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avec revues de presse

Bulletin N° 299 | Février 2010

 

 

IRAK : LES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES RAVIVENT LES TENSIONS ENTRE CHIITES ET SUNNITES

Les élections législatives irakiennes devant avoir lieu le 7 mars, la campagne électorale a battu son plein tout le mois, les coalitions étant enfin formées.

État de Droit, la liste menée par le Premier Ministre, Nouri Al-Maliki, rassemble, en plus de son propre parti Dawa, des groupes divers, allant de leaders tribaux sunnites, des personnalités indépendantes, des chrétiens, des Kurdes chiites. Sa ligne politique se présente en effet comme laïque et son programme est surtout axé, comme aux élections provinciales de janvier 2009, sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme, en plus d’un État fort et des services publics fiables. Ce discours avait eu un succès indéniable en Irak aux élections provinciales. Mais, depuis, les dernières attaques terroristes sur Bagdad ont pu entacher le bilan de son mandat.

L’Alliance nationale irakienne est la liste chiite rivale de Maliki. Elle rassemble le Conseil suprême islamique irakien, le plus grand parti chiite, ainsi que des personnalités venant d’autres factions comme Moqtada As-Sadr, l’ancien Premier Ministre Jaffari, Ahmed Chalabi, l’ancien leader politique favori des USA avant 2003, quelques leaders sunnites.

Du côté des sunnites, la liste principale, Iraqiyya, est menée par l’ancien Premier Ministre Iyad Allawi, un ancien responsable baasiste d’origine chiite, et comprend aussi dans ses rangs l’actuel vice-président irakien, le sunnite Tareq Al-Hashemi, ainsi qu’un autre sunnite, Saleh Al-Mutlaq, dont les liens avec le Baath ont provoqué une vive protestation de la part des autres partis irakiens avant que plusieurs candidats soient interdits d’élection. Leur programme se veut avant tout nationaliste.

L’Unité irakienne est menée par le ministre de l’Intérieur, le chiite Jawad Al-Bolani, un leader tribal sunnite, Ahmed Abu Risha, et Ahmed Abdul Ghafur Al-Samaai, à la tête d’un autre mouvement sunnite. Comme pour la liste Iraqiyya, plusieurs de ses membres ont été interdits par la Commission électorale pour liens avec l’ancien parti Baath.

Le Parti islamique irakien et des chefs tribaux forment la liste du Front de l’Accord, menée par Ayad Al-Samarrai, le président du Parlement, qui était en 2005 la principale coalition sunnite, mais dont les effectifs ont fondu depuis.

Du côté kurde, plusieurs partis sont en lice, et l’unité des partis de la Région du Kurdistan est cette fois compromise par la rivalité entre l’Alliance du Kurdistan qui regroupe le PDK et l’UPK et Gorran, le parti dissident de l’UPK. Mais leur désaccord porte surtout sur le partage des pouvoirs au sein de la Région, et de la gestion des affaires internes kurdes. Sur les grandes questions irako-kurdes, comme Kirkouk, les programmes sont à peu près identiques et la campagne électorale au Kurdistan est tout à fait indépendante de celle d’Irak.

L’interdiction de centaines de candidats sunnites (environ 450) jugés trop proches des milieux du Baath a d’abord agité la scène politique en Irak, les politiciens interdits portant l’affaire devant la justice. Cette « liste noire » avait été vivement contestée dans les milieux sunnites, qui accusaient le gouvernement chiite d’user de cette arme juridique pour neutraliser les principales listes rivales. Ni les Américains n’y étaient favorables, en raison des tensions politiques à venir et craignant le retour de « l’insurrection sunnite » en Irak, ni même la Haute Commission électorale irakienne, qui jugeait hâtive la radiation des candidats et demandait que leurs liens réels avec l’ancien parti de Saddam soient soigneusement examinés par les tribunaux. Le président d’Irak, le Kurde Jalal Talabani, était également proche de cette position et a proposé que les candidats contestés soient autorisés à participer aux élections, mais qu’ils ne pourraient accéder à des postes officiels tant qu’ils n’auraient pas été blanchis de ces accusations, compromis qui a été finalement retenu par la Haute Commission électorale.

Mais l’opposition à ces candidatures suspectes n’a pas désarmé dans la rue irakienne, surtout parmi la population chiite. Le 8 février des centaines de manifestants ont contesté cette décision, avec les slogans : « Non au Parti Baath ! » et « Le retour du Parti Baath = le retour des charniers ». Finalement, parmi les 450 candidats devant prouver ultérieurement leur absence de liens avec le Baath, seuls 37 avaient de fait déposé leur dossier pour être examinés par les tribunaux. Par ailleurs, la plupart avaient été déjà remplacés par d’autres candidats au sein des listes, aucun des bannis n’ayant un grand poids politique.

Entre les deux camps arabes musulmans, chiites et sunnites, les Kurdes, depuis 2005, font figure de « faiseurs de rois » à Bagdad, leur soutien étant indispensable pour qu’une coalition irakienne puisse gouverner, comme le confirme Shoresh Hadji, du parti Gorran : « Personne ne peut être Premier Ministre sans le soutien des Kurdes, car celui-ci doit être soit arabe chiite, soit arabe sunnite, et comme ils ne se supportent pas du tout entre eux, nous serons le fait déterminant dans la balance ». Les relations entre Kurdes et Arabes connaissent pourtant de grandes tensions, autour de problèmes comme le statut des Peshmergas en Irak, la gestion des hydrocarbures et les contrats passés avec les sociétés étrangères, et surtout la question de Kirkouk. Mais, comme l’explique Joost Hiltermann, directeur-adjoint pour le Moyen-Orient du groupe International Crisis (ICG) : « Je pense qu’il y aura des négociations très dures, mais je ne pense pas que les partis arabes sont prêts à laisser les Kurdes entrer dans l’opposition... ce serait trop dangereux. » Même la division entre deux listes kurdes concurrentes ne changera guère cet état de fait, selon Gala Riani, analyste au Global Insight Middle-East (IHS) : « Même s’ils font campagne dans des listes différentes, quand on en vient aux problèmes avec le gouvernement fédéral, les Kurdes ont toujours réussi à se rassembler et à afficher une unité qu’ils n’ont peut-être pas en interne. » Dans cette campagne, les partis kurdes et les autres partis irakiens ne sont en compétition que dans les régions concernées par l‘article 140, dont le gouvernement d’Erbil demande le rattachement au Kurdistan. L’enjeu majeur en est bien sûr Kirkouk, où s’affrontent des partis sunnites ou chiites arabes, et des Turkmènes.

Face à eux, l’Alliance du Kurdistan est également attaquée sur son terrain par Gorran, le nouveau mouvement contestataire de la Région kurde, qui ne cache pas son ambition de remporter cette province, et attaque l’Alliance kurdistanî sur les thèmes de la lutte de la corruption et de l’amélioration des services publiques, ainsi que celui de l’emploi, en tentant aussi de ratisser du côté de l’électorat non-kurde : « Beaucoup de villes au Kurdistan ont besoin d’amélioration, mais Kirkouk plus que tout. Regardez autour de vous, rien ne marche. Les partis au pouvoir ont laissé tomber le peuple. Maintenant, tout le monde souffre : les Kurdes, les Turkmènes, les Arabes, les chrétiens, tout le monde », affirme Anna Khanaqa, candidate du parti Gorran. Même thèmes de campagne pour l’Alliance du Kurdistan, portant autour de l’amélioration des services, de l’eau, de l’électricité. La liste a le soutien actif dans cette ville du président Jalal Talabani, natif de Kirkouk et leader de l’UPK, qui a même l’intention, selon le porte-parole de son parti, Muhammad Osman, de rester sur place tout le temps de la campagne. De même que son rival kurde, l’Alliance tente de gagner aussi les suffrages arabes et turkmènes. Le rassemblement inter-ethniques est, de toute façon, une tendance politique générale à Kirkouk, pour ces élections, les partis arabes et turkmènes appelant aussi les électeurs kurdes ou chrétiens à voter pour eux, mais sous les listes majeures irakiennes, comme celle d’Allawi, ce qui rompt avec les précédentes élections où les Arabes et surtout les Turkmènes de la province avaient formé leur coalition entre eux, ce qui les avait affaiblis.

KURDISTAN : DEUX LISTES EN COMPÉTITION

La campagne électorale dans la Région du Kurdistan a été dominée par la rivalité entre l’Alliance du Kurdistan et le parti Gorran. Les autres partis kurdes en lice, comme les islamiques ou d’autres micro-partis n’ont pas réussi à s’entendre pour former des coalitions de poids.

Au rebours des élections législatives de juillet 2009 au Kurdistan, ces élections ont à la fois un caractère local, car il s’agit pour Gorran d’affermir sa position au Kurdistan, mais aussi des conséquences nationales, puisque cette division peut avoir un impact sur l’influence des Kurdes à Bagdad. Là-dessus, les avis divergent entre analystes extérieures. Ainsi, selon Joost Hilterman, (International Crisis Group), cette rivalité politique peut affaiblir les Kurdes au parlement irakien, car si les petits partis kurdes comme le Parti socialiste ou même les partis islamiques se ralliaient auparavant au bloc de l’Alliance dans les débats parlementaires irakiens, la mésentente entre Gorran et l’UPK ne présage pas forcément d’une ligne politique kurde unie sur toutes les questions, par exemple la reconduite de Jalal Talabani à son poste présidentiel.

Tout au contraire, Wayne White, ancien directeur-adjoint du département Moyen-Orient-Asie du Sud-Est au Bureau de renseignement et de recherche des États-Unis, estime que la compétition entre les deux partis kurdes n’amoindrira pas nécessairement leur position, mais que « cela pourrait diversifier et renforcer leur assise populaire au sein du GRK. » Sur la question du soutien de Gorran à la présidence de Jalal Talabani, si Wayne White croit aussi qu’une campagne électorale trop agressive entre les partisans de Talabani et ceux de Nawshirwan Mustafa peut miner le pouvoir des Kurdes à Bagdad, il souligne néanmoins qu’il serait peu judicieux de la part des Arabes, sunnites comme chiites, d’ôter le pouvoir présidentiel aux Kurdes. Rappelant que Jalal Talabani a joué un rôle indispensable pour apaiser les tensions intercommunautaires et a su se présenter aux Irakiens comme une figure d’unité nationale, Wayne White émet aussi l’hypothèse que c’est précisément son implication dans les affaires irakiennes et son éloignement du terrain kurde qui a pu contribuer à la désaffection d’une partie de son électorat kurde.

L’autre interrogation majeure autour de la campagne électorale au Kurdistan concernait de possibles violences entre les factions, surtout à Suleïmanieh, où déjà, lors des législatives de juillet dernier, les partisans de Gorran et de l’UPK s’étaient parfois affrontés vivement, mais sans effusions de sang. Les relations entre les deux partis ne s’étant pas améliorées, certains émettent à nouveau des craintes que les manifestations et les meetings tournent à l’affrontement armé. Pour prévenir ce genre de débordements, les autorités kurdes ont donc instauré un couvre-feu nocturne dans la province de Suleïmanieh, avec l’accord de la Haute Commission électorale irakienne. Cette décision est survenue après que trois supporters de Gorran aient été blessés par balles, ce parti accusant les forces de sécurité pro-UPK, selon lui, d’avoir attaqué ses propres partisans. Le couvre-feu a été immédiatement critiqué par le parti d’opposition, qui y voit une manœuvre politique de l’UPK pour l’empêcher de faire campagne.

De son côté, le Comité pour la sécurité de Suleïmanieh nie la version de Gorran sur l’incident et indique que les forces de l’UPK ont arrêté 11 personnes lors d’un meeting de Gorran, mais seulement après que trois autres ont été blessées par des coups de feu tirés en l’air par d’autres supporters. L’UPK a aussi accusé Gorran d’avoir lancé des pierres sur un convoi d’officiels qui roulait dans le centre de Suleïmanieh. Ferhad Mollah Rassoul, qui est à la tête de la liste de l’Alliance du Kurdistan a, pour sa part, déclaré qu’il respecterait le couvre-feu. Malgré cela, on dénombre pour tout le mois onze blessés par balles, des coups de feu étant souvent entendus la nuit, mais il s’agit surtout de coups de feu tirés en l’air, comme cela se produit souvent lors des meetings électoraux ou bien dans des réjouissances privées.

Le couvre-feu n’a cependant pas empêché la vie nocturne de Suleïmanieh d’être assez animée, et il semble même qu’il ait encouragé les plus jeunes supporters à défier les autorités, sans qu’il soit facile de distinguer une réelle protestation politique d’un jeu juvénile de cache-cache avec les forces de l’ordre.

De l’avis des habitants de Suleïmanieh, la tension est plus vive qu’en juillet 2009. Rebwar Karim, qui enseigne les sciences politiques à l’université de la ville, l’explique par le fait que « lors des précédentes élections, l’UPK ignorait l’importance de l’opposition. Cette fois, il sait ce qu’il doit affronter, aussi le climat est plus tendu. »

Parallèlement à la compétition des partis, la représentation des groupes minoritaires ou socialement défavorisés comme les femmes, au sein du Parlement de Bagdad, a fait l’objet de nouvelles revendications ou d’inquiétudes quant à leur poids dans la nouvelle assemblée nationale irakienne. Ainsi, les candidates féminines de la Région du Kurdistan, si elles bénéficient d’une forte représentation au Parlement d’Erbil, ont estimé leur poids politique insuffisant, voire sans grande réalité à Bagdad, malgré le quota féminin de 25% imposé par la constitution irakienne. Lors d’un forum organisé à Suleïmanieh le 20 février par l’Institut international des droits de l’homme (USA), diverses candidates kurdes ou arabes irakiennes, venues de partis laïcs et religieux, ont débattu de la représentation politique de la femme en Irak. Si toutes s’accordent sur le fait que les 25% de quota ont aidé les femmes à obtenir une visibilité politique au Parlement, la plupart souligne qu’il reste cependant beaucoup à faire en ce qui concerne l’exercice réel du pouvoir au sein de l’État irakien. « L ‘égalité ne signifie pas nous donner seulement des postes », explique Amal Jamal, candidate à Sulaïmaneh pour la liste de l’Alliance du Kurdistan. « Nous avons besoin d’être incluses dans le processus de décision. » Bushra Al-Ubaïdi, candidate à Bagdad pour la liste de l’Unité irakienne, affirme, quant à elle, que les partis politiques irakiens, dominés par les hommes, ont tendance à combler les quotas de leur liste avec des candidates non-qualifiées, ce qui leur donne ensuite l’occasion d’exploiter leur incompétence et de garder le contrôle de la gestion des questions politiques ou sociales. Ainsi, le quota des 25% est parfois utilisé contre l’intérêt des femmes. De façon générale, elle déplore une « stratégie de découragement » pour dissuader les femmes d’obtenir la reconnaissance de leurs droits. Certaines tiennent des propos plus nuancés, surtout au sein des partis religieux. Ainsi Dilxwaz Abdullah, de la liste de l’Union islamique du Kurdistan, estime que les problèmes d’égalité entre les sexes ne sont pas spécifiques à l’Irak, en soulignant que les femmes américaines ne sont représentées qu’à 17% au Congrès américain. Mais la plupart souhaite un renforcement des lois protégeant les femmes et une plus grande égalité effective dans la société.

En dehors des meeting et des campagnes d’affichage, la vie politique kurde s’est emparée d’un nouvel outil de communication, celui des plates-formes de réseaux sociaux sur Internet, comme Facebook. Des politiciens kurdes ont même leur page personnelle, comme le vétéran Mahmud Othman, qui rassemble 2000 fans sur son site. Le président du Parti socialiste kurde indique avoir eu recours à Facebook pour atteindre les électeurs vivant en dehors de l’Irak : « Nous ne pouvons voyager à l’étranger en raison du temps limité dont nous disposons pour cette campagne électorale, aussi utiliser Facebook est le moyen le plus facile et le plus rapide pour toucher les électeurs irakiens de la diaspora » a-t-il déclaré au journal Rudaw. Les listes arabes utilisant aussi Facebook, le site est ainsi le terrain de plusieurs affrontements virtuels entre partisans, qu’ils résident en Irak, au Kurdistan ou à l’étranger, ce qui, de l’aveu des internautes kurdes chevronnés, est un moindre mal : « Vous pouvez voir beaucoup de supporters de la liste du Kurdistan et du mouvement Gorran se battre entre eux sur différentes pages de Facebook en usant d’une langue obscène, résume Barzan, 24 ans, qui a observé sur une semaine les comportements des fans de chaque parti. « Mais je suis heureux qu’ils ne s’affrontent pas avec des fusils et des couteaux, ce n’est qu’une guerre électronique sur Facebook. »

PARIS : UNE CONFÉRENCE SUR « L’OUVERTURE DÉMOCRATIQUE » EN TURQUIE

Le 26 février a eu lieu, à Paris, à l’Assemblée nationale, une conférence internationale organisée par l’Institut kurde et intitulée « La Turquie : Ouverture démocratique et perspectives d’adhésion à l’Union européenne », avec, en intervenants, des hommes politiques, des universitaires, des personnalités artistiques, des journalistes. Les buts de cette rencontre étaient les suivants:  

"En juillet dernier, le gouvernement turc a annoncé son intention d'engager un processus de règlement de la question kurde, qui depuis des décennies hypothèque l'évolution de la politique intérieure et extérieure de la Turquie. Appelée d'abord « l'ouverture kurde », puis « l'ouverture démocratique » afin d'inclure la prise en compte d'autres minorités religieuses (Alévis) et ethniques du pays, cette initiative soulève des espoirs chez les uns, tout en rencontrant une vive opposition des puissantes forces nationalistes turques, dont l'armée. Cela dans un contexte agité où pour la première fois dans l'histoire de la Turquie, des généraux à la retraite se trouvent traduits en justice pour leur implication dans des préparatifs de coups d'Etat militaires, en collaboration avec un vaste réseau criminel turc, appelé Ergenekon, composé de militants de l'extrême-droite, d'officiers de l'armée et de la gendarmerie mais également d'universitaires et de journalistes réunis dans une sorte de Gladio à la turque. Dans le même temps, la Cour constitutionnelle composée pour l'essentiel des juges kémalistes nationalistes, qui avait failli de justesse interdire le parti AKP au pouvoir, vient d'interdire le principal parti pro-kurde DTP, censé être le partenaire kurde légal de « l'ouverture démocratique ». Les deux co-présidents de ce parti ont été déchus de leur mandat de député tandis qu'une vingtaine de maires kurdes élus au suffrage direct avec des scores allant de 60 à 70% des voix, sont arrêtés, menottés et jetés en prison. C'est dans ce climat de tension et de confusion que la ville d'Istanbul est devenue la capitale européenne de la culture en 2010, alors que les 15 à 18 millions de Kurdes de Turquie et d'autres minorités de ce pays sont toujours dans l'attente de reconnaissance et de protection de leur patrimoine et de leur droit à la libre expression. Au-delà des effets d'annonce, l'Institut kurde de Paris se propose de faire le point sur les changements réels intervenus dans les domaines des droits de l'homme, des libertés fondamentales et du sort des Kurdes. Quelles sont les promesses et les perspectives du processus de démocratisation du régime turc ? En raison de la candidature turque à l'Union européenne, cette question intéresse beaucoup de citoyens en France et en Europe. Elle mérite des débats publics pluriels. La conférence organisée par l'Institut kurde propose de faire le point sur ces questions en donnant la parole à la fois à des personnalités et experts venant de Turquie, et aux parlementaires et spécialistes européens de sensibilités et d'horizons divers afin de contribuer à l'information plurielle de l'opinion publique."

La première table ronde portait sur un état des lieux des droits de l’homme en Turquie, avec pour modérateur, Yavuz Önen, ancien président de la Fondation des Droits de l'homme de Turquie et ancien président de l'Union des Chambres des architectes et des ingénieurs de Turquie-Ankara. Les intervenants étaient Murat Belge, professeur à l'Université Bilgi d'Istanbul, Président de l'Association des citoyens Helsinki ; le docteur Necdet Ipekyüz, ancien président de la Chambre de médecine de Diyarbakir ; Mme Zübeyde Kiliç, présidente du Syndicat de l'Éducation Nationale de Turquie (Eğitim-Sen) et Mme Nadire Mater, journaliste à Bianet.

La deuxième table ronde, intitulée « Qu’est-ce que l’ouverture démocratique ? », présidée par Hamit Bozarslan, professeur à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, rassemblait également le docteur Tarik Ziya Ekinci, ancien député de Diyarbakir, le docteur Gencay Gürsoy, président de l'Union des Chambres de médecine de Turquie ; le musicien Sivan Perwer et Reso Zilan, président du département Langues et littérature de l’Institut kurde de Paris.

Le débat suivant, « l’ouverture démocratique »et la nouvelle diplomatie turque était présidé par Gérard Chaliand, écrivain et expert en géopolitique ; après la projection de l’intervention en vidéo de Fuad Hussein, directeur de cabinet du Président du Kurdistan irakien, la table ronde a été animée par Mme Bejan Matur, journaliste au quotidien turc Zaman, Marc Semo, du journal Libération,Jonathan Randal, ancien correspondant au Washington Post, et Dorothée Schmid, responsable du programme Turquie contemporaine à l'Institut Français des Relations Internationales (IFRI).

Enfin le dernier débat a tenté d’entrevoir les perspectives de cette « Ouverture démocratique ». Modérée par Kendal Nezan, président de l’Institut kurde de Paris, la table ronde réunissait Bayram Bozyel président du Parti du Droit (HAKPAR), Bernard Dorin, ambassadeur de France, Mir Dengir Firat, député, ancien vice-président du Parti de la justice et du développement (AKP) et Altan Tan, journaliste et écrivain. Un message vidéo d’Osman Baydemir, maire de Diyarbakir a également été projeté.

SYRIE : LA QUESTION DE L’AUTONOMIE KURDE DIVISE L’OPPOSITION

Le 12 février, la Chambre des Lords, en Grande-Bretagne, a interpellé le gouvernement britannique sur la situation des Kurdes de Syrie, concernant les discriminations qu’ils subissent en tant que citoyens et les interdictions pesant sur leurs droits culturels et linguistiques. La Chambre des Lords s’est aussi interrogée sur la légalité de l’arrestation de quatre Kurdes membres du parti politique Yekitî, Hassan Ibrahim Saleh, Mohammed Mustafa, Maruf Mulla Ahmed et Anwar Nasso, sur le motif qu’ils avaient appelé de leurs vœux une autonomie pour les régions kurdes en Syrie et, de façon générale, sur le nombre important des arrestations de militants politiques et d’étudiants kurdes en Syrie depuis 2002, dont Dilbixwin Osey Hamdin, étudiant à Derbasieh et arrêté le 16 août 2009, et Havraz Mohammed Amin Hassan, étudiant de Qamishlo, arrêté le 14 décembre 2009.

Selon le ministre d’État du Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth, la baronne Kinnock of Holyhead, le Secrétaire des Affaires étrangères britanniques a évoqué la question kurde lors de rencontres avec son homologue syrien et a exprimé son inquiétude au sujet de la situation des Kurdes de Syrie. « Mes collaborateurs à Damas ont des contacts réguliers avec les défenseurs des droits de l’homme en Syrie et suivent la situation de très près, y compris les droits de citoyenneté et les droits linguistiques. »

Lady Kinnock of Holyhead a aussi rappelé que le ministre d’État aux Affaires étrangères, Ivan Lewis, avait estimé dans un débat à Westminster Hall, le 24 août 2009, que les droits des Kurdes n’étaient toujours pas garantis par la constitution syrienne, et que le rapport annuel des droits des l’homme émanant de ce même ministère a, en 2008, été particulièrement consacré aux droits des Kurdes syriens. Le ministre d’État a reconnu, dans sa réponse aux Lords présents, que le système judiciaire syrien avait besoin d’être réformé, et tout particulièrement la Cour suprême syrienne, où les avocats voient leur client uniquement le jour de leur procès, lequel ne dure qu’environ une demi-heure, où ils n’ont le droit ni de plaider ni de faire appel à des témoins. Enfin, la défense ne peut faire appel des sentences émises.

Deux jours plus tard, le 14 février, le Comité syrien des droits de l’homme annonçait la mort d’un détenu kurde sous la torture, dans la prison d’Alep. Il s’agit de Mohammed Musto Rashid, originaire d’Afrin. Emprisonné depuis près de quatre mois, il avait été soumis à des sévices sévères, avant d’être hospitalisé à Alep pour quatre jours. Renvoyé ensuite en détention, il est mort le 19 janvier dernier. La raison de son arrestation et de son maintien en détention n’a jamais été expliquée par les autorités, et le Comité syrien n’est même pas en mesure d’affirmer si cela avait un quelconque lien avec des activités politiques. Les condamnations, même à de courtes peines d’emprisonnement et souvent pour des motifs assez insignifiants, se sont multipliées ce mois-ci contre les militants de parti Yekitî, dans ce qui semble ressortir d’une tactique de harcèlement. Le 16 février, Hassan Saleh, membre du Bureau politique a été condamné par contumace à un an d’emprisonnement (ramené à 8 mois par le juge) pour appartenance à une organisation secrète et interdite, et incitation au sectarisme et au racisme. Le juge militaire de Qamishlo a aussi condamné à six mois d’emprisonnement (réduits à 4 mois) Shahbaz Nazir Ismaïl et Siwar Abdul Rahman Darwish pour avoir été en possession de publications émanant de Yekitî.

Le 18 février, deux Kurdes d’Amude étaient arrêtés par les forces de sécurité de la ville de Qamishlo sans motif connu et maintenus en détention : il s’agit de Montasir Ahmad Khalaf, photographe et propriétaire d’un Internet café et d’Alan Ahmed Hussein, fleuriste. Le même jour, Mohammed Salih Khalil, membre du Bureau politique du Parti démocratique kurde de Syrie comparaissait devant le tribunal militaire d’Alep. Il était accusé d’appartenance à une organisation secrète en vertu de l’article 288 du code pénal syrien. Son procès a finalement été reporté au 25 mars prochain. Né à Afrin en 1953, Mohammed Salih, qui vit à Alep, a été arrêté le 11 novembre 2009 par la sécurité militaire et détenu par la branche Palestine des même services à Damas, avant d’être transféré à la prison d’Alep.

Par ailleurs, la récente déclaration des 4 membres du parti Yekitî, souhaitant l’instauration d’une autonomie dans les régions kurdes de Syrie a agité fortement l’opposition syrienne. En effet, en décembre dernier, lors du congrès de ce parti, des membres du Bureau politique avaient déclaré que la solution au problème kurde en Syrie passait par une forme de gouvernement autonome. Ces membres ont été arrêtés peu de temps après. Mais cette déclaration a divisé la plate-forme commune appelée « Parapluie de Damas », formée en 2005, pour unifier les différents partis et mouvements d’opposition en Syrie, qu’ils soient kurdes ou arabes, islamistes ou laïques. Les partis arabes ont vigoureusement condamné la proposition des Kurdes, qu’ils ont qualifiée d’ « intempestive » et de « séparatiste ». Mais Fouad Aliko, le Secrétaire général de Yekitî a répliqué que les Kurdes de Syrie avaient le droit légitime de gérer leurs propres affaires et de jouir d’une autonomie pour autant que cela ne nuise pas à la Syrie et à son intégrité territoriale. Fouad Aliko a cité en exemple « l’ouverture » de la Turquie sur la question kurde et le cas du Gouvernement régional du Kurdistan d’Irak, qu’il voit comme des modèles pour résoudre le problème kurde en Syrie.

C’est la première fois dans l’histoire politique des Kurdes en Syrie que l’autonomie est ouvertement évoquée et ce nouveau pas a provoqué l’irritation des mouvements arabes, peu enclins à voir les Kurdes autrement que comme une minorité discrète en Syrie. Hassan Abdel-Azim, le dirigeant de l’Union démocratique arabe socialiste, a « rejeté catégoriquement l’usage de termes comme celui de ‘Kurdistan syrien’, d’auto-gouvernement ou tout autre propos séparatiste ». Il a ajouté que les groupes d’opposants en Syrie cherchaient des solutions au problème kurde « dans les limites de l’unité de la terre syrienne et de son peuple », en ajoutant qu’il soutenait les droits à l’égalité citoyenne des Kurdes et leurs droits culturels. Faïk Al-Mir, membre du Parti syrien démocratique a estimé, pour sa part, que les « demandes séparatistes » divisaient et affaiblissaient l’opposition : « Les Syriens aujourd’hui ont besoin d’être dans une situation de totale unité et de solidarité dans leur lutte pour bâtir une société libre et un État démocratique ».

Depuis que cette plate-forme d’opposants de Damas a été fondée en 2005, ses résolutions sur les droits des Kurdes se sont cantonnées à de vagues déclarations d’intention, afin de ne pas heurter le nationalisme arabe. Mais selon Fouad Aliko, ce rejet résulte d’une méconnaissance du principe d’autonomie de la part de ces mouvements arabes, qui l’assimilent automatiquement au séparatisme. Il s’est dit « déçu » par ces réactions qu’il compare à l’intransigeance du Baath syrien.

TURQUIE : LOURDES PEINES DE PRISON ET ARRESTATIONS DANS LES MILIEUX KURDES

Deux éditeurs kurdes de Turquie risquent de lourdes peines de prison, soit 21 ans et 525 ans, pour « propagande séparatiste ». Le 12 février, en effet, la cinquième chambre de la cour d’assises de Diyarbakir a condamné par contumace Ozan Kilinc, propriétaire du journal Azadiya Welat, à 21 ans et trois mois de prison pour « propagande en faveur d’une organisation terroriste », c’est-à-dire pour avoir publié des reportages et des photographies sur le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et son leader emprisonné, Abdullah Öcalan, en juin 2009. Il a également été reconnu coupable d’appartenance à « une organisation terroriste ».

Cette sentence a été condamnée par diverses organisations de défense de la presse. Le directeur de l’Institut international de la presse (IPI), David Dadge, a qualifié cette peine de prison « d ‘inacceptable », en déplorant que « trop souvent les autorités en Turquie ou ailleurs usent de lois anti-terroristes pour restreindre la liberté de la presse. » Dans son rapport annuel de 2009, l’IPI avait déjà critiqué le gouvernement turc pour ses tentatives de musellement de la presse, en utilisant des attaques verbales, des amendes disproportionnées et l’usage d’articles de loi afin de poursuivre les journalistes. Reporter sans Frontière, pour sa part, a déclaré que « La liberté d’expression doit s’étendre une fois pour toutes à la presse pro-kurde. La disproportion entre les faits reprochés – l’expression d’opinions qui peuvent être contestées – et la peine appliquée est frappante. Ce n’est pas en bannissant l’expression démocratique des revendications minoritaires que la République turque pourra venir à bout de la violence extrémiste ».

Mais le 23 février, c’est une sentence encore plus effarante qui a été prononcée contre Vedat Kursun, l’ancien directeur du même journal, détenu depuis 13 mois et poursuivi pour « glorification de crimes et de criminels » et « avoir aidé le Parti des travailleurs du Kurdistan dans sa propagande ». Le procureur a en effet requis 525 années de prison pour un total de 105 actes d’accusation contre le journal Azadiya Welat pour propagande « terroriste » et le fait d’avoir désigné Abdullah Öcalan comme une « leader publique kurde ». Fondé en 1994, l’hebdomadaie Azadiya Welat, devenu quotidien en 2006, a souvent été la cible d’actions judiciaires, étant régulièrement accusé d’être l’organe de presse porte-parole du PKK.

Le mois de février a, de toute façon, été tendu, avec de nombreuses manifestations et arrestations, en raison des commémorations de la capture d’Öcalan, survenue le 15 février 1999. Les rassemblements ont été violemment réprimés par la police, comme à Diyarbakir, où 3000 personnes ont voulu défiler dans le centre de la ville, bravant les gaz lacrymogènes et les canons à eau. D’autres protestataires ont répliqué par des barricades de rue et des pneus brûlés. Des violences similaires se sont produites à Istanbul, où une rue passante a été bloquée par des manifestants. Quelques jours avant la date anniversaire, des rafles policières avaient eu lieu dans les milieux politiques kurdes, avec une centaine d’arrestations, visant principalement le parti pro-kurde BDP. Les coups de filet ont eu lieu dans les villes kurdes de Hakkari, Diyarbakir, Van, Siirt, Batman, Mardin, Gaziantep, Urfa et Muş, ainsi qu’à Adana et Istanbul, villes qui comptent de fortes concentrations de Kurdes.

Enfin, plusieurs cas d’emprisonnements de mineurs, dont certains condamnés lourdement pour « terrorisme » ont défrayé la presse turque et internationale. Ainsi une jeune Kurde de 15 ans, arrêtée lors d'une manifestation de soutien au DTP en octobre dernier, à Batman, a été condamnée à 8 ans de prison. La Cour de Diyarbakir l'a jugée coupable d'appartenance à une organisation illégale, et d'avoir crié des slogans en lançant des pierres sur les forces de l'ordre, d'avoir participé à des réunions et des manifestations illégales, et d'avoir fait de la propagande en faveur d'une organisation interdite. Mais Berivan a nié avoir participé à la manifestation, affirmant qu'elle s'était seulement arrêtée, de retour de visite chez une tante, et d'avoir regardé par curiosité. C'est en garde-à-vue qu'elle aurait confessé ses crimes, après avoir été battue. La mère de Berivan s'est exclamée à l'annonce du verdict : « Est-ce qu'elle a tué ? Les assassins ne sont pas condamnés à une si lourde peine ! » Actuellement 83 autres enfants sont emprisonnés à Diyarbakir, arrêtés dans des circonstances et pour des motifs similaires. Selon l’Association turque des droits de l’homme (IHD), le nombre total de mineurs poursuivis pour avoir participé à des manifestations, jeté des pierres ou des cocktails Molotov sur les forces de l’ordre s’élèverait à 3000. Tombant sous le coup de la loi « anti-terroriste » ils encourent tous de très lourdes peines de prison, entre 20 et 44 ans de prison. Depuis 2006, en effet, la législation turque permet de juger les mineurs au même titre que les adultes, comme l’explique au Figaro l’avocate Canan Atabay : « Certains se voient condamnés à vingt ans de prison, sans réduction de peine. Prononcer de telles sentences pour des jets de pierres ressemble à une vaste comédie alors que l'avenir de ces enfants est en jeu. C'est l'arsenal législatif qu'il faut revoir de fond en comble. »

CULTURE : PROJETS THÉÂTRAUX ET RECONSTRUCTION DE L’IRAK

Le Réseau pour la reconstruction culturelle de l’Irak, une ONG allemande, a lancé plusieurs projets d’activités théâtrales en Irak et au Kurdistan, en partenariat avec plusieurs institutions et organismes allemands, ou des théâtres berlinois.

Dans un entretien accordé au journal Deutsche Welle, un de ses responsables, Ihsan Othman, explique que dès l’origine, le théâtre au Kurdistan d’Irak a été une forme de résistance contre la dictature, en même temps qu’un mouvement culturel, car les Kurdes, en tant qu’ethnie opprimée, utilisaient aussi ce biais pour s’exprimer. Ihsan Othman, en collaboration avec le Theaterhaus Mitte, IT Germania et l’Institut Goethe, a, depuis 2006, concentré ses missions culturelles en Irak et surtout au Kurdistan d’Irak autour du théâtre, dans le cadre d’échange culturels.

Le premier projet était « La jeune fille et la mort » de l’auteur chilien Ariel Dorman (1990), traitant des tortures subies par les prisonniers politiques dans les prisons d’Amérique latine. Le second projet était une adaptation de la pièce de Samuel Beckett « En attendant Godot », rebaptisée « En attendant la pluie » et la dernière pièce montée s’intitule « Le Hammam des Femmes ». « Nous avons travaillé sur ces pièces avec quatre groupes, et les avons jouées en allemand, arabe, kurde, turc et persan », indique Ihsan Othman. L’année dernière, des œuvres de Bertolt Brecht et Heiner Mueller ont été aussi utilisées pour les projets théâtraux.

À la question de savoir si de tels auteurs et leurs textes peuvent trouver écho dans l’Irak contemporain et son public, Ihsan Othman répond par l’affirmative : « Bien sûr, car je pense que ces thèmes sont universels. Brecht n’écrivait pas autour de thèmes locaux, même si un sujet local peut être compris de façon universelle. Quand vous regardez ce que Heiner Mueller ou Brecht ont écrit, la plupart de leurs sujets sont d’ailleurs inspirés de pays lointains. Nous avons, par exemple, extrait des scènes du Cercle de craie caucasien ou de Mère Courage, qui sont des histoires se passant à l’étranger, dans des lieux comme la Russie, l’Asie ou la Grèce. Et Brecht, particulièrement, est en Irak – et je pense dans tout l’Orient– une figure particulière dans l’histoire du théâtre. Presque tous les théâtres irakiens le connaissent, ainsi que Heiner Mueller. Becht a longtemps été interdit en Irak et c’est pourquoi lui, comme Mueller, sont particulièrement adaptés dans des pays qui ont connu de violentes guerres et ont dû se reconstruire. Heiner Mueller et Brecht ne passeront jamais de mode dans le monde, surtout dans les pays en crise. » (Deutsche Welle).