retirer le contingent britannique d'Irak.

Le Premier ministre britannique s'était auparavant rendu en Turquie et en Egypte dans le cadre d'une tournée régionale. Lors de sa courte visite à Ankara, Tony Blair a rencontré dans la soirée du 15 décembre M. Erdogan pour lui faire part de son soutien à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne et discuter de la question chypriote et des événements au Proche-Orient et a participé à une conférence de presse commune avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan à l'aéroport d'Ankara avant de quitter le 16 décembre la Turquie pour gagner Le Caire

Par ailleurs, avant son voyage au Moyen-Orient, Tony Blair avait, le 12 décembre, déclaré lors d’une conférence de presse que l'Iran représentait une « menace majeure » pour la stabilité du Moyen-Orient et qu'il n'y avait guère de chances d'associer Téhéran aux efforts visant à endiguer la violence en Irak. « Je ne crois pas que nous ayons la moindre raison de cacher le fait que l'Iran fait peser une menace stratégique majeure sur la cohésion de toute la région », avait indiqué M. Blair. « A l'heure qu'il est, l'Iran crée le maximum de problèmes aux gouvernements modérés et à nous-mêmes dans la région - en Palestine, au Liban et en Irak », a-t-il poursuivi. « J'observe l'ensemble de la région actuellement et tout ce que fait l'Iran est négatif », avait ajouté Tony Blair, qui avait par contre récemment envoyé un émissaire à Damas afin de proposer aux Syriens la possibilité « stratégique » de coopérer avec la communauté internationale et de cesser d'appuyer le terrorisme, sous peine de rester isolés.

BALLET DIPLOMATIQUE AU MOYEN-ORIENT SUR FOND DE LA RÉHABILITATION DE DAMAS ET DE TÉHÉRAN

Les visites diplomatiques se sont accélérées au Moyen-Orient en général et en Syrie et en Iran en particulier en ce mois de décembre. D’abord le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est, le 2 décembre, rendu en Iran pour avoir des entretiens avec le guide suprême iranien Ayatollah Ali Khamenei et le président iranien Mahmoud Ahmadinejad pour examiner les derniers développements en Irak, en Syrie et au Liban ainsi que les relations bilatérales. Puis, il est allé en Syrie le 6 décembre pour s'entretenir avec le président syrien Bashar al-Assad et le Premier ministre Mohammad Naji Otri sur les relations bilatérales et les moyens pour renforcer leur étroite coopération. Il a révélé qu'un accord de libre-échange entrerait en vigueur le 1er janvier, 2007, notant que la Syrie est un important pays régional avec lequel la Turquie est en bon voisinage.

Damas était également la dernière étape d’une tournée de quatre jours du ministre allemand des affaires étrangères au Proche-Orient. Le 4 décembre, Frank-Walter Steinmeier s’est rendu en Syrie pour une rencontre avec son homologue syrien Walid Mouallem et Bachar al-Assad. Au mois d’août, il avait annulé au dernier moment une visite dans la capitale syrienne, après un discours anti-israélien du président al-Assad. De plus, après le rapport du Groupe d'études sur l'Irak (ISG), qui a recommandé des contacts avec Damas et Téhéran pour aider à la stabilisation de l'Irak, le sénateur démocrate du Massachusetts John Kerry, rival malheureux de George W. Bush à la présidentielle américaine, qui a jugé que le refus de Washington de dialoguer avec la Syrie et l'Iran est une « erreur », a entamé mi-décembre une visite à Damas pour s’entretenir avec Bachar el-Assad.

Pour sa part, Bachar al-Assad a, le 18 décembre, effectué une visite de travail à Moscou au cours de laquelle il a eu des entretiens avec son homologue russe Vladimir Poutine. Selon Evgeni Posukhov, diplomate russe en poste à Damas, M. Assad, dont c'est la seconde visite en Russie depuis 2005 doit examiner avec son homologue russe la « situation difficile » qui prévaut au Proche-Orient et les « moyens de régler les crises » dans cette région. « La Russie veut se réserver le rôle d'interlocuteur privilégié de Bachar al-Assad », a écrit notamment Fedor Loukianov, rédacteur en chef de la revue La Russie dans la politique globale. Les deux pays entendent porter leurs échanges commerciaux à 600 millions de dollars contre environ 300 M USD actuellement, selon le diplomate russe Damas. M. Assad, dont le pays était le principal allié de l'ex-URSS au Proche-Orient, avait effectué en janvier 2005 sa première visite officielle en Russie, qui a relancé la coopération bilatérale. La Syrie continue d'acheter l'essentiel de ses armements à la Russie

La Syrie a accueilli plus de 800.000 réfugiés irakiens depuis le début du conflit dans leur pays, a, le 13 décembre, rapporté le quotidien officiel Al-Baas, citant le ministère syrien de l'Intérieur. Sur ce total, environ 648.000 Irakiens ont gagné la Syrie dans les mois suivant le renversement du régime de Saddam Hussein en 2003, selon un responsable du ministère cité par le quotidien. Cet afflux de réfugiés est attribué aux lois syriennes facilitant l'obtention de visas pour les populations arabes, ainsi qu'à la proximité géographique et culturelle de la Syrie avec l'Irak. Les réfugiés irakiens peuvent obtenir un permis de séjour annuel renouvelable s'ils disposent d'un revenu financier fixe dans le pays, s'ils sont propriétaires ou s'ils ont inscrit leurs enfants dans une école syrienne, selon le responsable cité par Al-Baas. Les réfugiés irakiens se sont majoritairement installés à Damas et dans ses environs. La plupart seraient issus des classes moyennes et vivraient de leurs économies

Par ailleurs, la Syrie et l'Irak ont rouvert des ambassades dans leurs capitales. Damas et Bagdad mettent ainsi fin à plus de 20 ans de brouille diplomatique. Le drapeau de l'Irak a été hissé sur le toit de l'ambassade d'Irak à Damas lors d'une cérémonie en présence de responsables syriens et irakiens. Une cérémonie du même type a eu lieu dans le quartier de Mansour, à Bagdad, en dehors de la zone verte, ont, le 11 décembre, déclaré les autorités. L'Irak et la Syrie avaient rompu leurs relations lorsque Damas s'était rangé du côté de l'Iran pendant la guerre Iran-Irak, dans les années 1980. Les deux gouvernements ont convenu le mois dernier de rétablir des relations diplomatiques complètes, lors d'une visite à Bagdad du chef de la diplomatie syrienne, Walid al Moualem

LE NOMBRE DE CIVILS IRAKIENS VICTIMES DE LA VIOLENCE ATTEINT UN NIVEAU SANS PRÉCÉDENT EN DÉCEMBRE

Le nombre de civils irakiens victimes de la violence a atteint un nouveau record en décembre après avoir déjà fortement progressé le mois précédent, indiquent des chiffres émanant du ministère irakien de l'Intérieur. Le nombre de civils tués en Irak en novembre a augmenté de 43% par rapport au mois d'octobre, déjà particulièrement meurtrier. Selon des chiffres obtenus auprès des ministères de l'Intérieur et de la Défense, 1.847 civils ont été tués en novembre à travers l'Irak, contre 1.289 en octobre, marqué par des attaques meurtrières à l'occasion du Ramadan. Par ailleurs, le nombre d'insurgés tués a plus que doublé en novembre par rapport à octobre, atteignant 423 contre 194 le mois précédent, selon les deux ministères

Les statistiques, qui sont considérées comme un indicateur sans toutefois recenser la totalité des morts violentes, font état de 12.320 civils tués en 2006, victimes d'actes répertoriés comme terroristes par les autorités irakiennes, dont la moitié au cours des quatre derniers mois. Le ministère fait état de 1.930 civils tués en décembre, un bilan trois fois et demi plus élevé qu'en janvier (580), avant la montée des violences intercommunautaires qui a suivi, en février, l'attentat contre la mosquée chiite de Samarra. Le ministère de l'Intérieur a fait état de la mort en décembre de 125 policiers et 25 soldats irakiens, un bilan similaire à ceux de novembre et octobre. L'armée américaine a de son côté annoncé la mort de 112 soldats américains en décembre, le mois le plus meurtrier pour elle en deux ans. Le Pentagone a, le 31 décembre, annoncé la mort d'un soldat texan à Bagdad portant le bilan à au moins 3.000 militaires américains tués en Irak depuis le début de la guerre, selon un décompte réalisé par l'Associated Press à partir des communiqués officiels. Au moins 820 militaires américains ont été tués en Irak en 2006, dont 111 en décembre, mois le plus meurtrier de l'année écoulée.

Par ailleurs, selon un rapport du Pentagone, publié le 19 décembre, l'Irak a connu une moyenne de 959 attaques par semaine entre le 12 août et le 10 novembre, un record depuis que le Congrès a demandé au Pentagone d'établir ce type de rapports en 2005. « Au cours des trois derniers mois, le nombre d'attaques a augmenté de 22%. Une partie de cette augmentation est due au pic saisonnier de violence pendant le ramadan », souligne ce rapport remis au Congrès américain et qui couvre la période allant du 12 août au 10 novembre. Le rapport du Pentagone relève que les forces de la Coalition restent la cible principale de ces attaques (68%) et que la moitié de ces attaques (54%) se sont produites dans seulement deux provinces irakiennes (Bagdad et al-Anbar). Mais, en terme de bilan meurtrier, ce sont les Irakiens qui comptent le plus de victimes. Le nombre de victimes civiles (morts et blessés) a augmenté de 2% sur la période étudiée. Le Pentagone relève toutefois que les violences contre les civils irakiens restent localisées. « En dehors du triangle sunnite, plus de 90% des Irakiens se sentent en très grande sécurité dans leurs quartiers », affirme le rapport. Le document souligne que « le nombre d'attaques contre les infrastructures a continué de baisser », mais que « l'effet cumulatif de ces attaques, combiné à l'inefficacité des réparations et de la maintenance » de ces infrastructures a pesé sur la fourniture des services essentiels aux Irakiens. Le rapport estime par ailleurs que le processus politique de réconciliation nationale « a fait peu de progrès »: « la violence confessionnelle a nettement augmenté malgré les réunions entre responsables religieux et tribaux ». A l'inverse, le Pentagone reconnaît que « la violence en Irak pose une grave menace sur les progrès politiques ». « Le groupe qui a actuellement l'impact le plus négatif sur la situation sécuritaire en Irak est l'armée du Mahdi, qui a remplacé Al-Qaïda en Irak comme l'accélérateur le plus dangereux d'une violence confessionnelle potentiellement durable en Irak », affirme le rapport, en référence à la milice du chef radical chiite Moqtada Sadr. Le rapport relève également qu'actuellement seulement deux provinces ne sont pas prêtes à un transfert de responsabilités des forces de la Coalition aux forces irakiennes, al-Anbar (ouest) et Bassorah (sud). Deux provinces, Muthanna et Dhi Qar (sud), ont été transférées aux Irakiens et les autres sont prêtes ou partiellement prêtes pour ce transfert

Toutes les statistiques prêtent à controverse en Irak. Le chiffre de 3.700 civils tués en octobre, dernier bilan avancé par les Nations unies, basé sur des données du ministère de la Santé et de la morgue de Bagdad, a été jugé exagéré par le gouvernement irakien. Selon les chiffres de l'Onu, 120 civils en moyenne sont tués chaque jour.

L'agence de presse Associated Press décompte ainsi à partir des communiqués officiels les pertes américaines en Irak depuis 2003 :

  • Nombre de militaires morts en Irak depuis l'annonce de la fin des principales opérations de combat, le 30 avril 2003: 2.861
  • Pourcentage des soldats morts depuis le 30 avril 2003: 95%
  • Mois les plus meurtriers depuis le début de la guerre, en mars 2003: novembre 2004 (137 morts), avril 2004 (135), décembre 2006 (111), janvier 2005 (107), octobre 2006 (105)
  • Pourcentage de morts par corps de l'armée: armée de terre (68%), Marines (29%), marine (2%), armée de l'air (1%). Un mort recensé chez les gardes-côtes
  • Pourcentage de morts par services: service actif (79%), Garde nationale (13%), réserve (8%)
  • Provinces irakiennes les plus meurtrières: Anbar (1.115 morts), Bagdad (686), Salaheddin (336), Nineveh (193), Babil (93)
  • Pourcentage de morts dues à des actions non-hostiles: 20%
  • Morts de maladie: 56
  • Pourcentage de tués par un engin explosif artisanal au cours de l'année écoulée: 44%
  • Pourcentage d'officiers parmi les morts: 10%
  • Morts âgés de plus de 45 ans: 70
  • Morts âgés de 18 ans: 26
  • Femmes tuées: 62
  • Pourcentage de femmes parmi les morts: 2%
  • Pourcentage de morts par communautés: blancs (72%), hispaniques ou latinos (11%), noirs ou africains américains (9%), communauté non-déterminée (5%), asiatiques (2%), indiens ou natifs d'Alaska (1%), hawaïens ou originaires du Pacifique (1%)
  • Morts originaires de Californie, Etat le plus représenté parmi les victimes: 308
  • Morts originaires du Wyoming, Etat le moins représenté parmi les victimes: 8
  • Morts originaires du Texas: 263
  • Morts originaires de l'Etat de New York: 137
  • Morts originaires de Porto Rico: 24
  • Pourcentage des morts originaires du Sud (au sens du Bureau du recensement américain): 36%
  • Pourcentage des morts originaires du Nord-Est (au sens du Bureau du recensement américain): 15%

Bilan, par caps de 500 soldats tués, depuis mars 2003, date du début du conflit:

  • 500 au 17 janvier 2004
  • 1.000 au 7 septembre 2004
  • 1.500 au 3 mars 2005
  • 2.000 au 25 octobre 2005
  • 2.500 au 15 juin 2006
  • 3.000 au 31 décembre 2006
  • Pertes américaines en Irak comparées aux autres grands conflits dans lesquels les Etats-Unis se sont engagés: 3.000 au 31 décembre 2006
  • Seconde Guerre mondiale: 405.000
  • Première Guerre mondiale: 116.000
  • Guerre du Vietnam: 58.000
  • Guerre de Corée: 36.000
  • Guerre du Golfe: 382



NB: chiffres basés sur les décomptes du département américain à la Défense et de l'Associated Press. La plupart des statistiques sont basées sur le bilan de 2.988 morts fourni par le Pentagone en date du 28 décembre 2006. Le décompte de l'AP, qui prend en compte les décès rapportés par les journalistes en Irak, a toujours été en avance sur celui du Pentagone. Les pourcentages concernant les minorités ont été actualisés pour la dernière fois le 2 décembre 2006

D’autre part, Rob Portman, directeur du bureau du budget de la Maison-Blanche (OMB), a, le 19 décembre, indiqué que le coût de la guerre en Irak pour l'année budgétaire 2007 qui a débuté en octobre devrait dépasser 110 milliards de dollars. Selon des calculs de l'AFP fondés sur les estimations de deux organismes officiels du Congrès américain, le coût de la guerre en Irak, lancée en mars 2003, s'élevait à 290 milliards de dollars à la fin de l'année fiscale 2006 (close le 30 septembre dernier), dont 254 milliards de coûts militaires, dans un rapport daté du 22 septembre. L'organisme de recherches du Congrès (Congressional Research Service) évalue ce montant à 319 milliards, précisant que cela représente 73 % des dépenses de la «guerre contre le terrorisme» engagée à la suite des attentats du 11 septembre 2001

STRASBOURG: LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNE ANKARA POUR LE MEURTRE DU DRAMATURGE KURDE MUSA ANTER ET POUR VIOLATION DE LA LIBERTÉ DE L’EXPRESSION DE JOURNALISTES ET HOMMES D’AFFAIRES KURDES

La Turquie a, le 19 décembre, été condamnée à Strasbourg par la Cour européenne des droits de l'Homme après le meurtre de Musa Anter, l'un des fondateurs du Parti du travail du peuple (HEP), écrivain et éditorialiste connu, en 1992. Ses trois enfants, qui accusent les autorités turques d'avoir procédé à une « exécution extrajudiciaire », recevront conjointement 25.000 euros pour dommage moral et 3.500 euros pour les frais et dépens. Selon la Cour européenne, la Turquie a manqué à ses obligations de protéger la vie de Musa Anter, le sachant menacé, et de mener ensuite une enquête effective sur les circonstances du décès de cet homme connu alors directeur de l'Institut kurde d'Istanbul

Musa Anter avait été tué de cinq balles par un inconnu le 20 septembre 1992 à Diyarbakir où il avait été invité à un festival organisé par la municipalité. Le meurtre a été commis par un ancien gendarme du JITEM (service des renseignements et de la lutte antiterroriste de la gendarmerie) qui s'est par la suite repenti et a revendiqué cette exécution dans un livre publié en septembre 2004. La Cour européenne estime pour sa part qu'aucun fait concret ne permet de prouver qu'une exécution extrajudiciaire a été commise par des agents de l'Etat mais elle est convaincue que la Turquie aurait dû prendre des mesures pour protéger Musa Anter, une cible particulièrement exposée en raison de ses engagements politiques

Les juges strasbourgeois ont également condamné la Turquie dans une autre affaire le même jour. Ankara devra verser 25.000 euros pour dommage moral et matériel et 3.000 euros de frais et dépens à un couple de Turcs résidant actuellement à Cologne (Allemagne), victimes de tortures policières lors de leur interrogatoire en 1994 à la section antiterroriste de la sûreté d'Istanbul

Par ailleurs, La Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Turquie pour violations de la liberté d'expression dans plusieurs affaires, liées notamment à la question kurde. Parmi les cinq plaignants, deux, Erdal Tas et Mehmet Emin Yildiz, rédacteur-en-chef et propriétaire du quotidien 2000'de Yeni Gündem, avaient été condamnés à des amendes par la Cour de sûreté d'Istanbul pour avoir publié des articles résumant des déclarations des dirigeants du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan)

Deux autres, Bülent Falakaoglu et Fevzi Saygili, à l'époque rédacteur en chef et propriétaire du quotidien Yeni Evrensel, avaient été condamnés à la même peine pour avoir vivement critiqué deux policiers, devenus ainsi des « cibles » potentielles d'organisations terroristes, selon la Cour de sûreté turque

Le dernier, Mehmet Erol Yarar, président de l'association des industriels et hommes d'affaires indépendants (MÜSIAD), avait été condamné pour un discours ayant incité le peuple à la haine sur la base d'une distinction fondée sur l'appartenance à une race ou une région. La CEDH a estimé insuffisants les motifs retenus par les juridictions turques pour limiter la liberté d'expression des cinq plaignants et jugé « disproportionnées » les condamnations qui leur ont été infligées, comme en de nombreuses autres affaires similaires. Elle a alloué aux requérants un montant global de 24.000 euros au titre du préjudice moral et 9.500 euros pour frais et dépens

LU DANS LA PRESSE TURQUE : RAPPORT DE LA FONDATION DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES TURQUES (TESEV) RELATIF AUX DÉPLACEMENTS FORCÉS DES KURDES

Suite à la publication d’un rapport intitulé « Confronter la migration forcée : Construction de la citoyenneté suite aux déplacements internes en Turquie » par la Fondation des Etudes économiques et sociales turques (TESEV), le quotidien turc Milliyet a, le 4 décembre, interrogé Dr. Dilek Kurban, directrice du programme TESEV et Dr. Deniz Yukseker, maitre de conférence à l’université Koç, sur ces déplacements forcés opérés dans les années 1990 par les autorités turques. Voici de larges extraits de cette interview réalisée par le journaliste Derya Sazak :

« Il est encore trop tôt pour dire qu’il y a des améliorations mais nous savons que le gouvernement prend connaissance de ce genre de rapport et y porte un certain intérêt. La province de Van a été choisie comme région pilote. Un plan dit « service en faveur de la population déplacée » élaboré avec la collaboration du Programme de développement des Nations-unies et le gouvernorat de Van a été divulgué en septembre, mais il n’y a pas encore eu d’effets concrets. De plus, en 2004, une loi d’indemnisation a été promulguée entraînant 200 000 demandes des villageois victimes de ces déplacements forcés. A ce jour, 27 000 requêtes ont abouti mais nous avons constaté que les indemnités demeuraient très faibles et n’étaient nullement réalistes (…) L’État reconnaît le déplacement de 360 000 personnes. Le Parlement turc dans un rapport publié en 1998 indique le chiffre de 378 000 personnes. Les associations de la société civile, quant à elles, parlent de 3 à 4 millions de personnes. Nous pensons nous à TESEV que ces chiffres ne sont pas réalistes mais sans avoir effectué un travail démographique, nous estimons à un million leur nombre. Selon le ministère de l’Intérieur, plus de 900 villages et 2000 hameaux ont été évacués. Un rapport élaboré à la demande du Bureau de Planification de l’Etat par les Etudes de population de l’Université de Hacettepe, qui n’a pas encore été publié, nous permettra d’y voir plus clair dans les statistiques», relève Dr. Deniz Yukseker, en ajoutant qu’« en Turquie, il faut restaurer la citoyenneté après ces déplacements forcés qui sont illégaux même en période d’affrontements armés. Le rapport du Parlement datant de 1998 exprime la même idée. Le préfet chargé des régions sous un régime extraordinaire (OHAL) a eu l’autorité de déplacer des gens pour des raisons de sécurité, mais cela a été appliqué d’une manière illégale. Il est temps de faire face à ces déplacements forcés »

« L’Etat turc dispose de l’autorité pour déplacer la population dans un cadre législatif pour des raisons de sécurité. C’est ce qu’on appelle « l’évacuation » et le droit international autorise cela. Mais la situation dans le Sud-Est (ndlr :Kurdistan de Turquie) a été appliquée illégalement. Comme nous l’avons relevé dans notre recherche, ça s’est passé dans de nombreux endroits sous la « menace ». On demande d’abord aux villageois de devenir des « protecteurs de villages » (ndlr : auxiliaires de l’Etat dans la région) et en cas de refus on leur demande d’évacuer le village en deux jours ! Si on n’évacue pas, le village est alors incendié ! Nous n’avons pas fait un travail quantitatif c’est pourquoi je ne peux pas dire que cela représente 80% des cas. Mais nous avons recueilli de nombreux témoignages où les événements ont beaucoup de similitudes », souligne Dr. Yukseker

Dr. Dilek Kurban indique pour sa part que « les victimes du début de la décennie 90 ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme qui a condamné la Turquie à de lourdes peines d’amendes. La République turque, se reconnaissant comme responsable administratif de la région en tant qu’Etat, a accepté de régler les indemnités dues aux violations des droits commises par quiconque. Mais l’Etat n’a jamais accepté d’avoir évacué des villages et a accusé le PKK. 1500 requêtes avaient été formulées contre la Turquie et sur les recommandations du Conseil de l’Europe la Cour européenne a décidé d’appliquer dans les affaires collectives une décision pilote. Prenant en considération les requêtes de janvier 2006, la Cour européenne est arrivée à la conclusion suivante : il faut appliquer le nouveau système de droit interne relatif à la loi d’indemnisation. En pratique la saisine de la Cour européenne a été bloquée mais les indemnités sont très faibles et la procédure est trop lente. »

Quant aux solutions préconisées, Dr Kurban relève que : « Entant que TESEV nous pensons que la question kurde constitue un des obstacles majeurs sur la voie de la démocratisation. A la source du problème il y a la question kurde, aussi la solution trouve-t-elle également des liens avec la question kurde (…) La Turquie n’a jamais accepté le terme de guerre civile (…) Si on faisait une telle acception, il serait possible de déplacer des civils pour préserver leur sécurité à condition que ce soit temporaire. Les victimes de déplacements sont pour leur grande majorité celles qui ont refusé d’endosser le rôle de protecteur de village. On peut donc voir cela comme une sanction. De plus, les affrontements armés ont cessé depuis 1999 mais ces gens là n’ont toujours pas pu retrouver leur village. Ce n’est donc pas temporaire et pourtant jusqu’en 2002, on a même refusé l’aide humanitaire des Nations-unies (ndlr : de même que l’aide du Croissant rouge) en faveur de cette population. Si 355 000 personnes au moins ont été déplacées, ceci constitue une grande catastrophe et l’Etat devrait déployer autant d’efforts que pour un tremblement de terre ». Dr. Deniz Yukseker ponctue en indiquant que « ne pas se soucier de cet événement constitue une infraction à la Constitution», et ajoute que « l’Etat annonce le retour de 150 000 personnes dans leur lieu d’habitation mais il n’existe aucun moyen de subsistance dans ces villages car l’agriculture et l’élevage sont détruits et que les routes et l’électricité sont inexistantes sans parler des conditions de sécurité. Les gens ne restent donc chez eux que durant l’été… »

Toujours sur le thème des solutions à apporter, Dr. Kurban souligne que : « Nous n’avons toujours pas entendu de solution de la part du gouvernement quant au sort de cette population (…) Le citoyen se présente devant la commission (d’indemnisation) en affirmant que son village a été évacué par la gendarmerie qui rejette simplement l’allégation et la requête se trouve refusée. On ne pourra pas trouver de solution sans un développement macro-politique. Il faut abolir le système de protectorat de village et déminer la région. Sans cela, les gens ne pourront pas retourner chez eux (…) Par décision du conseil des ministres, le recrutement des protecteurs de villages temporaires a cessé en 2000, mais aujourd’hui c’est le système de protecteurs volontaires qui existe. Ils ne sont pas titulaires ni payés mais par contre armés (par l’Etat) ». Dr Deniz Yukseker ajoute que « depuis que le système existe, les protecteurs de village sont impliqués dans plus de 5 000 crimes et délits notamment « actes de terrorisme ». Ce système constitue un problème de sécurité en son sein. »

AINSI QUE

SCISSION AU PARTI DÉMOCRATIQUE DU KURDISTAN D’IRAN (PDKI)



Un des responsables du Parti démocratique du Kurdistan d'Iran (PDKI), a, le 7 décembre, annoncé qu'il quittait le mouvement pour former son propre parti, avec plusieurs cadres et militants. « Notre départ intervient à l'issue de deux ans de désaccord avec le Parti, concernant nos demandes de réformes et de mise en place d'une direction collégiale », a expliqué Abdallah Hassan Zadeh, ancien secrétaire général du PDKI depuis son bureau de Koysanjaq, près d'Erbil, dans le Kurdistan irakien

Pour sa part, le Parti a annoncé dans un communiqué qu'après « plusieurs rencontres entre les deux camps, il n'avait pas été possible de trouver un terrain d'entente, ce qui explique la scission ». Le Parti démocratique du Kurdistan d'Iran, fondé en 1945, est le principal mouvement d'opposition kurde et il dispose de plusieurs bureaux dans le Kurdistan d’Irak. Deux de ses secrétaires généraux Dr. Abdulrahman Ghassemlou et Dr. Sadegh Charafkandi ont été assassinés par des agents des services iraniens, en 1989 et 1993, respectivement à Vienne et à Berlin

LA TURQUIE PRESSE WASHINGTON POUR L’AIDER Á NEUTRALISER LE PKK MALGRÉ SON CESSEZ LE FEU UNILATÉRAL



Le principal parti pro-kurde de Turquie a, le 23 décembre, dénoncé « l'indifférence » d'Ankara au cessez-le-feu décrété unilatéralement fin septembre par les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). « Nous attendions du gouvernement qu'il profite de ce processus visant à mettre fin au bain de sang, mais malheureusement (...) l'Etat reste indifférent », a déclaré Ahmet Turk, président du Parti pour une société démocratique (DTP) à Diyarbakir. Il a notamment critiqué le président du Parlement Bulent Arinc pour avoir refusé de rencontrer un groupe de militants kurdes en décembre. « Nous voyons cela comme un coup porté à la paix », a-t-il indiqué. « Aux yeux de notre peuple, le gouvernement n'a pas passé le test », a-t-il ajouté. M. Turk a déclaré que son parti, qui n'est pas représenté au Parlement, continuerait à œuvrer pour un règlement pacifique du conflit kurde. Mais « nous sommes toujours prêts à payer le prix, à payer de notre vie pour la liberté et la démocratie », a-t-il ajouté

Le général à la retraite Edip Baser, chargé depuis août 2006 de coordonner avec Washington la lutte contre le PKK, avait la veille déclaré sur la chaîne d'information NTV qu'il discuterait de « pas concrets prioritaires » avec son homologue américain, le général à la retraite Joseph W. Ralston, quand ils se rencontreraient en janvier pour demander des mesures contre le PKK. « Nous (la Turquie) avons un calendrier à l'esprit », avait-il poursuivi. « Si nous ne sommes pas parvenus à des pas concrets d'ici l'arrivée à échéance de ce calendrier, (...) alors nous dirons qu'il n'y a pas de raison de continuer à perdre notre temps et nous mettrons un terme à cet effort conjoint ». Les chemins pourraient « se séparer » si les Etats-Unis rejettent les mesures que la Turquie juge appropriées pour lutter contre le PKK, avait-il ajouté. M. Baser avait reconnu qu'il n'était « pas réaliste d'attendre des pas concrets, importants, contre le PKK en un jour », mais avait déclaré qu'Ankara souhaitait voir des signes de progrès dès le début de l'année prochaine. Le général Baser a également souligné qu'en cas de nécessité, la Turquie pourrait mener des opérations par-delà sa frontière avec l'Irak donc au Kurdistan irakien et que « ce n'est pas une question dont qui que ce soit pourrait se mêler »

Le PKK a décrété unilatéralement un cessez-le-feu fin septembre, prenant effet à compter du 1er octobre, appelant en substance Ankara à des négociations. Le même jour, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan lui opposait une fin de non recevoir, exigeant que le PKK dépose les armes. Les opérations militaires contre le PKK avaient été accrues alors que le PKK avait mis fin en juin 2004 à un cessez-le-feu unilatéral qu'il avait observé pendant cinq ans

L'état-major turc de l’armée turque a, le 8 décembre, affirmé que la chute d'un hélicoptère militaire la veille, qui a causé la mort d'un sous-officier et a blessé cinq autres soldats, avait été provoquée par les combattants kurdes dans la région. L'appareil, qui s'était posé dans une région montagneuse de la province de Bingöl au cours d'une opération de ratissage visant le PKK a été déséquilibré à son décollage par une explosion commandée à distance, affirme le communiqué. De plus, trois soldats turcs ont, le 5 décembre, été tués et 14 autres blessés par l'explosion de deux mines près de la localité de Güçlükonak, province de Sirnak.

Par ailleurs, le quotidien gouvernemental Iran a, le 5 décembre, a rapporté que les forces de sécurité iraniennes ont arrêté 87 membres et sympathisants d’organisations kurdes et ont tué neuf autres dans la province de l'Azerbaïdjan occidental depuis mars dernier. « Vingt-deux membres et 65 sympathisants de groupes terroristes ont été arrêtés depuis le début de l'année iranienne » (qui a commencé le 20 mars 2006), a déclaré Hassan Karami, commandant des forces de l'ordre de la province, cité par le quotidien. « Neuf autres membres de ces groupes ont été tués lors d'affrontements avec les forces de l'ordre », a-t-il ajouté. Il a également précisé que sept membres des forces de l'ordre avaient été tués, dont trois en sautant sur des mines. La province de l'Azerbaïdjan occidentale est peuplée majoritairement de Kurdes, qui peuplent également la province voisine du Kurdistan ainsi que celles d’Ilam et de Kermanshah. Les deux premières provinces sont régulièrement le théâtre d'affrontements armés entre les soldats iraniens et des militants de partis kurdes, notamment le PEJAK, un groupe kurde iranien proche du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan)

D’autre part, le tribunal de Maastricht a, le 5 décembre, rejeté une demande d'extradition de Nedim Seven formulée par la Turquie, qui l'accuse d'attentats meurtriers au nom du PKK. Agé de 38 ans, Nedim Seven avait été arrêté au sud des Pays-Bas lors d'un contrôle de routine en août. Après l'appel interjeté contre un premier refus de l'extrader prononcé en octobre, il avait été mis en détention, mais le tribunal a ordonné la levée immédiate de cette détention. Les juges ont motivé leur décision en estimant qu'il était établi que le militant avait été torturé après son arrestation par les forces de sécurité turques en 1989 à Adana, peu après une manifestation pro-kurde. La demande d'extradition (...) est liée à l'appartenance présumée de M. Seven au PKK, a estimé le tribunal. Or « il a été suffisamment établi que la torture de M. Seven a eu lieu en relation » avec cette appartenance politique, ce qui constitue une violation de ses droits fondamentaux, a poursuivi le tribunal. Le 15 septembre, la Cour suprême des Pays-Bas avait déjà interdit l'extradition vers la Turquie d'une dirigeante du PKK, Nuriye Kesbir, estimant qu'elle risquait d'être torturée et que les garanties données par Ankara étaient insuffisantes

DAMAS : LA JUSTICE SYRIENNE BÂILLONNE TOUTE DISSIDENCE



L'Organisation nationale des droits de l'Homme en Syrie (ONDHS) a indiqué dans un communiqué qu’un Syrien a, le 10 décembre, été condamné à douze ans de prison pour appartenance aux Frères musulmans, une formation interdite. « Mohammad Thabet Helli a été condamné à 12 ans de prison pour appartenance aux Frères musulmans par la Haute Cour de sûreté de l'Etat », une juridiction d'exception dont les verdicts sont sans appel, a indiqué le dirigeant de l'ONDHS Ammar Qorabi. La loi syrienne punit de mort l'appartenance à la formation des Frères musulmans. Mais, depuis le milieu des années 1990, les membres de la confrérie condamnés à mort ne sont plus exécutés, leurs sentences étant commuées en de longues peines de prison

Par ailleurs, « la Haute cour de sûreté de l'Etat a condamné Qanbar Hussein Qanbar, un Kurde, à trois ans de prison pour appartenance à une organisation secrète » et pour avoir tenté de rattacher une partie du territoire syrien à un Etat étranger, a ajouté M. Qorabi. Ce même tribunal « a condamné Moustapha al-Fahl à trois ans de prison pour appartenance à une organisation secrète » dont le nom n'a pas été communiqué, a indiqué le directeur de l'ONDHS. M. Qorabi a par ailleurs exprimé son « inquiétude face à l'attitude des autorités syriennes qui ignorent la revendication de la société syrienne d'annuler la loi décrétant l'Etat d'urgence (promulguée en 1963) et celle de libérer tous les détenus politiques »

LA SOCIÉTÉ DE DÉFENSE AMÉRICAINE LOCKHEED MARTIN MODERNISE LA FLOTTE F-16 TURQUE POUR UN CONTRAT DE 635 MILLIONS DE DOLLARS



Le groupe américain d'aéronautique et de défense Lockheed Martin a reçu du gouvernement américain un contrat de 635 millions de dollars pour la modernisation de la flotte de chasseurs F-16 de la Turquie, a, le 26 décembre, annoncé cette société dans un communiqué. Au terme de ce contrat, daté du 22 décembre, Lockheed Martin fournira à l'armée de l'air turque 216 kits de modernisation pour ses avions de combat polyvalents F-16C et F-16D, ainsi que diverses prestations de type essais en vols, formation et support technique, a précisé le groupe

L'exécution de ce contrat, qui s'appuie sur un accord gouvernemental américano-turc signé en avril 2005, doit durer jusqu'en février 2016, a-t-il ajouté. Le ministre turc de la Défense Vecdi Gönül avait affirmé fin octobre que son pays s'engagerait à acheter à Lockheed Martin une centaine de chasseurs de nouvelle génération F-35, pour une valeur estimée de 11 à 12 milliards de dollars

LES MARAIS DE MÉSOPOTAMIE, ASSÉCHÉS PAR SADDAM HUSSEIN, Á MOITIÉ RESTAURÉS PAR L’ONU



Les marais de Mésopotamie dans le sud de l'Irak, qui avaient été asséchés sous le régime de Saddam Hussein pour punir et déplacer sa population chiite rebelle, sont déjà presque à moitié restaurés, a, le 7 décembre, indiqué à Tokyo un porte-parole de l'ONU chargé du projet international. De nouvelles photographies satellite du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) ont permis de constater ce rétablissement des marais, considérés par certains comme l'emplacement du jardin biblique de l'Eden. « L'amélioration de l'environnement et de l'habitat des personnes vivant là ne peut être qu'un développement positif pour aider à promouvoir la paix et la sécurité au moins dans cette partie de l'Irak », a déclaré Robert Bisset, chargé de communication au PNUE.

En 2004, le PNUE avait lancé ce projet de plusieurs millions de dollars, financé par le gouvernement japonais, pour restaurer l’environnement et permettre l’accès à l’eau potable des habitants de la région. Environ 100.000 personnes sont revenues habiter la zone, et le projet a permis de fournir de l'eau potable à quelque 22.000 personnes, a précisé le PNUE. Ces marais, alimentés par le Tigre et l'Euphrate, qui s'étendaient sur une superficie de 20.000 km2 dans les années 1970, avaient jadis une grande importance économique, politique et pour l'écosystème de toute la région. Ils furent ensuite gravement endommagés par la construction de nouveaux barrages, ainsi que par des opérations de drainage massif décidés par Saddam Hussein, pour combattre des milliers de chiites irakiens qui y avaient trouvé refuge après l'échec de leur soulèvement au début des années 1990. En 2001, le PNUE avait alerté le monde par la diffusion d’images satellite révélant que 90% de ces zones humides, habitat d’espèces aussi rares et uniques que l’ibis sacré et le cormoran africain, ainsi qu’un lieu de reproduction pour les poissons du Golfe, avaient été détruits. Le PNUE espère parvenir à une restauration complète des marais lors de la seconde phase du projet, qui vise à encourager la réinstallation d'Irakiens dans la zone