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Bulletin N° 275 | Février 2008

 

 

PARIS : CONFÉRENCE SUR « LA QUESTION KURDE AU XXI EME SIECLE ».

A l’occasion du 25ème anniversaire de l’Institut kurde de Paris, une conférence a, le 25 février, été organisée au Palais Bourbon sur le thème de la « question kurde au XXIème siècle ».

Le quart du siècle écoulé depuis fut riche aussi bien en tragédies qu’en espoirs : les Kurdes irakiens menacés d’une disparition paraissant inéluctable au lendemain des opérations Anfal en 1988-1989, purent, à la faveur de la Guerre du Golfe (1991) s’engager dans une expérience d’autonomie politique ; la décapitation du leadership kurde iranien (1989-1992) n’entrava guère le renouveau culturel kurde dans ce pays ; depuis une décennie, les Kurdes syriens connaissent un renouveau qui passe par l’engagement pacifique dans la lutte aussi bien pour la démocratie que par les droits culturels, et malgré sa politique de terre brûlée, mise en place en réponse à la guérilla du PKK, la Turquie ne parvint guère à «éradiquer» la kurdicité. Au-delà d’un moment de réflexion sur son propre passé, l’Institut kurde souhaitait, à travers ce colloque, faire le bilan de ces 25 dernières années de l’histoire kurde.

La conférence a été inaugurée par les mots de bienvenue de M. François Loncle, ancien ministre et député de l’Eure, qui a salué le travail de l’Institut kurde et a promis de lancer un groupe d’études sur le Kurdistan au sein de l’Assemblée nationale française. Le président du Parlement national du Kurdistan, Adnan Mufti, a, également rendu hommage au travail de l’Institut kurde, fondé dans une période particulièrement sombre de l’histoire kurde, et résumé l’agenda politique du Kurdistan irakien. Dans son introduction aux débats, le président de l’Institut kurde de Paris, Kendal Nezan, a, pour sa part, dressé un regard rétrospectif sur les événements marquant l’histoire kurde de ces 25 dernières années et l’action culturelle, politique et sociale de l’Institut kurde de Paris.

La première table ronde sur « les études de cas » dirigée par le journaliste et écrivain, Jonathan Randal, a réuni Gilles Dorronsoro, professeur de sciences politiques à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, qui est intervenu sur le thème de « l’identité, territoire et mobilisations politiques dans le Kurdistan de Turquie ». Dr. Dorronsoro a décrit la situation actuelle au Kurdistan de Turquie et le sentiment identitaire des Kurdes en soulignant que la langue kurde ne semble pas être l’élément substantiel de kurdicité en Turquie. Les deux directeurs du Centre des Etudes kurdes à l’Université d’Exeter étaient également présents à la conférence. Hashem Ahmadzade, est intervenu pour décrire « les relations entre Kurdes et Iraniens » et Gareth Stansfield, « de la situation de facto à celle de jure : la consolidation de la région du Kurdistan d’Irak ». Pour clore ces études de cas, Jordi Tejel, chercheur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) a analysé le thème des « Kurdes en Syrie : continuités et changements d’une question méconnue »

La session du matin déclinant les mots de bienvenue et la première table-ronde a été honorée par les mots de soutien de Mme Danielle Mitterrand venue encourager les Kurdes dans leur combat pour la démocratie.

La seconde table ronde qui a débuté la session de l’après-midi, intitulée « Regards transversaux », a été dirigée par André Poupart, professeur honoraire de l’Université de Montréal, qui a fait une comparaison pertinente du partage des pouvoirs au Kurdistan avec le système fédéral canadien en général et québécois en particulier. Hamit Bozarslan, professeur de sciences politiques à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), a évalué la « question kurde de 1983 à 2008 », puis Ann-Catrin Emanuelsson, de l’Université de Goteborg, en Suède, a développé la question de la « diaspora comme espace culturel et politique ».

La dernière table ronde a réuni les intervenants autour de la question des « perspectives de la question kurde au XXIème siècle ». Sous la présidence de l’Ambassadeur de France, Bernard Dorin, Peter Galbraith, ancien ambassadeur des Etats-Unis en Croatie, Fuad Hussein, directeur de cabinet du président du Kurdistan, Gérard Chaliand, spécialiste de géopolitique, Najmaldin O. Karim, président de l’Institut kurde de Washington et Kendal Nezan ont dressé le tableau de la situation politique, culturelle, sociale et économique du Kurdistan et tracé les perspectives pour les Kurdes.

La conférence, traduite en kurde, en anglais et français, a été ponctuée par des questions du public, près de 300 personnes, venus partager les analyses des intervenants.

OFFENSIVE TURQUE AU KURDISTAN D’IRAK

Au soir du 21 février, l’armée turque a lancé une opération contre les bases du PKK de Qandil, au Kurdistan d’Irak, en franchissant la frontière. L’opération a duré une semaine, avant le retrait des troupes turques. Mais le chef de l’état-major a déclaré qu’il se réservait le droit de reprendre ce type d’opération, si nécessaire, tandis que le PKK présentait ce retrait comme une lourde défaite de l’armée turque.

Les bombardements de l’armée turque sur la frontière irakienne, s’étaient poursuivis régulièrement, depuis décembre 2007. Le 4 février, des avions ont franchi la frontière pour bombarder 3 villages – vides - près de Qandil, sans faire de victimes, selon le PKK. De son côté l’armée turque a qualifié ce bombardement de « pilonnage massif » sur les bases des combattants kurdes.

Mais la plupart des observateurs ne s’attendaient pas à une offensive en février, en raison du climat encore hivernal, qui rend les opérations en montagne très difficiles. Le 18 février, dans le journal turc Zaman, proche de l’AKP, le journaliste Ercan Yavuz déclare que « l’armée turque est maintenant prête pour effectuer une opération terrestre en Irak ». La date la plus probable qui est donnée est la mi-mars.

Cependant, plusieurs responsables américains se sont rendus à Ankara avant la date de l’offensive. Le 13, c’est le général James Cartwright qui est arrivé à Ankara pour rencontrer le général turc Ergin Saygun et David Petraeus, le commandant des forces américaines en Irak. La rencontre devait porter sur la « lutte commune » des Etats-Unis et de la Turquie contre le PKK. Le 15 février, le ministre américain de la Justice, Michael Mukasey, s’est à son tour entretenu à Ankara avec des responsables turcs sur le même sujet. Le ministre américain a alors déclaré que cette coopération avait été « active et couronnée de succès » et qu’elle continuait.

Le même jour, dans toute la Turquie, la police était en état « d’alerte maximale » en raison des manifestations kurdes commémorant le 9ème anniversaire de la capture d’Abdullah Öcalan. Des heurts s’étaient produits entre la police et des manifestants kurdes, au cours desquels un garçon de 15 ans a été tué à Cizre. Lors de ses funérailles, la police anti-émeute est une fois de plus intervenue contre des jeunes manifestants qui ont détruits plusieurs boutiques, érigé des barricades dans les rues et lancé des pierres sur les forces de l’ordre turques. Des troubles agitaient aussi la ville kurde de Hakkari.

Le 21, des troupes turques, comprenant plusieurs milliers de soldats et 3000 commandos ont franchi pour la première fois la frontière, amorçant une opération terrestre contre le PKK. L’armée a pénétré de 20 km à l’intérieur du Kurdistan d’Irak, l’avancée de l’infanterie étant soutenue par les tirs d’artillerie, l’aviation et les « renseignements en temps réel » promis par les USA depuis le début de janvier sur les positions et mouvements du PKK.

L’armée turque affirme avoir détruit, totalement ou partiellement 312 positions. Quant aux pertes humaines, elles s’élèveraient au total à plus de 300 morts, dont 270 rebelles du PKK et 30 soldats selon le communiqué de l’état major turc alors que le site proche du Parti des travailleurs du Kurdistan a annoncé la mort de 130 soldats turcs et 5 PKK et annonce avoir abattu un hélicoptère, dont la perte a été confirmée par l’armée turque, qui évoque seulement un « incident technique ». Les sources kurdes indépendantes évaluent le bilan à une douzaine de morts, dont 5 civils côté kurde ; les pertes turques autour d’une trentaine de morts.

Le Gouvernement du Kurdistan d’Irak, qui a protesté contre cette violation de frontière, et accusé rapidement la Turquie de viser toute la Région kurde et non seulement le PKK, a mis ses Peshmergas en état d’alerte maximale, autour des grandes villes et sur les points stratégiques. Le 21 février, des blindés turcs basés à Bamarné, près d’Amadiyya, installés là depuis les accords de « cessez-le-feu » entre la Turquie, les Etats-Unis et le PDK en 1997, ont tenté de quitter leur caserne pour participer à une manoeuvre d’encerclement de la région frontalière de Hak. Ils ont été immédiatement encerclés par les peshmergas et violemment pris à partie par la population kurde, très hostile à l’opération turque et ils ont dû rebrousser chemin.

Le 24, de violents combats se déroulaient autour du camp de Zap, que les Turcs cherchaient à prendre d’assaut, couverts par l’artillerie et des frappes aériennes. Ce camp, à 6 km de la frontière turque et encastré dans une vallée profonde, est un des principaux points de passage pour les attaques du PKK en Turquie, ainsi que sur le camp de Harkuk, où des soldats étaient parachutés par hélicoptères. L’état-major parlait toujours de « lourdes pertes » dans le camp kurde, mais le mardi 25, de fortes chutes de neige ont contraint les troupes turques à stopper leur avancée. Le PKK a parlé alors de 200 soldats que leurs propres combattants auraient encerclé dans une des vallées montagneuses et a fait état aussi de « nombreux » soldats gelés sur place, les températures ayant chuté en dessous de – 15 degrés.

Le porte-parole du Gouvernement régional du Kurdistan a dénoncé la position américaine au sujet du raid turc sur les montagnes de Qandil : « Nous tenons pour responsable le gouvernement américain de ces opérations militaires, car sans son consentement la Turquie ne se serait jamais permis de violer la souveraineté territoriale et aérienne de l’Irak » a accusé Falah Mustafa, le ministre kurde des Relations extérieures. « Le Gouvernement régional condamne ces opérations militaires et le bombardement des infrastructures » et « demande à la Turquie de se retirer immédiatement de la Région kurde d’Irak. Le problème ne sera pas résolu militairement, mais par des moyens pacifiques. » Falah Mustafa a également insisté sur les mesures déjà prise par le gouvernement kurde pour stopper les activités du PKK dans la Région du Kurdistan, avant d’appeler à un dialogue direct entre Ankara, Washington et Erbil pour trouver une solution.

Le 25 février, le Premier ministre de la Région du Kurdistan, Nêçirvan Barzani, a tenu une conférence de presse, durant laquelle il s’est dit « très préoccupé » par l’opération turque et a appelé à la cessation immédiate de l’incursion. Le Premier ministre a insisté sur le fait que seule une solution politique pouvait résoudre la question : « Le Gouvernement régional du Kurdistan comprend que le PKK soit un problème pour la Turquie. Dans les années 1990, la Turquie, parfois avec notre aide, a essayé de résoudre militairement le problème avec le PKK et aujourd’hui, elle essaie à nouveau. Mais l’expérience nous a montré clairement que les méthodes militaires ne peuvent réussir. Je suis prêt à me rendre à Ankara. Une discussion quadripartite entre Washington, Istanbul, Baghdad, et Erbil aiderait à trouver une solution durable et pacifique à cette question. »

Le Premier ministre a également condamné la destruction d’infrastructures loin des zones frontalières par l’aviation turque, et sans rapport avec le PKK : «  Nous pensons que cela prouve qu’en dépit de leur but affiché, la Turquie vise la Région du Kurdistan. Je suis surpris par la faible réponse de Bagdad devant cette violation flagrante de la souveraineté irakienne. »

Le 26 février, le parlement kurde a d’ailleurs demandé la fermeture de ces bases turques et le départ de leurs 3200 soldats de la Région du Kurdistan. « Nous exigeons que le gouvernement turc quitte les bases qui avaient été établies dans la région du Kurdistan en raison des circonstances exceptionnelles que la région traversait avant la chute du régime de Saddam Hussein ».

La « faible réaction irakienne », dénoncée par Nêçirvan Barzani, a en fait beaucoup varié entre les premiers jours de l’offensive et le moment où les combats se sont intensifiés et enlisés. Le 23, le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki a appelé la Turquie à « respecter la souveraineté de l'Irak », tandis que le ministre des Affaires étrangères irakiens, le kurde Hoshyar Zebari, s’adressant à la BBC, qualifiait l’opération d’ « incursion militaire limitée dans une région lointaine, isolée et inhabitée » en ajoutant que « si elle continuait, ça pourrait déstabiliser la région, parce qu'une erreur pourrait déboucher sur une escalade ». M. Zebari a indiqué que le gouvernement irakien n'avait été informé des intentions turques qu'à « la dernière minute », qu’il n’avait pas donné son consentement à l’opération et que « malgré la promesse d'Ankara d'"éviter de cibler les infrastructures, plusieurs ponts ont déjà été détruits ».

Cependant, le 24, le porte-parole du gouvernement irakien, M. Ali Dabbagh, déclarait : « Nous ne pensons pas que ces opérations représentent une atteinte la souveraineté de l'Irak. Nous savons qu'il existe une menace contre la Turquie de la part des terroristes du PKK, mais nous avons fait savoir à la Turquie que cette opération ne devait pas déstabiliser l'Irak et la région ».

Mais l’impopularité de l’incursion turque et le scepticisme grandissant concernant son efficacité a peut-être amené Bagdad à durcir son propos car le même jour un nouveau communiqué appelait la Turquie « à retirer au plus vite ses troupes du nord de l'Irak » en affirmant, cette fois-ci, qu’il s’agissait d’une « menace pour sa souveraineté ». Le cabinet du Premier ministre invitait aussi Ankara à « ouvrir un dialogue bilatéral avec le gouvernement irakien » et que le conflit avec le PKK ne devait pas être traité par des voies militaires », tout en assurant « comprendre les préoccupations légitimes de la Turquie en matière de sécurité ».

Les dignitaires chiites ont désapprouvé, pour leur part, l’opération turque. Un religieux chiite, Qasim al-Tayi, a ainsi déclaré le 24 février : « Nous rejetons catégoriquement l’incursion turque dans le nord de l’Irak et nous la considérons comme une agression et une violation de la souveraineté de l’Irak ; nous appelons toutes les forces politiques, les décisionnaires et l’opinion publique à s’opposer fermement à cette invasion. L’avancée des troupes turques à l’intérieur du territoire irakien sous prétexte de pourchasser le Parti des travailleurs du Kurdistan peut amener la destruction de la plupart des infrastructures du pays et la mort d’Irakiens innocents. » Qasim al-tayi a ajouté que cette incursion était un acte illégitime, « qui ne peut avoir d’explication rationnelle ».

Du côté américain, dès le 22 février, le président George Bush avait approuvé l’offensive, mais devant les difficultés rencontrées par les troupes turques, la dureté inattendue des combats, aggravée par de lourdes chutes de neige, et le danger d’affrontements directs entre les Turcs et les Peshmergas, Washington a très vite craint une contagion du conflit au Kurdistan d’Irak et appelé la Turquie à se retirer « le plus vite possible ».

Mais le ministre de la Défense turc, Vecdi Gönül, a semblé sourd aux demandes rapides de retrait, qu’elles émanent des Etats-Unis, de l’Irak ou de l’Union européenne et a déclaré : « la Turquie restera dans le nord de l’Irak le temps qu’il faut », tout en assurant les Américains que son pays n’avait pas l’intention d’occuper le « nord de l’Irak ».

Le 27 février, une délégation turque est partie à Bagdad pour s’entretenir de l’opération dans le nord du pays. A l’issue de cette rencontre, Ahmet Davutoglu, le conseiller pour la politique étrangère du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, a déclaré dans une conférence de presse donnée avec le ministre des Affaires étrangères irakien, le Kurde Hoshyar Zebari : « Il n'y aura pas de calendrier de retrait des troupes turques du nord de l'Irak tant que la présence de l'organisation n'est pas éliminée ».

Mais dans la nuit du 27, de façon inattendue, l’armée turque a commencé de se retirer du Kurdistan d’Irak, alors qu’une heure auparavant le chef de l’armée turque, le général Yasar Büyükanit, refusait également de donner une date de retrait : « Un délai rapide est une notion relative, il peut s’agir parfois d’un jour et parfois d’un an ».

La plupart des médias turcs, ainsi que la classe politique et même l’homme de la rue sont persuadés que cette volte-face a pour cause les pressions américaines, et la menace de fermer l’espace aérien à l’aviation turque, en plus de suspendre les informations en temps réel sur les mouvements des Kurdes, malgré les démentis de l’armée. La presse turque a même parlé de « bombe » pour qualifier l’annonce officielle de la fin des opérations. Face à ces affirmations, Yasar Büyükanit, interrogé par le journal Milliyet, a réitéré que « la décision du retrait comme l’ordre du départ des opérations militaires, ne dépend que de lui, et ni l’administration politique ou un pays allié (US), ne peuvent prendre une telle décision », laissant donc entendre que ce retrait a surpris même le Premier ministre turc. : « Monsieur Erdogan était au courant de l’ensemble de l’opération y compris la décision du retrait, par contre, il ne savait pas, quand et où exactement se déroulerait le retrait ». Le général insiste sur le fait que ce n’est pas l’ultime visite du Secrétaire d’Etat Robert Gates qui est à l’origine de sa décision. Il explique ainsi que les troupes avaient commencé à se retirer deux jours avant l’annonce officielle, survenue le 29, pour  « éviter que les Kurdes n’attaquent nos soldats lors de leur retrait ». Mais cette explication ne semble guère convaincante, car ce sont précisément les Kurdes, les Peshmergas d’abord et puis les combattants du PKK qui, dès le 27, ont donné l’alerte aux médias.

Dans la classe politique turque, le retrait a causé quelques remous, notamment au Parlement. Les deux partis de l’opposition, le Parti du mouvement nationaliste (MHP) et le Parti républicain du peuple (CHP) ont vivement critiqué le chef de l’état-major et Robert Gates. Le président de l’assemblée turque, Köksal Toptan, a condamné également sur la chaîne turque TRT les pressions américaines, y voyant une manoeuvre régionale : « J’imagine qu’ils voulaient envoyer un message au gouvernement irakien central d’une part, et à l’administration régionale du Kurdistan du nord de l’Irak d’autre part, en disant que, si vous êtes en colère contre nous car nous aidons les Turcs, ces derniers se retireront dès que nous le leur demanderons. »

Sitôt après l’annonce officielle du retrait Recep Tayyip Erdogan a fait deux déclarations contradictoires. D’une part, en s’adresant au gouvernement de Bagdad, il a déclaré que « la Turquie et l'Irak ne devraient pas permettre aux rebelles kurdes du PKK d’empoisonner leurs relations bilatérales » et il a appelé à nouveau une coopération entre les deux pays pour chasser le PKK du nord de l’Irak. Mais d’un autre côté, il a également invité le PKK à déposer les armes, en déclarant que la démocratie turque était « assez mûre » pour résoudre politiquement la question kurde : « Notre démocratie est assez mûre pour prendre en compte toutes les sortes de divergences, toutes les sortes d'opinions politiques tant qu'elles restent sur le terrain de la loi ».

Le PKK a, en réponse à l’attaque turque, appelé les Kurdes de Turquie à des mouvements d’émeutes urbaines. Bahoz Erdal, un des leaders de ce parti, a ainsi déclaré : « La jeunesse kurde doit répliquer à cette opération » et « la réponse doit être forte. S’ils veulent nous balayer, notre jeunesse doit rendre la vie dans les villes insupportables et brûler des centaines de voitures chaque nuit. » Le PKK accuse également les USA d’avoir participé activement à l’opération. « Des avions de reconnaissance américains ont survolé la région. Ils donnaient des informations à la Turquie sur nos positions en temps réel et les avions turcs venaient ensuite nous bombarder. » Bahoz Erdal a également accusé des groupes de Kurdes irakiens d’avoir pris part au combat, en dénonçant ouvertement le président irakien, Jalal Talabani : « Selon nous, l’attitude de Jalal Talabani est très dangereuse. Nous avons des informations selon lesquelles il aurait même invité l’armée turque à Qandil. » Le Porte-Parole du PKK a invité également les Kurdes d’Irak à s’opposer à l’invasion.

En fait, dès le 23 février, des manifestations contre l’opération militaire avaient été organisées par le DTP, d’abord à Istanbul, puis dans quelques villes kurdes. A Diyarbakir, ce sont quelques milliers de personnes qui ont défilé le 25 pour réclamer la fin de l’incursion, avec des slogans très hostiles au Premier ministre turc et au président d’Irak, Jalal Talabani, alors en visite en Turquie. Les manifestations n’ont pas cependant dégénéré en violences, la police ayant visiblement reçu des instructions pour éviter tout embrasement.

De son côté, le gouvernement iranien, par la voix de son porte-parole Mohmmad Ali Hosseini, a annoncé avoir « renforcé » sa frontière avec le Kurdistan d’Irak après l‘offensive turque, afin d’empêcher les combattants du PKK de se réfugier en Iran.

LA PRESIDENCE IRAKIENNE APPROUVE LA SENTENCE DE MORT CONTRE ALI LE CHIMIQUE

La condamnation à mort d’Ali Al-Madjid, dit “Ali le Chimique”, haut responsable de l’ancien régime et cousin de Saddam Hussein, qui avait joué un rôle de premier plan dans l’Anfal, le génocide des Kurdes, a été approuvée par le président de l’Irak Jalal Talabani et par ses deux vice-présidents pour être exécutée.

Al-Majid est l’un des trois anciens responsables baathistes condamnés à la pendaison en juin dernier, après avoir été déclaré coupable de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. La cour d’appel a maintenu ce verdict en septembre. Les deux autres sont Hussein Rashid Mohammed, l’ancien représentant de la direction des opérations pour les forces armées irakiennes et l’ancien ministre de la Défense, Sultan Hashim al-Taiy.

Au Kurdistan d’Irak, la ministre des Martyrs et de l’Anfal, Chinar Sa'd Abdullah a appelé vendredi à ce qu’Ali Hassan al-Majid soit rapidement exécuté en se réjouissant de la décision de la présidence irakienne : « Nous invitions le gouvernement central à accélérer l’exécution de Majdid. L’approbation de la sentence est un pas positif pour restaurer la légitimité de la cour qui a rendu ce jugement. »

En décembre 2007, Chinar Abdullah avait déclaré que son ministère était prêt à recourir à l’ONU si la peine de mort requise contre les acteurs de l’Anfal n’était pas appliquée. Une controverse politique et juridique avait en effet agité les milieux irakiens au sujet de ces trois condamnations. Jalal Talabani et son vice-président, Tareq al-Hashimi, considéraient en effet que les officiers de l’ancienne armée irakienne ne devaient pas être exécutés, car ils avaient été forcés d’obéir aux ordres sous peine de mort. Jalal Talabani a défendu à maintes reprises Sultan Hashim Ahmed, qu’il qualifie de militaire « respectable » qui ne devrait pas être exécuté.

Saber Abdul-Aziz al-Dori, qui dirigeait les anciens services secrets et Farhan Motlak al-Juburi, le chef des services dans la « Zone du Nord » ont été condamnés à perpétuité, et l’ancien gouverneur de Mossoul, Taher Tawfiq al-A’ani a été acquitté.

LA « LOI DU CHAPEAU » PROSCRIT L’USAGE PUBLIC DU KURDE EN TURQUIE

Osman Baydemir, le maire de Diyarbakir, a été finalement acquitté à la reprise du procès qui s’était ouvert contre lui, en novembre dernier, et qui portait sur l'impression et la distribution de cartons d'invitation pour le 6ème Festival d'art et de culture de sa ville, qui avaient été rédigés, en plus du turc, en kurde, en arménien et anglais. Trois ans de prison avaient été requis contre lui.

Les procès invoquant l’article 222 de la loi dite « loi du chapeau » se multiplient en Turquie. En plus d’Osman Baydemir, le tribunal juge aussi Abdullah Demirbas, l'ancien maire de Sur, une municipalité de Diyarbakir et 19 autres membres du Conseil municipal. Abdullah Demirbas avait en effet voulu fournir dans sa mairie des services en quatre langues, soit le turc, l'arménien, le syriaque et bien sûr le kurde, alléguant que c'était là quatre langues parlées par ses électeurs, lesquels ne maîtrisent pas tous correctement le turc.

Les 21 accusés le sont d’une part en vertu de l'article 257, qui condamne « les nuisances au public » et l’abus d’une « position », mais c’est surtout l’article 222 qui sert à proscrire l’usage public de la langue kurde dans les administrations. En 1925, Kemal Atatürk fit en effet promulguer une loi interdisant le port du fez aux hommes, d’où son nom, et en 1928 s’y ajouta l'usage de lettres « anti-turques », qui visaient à l’époque à interdire l’alphabet ottoman. Aujourd’hui, il sert à condamner les trois lettres de l’alphabet kurde qui ne sont pas utilisées dans le turc (W, Q et X).

L'argument de la défense du maire de Sur était que Diyarbakir et les municipalités adjacentes ne sont pas les seules à distribuer des brochures en langue étrangère, puisque bien des villes turques, surtout à l’ouest du pays, offrent aux touristes, notamment sur leur site Web, des informations en anglais, allemand, néerlandais et même en polonais...

Mais si Osman Baydemir a été acquitté, l'éditeur Mehdi Tanrikulu a été condamné, lui, à 5 mois de prison pour s'être plaint d'un procureur en kurde et d'avoir « persévéré » en s'exprimant en kurde au tribunal. La 1ère Chambre criminelle de la Paix d'Istanbul a jugé que Mehdi Tanrikulu, qui dirige la maison d'édition Tevn, avait enfreint cette même « Loi du chapeau », verbalement et par écrit.

Mehdi Tanrikulu avait été auparavant condamné à douze ans et demi de prison pour appartenance au PKK par la Haute Cour de Sûreté de Diyarbakir. Il a été aussi accusé (mais acquitté) de « propagande pour une organisation illégale », après avoir publié un livre de Zülfikar Tak racontant les pratiques de torture dans la prison de Diyarbakir. Au cours d’un de ces procès, le procureur Muammer Özcan, a, dans son acte d'accusation, mentionné le « soi-disant peuple kurde ». A la suite de quoi Mehdi Tanrikulu a porté plainte contre lui, en kurde, pour « injure » à son identité. Si le procureur ne fait l’objet d’aucune enquête, en revanche, par contre, l'accusateur retombe sous le coup de la « loi du Chapeau ». Et au cours de son jugement, il est venu accompagné d'un interprète pour le turc, persistant à ne s’exprimer que dans sa langue maternelle : « J'ai le droit de m'exprimer dans ma langue maternelle et son alphabet doit être accepté par les institutions. », a-t-il déclaré au tribunal, en invoquant l'article 39/5 du Traité de Lausanne qui « garantit à tous les citoyens turcs le droit d'utiliser leur langue maternelle devant les tribunaux. »

La cour y a vu une « insistance à commettre un crime » et a condamné Mehdi Tanrikulu à 5 mois de prison.

INTIMIDATIONS, ARRESTATIONS ET CONDAMNATIONS EN SYRIE

Un célèbre « dengbêj » (barde traditionnel) kurde, Ali Tidjo, a été arrêté par les services syriens et nul ne connaît son sort, malgré l'insistance de sa famille et de ses amis pour avoir de ses nouvelles, en se disant inquiet pour sa santé. Âgé de 71 ans, le chanteur souffre en effet de problèmes cardiaques.

Selon des sources proche du chanteur, Ali Tidjo a reçu à son domicile d'Alep une délégation de chanteurs kurdes venus du Kurdistan d’Irak. Quelque temps après, la police syrienne a fait un raid chez lui, a mis à sac son domicile et l'a emmené pour être interrogé au Centre de la Sécurité d'Alep, avant de le déférer au Quartier général de la police secrète de Damas.

Ali Tidjo est un chanteur bien connu des Kurdes d’Afrin. Ce « dengbêj » compte à son répertoire une centaine de balades et d'épopées, dont une célébrant Sheikh Saïd et le soulèvement de 1925 contre la Turquie, très appréciée et connue des Kurdes.

A l’approche du Newroz en Syrie, les arrestations et les actes d’intimidation contre les Kurdes se multiplient. Six détenus viennent d'être condamnés pour « séparatisme » à des peines allant de 2 à 10 ans de prison, par la Haute Cour de Sûreté. Quatre d'entre eux (condamnés de 7 à 10 ans) sont accusés d'avoir « attaqué » des forces de sécurité lors d'une manifestation à Alep au Newroz 2007. Les deux autres (condamnés à 2 ans) étaient accusés d’appartenance « à un groupe extrémiste ». Ayant purgé leurs deux ans en préventive, ils ont été relâchés.

Dans la ville kurde de Hassaké, un militant des droits de l’Homme a été arrêté par les services de sécurité de la ville. Selon la Ligue syrienne de défense des droits de l’homme, Osama Edward Qario est détenu pour ses activités et ses écrits sur la vie quotidienne en Syrie. Âgé de 31 ans, ce professeur d’anglais a été convoqué par les services syriens pour avoir écrit un article intitulé « Ni gaz, ni essence, ni électricité » dans lequel il critiquait l’économie syrienne.

Quant à l'ancien député kurde du parlement syrien, Uthman Muhammad Dadalî, il est mort ce mois-ci à l'hôpital al-Kanadî d'Alep. Quelques mois auparavant il avait été arrêté et torturé par les services baathistes. Relâché, sa santé était restée gravement compromise, selon son entourage. Son état s'était aggravé au début du mois et il a fini par mourir des suites des sévices physiques subis.

Osoyê Dadalî avait été député dans les années 90 au Parlement syrien, pour représenter Koban, sa ville natale.

Dans le même temps, le Haut-Commissariat pour les réfugiés aux Nations Unies, après une visite d'António Guterres au Kurdistan irakien, a donné son accord pour que les Kurdes de Syrie qui ont fui leur pays pour la Région du Kurdistan, reçoivent officiellement le statut de réfugiés, comme l'a annoncé Dindar Zebarî, le coordinateur du Gouvernement Régional kurde.

Ces Kurdes de Syrie sont venus principalement après les émeutes et les représailles du Newroz 2004 à Qamishlo et sont installés dans un camp de la région de Duhok. Leur nombre est estimé à 500 par le Gouvernement du Kurdistan.

IRAN : UN ENSEIGNANT CONDAMNE A MORT

Farzad Kamangar, né en 1975 et enseignant durant 12 années à Kamiaran, au Kurdistan d'Iran a été condamné à mort.

Marié et père de famille, il est membre du syndicat des enseignants et d'autres associations militantes. Il écrivait pour des revues et des publications associatives en faveur des droits de l’homme. Arrêté le 19 août 2006, à Sanandaj (Kurdistan d’Iran) par les services secrets, dans les quatre mois qui suivirent, sa famille n'eut aucune nouvelle et les autorités niaient être pour quoi que ce soit dans sa disparition.

Il avait été en fait transféré dans la Prison n° 9 d'Evin de Téhéran, un centre de détention secret du VEVAK, les services secrets iranien. Des militants pour les droits de l'homme en Iran, faisant état d'une lettre que l'enseignant a fait sortir clandestinement de sa cellule, racontent qu'il a été torturé gravement, soumis à des pressions psychologiques, et n’a pu voir aucun avocat, ni contacté sa famille. Il tenta même de se suicider et son état de santé s’étant gravement détérioré, il dut être hospitalisé. Son avocat confirme ses déclarations en faisant état de la mauvaise condition physique de son client lors de leur première entrevue. En plus de graves brûlures aux mains dues à l'eau bouillante, il souffre aussi d'une infection rénale et de sang dans les urines.

Entre 2006 et 2007, Farzad Kamangar fut plusieurs fois transféré, soit à Kermansha soit à Sanandadj pour être torturé et interrogé. Quand sept mois après son arrestation, sa mère et son frère furent autorisés à le voir, en présence d'agents de renseignement, Farzad Kamangar n'avait toujours pas eu connaissance des chefs d'accusation que l'on portait contre lui et n'avait pu rencontrer son avocat, qui n'avait aucune information sur son dossier. Ce n’est que plus tard qu’il sut qu’il était accusé de « miner la sécurité nationale ».

Farzad a fait plusieurs grèves de la faim, avec d'autres détenus, pour protester contre ses conditions de détention et a dû être hospitalisé à plusieurs reprises.

Le 25 février la Branche 130 de la Cour révolutionnaire d'Iran a condamné Farzad Kamangar à mort pour atteinte à la sécurité nationale, en l'accusant d'être membre du PJAK. L'accusé plaidait non coupable. Son avocat a souligné l'irrégularité du procès, qui n'était pas public et sans la présence de jurés. Human Rights Watch dénonce ce procès, la sentence et les tortures infligées au prisonnier. L’organisation appelle la justice iranienne à annuler la condamnation et à rejuger l’accusé de façon équitable et régulière.

CULTURE : UN CINEASTE KURDE EST REMARQUE AU FESTIVAL DE ROTTERDAM

Présenté au festival international de Rotterdam, le film « Gitmek » ou « My Marlon and my Brando » est le dernier film de Hüseyin Karabey. Depuis Boran, un documentaire fiction sur les « Mères du Samedi » et les disparus en Turquie, en passant par un reportage sur les Kurdes « déplacés » de Mardin et un documentaire contre l'isolement et les prisons de type F (La Mort silencieuse), le cinéaste kurde n'a cessé de produire un cinéma engagé sur la question kurde et les problèmes politiques en Turquie.

Déjà salué en Turquie, notamment par le journal Zaman, son nouveau film a suscité un accueil enthousiaste aux Pays-Bas.

Ayca et Hama Ali, deux acteurs, l'une de nationalité turque et l'autre irakienne se rencontrent sur un tournage à Suleïmanieh et tombent amoureux l'un de l'autre. Puis chacun retourne chez soi et la relation se poursuit par lettre, vidéo, téléphone, alors que l’intervention américaine en Irak est proche... Quand la guerre commence, Ayca décide de rejoindre Hama Ali à Suleïmanieh, et l'histoire devient un road-movie entre frontière turque, iranienne, irakienne...

 »Dans le passé, raconte Hüseyin Karabey au journal Daily Star, nous, les Kurdes avions l'habitude d'enregistrer nos « lettres » sur des magnétophones, parce que nous n'aimons pas écrire. Maintenant les Kurdes tournent des vidéos »

« Je savais que le film mènerait Ayca sur la frontière turco-irakienne parce que ... nous voulons rappeler aux gens ce qui s'est passé au Kurdistan et ce qui s’y passe maintenant... Je crois que ce « documentaire » est plus « fictionnel » qu'un pur film de fiction. Des gens pensent que si vous tournez 24 images par secondes, cela semblera plus réel. Avec les vidéos-lettres de ce film, nous avons essayé de montrer une nouvelle forme de réalité.

« Nous ne voulions pas statuer sur la réalité des événements mais susciter des questions sur cette réalité, car c'est actuellement la question majeure en Turquie. La politique de l'Etat a toujours été d'ignorer notre identité, de nous appeler « Turcs des montagnes ». Il est plus important de susciter des interrogations sur de telles déclarations que de leur opposer notre propre didactisme.

 Il y a plusieurs cercles de narration dans le film. Le premier cercle, le plus extérieur, est celui d'une simple histoire d'amour, que tout le monde peut comprendre. Il y a aussi un deuxième cercle, que ceux qui ont quelques connaissances de la Turquie et du Kurdistan peuvent saisir. Et puis vient le cercle le plus interne, pour ceux qui connaissent très bien la région. Les premières images, par exemple, montrent des scènes de rue dans Istanbul, mais la musique de la bande son est kurde. Filmer l'ancienne capitale des Turcs avec une musique kurde est quelque chose qui n'a jamais été fait auparavant.

Plus tard, quand Ayca roule vers la frontière irakienne, elle discute avec le chauffeur de taxi, un Kurde, de la question de l'identité. Ils s'arrêtent dans un village en ruines, afin qu'il puisse nettoyer une vieille tombe. Cela ne veut rien dire pour des étrangers mais tous les Turcs savent que ce village est un de ceux qui furent détruits par l'armée turque, il y a 17 ans, en raison de sa situation hautement stratégique. Il n'est même pas besoin de le nommer. »

Dans le film, deux vieilles dames arméniennes, qui habitent le même immeuble qu'Ayca, guettent sans cesse ses allées et venues, attendant son retour pour lui recommander toujours de bien fermer la porte. « Elles nous amusent, explique Hüseyin Karabey, mais leur peur envoie aussi un signal sur la situation des Arméniens de Turquie dans le pays. 

D'un côté, je ne me soucie pas des frontières. Je ne dis pas qu'il faut forcément un Etat kurde unifié. Mais les frontières sont une réalité. J'ai vu des villages coupés en deux par la frontière turco-iranienne. Beaucoup de gens essaient d'attiser la haine entre les peuples. Il vaut mieux traiter ces questions avec humour, compassion et humanité.

Je ne veux pas ignorer mon identité ni l'utiliser pour faire un film à succès. J'essaie de ne pas oublier d'où je viens, juste pour combattre cette politique de négation sur ce que nous sommes. Mon père parle quatre langues : le kurde, le turc, le persan et l'arabe. Aujourd'hui, les gens tournent le dos à ce cosmopolitisme. Mais c'était une bonne chose, non ? »

AINSI QUE...

VISITE DE L’AMBASSADRICE DU CANADA AU KURDISTAN D’IRAK

Mme Margaret Huber, l’ambassadrice canadienne en Irak, s’est rendue pour la première fois dans la région du Kurdistan, pour une visite de trois jours, où elle accompagnait une délégation du ministère des Affaires étrangères et des responsables des sections du commerce international de l’ambassade. La délégation doit écrire un rapport sur les secteurs favorables aux investissements et au commerce à l’adresse des milieux d’affaires canadiens.

Lors de la réception organisée par le Gouvernement régional du Kurdistan, Mme Margaret Huber s’est dit « très encouragée » par le haut niveau de coopération de la part du Gouvernement régional du Kurdistan ». L’ambassadrice a ajouté : « Trop souvent, les étrangers n’ont pas une compréhension exacte de ce qui se passe en Irak et dans la Région du Kurdistan. Je veux changer cela. »

Le porte-parole du gouvernement kurde, Falah Mustafa Bakir, a, pour sa part émis le voeu que le monde sache combien « la région du Kurdistan est stable, pacifique et engagée sur la voie de la prospérité. C’est pourquoi nous espérons que les sociétés étrangères viendront dans la Région du Kurdistan et en feront une plate-forme de départ pour s’étendre au reste de l’Irak ».

Le Premier ministre Nêçirvan Barzani a, lui, souligné que jusqu’ici, c’étaient les ressources naturelles du Kurdistan et son commerce, mais que d’autres secteurs économiques offraient un vaste éventail d’activités, comme l’agriculture, le tourisme, l’industrie, les infrastructures et le secteur financier. Il a assuré l’ambassadrice de son aide afin que le Kurdistan et le Canada puissent lier une amitié plus étroite et devenir des partenaires commerciaux.

IRAN : ONZE MILITANTS SYNDICALISTES CONDAMNES A LA FLAGELLATION

Au Kurdistan d’Iran, à Sanandadj, onze militants pour le droit du travail ont été condamnés à être fouettés pour « troubles à l’ordre public et participation à une manifestation non autorisée ». Les condamnés, en plus d’une peine de 91 jours de prisons, doivent recevoir dix coups de fouet chacun, pour avoir manifesté le 1er mai 2007. Deux d’entre eux avaient même été condamné d’abord à deux ans et demi de prison, avant que cette peine soit commuée en dix coups de fouet et une amende de 200 000 tomans (200$).

Khaled Savari, le chef de l’Union nationale des travailleurs licenciés ou au chômage a lui aussi été condamné à dix coups de fouet, comme il l’a expliqué sur Radio Farda : « Quel crime avons-nous commis ? Est-ce que nous avons cassé des portes et des fenêtres ? Brûlé des voitures ? Tout ce que nous avons fait est de nous plaindre de nos salaires et d’autres problèmes liés au travail devant le bureau de l’Emploi ».

Les militants dénoncent la condamnation, dans un contexte économique et social de plus en plus difficile pour les travailleurs. Depuis deux ans, les mouvements de protestations ont été réprimés avec une sévérité croissante par l’Etat iranien. Beaucoup de protestataires ont déjà été détenus, emprisonnés ou intimidés. Mais c’est la première fois que la sentence du fouet est appliquée. Shirine Ebadi, directrice du Centre de défense des droits de l’homme à Téhéran, et prix Nobel de la Paix, a jugé alarmantes ces condamnations et rappelé, toujours sur Radio Farda, que les châtiments physiques, tels que la lapidation, le fouet, l’amputation des mains, sont strictement interdits par la Convention internationale contre la torture.

FERMETURE DE LA PRISON D’AKRE

Après un rapport défavorable de Human Rights Watch en juillet 2007, sur les conditions de détention des prisonniers au Kurdistan d’Irak, le Premier ministre avait fait part de son soutien « énergique » à l’organisation des droits de l’Homme et annoncé de « prochaines mesures. »

Sept mois après la divulgation du rapport, le ministre des Droits de l'Homme au Kurdistan, Shwan Muhammad Aziz, vient de décider la fermeture de la prison d'Akre et la construction de deux prisons plus conformes aux critères requis par l’Observatoire international des prisons. Le ministre annonce aussi que les prisons de la Région du Kurdistan dépendront désormais du ministère du Travail et des Affaires sociales. Shwan Muhammad Aziz a présenté cette série de mesures comme « une avancée vitale pour comprendre et identifier les tâches à entreprendre pour cette réforme ».

LA TURQUIE A NOUVEAU CONDAMNEE PAR LA COUR EUROPEENNE DE STRASBOURG

La Cour européenne des droits de l'Homme de Strasbourg a condamné la Turquie pour la mort de Mazlum Mansuroglu, 24 ans, survenue en 1996, lors d’un raid des forces de sécurité, qui recherchaient des militants du PKK. Il avait été arrêté chez lui, à Tunceli, alors sous état d’urgence. Par la suite, son corps fut présenté, avec ceux de deux des militants recherchés, par les autorités turques, qui affirmèrent que Mazlum Mansuroglu avait été tué lors d’un affrontement avec les forces turques.

Mais sa famille a toujours contesté cette version, affirmant qu’il avait été exécuté.

La Cour européenne a estimé que « la responsabilité de l'Etat se trouve assurément engagée faute pour lui d'avoir pu établir que la force meurtrière utilisée contre Mazlum Mansuroglu n'était pas allée au-delà du nécessaire », et que « le non-encadrement par des règles et l'abandon à l'arbitraire de l'action des agents de l'Etat sont incompatibles avec un respect effectif des droits de l'Homme ».

Les juges ont aussi reconnu les mauvais traitements subis par la mère de la victime, Emine Mansuroglu, lorsqu’elle avait tenté d’empêcher l’arrestation de son fils.

La Turquie a été condamnée à verser près de 27.000 euros aux proches de la victime au titre des dommages moraux et matériels.