Les résultats officiels des élections parlementaires irakiennes publiés le 25 mai, par la Haute Commission Électorale se présentent comme suit :
•État de droit (du Premier Ministre Maliki) obtient 92 sièges (+ 2 par rapport à 2010)
•Le mouvement sadriste obtient 34 sièges ;
•Le conseil suprême islamique (chiite religieux) obtient 31 sièges ;
•La Coalition de la réforme d’Usama Al Nujayfi obtient 28 sièges (+ 14) ;
•Le Parti démocratique du Kurdistan (Barzani) obtient 25 sièges (- 4) ;
•La Coalition arabe d’Ayyad Allawi obtient 21 sièges ;
•L’Union patriotique du Kurdistan (Talabani) obtient 21 sièges (+ 7) ;
•Goran (Mouvement pour le changement) de Nawshirwan Mustafa obtient 9 sièges (+ 1) ;
•Le Mouvement national de la réforme d’al Jaffari obtient 6 sièges ;
•Le Parti islamique de la vertu (une branche sadriste) obtient 5 sièges ;
•La liste « Diyala est notre identité » obtient 5 sièges ;
•Yekgirtu, l’Union islamique du Kurdistan obtient 4 sièges ;
•L’Alliance démocratique civile obtient 3 sièges ;
•Komal, le Groupe islamique du Kurdistan obtient 3 sièges (+ 1)
•Autres partis : 23 sièges ;
•Minorités : 8 sièges.
État de droit, la liste de Maliki, arrive donc en tête dans 10 provinces sur 18, tandis que les résultats des partis sunnites se sont avérés décevants pour leurs dirigeants, probablement en raison de la fragmentation de leurs formations politiques, et de la concurrence de plusieurs leaders, comme Al-Nujayfi et Al-Mutlaq. Cela peut montrer aussi un désenchantement sunnite envers des élections qu’ils ont jugé soit perdues d’avance, soit inutiles.
Les résultats pour la Région du Kurdistan et les provinces où vit une importante population kurde sont les suivants :
Erbil :
Parti démocratique du Kurdistan (Barzani) : 7 sièges
Union patriotique du Kurdistan (Talabani) : 4 sièges
Goran (Mouvement pour le changement, Nawshirwan Mustafa) : 2 sièges
Komal (Groupe islamique, Hassan Ali) : 2 sièges
Total : 15 sièges
Suleimanieh :
Goran (Mouvement pour le changement): 7 sièges
Union patriotique du Kurdistan : 6 sièges
Parti démocratique du Kurdistan : 2 sièges
Komal (Groupe islamique : 2 sièges
Yekgirtu (Union islamique du Kurdistan, Ahmad Aziz) : 2 sièges
Total : 14 sièges
Duhok :
Parti démocratique du Kurdistan : 8 sièges
Yekgirtu (Union islamique du Kurdistan) : 2 sièges
Union patriotique du Kurdistan : 1 siège
Total : 11 sièges
Kirkouk:
Union patriotique du Kurdistan : 6 sièges
Front turkmène (Baha Al Din Sahaay) : 2 sièges
Parti démocratique du Kurdistan : 2 sièges
Al-Arabiyyah (Al Mutlaq) : 1 siège
Coalition arabe - Kirkouk (Assi Ali): 1 siège
Total : 12 sièges
Ninive :
Coalition de la réforme (Al Nujayfi) : 12 sièges
Alliance du Kurdistan-Ninive (Barzani) : 6 sièges
Coalition nationale (Allawi) : 4 sièges
Alliance nationale - Ninive (Al-Hakim) : 3 sièges
Coalition Al-Arabiya (Al-Mutlaq) : 3 sièges
Union patriotique du Kurdistan (Talabani) : 2 sièges
Coalition Irak (Al Chamri) : 1 siège
Mouvement yézidi de la réforme et du progrès (siège réservé, Jijo Brim) : 1 siège
Conseil shabak (siège réservé, Mohammad Ahmad) : 1 siège
Total : 31 sièges
Si l’on additionne tous les sièges des partis kurdes, on aboutit à un total de 62 députés, soit cinq sièges de plus que dans la précédente législative. À ce total, il conviendrait d’ajouter les 4 sièges des minorités religieuses du Kurdistan, traditionnellement alliées à l’Alliance du Kurdistan, faisant de celle-ci le deuxième bloc parlementaire à Bagdad après le parti État de droit de Maliki.
Il faut noter la progression de l’UPK et de Goran et la baisse du PDK, qui espérait au moins 28 sièges, de l’aveu même d’un de ses responsables, Khosro Goran, qui a exprimé, sur le site Internet du PDK, la déconvenue du parti, qui comptait aussi « remporter plus de sièges à Erbil et à Ninive » ainsi qu’au moins un siège dans la province de Diyala.
Forte de ce score global, la présidence du Gouvernement régional du Kurdistan affirme, dans un communiqué publié sur son site, que les Kurdes irakiens ont « droit » à la présidence de l’Irak fédéral (ceci dans l’expectative de la prochaine « démission » de Jalal Talabani, que la maladie a empêché d’exercer ses fonctions depuis 2012).
Depuis l’adoption par référendum de la constitution irakienne, en 2005, les fonctions de la présidence ont été assumées par Jalal Talabani, alors que les postes de Premier Ministre passaient successivement des mains d’Iyyad Allawi, Ibrahim Al Jaffari et de Nouri Maliki qui prétend à présent à exercer un troisième mandat.
Si le cabinet irakien est, du fait de leur supériorité numérique, dominé par les chiites, la présidence du Parlement irakien est, depuis 2010, dévolue à un sunnite arabe, Usama Al Nujayfi, ce qui, depuis la fuite et la condamnation à mort par contumace du vice-président sunnite Tarik Hashimi, compense le déséquilibre dans la répartition des postes entre entités ethniques ou religieuses.
Un Kurde à la présidence, en plus de jouer un rôle plus neutre au milieu des partis sunnites et chiites, aurait aussi l’avantage, pour ceux qui craignent une scission du Gouvernement régional du Kurdistan et de l'Irak fédéral, de maintenir une présence et une implication kurdes au sein du gouvernement central, alors que si aucun poste de dirigeant n’est accordé aux Kurdes, cela ne ferait qu’accentuer ou entériner la prise de distance, politique et administrative, de la Région du Kurdistan, surtout depuis que Nouri Maliki a cessé de payer les salaires des fonctionnaires kurdes, ce qui encourage fortement Massoud Barzani à parler ouvertement d’indépendance.
Mais si la présidence du GRK réclame, dans son communiqué, la présidence de l’Irak comme « un droit du peuple du Kurdistan », rien, dans la constitution irakienne, ne fonde cette attribution automatique, qui résulte d’un arrangement consensuel entre factions politiques après la chute de Saddam, les mouvements arabes rivaux s’étant satisfaits, jusqu’ici, de donner ce poste à un Kurde dont le rôle était d’arbitrer leurs conflits.
De plus, la Région du Kurdistan réclame que tout président irakien – qui est élu par le Parlement de Bagdad – soit approuvé par le Parlement kurde d’Erbil, ce qui a déclenché la fureur d’autres mouvements politiques irakiens.
Mais au-delà des réactions épidermiques que provoque toute avancée des Kurdes vers un statut non plus fédéral, mais confédéral, le remplacement de Jalal Talabani par un autre Kurde est loin de rencontrer une grande opposition dans les milieux politiques arabes, bien au contraire. L’absence du président Talabani de la scène irakienne a coïncidé avec une aggravation des conflits entre Kurdes et Arabes, mais aussi avec une détérioration du climat politique et par conséquent sécuritaire de tout l'Irak, alimenté en partie par la mésentente entre sunnites et chiites. Aussi, depuis la mise en retrait de l’actuel président d'Irak, d’autres noms kurdes sont régulièrement mis en avant, issus du PDK ou de l’UPK.
Ainsi, le Parti démocratique du Kurdistan, par la bouche d’un des membres de son bureau politique, Roj Nuri Shaways qui est aussi vice-premier ministre irakien, avait déclaré sur la radio kurde Nawa, que « de nombreuses lignes politiques et partis » (sans cependant les nommer) avaient demandé à l’actuel président de la Région kurde de succéder à Talabani, mais que Massoud Barzani n’accepterait cette fonction que sous certaines conditions (principalement celles portant sur un accroissement des pouvoirs présidentiels).
Finalement, le PDK a préféré mettre en avant la candidature de Hoshyar Zebari, l’actuel ministre des affaires étrangères irakiens, qui serait un choix plus consensuel que Massoud Barzani, en tout cas du point de vue irakien.
C’est, en tout cas, l’avis de Mahmoud Othman, vétéran de la politique kurde et député au Parlement de Bagdad dans l’Alliance du Kurdistan qui a annoncé, le 12 mai, sur la radio Iraqi FM, la possible candidature de Zebari, approuvée par le PDK, mais qu’il restait à obtenir, pour cela, l’accord de l’UPK qui a ses propres candidats à mettre en avant et rétorque que le PDK ayant déjà en main la présidence du Kurdistan, il ne peut prétendre à assurer en parallèle celle de l’Irak comme l’a expliqué au quotidien Al-Musama Adel Murad, membre du Conseil central de l’UPK.
Le gouverneur de Kirkouk, Najmaldin Karim, un membre de l'UPK très proche de Jalal Talabani puisque c'est un de ses médecins, est ainsi vu comme un candidat possible issu de l'UPK, d'autant que c'est le député kurde qui a obtenu la victoire la plus massive aux législatives, et ce dans une province où les conflits entre Kurdes, arabes sunnites et Turkmènes sont incessants.
Mais si la constitution irakienne prévoit que le président doit être élu par le parlement afin, ensuite, de désigner un Premier Ministre, dans les faits, la victoire des urnes prépare avant tout l'avènement du futur chef du gouvernement : Nouri Maliki, de façon prévisible, est vainqueur relatif de ces législatives mais doit former des alliances pour un gouvernement de coalition. Or, il a réussi à s'aliéner tant de factions irakiennes, en plus des Kurdes, que beaucoup prédisent qu'un troisième mandat pourrait entraîner l'éclatement du pays. Ne pouvant rien faire avec le veto des Kurdes et d’une bonne partie des sunnites, il doit chercher à se concilier les uns et les autres, ce qui va à contre-pied de la politique de rétorsion pratiquée contre Erbil ces derniers mois, et des sanglantes représailles à Anbar, province sunnite au bord de la révolte.
Les Kurdes, jusqu’ici, ont passé pour les « faiseurs de rois » de la politique irakienne. Aujourd’hui, Massoud Barzani laisse entendre qu’ils pourraient bien ne pas participer au prochain gouvernement, et ce divorce déjà administratif pourrait devenir plus que politique, mais institutionnel: « Toutes les options sont sur la table. Le temps est venu des décisions finales. Nous n’allons pas attendre une autre décennie et vivre à nouveau la même expérience. Si nous boycottons le processus, nous boycottons tout [le parlement et le gouvernement]. » (source Reuters, 13 mai).
Le 13 mai 2014, le ministre turc de l’Énergie, Taner Yıldiz, annonçait, dans une conférence régionale sur l’énergie, donnée à Istanbul, que le pétrole acheminé et stocké dans le port de Ceyhan était prêt à la vente :
« Nos réservoirs de stockage à Ceyhan pour le pétrole du nord de l’Irak sont pleins. Il n’y a aucun obstacle à la vente. Ce pétrole appartient aux Irakiens et ce sont eux qui le vendront. »
Taner Yıldiz a aussi assuré que des « responsables officiels de Bagdad, d’Erbil et de Turquie supervisaient les ventes » et que l’argent serait déposé dans la banque d'État turque Halk-Bank. Il a donné le chiffre de 2, 5 millions de barils stockés, soit la pleine capacité des réservoirs, et indiqué que le pétrole serait probablement vendu en Italie et en Allemagne.
Peu de temps auparavant, le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) avait déjà annoncé que son pétrole serait vendu courant mai, et Massoud Barzani, le président kurde, avait qualifié cette décision de « décision politique » en la présentant ouvertement comme une riposte à la « punition » budgétaire du gouvernement central qui, depuis le début de l’année, prive les fonctionnaires de la Région kurde de leur traitement :
« Nous allons continuer de produire du pétrole, de l’extraire et de le vendre. S’ils (Bagdad) persistent dans l’escalade, nous le ferons aussi de notre côté. »
Le 23 mai, le GRK annonçait officiellement que la première cargaison de pétrole kurde (1 million de barils) avait quitté Ceyhan pour voguer vers les marchés européens, et que ce n’était que la première vente, qui allait être suivie de nombreuses autres, afin d’écouler le pétrole du Kurdistan, via son nouvel oléoduc.
Les revenus de ces ventes sont considérés par le GRK comme faisant partie de la part du budget irakien qui leur est alloué constitutionnellement mais les gouvernement kurde a ajouté qu’il restait « ouvert à toute négociation » avec Bagdad, et qu’il s’acquitterait même, envers les Nations Unies, du versement de 5% en réparation de ce que doit l’Irak après l’invasion du Koweït ; ce prélèvement serait ainsi déposé dans un compte à part.
Du côté irakien, la liste parlementaire État de droit de Nouri Maliki, s’est « étonnée » publiquement de l'absence de réactions, non pas de la communauté internationale, mais des autres partis irakiens, comme l'exprime un membre de cette coalition, Qasim Al-Araji :
« Il est surprenant que les blocs et les partis politiques qui rejettent un troisième mandat de Nouri Maliki n’aient eu aucune prise de position sur le fait que le Kurdistan a commencé d’exporter et de vendre son pétrole, sans l’assentiment du gouvernement fédéral… cette exportation est pourtant contraire aux positions des partis religieux chiites [vigoureux opposants à Maliki] quand ils affirment que le pétrole appartient au peuple irakien. »
Le gouvernement irakien n’a pas tardé, lui, à réagir, en annonçant que des poursuites judiciaires allaient être lancées contre la Turquie et BOTAŞ, la compagnie nationale qui gère l’oléoduc qui a convoyé le pétrole kurde, en évaluant le préjudice qui lui aurait été fait à plus de 250 millions de dollars.
Commentant la « demande d’arbitrage international » déposée par le ministère du Pétrole irakien contre la Turquie, le Gouvernement régional du Kurdistan a dénoncé, dans un communiqué officiel, un « comportement incompatible avec les pratiques établies et acceptées », qui « menacent la capacité d’exportation de pétrole de l’Irak et sa position diplomatique dans le monde » , ainsi que ses relations avec les marchés mondiaux. Le ministère irakien est aussi accusé d’agir en violation de la constitution de 2005 et des lois internationales car, le rappelle la Région du Kurdistan, l’article 110 ne donne aucun pouvoir à ce ministère en ce qui concerne l’exploration, la production et l’exportation des hydrocarbures kurdes, pouvoirs et autorités que confèrent au GRK, par contre, les articles 112 et 115 de cette même constitution.
Le GRK rappelle en effet que selon la constitution, le gouvernement fédéral a droit au partage de ses revenus pétroliers quand ils proviennent de gisements exploités avant 2005 et que les exportations ne concernent que les puits plus récents ; la Région a ainsi le droit de recevoir directement des revenus de la vente de ses hydrocarbures, et rappelle avoir, jusqu’ici, volontairement, appliqué le même système du partage sur tous ses gisements, d'avant ou d'après 2005.
Enfin, le gouvernement kurde vise plus directement le ministère du Pétrole irakien (et derrière le ministre, le vice-premier ministre en charge des questions de l’Énergie, Hussein Sharistani, l’adversaire le plus obstiné à contrer les projets d’indépendance énergétique des Kurdes). Erbil accuse en effet le ministère d’avoir présenter les faits de façon biaisée, et même fausse, au gouvernement fédéral, sur l’étendue et la nature des exportations, omettant notamment de rapporter que la plus grande partie des revenus pétroliers kurdes était perçue directement par SOMO, l'agence étatique chargée de la commercialisation du pétrole irakien, rattachée pourtant à ce même ministère, et que les bénéfices en avaient été jusqu’ici versés à l’État irakien.
Le gouvernement du Kurdistan réaffirme ainsi sa volonté de jouir de ses droits constitutionnels concernant la perception directe des bénéfices pétroliers et Muayad Tayeb, le porte-parole du groupe parlementaire de l’Alliance kurde à Bagdad, a indiqué, le 26 mai, que l’argent du pétrole exporté servirait à payer les fonctionnaires de la Région kurde, en place de Bagdad, moins les 5% revenant au fond de dédommagement du Koweït. Il a aussi critiqué la prise de position de Washington : la Secrétaire d’État, Jen Psaki, a en effet déclaré que les USA ne soutenaient pas ces exportations faites sans l’accord du gouvernement central, alors que les mêmes États-Unis n'ont pas eu un mot pour critiquer l’attitude irakienne sur le partage des revenus et le gel des traitements des fonctionnaires kurdes.
La position du gouvernement kurde est, pour résumer, un retour aux véritables dispositions de la constitution qui alloue 17% du budget total de l’Irak au Kurdistan et si le gouvernement fédéral continue de bloquer les salaires, le GRK prélèvera ce qu’il faut sur l’argent de son pétrole pour assurer le traitement de ses fonctionnaires.
Quant aux menaces de poursuites judiciaires à un niveau international, dont Hussein Sharistani a menacé la Région kurde tout comme la Turquie, le porte-parole du gouvernement d’Erbil, Safeen Diyazee, a fait remarquer, peut-être ironiquement, que comme le Kurdistan faisait (encore) partie de l’Irak, ce dernier ne pouvait engager de poursuites auprès des tribunaux internationaux contre une de ses propres régions et qu’il ne s'agissait donc que d’une affaire interne au pays.
Le 22 mai, le président de la Région du Kurdistan, Massoud Barzani, entamait une tournée diplomatique européenne, en commençant par Paris, et devant ensuite se rendre en Italie, afin de discuter, officiellement, des relations bilatérales du Kurdistan avec ces États, en général, et plus particulièrement pour aborder la question de la crise entre les Kurdes et Bagdad et venir faire entendre de vive voix le point de vue du GRK dans ce conflit..
Coïncidence du calendrier, ces visites de Massoud Barzani ont débuté en même temps que l’annonce par la Turquie de la mise en vente, sur les marchés internationaux, du pétrole kurde , au grand dam de l’Irak qui a menacé aussitôt Ankara de poursuites judiciaires.
Le 23 mai, Massoud Barzani était reçu à l’Élysée par François Hollande. Sa dernière et première visite en France en tant que président de la Région kurde remontait à juin 2010, et il y avait alors rencontré Nicolas Sarkozy. Le président Hollande lui a, selon le communiqué officiel de l’Élysée, « fait part des préoccupations de la France concernant la dégradation sécuritaire en Irak. Il a également souhaité que le processus électoral en cours puisse s’achever en toute transparence et dans le respect des échéances constitutionnelles.
Le Chef de l’Etat a en outre exprimé son soutien à la constitution d'un gouvernement de réconciliation en Irak, dans un esprit d’unité permettant à toutes les communautés d’être justement représentées et de répondre aux défis qu’affronte le pays.
Il a enfin souligné la volonté de la France de renforcer ses liens avec la région du Kurdistan, dans le cadre des institutions fédérales irakiennes. »
Du côté kurde, le directeur du département des Affaires étrangères, Falah Mustafa, a rapporté au journal Rudaw que la France avait promis son « soutien » à la Région, notamment lors de la « prochaine étape » des Kurdes, mais sans préciser la nature précise de cette étape, alors que, dans le climat politique actuel, la riposte des Kurdes peut aller d’un statut de confédération, à un référendum permettant une future indépendance, si Nouri Maliki persistait à vouloir prendre la tête d’un troisième cabinet..
Falah Mustafa a aussi rapporté que le président Barzani avait clairement affirmé au président François Hollande ainsi qu’à de hauts responsables français, que les Kurdes avaient « d’autres options » au cas où Bagdad ne parviendrait pas à changer de politique envers la Région du Kurdistan :
« Il a été souligné que la Région du Kurdistan avait fait de son mieux, mais qu’il n’était pas possible de continuer dans cette voie et, pour l’avenir, nous disposons de plusieurs solutions concrètes. »
Fuad Hussein, le chef du cabinet présidentiel a cependant précisé que la question de l’indépendance n’avait pas été abordée au cours de la rencontre, mais que François Hollande avait dit à Massoud Barzani que « quelle que soit la décision que vous prendrez, il devrait y avoir un échange de vues entre nous ».
Massoud Barzani s’est ensuite envolé pour Rome, et y a d’abord rencontré , le 30 mai, le pape François pour la première fois. En 2009 et 2011 il avait déjà rendu visite à son prédécesseur, Benoît XVI.
Cette fois, l’entretien devait porter plus sur la situation sécuritaire et sur l’accueil des quelques 30 000 chrétiens d’Irak venus se réfugier au Kurdistan.
Interviewé par Radio-Vatican au sujet de cette visite et de ce que représente le Kurdistan d’Irak pour des milliers de chrétiens menacés, monseigneur Rabban Al-Qas, évêque de Zakho-Amadiya, a jugé que cette rencontre était une « aide »pour ces chrétiens du Kurdistan. Il a souligné « l’exception » qu’était le Kurdistan,, par comparaison avec le reste de l’Irak, où il n’y a pas de « paix stable » mais où, au contraire, les factions politiques s’entre-déchirent, où ne règne aucune entente ni collaboration, par exemple entre le Premier Ministre et les leaders des autres partis :
« Il n’y a pas de gouvernement […] rien n’a été fait contre la pauvreté, au contraire, les gens se sont beaucoup appauvris et vivent dans la peur ; ce peuple a souffert et il continue à souffrir » a ajouté Mgr Rabban, qui a notamment stigmatisé la corruption des élites politiques irakiennes.
« Si vous comparez cela avec ce qui se passe au Kurdistan, où il y a un grand respect » entre les communautés, […] la Région kurde est une exception. Je ne peux pas dire que c’est un paradis mais il y a, là où nous vivons, une liberté, quelque chose de palpable, des compagnies étrangères, beaucoup de commerces… celui qui le veut peut étudier, devenir universitaire, celui qui veut travailler ici a sa chance. »
Massoud Barzani a ensuite rencontré la ministre italienne des Affaires étrangères, Federica Mogherini, pour discuter, là encore, des relations bilatérales, de la situation en Irak et en Syrie et de la question des réfugiés chrétiens au Kurdistan.
Lors de ces deux rencontres, la communauté kurde a été sensible au fait que le Vatican comme le gouvernement italien avaient accueilli Massoud Barzani avec le drapeau kurde déployés aux côtés du drapeau irakien, ce que Fuad Hussein a estimé être un « message pour le peuple du Kurdistan, que le monde extérieur comprenait le statut de la Région du Kurdistan. C’est la reconnaissance de l’identité du peuple du Kurdistan, de son identité légale. »(Rudaw).
La ministre Federica Mogherini a indiqué que l’Italie avait 400 projets d’investissements dans la Région du Kurdistan et se montrait désireuse de renforcer ces liens dans le futur :
« Nos relations économiques et commerciales sont très bonnes. Nous cherchons à les améliorer et à les accroître à l’avenir. »
De l’avis de Falah Mustafa, il y a, au niveau international, un intérêt accru pour la Région du Kurdistan et l’attitude des chancelleries envers les Kurdes a changé à cet égard :
« Ce que nous sentons, d’une point de vue personnel et professionnel, est que ces voyages, ceux du président comme ceux du Premier Ministre sont différents des précédents. La lecture que fait la communauté internationale du Kurdistan est à présent différente, sa volonté de nous écouter davantage est différente. »
De son côté, Fuad Hussein a résumé les thèmes abordés dans cette série de rencontres, en révélant que la majeure partie des entretiens avait porté sur la situation actuelle en Irak, sur la formation de son prochain gouvernement et un possible pas en avant des Kurdes vers un référendum sur l’indépendance.
L’organisation jihadiste État islamique en Irak et au Levant (EIIL) a perpétré des raids contre trois villages autour de Serê Kaniyê (Ras al-‘Ayn) et a tué des dizaines de civils, dont des femmes et des enfants, selon l’agence de presse ANF, proche du PKK, qui indiquent que des corps d’au moins 15 personnes, dont 7 enfants, ont été découverts. Le village de Temad, près de Serê Kaniyê, a ainsi été attaqué à la voiture piégée par EIIL, ce qui a causé plusieurs victimes.
De source YPG (les forces armées du PYD), des troupes d’EIIL, qui avaient été repoussées par les Kurdes, se sont retirées en massacrant plusieurs civils dans au moins deux villages.
« En Syrie, les Youtubeurs filment et meurent tous les jours. Tandis que d’autres tuent et filment.
A Paris, je ne peux que filmer le ciel et monter ces images youtube, guidé par cet amour indéfectible de la Syrie.
De cette tension entre ma distance, mon pays et la révolution est née une rencontre.
Une jeune cinéaste Kurde de Homs m’a « Tchaté » : « Si ta caméra était ici à Homs que filmerais-tu ? »
Le film est l’histoire de ce partage. »
C’est ainsi que se présente un documentaire filmant en direct la guerre de Syrie a été très remarquée au festival de Cannes : « Simav », « Eau argentée » en kurde, porte le nom de son co-auteur, une Kurde de Syrie, Wiam Simav Bedirxan, 35 ans,qui enseigne à Homs et y a filmé la guerre avec les moyens du bord, en partenariat avec le réalisateur syrien Ossama Mohammed, 60 ans, exilé en France depuis 2011.
« Simav » mêle des documents qu’Ossama Mohammad a ramené de Syrie avec lui, des vidéos publiés sur Youtube, et les échanges, par chat et en vidéos, avec Wiam Simav qui raconte de Homs ou de Deraa le quotidien de la Syrie en guerre, filmé durant 3 ans au moyen d’une caméra DV ou d’un téléphone portable. Y sont inserrées aussi des scènes de violence, notamment de torture, perpétrées par les forces syriennes, filmées par les bourreaux eux-mêmes et postés sur les réseaux sociaux, ansi que les exactions des milices jihadistes.
Le 16 mai, jour de la projection, Simav Bedirxan avait rejoint sur la scène Ossama Muhammad qu’elle rencontrait pour la première fois. Ayant quitté la Syrie provisoirement, via la Turquie, c’est in-extremis que la cinéaste a pu gagner Nice en avion et assister à la projection de son film.
« Cette révolution s'est faite aussi par les images. Elle a été, de manière inédite, une guerre des images qui a mobilisé les deux camps. En tant que cinéaste, je devais en prendre acte. J'ai longtemps cherché, jusqu'au jour où j'ai reçu, à la Noël 2011, par Facebook, le premier courrier de cette jeune femme, Simav, dans lequel elle me disait qu'elle avait décidé de filmer pour ne pas mourir, en me demandant des conseils. Ce message a été pour moi un moment de vérité, j'ai compris que c'était une opportunité artistique qui nous était offerte et au fur et à mesure que nous échangions, chaque message pouvant aussi bien être le dernier, j'ai compris que le film, c'était nous deux, et à travers nous deux et les images de Simav, le peuple syrien tout entier. » (Le Monde).
Interviewée par Le Monde, Simav Bedirxan exprime son désir « de retourner au plus vite en Syrie », même si « en tant que femme, en tant que non voilée et en tant que Kurde » elle n’avait, avant la guerre, jamais senti avoir sa place en Syrie :
« Je suis partie à Alep acheter une caméra que j'ai fait entrer clandestinement à Homs, j'ai contacté Ossama, et je me suis mise à filmer sans pouvoir m'arrêter. Même en dormant, je tenais la caméra. Je crois que si j'ai survécu, c'est grâce à cette caméra : elle était comme un cœur qui battait, et Ossama à Paris était le cordon ombilical qui me reliait à la vie. »
Abbas Kamandi, chanteur, poète et peintre kurde de la ville de Sine (Sanandadj) est mort dans sa ville natale, le 22 mai, d’une insuffisance cardiaque à l’âge de 62 ans, alors qu’il se trouvait hospitalisé pour des problèmes rénaux.
Né dans une famille modeste, Abbas Kamandi n’avait jamais pu faire d’études supérieures, mais a commencé d’écrire à l’âge de 16 ans. Un peu moins de deux ans plus tard, il avait remporté son premier prix littéraire en 1970, dans un concours organisé par Radio-Sine. C’est là qu’il avait fait la connaissance de Hassan Kamkar, le père des fameux Kamkaran, qui fut son maître en musique folklorique.
Il avait ensuite travaillé pendant plus de trente ans dans cette même radio et est aussi l’auteur de plusieurs dramaturgies pour la radio et la télévision. Il dirigeait aussi la Maison de la culture et de la littérature de sa ville.
Aux débuts de la révolution islamique, alors que les arts de la scène et de la musique n;’avaient plus droit de cité en raison des interdits religieux, il se concentra davantage sur l’aspect anthropologique et ethnologiques des musiques populaires dont il était un expert approfondi. Pendant 18 ans, il a ainsi collecté des légendes, des proverbes, des croyances, devinettes et autres traditions orales.
Auteur de plus de 150 chansons, en ayant enregistré lui-même une soixantaine, ses œuvres étaient très populaires parmi les Kurdes d’Iran. Il laisse aussi une œuvre écrite de plusieurs recueils de poésie, quatre romans et une anthologie biographique des personnalités éminentes de Sine et Kermanshan.
Il a aussi exposé en tant que peintre en 2012 à Suleimanieh où ses chansons étaient aussi appréciées, notamment « Sabri giyan », qu’il avait enregistrée en duo avec la chanteuse Shaheen Talabani. Il s’est aussi produit avec le groupe kurde Kamkaran.
Son souci était de perpétrer l’art du chant kurde, dans ce qu’il a de distinctif, en le préservant des influences de la pop turque ou arabe : « Quelquefois, quand vous écoutez nos chanteurs, vous ne pouvez dire si leur musique est kurde, arabe ou turque jusqu’à ce qu’ils chantent les premiers mots ». (Rudaw).
Lorsqu’on lui demandait s’il avait été influencé par la musique persane, il répliquait : « Non. J'ai influencé la musique persane. »
Ses obsèques ont eut lieu le 26 mai, à Sine, des milliers d’habitants de Sine, des artistes, musiciens, écrivains ont accompagné sa dépouille, formant un cortège funéraire au rythme du daf, le tambour traditionnel kurde.