Les premières élections irakiennes après le départ des troupes américaines se sont tenues dans un climat tendu, marqué de violences. Elles ont commencé le 28 avril, quand les forces de sécurité ont voté, deux jours avant le 30, date du scrutin pour l’ensemble des citoyens. Dès le 28, des attentats ont frappé six bureaux de vote, faisant au moins 27 morts. EIIL avait déjà annoncé que tous les sunnites irakiens feraient l’objet de représailles s’ils se déplaçaient pour voter.
Du côté chiite,des attentats visant des meetings électoraux ont fait 37 morts et de nombreux blessés, certains dans un état critique.
Le 30 avril, donc, environ 60% des Irakiens, sur quelques 18 millions d’électeurs, se sont déplacés dans les bureaux en bravant le terrorisme, pour élire les 328 membres de leur Parlement, pour une durée de 4 ans. Le Parlement doit élire le président irakien lequel, à son tour, nommera un Premier ministre chargé de former le gouvernement.
Le mode de scrutin adopté est la représentation proportionnelle à scrutin de liste ouverte. Les dix-huit circonscriptions (gouvernorats) doivent élire leurs représentants, dont le nombre varie de 7 à 34, selon la démographie des circonscriptions. C’est la première fois que ce système est adopté en Irak, après décision de la Cour suprême. Auparavant, c’est la méthode Saint-Laguë modifiée qui était utilisée, qui donne un quotient à chaque siège, en favorisant les grands partis et c’est justement le motif qu’a invoqué la Cour suprême, « discrimination envers les petits partis » pour ce changement de mode de scrutin. C’est ainsi que « sept sièges compensatoires » ont été attribués à des partis dont les résultats au niveau national ne se reflétaient pas dans chacune des circonscriptions. Enfin, huit sièges sont réservés à des minorités religieuses : cinq pour les chrétiens, un pour les mandéens, un pour les yézidis, un pour les shabaks.
La Haute Commission électorale indépendante de l’Irak avait autorisé 276 entités politiques à se porter candidates. Ces entités ont formé des listes de coalition, dont la gagnante a, a priori et selon la constitution, une tête de liste qui a vocation à devenir le Premier ministre. Cela n’empêche pas les partis de former de nouvelles coalitions après les résultats électoraux.
Les partis politiques les plus importants en lice sont l’État de droit avec pour premier candidat l’actuel Premier ministre Nouri Maliki, le Mouvement sadriste (milices chiites), le Parti démocratique du Kurdistan de Massoud Barzani qui, cette fois, ne formait pas de liste commune avec l’Union patriotique du Kurdistan de Jalal Talabani, ni même avec Goran (parti d’opposition avec qui il est pourtant en tractation pour la formation d’un cabinet dans la Région du Kurdistan), l’Entente nationale irakienne, de l’ancien Premier ministre Iyad Allawi, un parti laïque pro-arabe, qui comprend des chiites comme des sunnites.
De nouveaux partis se sont formés depuis les législatives de 2010, notamment la « Ligue des gens de la Vérité », regroupant des milices chiites para-militaires proches de l’Iran et le Bloc blanc, qui résulte d’une scission du Mouvement national irakien, quand huit de ses parlementaires ont quitté ce dernier, en mars 2011, pour former leur propre groupe, en raison de désaccords avec Iyad Allawi. Pour les élections provinciales de 2013, ils avaient rallié la liste menée par Nouri Maliki et pour ces législatives, se sont présentés seuls.
En raison des tensions politiques et sectaires de plus en plus grandissantes en Irak, tout le monde s’attendait à un vote plus « communautaire » qu’inspiré par le programme politique (souvent assez succinct) de la plupart des listes. En dehors du Mouvement sadriste, les votes « religieux » chiites pouvaient se porter sur le Conseil islamique suprême de l’Irak, parti religieux chiite très influent dans le sud du pays mais qui a perdu du terrain, au niveau national, au profit de l’État de droit de Nouri Maliki. Ce parti prône une forme d’autonomie du sud chiite, mais à caractère assez théocratique.
En dehors du Mouvement national irakien, les votes sunnites pouvaient choisir entre Al-Hadba, mouvement nationaliste, bien implanté à Ninive-Mossoul (il s’y est souvent affronté avec les élus kurdes dans les conseils provinciaux) mené par Atheel Al Nujayfi, le frère d’Usama Al Nujayfi, l’actuel président du Parlement et le Front national irakien du dialogue, une coalition de cinq partis, quatre majoritairement arabes sunnites et un parti chrétien.
Dans la province de Kirkuk, les résultats définitifs, comme pour le reste de l’Irak seront donnés le 25 mai. Mais d’ores et déjà il apparaît que l’UPK viendrait en tête avec une victoire écrasante de l’actuel gouverneur, le Dr. Karim Najmaldin, qui obtiendrait 200 000 voix, loin devant le PDK (63 347) et le Front turkmène (50 000 voix), viendrait l’Alliance arabe (30 000), Gorran avec 23 713 voix et les deux partis kurdes religieux, Yekgirtu et Komal qui auraient eu respectivement 7 et 4 mille voix.
Les résultats ne seront connus que le 25 mai une fois que la Haute Commission aura statué sur les nombreux litiges et plaintes dont elle a été saisies.
Aucun parti n’étant en mesure d’obtenir la majorité des sièges, il faut prévoir des mois tractations pour parvenir à former une coalition gouvernementale disposant de la majorité au Parlement.
Du côté des sunnites ou laïques arabes, Al-Hadba, menée par Atheel Al Nujayfi obtiendrait entre 33 et 37 sièges ; à l’Entente nationale irakienne, fondée par l’ancien Premier ministre irakien, le sunnite Iyad Allawi, reviendraient entre 17 et 25 sièges, le Front national irakien du dialogue pourrait avoir 10 sièges.
Le Premier ministre, surtout, postule pour une troisième mandat mais il est en conflit avec les sunnites et les Kurdes, ainsi qu’avec une bonne partie des chiites. Avec Maliki, l’Irak risquerait un éclatement dans les années à venir.
Alors que la campagne électorale pour les législatives et les provinciales irakiennes battait son plein, la question du budget coupé par Nouri Maliki, le Premier ministre irakien, à la Région du Kurdistan n’a toujours pas été résolue. Dans une interview donnée au journal arabe Al-Hayat, Massoud Barzani estimait que l’Irak était en train de se décomposer et qu’il fallait faire avec cette réalité politique : « une instabilité majeure », un « terrorisme rampant dans les régions occidentales du pays » (à majorité sunnite et dans lesquelles EIIL tente de s’implanter durablement) où « des villes échappent au contrôle du gouvernement et où des terroristes se livrent à leur action sous une forme publique ».
Selon lui, le cœur du conflit entre Bagdad et Erbil tient à la différence d’interprétation de la constitution irakienne : « M. Maliki pense qu’il est le seul décisionnaire et que les autres doivent obéir. Il n’adhère pas à la constitution telle que la définit la Région du Kurdistan […] il croit que tout doit revenir à Bagdad. »
Quant aux provinces sunnites en état de quasi-insurrection, le président Barzani indique que juste après la chute de Saddam, il avait tenté de persuader les Arabes sunnites de former leur propre région, à l’instar des Kurdes, car il prévoyait déjà un conflit sanglant avec les chiites : « C’était possible à l’époque. Mais ils ont refusé et étaient encore dans l’idée qu’en Irak le pouvoir revient traditionnellement et historiquement aux sunnites. Ils n’ont pas saisi l’ampleur du changement qui advenait. Maintenant ils le réclament [de former leur Région] mais cela semble plus difficile et plus complexe à mener à terme. Ils le réclament et Bagdad le refuse. »
En même temps que les élections législatives se déroulaient au Kurdistan comme dans tout l’Irak, les trois provinces kurdes élisaient leurs conseils provinciaux. En 2013, ces élections provinciales avaient eu lieu dans la plupart des gouvernorats irakiens, sauf la Région kurde, et les provinces de Kirkouk, Ninive et d’Anbar. Ces deux dernières provinces ont voté le 20 juin 2013.
Quant à Kirkuk, l’article 23 de la loi électorale remettait la tenue, la date et le déroulement des élections entre les mains d’un « comité multi-ethnique » sous la règle d'un consensus général. Mais en août 2013, la cour fédérale de l’Irak a annulé cet article, arguant de l’inefficacité de ces dispositions (les élections ont été plusieurs fois reportées). À la place, la commission juridique du Parlement a rédigé une nouvelle loi électorale, se passant de l’assentiment de toutes les composantes ethniques, religieuses et politiques de la province pour la faire approuver. Cette décision de la cour fédérale avait surtout rencontré l’opposition des minorités arabes et turkmènes, craignant de perdre du poids politique face à la supériorité démographique des Kurdes.
Dans le reste de la Région kurde, ces élections et la campagne électorale qui a duré tout le mois d’avril ont plus d’impact dans l’opinion publique que les législatives irakiennes, comme l’ont remarqué les medias étrangers ou irakiens, d’autant que les conseils de province n’avaient pas connu d’élections depuis huit ans. « Même la campagne d’affichage placardé dans les rues kurdes montre cela – la plupart concerne les élections provinciales plus que les législatives irakiennes. C’est la même chose pour la couverture des media locaux des deux élections : les provinciales font l’objet de plus d’attention. » (Hayman Hassan, pour le journal Niqash).
À cela, plusieurs explications peuvent être avancées : un « désenchantement » ou un scepticisme des Kurdes sur l’influence réelle que leurs députés peuvent exercer sur la politique de Bagdad à leur égard, mais aussi un intérêt accru par la compétition entre les trois grands partis de la Région, toujours en tractations, depuis les législatives de septembre 2013, pour la formation d’un nouveau cabinet. Survenant à peine 8 mois après la défaite de l’UPK devant le parti Goran, ces élections étaient un moyen pour les factions politiques, soit de conforter leur victoire, en ce qui concerne Goran, soit de prendre leur revanche, en remontant de la 3ème à la 2ème place, pour l’UPK. Les partis religieux, Yekgirtu et Komal, qui avaient également fait un bon score, surtout à Suleimanieh, pouvaient aussi espérer voir leurs résultats se maintenir ou s’améliorer.
Surtout, la loi électorale des conseils provinciaux a également changé au GRK. Auparavant, les gouverneurs de province étaient directement nommés par le ministre de l’Intérieur de la Région. Ce même gouverneur pouvait choisir et nommer de hauts fonctionnaires sans en référer aux conseils. Dorénavant, dans une volonté de décentralisation, ce seront les conseils provinciaux qui nommeront le gouverneur, accroissement de pouvoir qui, bien sûr, a rehaussé l’intérêt de ces élections qui doivent décider du poids des partis au sein de ces conseils. Contrairement au reste de l’Irak, le scrutin s’est déroulé dans le calme et sans attaque terroriste, même si, ça et là, surtout dans la province de Suleimanieh, des accusations de fraude se sont élevées à l’encontre des partis dominants qui ont une certaine mainmise sur les forces de police et de sécurité. Les premières estimations publiées sur le site Rudaw montrent que, par rapport aux élections de 2011, la participation a été moindre, malgré une augmentation du nombre des électeurs dans toute la Région de 216 211 électeurs, soit, dans chaque province :
Duhok : |
+ 62 706 |
Erbil : |
+ 60 636 |
Suleimanieh : |
+ 92 869 |
Sur ce total de 216 211, les électeurs du GRK étaient 80 784 de moins à voter (1 887.991 contre 1 968 775 en 2011), soit un taux de participation de 67% pour tout le GRK et dans chaque province.
Duhok : |
69% (445 647 sur 641 436), |
Erbil : |
61 % (643 280 sur 1 052 596), |
Suleimanieh : |
71% ( 799 064 sur 1 125 000). |
Résultats provisoires des élections provinciales 2014 (GRK + provinces) :
Voix totales |
Duhok |
Erbil |
Suleimanieh |
|
PDK |
727 372 (39%) |
322 000 (72%) |
323 240 (50%) |
82 132 (10%) |
Gorran |
463 861 (25%) |
25 230 (6%) |
94 631 (15%) |
344 000 (43%) |
UPK |
433 484 (23%) |
37 282 (8%) |
140 702 (22%) |
255 500 (32%) |
Yekgirtu |
153 700 (8%) |
57 000 (13%) |
33 000 (5%) |
63 700 (8%) |
Komal |
109 319 (6%) |
4 132 (1%) |
51 500 (8%) |
53 687 (7%) |
Autres |
255 (0%) |
3 (0%) |
207 (0%) |
45 (0%) |
Total |
1 887 991 (100%) |
445 647 (24%) |
643 280 (34%) |
799 064 (42%) |
Si l’on compare avec les résultats des législatives de septembre 2013 :
Voix totales |
Duhok |
Erbil |
Suleimanieh |
|
PDK |
743 984 (38%) |
310 816 (70%) |
340 668 (48%) |
92 500 (11%) |
Gorran |
476 736 (24%) |
12 775 (3%) |
130 000 (18%) |
333 961 (41%) |
UPK |
350 500 (18%) |
25 176 (6%) |
91 072 (13%) |
234 252 (29%) |
Yekgirtu |
186 741 (9%) |
56 660 (13%) |
46 000 (7%) |
84 081 (10%) |
Komal |
118 399 (6%) |
4 814 (1%) |
46 300 (7%) |
67 285 (8%) |
Autres |
92 415 (5%) |
33 566 (8%) |
52 448 (7%) |
6 401 (1%) |
Total |
1 968 775 (100%) |
443 807 (23%) |
706 448 (36%) |
818 480 (42%) |
On voit qu’en 2014, le PDK perd 16 612 voix mais que son pourcentage des votes au total augmente de 1%. Il gagne 11 184 votes à Duhok (+2%), en perd 17 428 à Erbil (-2%) et 10 368 à Suleimanieh (-2%).
Gorran perd 12 875 voix et son pourcentage du total des votes augmente de 1%. Il gagne 12 445 voix à Duhok (+3%), en perd 35 369 à Erbil (-3%), gagne 10 039 voix à Suleimanieh (+2%).
L’UPK gagne 82 984 voix par rapport à 2013 et augmente son pourcentage du total des voix de 5%. Il gagne 12 106 voix à Duhok (+5%), 49 630 voix à Erbil (+4%) et 21 248 voix à Suleimanieh (+ 3%).
Total des voix perdues/gagnées et pourcentage des votes :
|
GRK |
Duhok |
Erbil |
Suleimanieh |
PDK |
- 16 612 (+1%) |
+ 11 184 (+2%) |
- 17 428 (-2%) |
- 10 368 (-1%) |
Gorran |
- 12 875 (+1%) |
+ 12 445 (+3%) |
- 35 369 (-3%) |
+ 10 039 (+2%) |
UPK |
+ 82 984 (+5%) |
+ 12 106 (+5%) |
+ 49 630 (+4%) |
+ 21 248 (+3%) |
Yekgirtu |
- 33 041 (-1%) |
- 340 (0%) |
- 13 000 (-2%) |
- 20 381 (-2%) |
Komal |
- 9 080 (-5%) |
- 682 (0%) |
+ 5 200 (+1%) |
-13 598 (-1%) |
Autres |
- 92 160 (-5%) |
- 33 563 (-8%) |
- 52 441 (-7%) |
- 6 356 (-1%) |
Ainsi, l’on peut voir que le PDK gagne des voix à Duhok, son fief, mais en perd à Erbil et Suleimanieh. Gorran progresse aussi à Duhok et à Suleimanieh, mais recule à Erbil. L’UPK est le parti qui a gagné des voix dans les trois provinces, tandis qu’à l’inverse, Yekgirtu en perd partout. Komal perd des voix à Duhok et Suleimanieh, en gagne à Erbil.
Le fait le plus notable a donc été la remontée surprise de l’Union patriotique du Kurdistan. On observe aussi un amenuisement ou une stagnation des votes pour les deux partis religieux Yekigirtu et Komal.
La mésentente entre le Gouvernement régional du Kurdistan d’Irak et le PYD, la branche syrienne du PKK, si elle ne se traduit pas par des conflits armés, prend souvent des allures de bras de fer médiatique, entre accusations, dénégations et contre-accusation. Tout ce mois, le PYD a tenté d’organiser une protestation générale contre le creusement d’un « fossé » sur la frontière du Kurdistan syrien, comparant cette mesure avec le mur construit par la Turquie le long de la zone frontalière de Nusaybin, afin d’empêcher les allées-et-venues du PKK, des contrebandiers, des réfugiés, peut-être des djihadistes. Présenté comme le « mur de la honte » et comparé à celui érigé par Israël pour séparer les territoires occupés, ces mesures, présentées par la Turquie comme étant dictées par la « sécurité » ont été dénoncées comme visant à « séparer les Kurdes ».
Aussi, quand l’affaire des tranchées frontalières avec le GRK a éclaté, c’est de même sur le thème « on veut enclaver et étrangler le Rojava ». Des manifestations ont été organisées tout le mois sur la frontière, entre Sihela ou Simalka et Girê Sor, les « Jeunesses révolutionnaires » ou Ciwanên şoreşger amenant des « centaines de Kurdes » surtout de Dêrik et de Qamishlo, au village de Girê Sor, près de la frontière de Sêmalka (Sihela), pour qu’ils protestent contre les travaux en cours et le traitement « infligé aux réfugiés kurdes à Erbil », accusant le GRK de priver les réfugiés de Syrie de « pain et d’eau » d’être battus et « soumis à une exploitation sexuelle ».
Pour les autorités du « Canton de Djezireh », ces tranchées sont mises en place sur une longueur de 26 km, par le PDK, à seule fin d’infliger des « sanctions économiques » à l’administration du PYD. Le 9 avril un tir des peshmergas voulant empêcher apparemment une incursion de jeunes du PYD sur le pont-frontière a fait un blessé dans les rangs de la manifestation, mais sans gravité. Apparemment, un jeune âgé de 18 ans aurait reçu deux balles dans le pied. Le lendemain 10 avril, des « milliers de manifestants » (chiffres du PYD) sont revenus sur la frontière, mais quand les Peshmergas ont à nouveau ouvert le feu (sans faire de victimes, peut-être des tirs de sommation) ordre a été donné par les organisateurs de la manifestation de se disperser. Le pont de bateau a été retiré et les media pro-PKK ou du PYD affirment que le drapeau du GRK a été remplacé par celui du PDK.
Le 14 avril, un responsable du ministère des Peshmergas du Kurdistan d’Irak, Hadji Osman, a déclaré au journal Rudaw, que l’ordre de creuser les tranchées a pour but de préserver la sécurité de la Région, en but aux menaces d’EIIL et des mouvances djihadistes et que les travaux se poursuivraient. Par ailleurs Hadji Osman a rappelé que de tel dispositifs existaient depuis des années pour protéger Erbil ou Duhok des incursions de terroristes.
Un commandant des Peshmerga a déclaré au journal irakien Zaman que la décision de cette tranchée a été prise conjointement avec le gouvernement irakien et le gouvernement kurde, pour contrer la contrebande. Mais interrogé par le journal Rudaw, Ali Mousavi, un conseiller du Premier ministre Nouri Maliki, nie que son gouvernement ait pris une telle décision. Les Peshmergas kurdes affirment pourtant qu’une tranchée similaire est en cours sur la frontière irako-syrienne, cette fois, sur une longueur de 605 km, avec une profondeur de 2 m et une largeur de 3 m, et qu’il ne restait plus que 15 km pour l’achever.
De tels fossés de sécurité existent en fait depuis dix ans pour protéger la Région du Kurdistan. Après le terrible bilan de l’attentat suicide de février 2004, un fossé de sécurité, long de 35 km, profond de 2 m et large de 3 m, a été creusé afin d’empêcher le passage de voitures piégées venant de la province de Ninive ou de Kirkouk et tentant de passer en dehors des routes surveillées et des check-point. Après l’attaque-suicide dirigée contre les forces de sécurité à Erbil, en septembre dernier, le GRK a décidé d’étendre cette tranchée à une longueur de 200 km. 6000 hommes seront affectés aux barrières de sécurité et des check-point seront mises en place tous les 250 m, chacun muni d’une tour de contrôle.
Si ce dispositif impressionnant s’explique par les activités d’EIIL, agissant en Syrie comme en Irak, et la volonté politique du GRK de rester cet « autre Irak », sûr, pacifié et attractif pour les touristes comme pour les investisseurs, l’extension de la tranchée, dont la mise en place n’avait pas fait polémique en 2004 a, cette fois, soulevé des protestations, peut-être inspirées par celles du PYD, cette fois de la part des élus kurdes de Kirkouk, en majorité UPK, qui y voient une tentative de séparer Kirkouk de la Région kurde, en renonçant donc à son rattachement.
Le même jour, Massoud Barzani, le président du Kurdistan d’Irak a répliqué en accusant à nouveau le PYD de collaborer avec le régime du Baath. S’exprimant sur la chaîne Sky News Arabiya TV, le président kurde a présenté le PYD comme « la seule organisation kurde de connivence avec le régime et qui utilise la force armée pour contrôler la région », en ajoutant que « les gains au Kurdistan occidental » obtenus par le PKK syrien n’étaient que « temporaires » et qu’ils disparaitraient quand la situation évoluera. Selon Massoud Barzani, « l’accord entre le PYD et le régime » ne porterait même pas sur une autonomie kurde, ce que lui-même aurait considéré comme « un pas positif » si cela avait été le cas. « Mais je ne crois pas qu’un tel accord politique existe. Nous n’avons aucune preuve d’un tel accord ».
De son côté, le Conseil national kurde tente de trouver la cohésion et l’unité qui lui manquent depuis le début du conflit en Syrie et 4 partis kurdes, Parti démocratique du Kurdistan de Syrie (Al-Partî), le Parti de l’Union du Kurdistan et deux branches du Parti de la liberté du Kurdistan (Azadî), tous proches du PDK irakien et en mauvais termes avec le PYD, ont décidé de fusionner pour former officiellement, le 3 avril, le Parti démocratique du Kurdistan de Syrie.
Par ailleurs, ce mois-ci, l’ONG Reporters sans Frontière publie un rapport en ligne sur son site, intitulé « Le Rojava ou comment le PYD entend contrôler les médias et mettre au pas les acteurs de l'information » où l’ONG se dit « particulièrement inquiète de la nette dégradation de la situation de la liberté de l’information dans les territoires contrôlés par le Parti de l’Union démocratique (PYD).
L’organisation est consciente des problèmes de sécurité dans cette région alors que le conflit s’enlise en Syrie et que les mouvements djihadistes menacent les populations civiles. Toutefois, en tant qu’autorité en charge de contrôler cette partie du territoire syrien, il est de la responsabilité du PYD d’y faire respecter les libertés fondamentales, parmi lesquelles la liberté d’information. » Reporters sans Frontière estime notamment que l’ « Union des média libres » qui veut contrôler « les médias qui souhaitent travailler au Rojava […] ressemble à n’en pas douter à l’instauration d’une sorte de ministère de l’Information. Par ailleurs, l’organisation a recensé un nombre croissant d’exactions à l’encontre des acteurs syriens de l’information, principalement de la part des Asayesh (forces de sécurité) et les YPG (Unités de défense du peuple, ie, la branche armée du Comité suprême kurde, accusé d’être la branche armée du PYD). Déjà en novembre 2013, dans le rapport “Le journalisme en Syrie : une mission impossible”, RSF avait déjà recensé un certain nombre d’exactions (pages 9 et 10 du rapport).
Se fondant sur des témoignages de journalistes kurdes venus couvrir les événements de Syrie et travaillant pour des organes de presse comme Rudaw ou Zagros TV, RSF dénonce le fait que « le PYD et ses sbires n’hésitent pas à arrêter, voire enlever, les acteurs de l’information un peu trop critiques, afin de les réduire eux au silence et intimider les autres. » Les journalistes ne seraient d’ailleurs pas les seules victimes de la politique coercitive du PYD, puisque « un certain nombre de cas de voix dissidentes de la société civile, [ont été] expulsées vers le Kurdistan irakien […] De nombreux acteurs de l’information ont ainsi pris la voie de l’exil, fuyant la pression et les menaces du PYD. » source : RSF = http://fr.rsf.org/syrie-le-rojava-ou-comment-le-pyd-entend-01-05-2014,46220.html
Le 17 avril, Samko Khorshidi, un prisonnier politique kurde, a été exécuté à la prison de Kermanshah. Arrêté en 2010, il faisait partie de ces dizaines de Kurdes qui attendent dans les couloirs de la mort. D’après un rapport du Human Rights, le régime iranien a exécuté plus de 170 personnes dans les premiers mois de l’année 2014.
Le 3 avril 2014, le Parlement européen a adopté une résolution sur la stratégie de l'Union européenne à l'égard de l'Iran (2014/2625(RSP), où il est rappelé, dans le préambule, « la déclaration récente du 22 janvier 2014, également du rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran, mettant en garde contre «la forte augmentation du nombre de pendaisons en Iran» et « le rapport du secrétaire général des Nations unies du 10 septembre 2013 sur la situation des droits de l'homme en république islamique d’Iran », considérant que « la situation des droits de l'homme en Iran continue d'être marquée par la violation permanente et systématique des droits fondamentaux » et « que l'Iran refuse encore de coopérer avec plusieurs organes de l'ONU sur la question des droits de l'homme; par exemple, il a refusé de délivrer un visa au rapporteur spécial de l'ONU sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran et l'a empêché de mener à bien sa mission en toute indépendance […] Parmi les sujets mentionnés dans la résolution, la question des droits de l’homme fait l’objet des commentaires les plus abondants : [Le Parlement européen ]
« 14. salue la libération de plusieurs prisonniers d'opinion en Iran, notamment l'avocate des droits de l'homme et lauréate du prix Sakharov Nasrin Sotoudeh, et demande aux autorités iraniennes de libérer tous les militants des droits de l'homme emprisonnés, tous les prisonniers politiques, tous les syndicalistes et militants des droits du travail et toutes les personnes emprisonnées après les élections présidentielles de 2009; note avec intérêt l'initiative du président Hassan Rouhani de rédiger une charte des droits des citoyens; fait part cependant de sa vive préoccupation persistante à l'égard de la situation des droits de l'homme en Iran, particulièrement au vu des allégations répandues de torture, de procès inéquitables – notamment d'avocats et de militants des droits de l'homme – et d'impunité pour les violations des droits de l'homme; se dit alarmé par le grand nombre d'exécutions en 2013 et 2014, y compris de mineurs; observe que la plupart des exécutions de 2013 ont eu lieu pendant les cinq derniers mois de l'année; condamne les restrictions à la liberté d'information, à la liberté d'association, à la liberté d'expression, à la liberté de réunion, à la liberté de religion, à la liberté académique, à la liberté d'enseignement et à la liberté de circulation, ainsi que la répression et la discrimination sur la base de la religion, des convictions, de l'origine ethnique, du sexe ou de l'orientation sexuelle qui demeurent, entre autres contre la communauté Baha'i, les chrétiens, les apostats et les convertis;
15. estime que la Charte des droits des citoyens devrait être pleinement conforme aux obligations internationales de l'Iran, en particulier en ce qui concerne la non-discrimination et le droit à la vie, le renforcement de l'interdiction de la torture et la garantie de la totale liberté de religion et de conviction, ainsi que de la liberté d'expression, laquelle se voit actuellement restreinte par une disposition, formulée de manière vague, relative au «délit lié à la sécurité nationale»;
16. invite dès lors l'Union à intégrer les droits de l'homme dans tous les aspects de ses relations avec l'Iran; considère qu'un dialogue de haut niveau et ouvert à tous sur les droits de l'homme avec l'Iran devrait figurer dans le prochain cadre politique des relations bilatérales entre l'Union et l'Iran; demande à l'Union européenne d'entamer un dialogue sur les droits de l'homme avec l'Iran qui comprenne la justice et les forces de sécurité et établisse des critères de référence clairement définis à l'aune desquels mesurer les progrès; demande à l'Union de soutenir pleinement les travaux du rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran et demande à l'Iran de lui accorder un visa d'entrée, immédiatement et sans condition; encourage Navi Pillay, Haut Commissaire des Nations unies, à accepter l'invitation des autorités iraniennes à se rendre en Iran; demande à l'Iran de déclarer un moratoire sur la peine de mort;
17. souligne que toute future délégation du Parlement en Iran devrait s'efforcer de rencontrer des membres de l'opposition politique et des militants de la société civile et de rencontrer des prisonniers politiques.
18. souligne qu'il importe de créer un environnement propice au bon fonctionnement des organisations de la société civile, notamment un cadre juridique réformé; invite l'Union à faire le meilleur usage global des lignes directrices de l'Union européenne sur les droits de l'homme, et notamment des lignes directrices de l'Union européenne sur les défenseurs des droits de l'homme, ainsi que de la nouvelle flexibilité offerte par l'instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme 2014-2020, et du potentiel du Fonds européen pour la démocratie, récemment établi par l'UE et ses États membres, afin de soutenir les défenseurs iraniens des droits de l'homme et les organisations de la société civile en Iran;
19. s'associe à l'appel urgent de 772 journalistes iraniens adressé au président iranien pour que ce dernier tienne sa promesse et autorise la réouverture de l'association des journalistes iraniens;
20. encourage l'Union à étudier la possibilité d'étendre l'assistance technique à l'Iran en partenariat avec les organisations internationales afin de l'assister dans la réforme du code de procédure pénale actuellement envisagée par le parlement iranien; fait part de sa préoccupation à l'égard notamment de l'impossibilité pour les détenus de disposer d'un avocat lors des interrogatoires, des graves allégations d'abus lors des détentions avant inculpation et des détentions préventives, et des procès de civils devant des tribunaux révolutionnaires; souligne que l'absence d'ingérences politiques et la garantie d'un procès équitable sont à la base d'un code de procédure pénale moderne et essentiels pour la question des droits de l'homme;
21. demande à l'Iran de coopérer avec les organismes internationaux de défense des droits de l'homme et ses propres ONG en respectant les recommandations des Nations unies et de l'examen périodique universel et en autorisant les organisations internationales de défense des droits de l'homme à mener leurs missions;
22. est d'avis que les droits de la femme devraient obligatoirement rester un sujet d'attention particulière dans tous les dialogues entre l'Union et l'Iran; considère que, en dépit des progrès déjà accomplis, la situation des femmes en Iran reste entachée par des discriminations inacceptables, notamment en matière juridique et en ce qui concerne le droit de la famille et la participation des femmes à la vie économique et politique »
Le Comité de protection des journalistes (CPJ) a publié ce mois-ci un rapport très détaillé sur la « vulnérabilité » de la presse au Kurdistan d’Irak, dès lors que ses journalistes abordent des sujets « sensibles » tels que la religion, les inégalités sociales et la corruption, surtout s’ils les mettent en lien avec des responsables politiques.
Est évoqué ainsi le meurtre de Kawa Garmiyani, rédacteur en chef du journal Rayel, dont les articles sur la corruption visaient plus particulièrement des membres de l’UPK. Menacé de mort en juillet 2012 par Mahmoud Shangawi, un général d’armée membre de ce parti, il a été assassiné dix-huit mois plus tard, à Suleïmanieh, le 5 décembre 2013. Âgé de 32 ans, il laisse une veuve qui a accouché d’un fils posthume 17 jours après le meurtre. Arrêté en janvier 2014, Mahmoud Shangawi a clamé son innocence et a été relâché faute de preuves. Un autre membre de l’UPK a été ensuite arrêté et plaide coupable, mais la famille de la victime doute qu’il ait pu être le « cerveau » du meurtre, Des journalistes et des militants des droits de l’homme ont organisé des manifestations dès le 20 décembre, en accusant ouvertement l’UPK de couvrir le meurtrier.
Le rapport du CPJ, se fondant sur les témoignages du Groupe Metro Center, une ONG de défense des journalistes basée à Suleïmanieh, rappelle que ces dernières années, près de 700 agressions dirigées contre des journalistes ont été enregistrées, sous forme de menaces, de harcèlement, de coups, de détentions, d’intimidation et d’incendies criminels. La plupart de ces faits sont restés impunis. Le nombre de ces agressions a connu un pic au début de 2011, lors des manifestations meurtrières à Suleïmanieh, contre la corruption et les abus de pouvoir des responsables locaux. Au cours de 2011, Metro Center a constaté 359 attaques contre des journalistes et des media, un nombre inégalé jusqu’ici. Ce chiffre a baissé en 2012 (132) et 2013 (193). La campagne électorale et les tensions nées des compétitions entre les partis a rehaussé cependant les agressions.
Selon le gouvernement kurde, cette baisse des attaques est à mettre en parallèle avec une implantation plus profonde des valeurs démocratiques dans la société et une augmentation de la tolérance. Le ministre adjoint de l’Intérieur a ainsi expliqué au CPJ que son ministère avait invité des experts occidentaux dans le domaine des media à venir former des officiers de sécurité sur la façon de se comporter avec les journalistes et que la diversité des publications dans la Région kurde témoigne de sa volonté d’encourager la liberté de la presse.
Le CPJ reconnaît que des centaines de publications paraissent sur papier ou sur Internet, en plus des autres media. Mais les quotidiens sont dominés par les partis au pouvoir et publient souvent des entretiens avec des dirigeants, retranscrits tels quels avec des portraits photographiques flatteurs. Les journaux indépendants ne sont que des hebdomadaires ou des bi-hebdomadaires. Le journalisme télévisé dépendait aussi des grands partis, jusqu’à ce que ce monopole prenne fin en 2011, avec Nalia, la première chaîne de radio télévision privée.
Les réseaux Internet sont par contre très actifs, avec de nombreux Websites et une grande vitalité des réseaux sociaux, comme Facebook ou Twitter, en raison de connexions Internet rapides et de qualité, et pourtant bon marché. La diffusion de l’information sur Internet est donc largement suivie par le public et les débats et les contestations qui ne trouvent pas leur place dans les media traditionnels se déroulent sur le Web. « Les journaux ne pourraient jamais jouer le rôle tenu par les réseaux sociaux », explique Hemin Lihony, rédacteur en chef de Rudaw (à la fois journal en ligne, sur papier et depuis peu télévisé), qui indique que 85% de l’audience de son journal vient via Facebook ou Twitter. « C’est en train de changer l’attitude des partis politiques à tout point de vue. Maintenant, avant de faire une déclaration, les politiciens devraient penser aux réactions que cela va engendrer dans les media sociaux. » S’il n’est pas impossible d’enquêter sur la corruption ou d’autres sujets sensibles, beaucoup de journalistes disent pratiquer une forme d’auto-censure, surtout lorsque leurs enquêtes visent des officiels, et ne s’expriment qu’en termes généraux, en désignant, par exemple, un organisme gouvernemental comme miné par la corruption, mais sans pouvoir mettre en cause directement son responsable, ce qui fait que les articles manquent souvent d’efficacité et restent dans le vague.
Pour avoir manqué à ces mesures de prudence, et ce dans une des régions les plus tribales et rurales du Kurdistan, le Germiyan, Kawa Garmiyani n’avait pas hésité, dans son journal, Rayel, à mettre en cause nommément des responsables locaux, ce qui est qualifié de « ligne rouge » par Dana Assad, rédacteur du journal Awene, auquel Kawa Garmiyani collaborait aussi. L’article de loi 35/2007 interdit la détention, le harcèlement de journalistes et la fermeture de journaux ce qui en fait une juridiction extrêmement progressiste au vue des normes générales du Moyen-Orient concernant la liberté de la presse. Mais les restrictions apportées à cette liberté dans la constitution ont une nature vague dont l’imprécision donne une grande marge de manœuvre pour s’attaquer à une publication : « incitation à la haine », « insulte et offense aux croyances religieuses », « divulgation de la vie privée ». Beaucoup de journalistes ont été ainsi détenus (en violation de la loi) pour « espionnage » ou « déviation des normes sociales ». Ils sont souvent soumis à des amendes.
En 2013, le Parlement kurde a voté une autre loi pour garantir l’accès du public à l’information, mais les journalistes estiment que le problème majeur n’est pas le contenu des lois mais leur respect, car selon eux, les tribunaux ne sont pas indépendants du pouvoir. Le CPJ recommande entre autre au GRK d’enquêter et de résoudre les meurtres, non seulement de Kawa Garmiyani, mais aussi de Serdesht Osman, autre journaliste, basé à Erbil, et assassiné en 2010 ; de fournir une formation et de l'éducation au personnel judiciaires et des forces de l’ordre afin qu’aucun journaliste ne soit détenu illégalement, pour ses activités professionnelles ; d’amender les lois sur la presse de façon à ce que leur contenu soit plus précis et moins sujet à une interprétation abusive ou arbitraire.
Le CPJ recommande aussi aux partis politiques d’encourager les débats ouverts et les critiques et de ne pas encourager les violences à l’égard de la presse, et à l’UNESCO, d’œuvrer pour l’application du Plan d'action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l'impunité, avec le Gouvernement régional du Kurdistan, afin de développer et à améliorer la législation et les mécanismes de protection des journalistes et de garantir la liberté d'expression et d'information.
Le dernier film de Hiner Saleem, « My Sweet Pepperland », qui avait fait partie de la sélection officielle au Festival de Cannes 2013 dans la section « Un Certain Regard » est sorti sur les écrans le 9 avril : « Au carrefour de l’Iran, l’Irak et la Turquie, dans un village perdu, lieu de tous les trafics, Baran, officier de police fraîchement débarqué, va tenter de faire respecter la loi. Cet ancien combattant de l’indépendance kurde doit désormais lutter contre Aziz Aga, caïd local. Il fait la rencontre de Govend, l’institutrice du village, jeune femme aussi belle qu’insoumise… »
« My Sweet Pepperland » est un « hommage direct au Western » d’après son metteur en scène « Je crois que le Kurdistan d’aujourd’hui ressemble à l’Amérique de l’époque du western : on y découvrait le pétrole, on y construisait des routes, des écoles et des infrastructures, et on tentait d’y faire appliquer la loi. »
Si les quatre personnages principaux sont joués par des acteurs professionnels, dont Golshifteh Farahani et Kokmaz Arslan, d’autres rôles sont tenus par des habitants du Kurdistan d’Irak, où le tournage a eu lieu.
Les critiques ont été très élogieuses. Pour Hubert Lizé, du Parisien, « ce film d'action âpre, dont l'humour adoucit les situations les plus dramatiques, possède le souffle des meilleurs westerns spaghettis. Et des héros charismatiques auxquels on s'attache dès les premiers plans, comme à de lonesome cow-boys magnifiques. »
Pour le journal La Croix, « Un réel plaisir de spectateur ponctue chacune des retrouvailles avec Hiner Saleem qui, de film en film, transforme douleur de l’exil et absurdités humaines en aventures graves aux échappées burlesques. »
Dans le Nouvel Obs, Arnaud Schwartz estime que « Hiner Saleem retrouve la veine creusée avec « Vodka Lemon » et « Kilomètre zéro ». Il rompt avec la rigueur qui présidait à la conception de ses films français, « les Toits de Paris » et « Si tu meurs, je te tue », l'un et l'autre très réussis, mais deux échecs commerciaux. Aussi bien se laisse-t-il aller à cette autre pente qui lui est naturelle et le conduit vers une fantaisie colorée d'absurde, comme cette scène d'exécution par pendaison rendue impossible par la faute d'une déficience matérielle. « My Sweet Pepper Land » est un western kurde qui, dans des paysages magnifiques, fait la part belle aux clins d' oeil (à Sergio Leone, notamment) et aux beaux yeux de Golshifteh Farahani. »
Pour le journal Libération, « My Sweet Pepperland s’amuse de toutes les conventions, de tous les clichés, les contournant et se les appropriant, revisitant l’éternel mythe de la naissance d’une nation au cœur d’un territoire secret, ignoré ou presque par le cinéma. »
Enfin, pour Télérama, « la griffe tragi-comique du cinéaste a le don de gratter là où ça fait mal : sous la stylisation perce la détresse d'une jeunesse asphyxiée par la famille et la société. Et puis, il y a... l'actrice iranienne Golshifteh Farahani, bannie par les mollahs, vibrante dans ce rôle d'insoumise. Son regard brûlant, sa chevelure de nuit en font une beauté de roman. Quand sa silhouette se détache sur les montagnes au crépuscule, que s'élève le doux son du hang — un instrument envoûtant, mais curieusement inventé par des hippies suisses ! —, on se dit que la grâce existe. Dans le Kurdistan rêvé de Hiner Saleem, en tout cas. »