Après les élections présidentielles et législatives du 24 juin, qui ont vu Erdoğan réélu au premier tour, les députés nouvellement élus ont prêté serment le 7. Le parlement d’Ankara, «gonflé» à 600 sièges (contre 550 auparavant), comprend maintenant 295 députés AKP, 49 MHP (extrême-droite alliée de l’AKP), 146 CHP (kémalistes), 43 İyi («Bon parti», scission du MHP, refusant l’alliance avec Erdoğan), et 67 HDP (gauche progressiste, «pro-kurde»). Ainsi Erdoğan aura besoin du soutien du MHP pour gouverner, ce qui inquiète les Kurdes. Le 9, c’est Erdoğan qui a prêté serment dans son immense palais en une cérémonie «pied-de-nez» à l’Occident: parmi les 21 chefs d’État présents se trouvaient des dirigeants aussi appréciés des capitales occidentales que le président soudanais Omar el-Béchir, le président vénézuélien Nicolas Maduro, le Premier ministre russe Dimitri Medvedev ou encore le Hongrois Victor Orban… Cette cérémonie marque l’entrée en vigueur du système voulu par Erdoğan (et obtenu par des fraudes massives lors du référendum constitutionnel d’avril 2017): la Turquie est maintenant un pays sans Premier ministre, avec un Président à la fois chef de l'État, chef de l'exécutif, chef des armées et chef du parti au pouvoir, en poste au moins jusqu’en 2023…
La veille, Erdoğan avait clairement indiqué la continuité de sa ligne politique en limogeant par décret-loi 18.632 nouveaux fonctionnaires: 9.000 policiers et 6.000 militaires ont ainsi perdu emploi et droits à la retraite et à la sécurité sociale, 12 associations, 3 journaux et une chaîne de télévision ont été interdits (RFI).
Le 18 au soir, l’état d’urgence instauré après la tentative de coup d’État du 14 juillet 2016, déjà renouvelé 7 fois, a enfin été levé. Mais vu la teneur du projet de loi devant le remplacer, beaucoup se demandent si cette fin de l’état d’urgence n’est pas plutôt… la fin de l’État de droit. Akif Hamzacebi, vice-président du groupe parlementaire CHP, a déclaré: «Avec ce projet de loi, ils tentent de rendre l'état d'urgence permanent». C’est qu’un grand nombre des dispositions de l’état d’urgence sont maintenues: les gouverneurs de province peuvent comme bon leur semble restreindre la circulation dans certaines zones, interdire réunions et rassemblements, la police peut accéder aux relevés téléphoniques et bancaires des suspects ou personnes licenciées et de leurs conjoints… Seul progrès, contrairement à l'état d'urgence, on peut contester légalement son licenciement (mais on ne perçoit aucune indemnisation en cas de réintégration). «Dans le nouveau système, le président Erdoğan détient tout le pouvoir, il n'y a pas besoin de loi d'urgence…», a déclaré Pelin Ünker, correspondante économique de Cumhuriyet, elle-même menacée d’un procès pour avoir osé décrire la participation des fils de l'ancien Premier ministre Binali Yıldırım à des compagnies de navigation offshore, révélée dans les Paradise Papers. Berat Albayrak, gendre d'Erdoğan (et nouveau ministre des finances) a aussi lancé des poursuites contre les journalistes qui publient des reportages sur ses investissements offshore…
Une autre mesure du projet de loi semble avoir été pensée juste pour contrer Selahattin Demirtaş: l’ex-coprésident du HDP, incarcéré depuis novembre 2016, vient d’obtenir 10.000 livres turques de dommages et intérêts parce que ses demandes de mise en liberté n’ont pas été examinées dans le délai réglementaire de 30 jours. Ce délai passerait, comme par hasard, à 90 jours…
L’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW) a exprimé le 20 son inquiétude à propos de ce projet de loi qui autorisera aussi la présidence à renvoyer arbitrairement juges et autres fonctionnaires et la police à mettre les suspects en garde à vue pendant 12 jours sans inculpation…
Plusieurs rapports publiés ce mois-ci accusent la Turquie de violations des droits de l’homme. La section de Diyarbakir de l'Association turque des droits de l'homme (İHD) a détaillé dans son dernier rapport semestriel, publié le 27, les exactions commises par les forces de sécurité dans les provinces kurdes du pays, incluant détention illégale et torture perpétrée au cours d’opérations militaires. Selon ce rapport, 1154 prisonniers malades, dont 402 gravement, sont «pratiquement abandonnés à la mort», tandis que 700 enfants de moins de 7 ans sont incarcérés avec leur mère, et 44 autres en détention préventive. Le rapport relève également un usage massif de la violence contre les civils, avec une augmentation de la violence contre les femmes. Selon la plate-forme collective de défense des droits de l'homme IHOP, entre juillet 2016 et avril 2018, 134.144 personnes ont été licenciées et au moins 228.137 arrêtées (dont 845 ayant critiqué l’Opération Rameau d’Olivier sur Afrîn).
Arrestations et inculpations se sont poursuivies tout le mois. Le 5, Gulizar Tasdemir, expulsée de Norvège après le rejet de sa demande d'asile, a été arrêtée à son arrivée à Istanbul. Le 11, c’est le leader islamique Adnan Oktar, célèbre pour ses émissions télévisées et ses livres créationnistes, qui a été arrêté avec 166 de ses partisans en 120 raids simultanés. Soutien fervent d’Erdoğan, Oktar a exprimé sa «confusion et sa surprise», ajoutant qu’il aurait mieux valu arrêter des partisans du PKK… Le groupe, dont les avoirs ont été confisqués et confiés à des administrateurs, fait l’objet de 40 accusations différentes: violences sexuelles, chantage, enlèvement, constitution d’une organisation criminelle, espionnage militaire, blanchiment d’argent… Le 9 juillet, 30 personnes ont été arrêtées à Şırnak dans plusieurs raids, et 4 incarcérées dans la prison de haute sécurité de la ville pour «appartenance à une organisation terroriste». Parmi elles, le candidat HDP de Manisa aux élections, Veysi Durgut, et Ramazan Çağırga, père d’une petite fille de 10 ans, Cemile, tuée le 4 septembre 2015 par les forces de sécurité lors du siège de Cizre, et dont le refus des autorités de l’inhumer en raison du couvre-feu avait obligé la famille à conserver le corps dans un réfrigérateur durant des jours.
Le 16, le responsable du journal Cumhuriyet à Ankara, Erdem Gül, poursuivi pour les articles révélant la fourniture d’armes par le MIT (services secrets turcs) à des groupes djihadistes syriens, a finalement été acquitté. Le même jour, dans un raid sur le bureau du HDP à Istanbul, la police a arrêté 16 personnes pour «possession d’affiches illégales». Le 17, des enquêtes pour «propagande terroriste» ont été ouvertes contre deux députés HDP de Diyarbakir, Musa Farisoğulları et Remziye Tosun (députée de Sur) pour avoir assisté aux funérailles d’un combattant PKK tué au combat. Le 20, ce sont les députés HDP Feleknas Uca et Mehmet Rüştü Tiryaki qui ont fait l’objet d’une ouverture d’enquête à Batman pour leur présence aux funérailles d’un autre combattant tué le 8, et enfin le 30 la coprésidente du HDP, Pervin Buldan, pour leur avoir exprimé son soutien…
Le 18, un tribunal d’Ankara a de nouveau refusé la mise en liberté de Selahattin Demirtaş, alors qu’était annoncée l’ouverture d’une enquête contre Kemal Kılıçdaroğlu pour «insulte au président» à cause d’une caricature; vraie raison: le leader du CHP avait publiquement qualifié le régime Erdoğan de «dictature» et de «régime d’un seul homme».
Le lendemain, 6 personnes ont été incarcérées à Van suite à la mort d’un policier blessé le 14 lors d’un raid, et le même jour, l’homme d’affaires et membre du HDP Kamil Acar a été enlevé par des hommes armés masqués dans la province de Diyarbakır (SCF). Son véhicule a été retrouvé sur la route de Şanlıurfa à Diyarbakır à deux kilomètres d'un poste de police. Plusieurs conducteurs ont témoigné de points de contrôle illégaux tenus par des hommes masqués, mais la police a nié leur existence… Précédemment détenu dans le cadre de l’enquête sur le KCK (Union des communautés du Kurdistan), Acar avait été libéré sur parole.
Le 20, la police a arrêté à Ankara plusieurs des manifestants rassemblés pour commémorer l'attentat-suicide de Suruç en 2015 contre des jeunes volontaires pour aider à la reconstruction de Kobanê, dont de nombreux étudiants. Revendiqué par Daech, il avait fait 31 morts et 100 blessés.
Par ailleurs, plusieurs personnes se sont vues dénier leurs droits les plus élémentaires. Le 9, la femme politique kurde Esma Yılmaz, mère d’une petite fille d’un an et placée en détention préventive depuis décembre 2017, s’est vue refuser sa mise en liberté provisoire pour raison médicale, alors que son enfant, incarcérée avec elle, doit suivre 6 mois de traitement dans un hôpital, mais a encore besoin du lait maternel (SCF). Le 30, c’est une femme kurde de 76 ans, Sisê Bingöl, qui a dû rester en prison à Mersin malgré la détérioration quotidienne de son état de santé, constatée par l’hôpital de Muş. Diabétique, Bingöl souffre de troubles cardiaques, hépatiques et rénaux et d’hypertension, mais l’hôpital de Tarsus a publié un rapport scandaleux certifiant qu’elle peut rester détenue… (ANF)
Parallèlement, la ligne de répression culturelle contre les Kurdes se confirme. Le 26, la traduction turque du livre d’époque soviétique Histoire du Kurdistan (Kürdistan Tarihi), de Lazarev et Mihoyan, publiée en 2001 par Avesta, a fait l’objet d’une nouvelle interdiction accompagnée d’une amende à l’éditeur. Une dizaine d’ouvrages traitant des Kurdes ont ainsi été interdits récemment pour «propagande terroriste», dont un livre de prières yézidies! Le 31, la chaîne de télévision kurde pour enfants Zarok TV a été condamnée à une amende de 5% de son revenu annuel pour «propagande terroriste» après avoir diffusé deux chansons dont les paroles contenaient le terme «Kurdistan»… (WKI)
Les arrestations ont aussi touché de nombreux étrangers. Le 5, deux frères, citoyens britanniques d'origine irakienne, Ayman et Hariam Barzan, ont été interpellés à leur arrivée à l'aéroport de Dalaman, dans le sud-ouest du pays, puis placés en détention provisoire pour «propagande terroriste» en faveur du PKK, en raison de leurs publications sur les réseaux sociaux. Si Cristina Cattafesta, la militante italienne des droits de l’homme de 62 ans arrêtée en juin pour le même motif a finalement pu regagner l’Italie le 6 grâce à l'intervention personnelle du ministre italien des Affaires étrangères (ANSA, Italie), le 12, ce sont 3 Français, deux hommes et une femme, qui ont été interpellés à Şırnak sous l’accusation d’avoir servi de courriers au PKK. Déjà, la toulousaine d’origine kurde Ebru Firat avait été arrêtée en 2016 et purge une peine de 5 ans. Les 3 Français, arrêtés avec 13 autres personnes, ont finalement été relâchés en début de soirée. Le 25, c’est un Allemand qui a été placé en détention préventive dans le Hatay. Puis le 27, la Turquie a tenté d’enlever à Oulan-Bator, capitale de la Mongolie, un responsable d’établissements d’enseignement gülenistes, mais le petit avion de l’armée turque a dû décoller sans l’enseignant après la mobilisation de ses étudiants et des autorités mongoles, qui ont convoqué l’ambassadeur turc… (AFP)
Mais l’affaire la plus grave concernant la répression des étrangers en Turquie demeure celle du pasteur américain Andrew Brunson, accusé de terrorisme au profit à la fois du PKK et de Gülen! Elle pourrait littéralement faire imploser les relations turco-américaines. Le 18, le tribunal d’Izmir a décidé de placer Brunson en résidence surveillée, alors que l’administration Trump espérait sa libération. Basée de surcroit sur un témoignage anonyme, cette décision a provoqué la colère du Président américain. Des entretiens téléphoniques plutôt tendus le 29 entre le secrétaire d’État Mike Pompeo et le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Çavuşoğlu n’ont rien résolu. Selon le Washington Post, Trump avait négocié avec Erdoğan au dernier sommet de l'OTAN la libération de Brunson en échange de celle par Israël d’Ebru Ozkan, une ressortissante turque accusée d’avoir servi de courrier au Hamas. Israël a bien libéré Ozkan, mais la contrepartie turque n’est pas venue… Toujours le 29, le vice-président Mike Pence a adressé «un message au nom du président des États-Unis d’Amérique» au «président Erdoğan et au gouvernement turc» pour qu’ils prennent «des mesures immédiates pour libérer cet homme de foi innocent et le renvoyer chez lui en Amérique, faute de quoi les États-Unis imposeront des sanctions significatives à la Turquie». Donald Trump a ensuite tweeté dans le même sens. Le ton est monté quand le porte-parole d'Erdoğan, Ibrahim Kalın a qualifié d’«inacceptable» ce «langage menaçant», ajoutant: «Nous ne tolérerons jamais les menaces de quiconque».
Les opérations militaires turques contre le PKK se sont également poursuivies tant dans les provinces kurdes du pays qu’au Kurdistan d’Irak, où l’armée a installé 11 bases militaires. Les militaires turcs n’ont cessé de revendiquer la «neutralisation» de combattants du PKK, des bilans invérifiables de manière indépendante, mais propres à flatter les sentiments nationalistes des soutiens du pouvoir…
Le dimanche 1er juillet, l’armée a affirmé avoir «neutralisé» 8 combattants kurdes durant le week-end dans des frappes sur la région d'Avasin-Basyan, au Kurdistan, et Van et Sirnak en Turquie. La police de Soran a annoncé que la veille, une femme de 19 ans travaillant dans un champ avait été tuée par un obus de mortier turc près de la frontière. Le 2 au matin, de nouvelles frappes sur la région d’Amêdî (Dohouk) ont provoqué la panique des civils, et le 4, l’état-major turc a annoncé avoir frappé de nouveau ce jour et la veille côté irakien près de Qandil, Avasin-Basyan et Gara, et côté turc la province de Şırnak, tuant 11 membres du PKK. Le 6, les bombardements turcs ont provoqué des incendies de forêt dans les montagnes de Bradost puis le 8 ceux de nombreuses récoltes à Dohouk, alors que l’état-major revendiquait encore l’élimination de 22 combattants kurdes à Mardin et Hakkari. Les 7, 10 et 11, Hürriyet a annoncé de source militaire la «neutralisation» d'au moins 40 militants PKK. De son côté, le PKK a revendiqué le 9 la mort de 3 soldats turcs au Kurdistan d’Irak dans une attaque contre leurs positions dans la région de Barzan, au nord d’Erbil, alors que l’armée de l’air turque annonçait la mort de 25 militants kurdes en une semaine, puis le 11, la destruction de 28 «cibles du PKK»… Le 12, le ministère turc de l'Intérieur a annoncé la «neutralisation» de Welat Gever (nom de guerre de Sefer Acar), coordinateur d’une attaque de 1998 contre un hélicoptère au-dessus du Kurdistan qui avait tué 15 soldats. Le 13, l’armée a annoncé avoir neutralisé 76 membres du PKK entre le 6 et le 12 au Kurdistan et dans les provinces de Şırnak, Hakkari, Kars, Ağrı, Mardin et Bitlis, puis 53 autres côté turc du 13 au 17. Le 14, des témoins kurdes d’Irak ont rapporté des frappes nocturnes près de Shiladze qui ont effrayé la population locale, tandis que l’armée turque affirmait avoir tué 6 combattants kurdes, puis le 19, dans une nouvelle annonce, affirmait avoir tué le 13 le «responsable logistique» du PKK Delil Karakocan (nom de guerre de Hasan Cakmak) près du mont Bradost (Kurdistan 24).
Le 23, l’interdiction de circuler imposée depuis 2 ans sur 30 zones différentes de Hakkari, des districts de Çukurca Şemdinli, Yüksekova ainsi que dans le centre-ville, a été de nouveau prolongée par le gouverneur pour au moins 15 jours. Le 24, après que des militants du PKK aient tué 15 soldats turcs au nord d'Erbil, de nouvelles frappes ont touché le Kurdistan d’Irak. Le 26, l’armée a annoncé avoir neutralisé 12 membres du PKK, et des combats nocturnes ont eu lieu près de Sidakan dans la province d’Erbil. Le 30, le ministère turc de l'Intérieur a déclaré que 36 terroristes du PKK avaient été «neutralisés» entre le 23 et le 30 juillet en Turquie et au Kurdistan d'Irak. Par ailleurs, l’état-major turc a twitté que 10 membres du PKK avaient été neutralisés le 29 dans la région de Metina au Kurdistan… Mais ces bilans publiés régulièrement par les autorités turques sur les pertes infligées aux combattants du PKK sont invérifiables, et souvent fantaisistes, relevant de la propagande en temps de guerre… Enfin, le 31, l'armée a de nouveau imposé un couvre-feu sur la région de Diyarbakir.
Le rapport de juin du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) publié le 8 juillet, accuse la Turquie de violations massives des droits de l’homme à Afrîn (->). Dressant un tableau effrayant de la situation dans la région, il caractérise la situation sécuritaire comme «instable», avec des combats internes entre groupes, des «niveaux élevés de criminalité violente», et «des civils victimes de vols, de harcèlement, d’enlèvements et de meurtres». «Des civils ont informé le HCDH qu'un certain nombre de membres de groupes d'opposition armés opérant dans la région sont d'anciens criminels, contrebandiers ou trafiquants de drogue bien connus». En outre, le rapport confirme que les pillages à grande échelle, entamés dès la prise de la région, se poursuivent, les biens pillés étant ensuite revendus à Azaz, ville sous contrôle turc. Le HCDH recense aussi au moins 11 enlèvements contre rançon de civils, le sort de certains restant inconnu. Par ailleurs, le rapport mentionne des discriminations contre ceux soupçonnés de liens avec les forces kurdes. Il confirme aussi l’installation de milliers de combattants, de membres de leurs familles, et de civils déplacés d’autres régions syriennes dans les maisons de Kurdes ayant fui les Turcs, qui refusent de rendre leurs demeures à leurs propriétaires légitimes. Ceux-ci sont souvent refoulés aux points de contrôle quand ils tentent de revenir, incarcérés sur soupçon d’appartenance aux forces kurdes, voire emmenés vers un lieu inconnu. L’accusation d’appartenance aux forces kurdes sert aussi de prétexte à confisquer les biens. Exprimant son inquiétude face à cette politique de nettoyage ethnique, le HCDH demande à Turquie de «veiller à ce que tous les groupes armés sur lesquels elle exerce un contrôle à Afrîn […] respectent strictement leurs obligations en vertu du droit international humanitaire». Une demande qui a toutes chances de rester lettre morte…
Le 18, un communiqué de la Société allemande pour les peuples menacés (Gesellschaft für bedrohte Völker, GfbV) a aggravé le tableau déjà sombre de l’ONU: 120 enlèvements, 7 meurtres, 10 vols et 27 raids ayant détruit des biens civils, 4 champs incendiés entre le 1er et le 15 juillet. Une source fait état par ailleurs de la disparition de 3.000 à 7.000 Kurdes. La peur incite les familles restantes à rester discrètes. Les soldats turcs et les islamistes saisissent les téléphones portables pour découvrir qui rapporte leurs attaques. Enfin, l’éviction des Kurdes passe au niveau juridique: le «Conseil local» (pro-turc) d’Afrîn contrôle les titres de propriété… (ANF). Par ailleurs, il y a des témoignages de meurtres délibérés, comme pour 2 frères de Jindiris, blessés gravement par des pillards pro-turcs. Découvert le lendemain attaché à un arbre devant sa maison, l’un d’eux, père de 4 enfants, est mort à l’hôpital faute de médicaments. Un autre groupe a avoué le meurtre de 2 jeunes Kurdes, dont la famille a refusé une compensation financière (SCF). Enfin, le 14, l’administration du Rojava a annoncé que les occupants avaient brûlé 4.000 arbres, dont de nombreux oliviers, plus de 1.000 à Khouziana, dans le district de Mobate (Maabatli), et plus tôt dans la semaine à Rajo 3.000 oliviers, chênes et arbres à grenades. Le 27, des miliciens ont coupé à Bulbul 68 arbres qu’ils ont vendu en Turquie (ANF). Détruire les oliviers, principale richesse des habitants, c’est aussi du nettoyage ethnique…
Cependant, la résistance continue. Si le 1er juillet, l’armée turque a pilonné les positions des YPG autour des villes de Malkiyah et Anab, près de Manbij, tuant 3 combattants, le 10, les YPG ont annoncé avoir mené plusieurs attaques du 5 au 8. Le 5, un combattant pro-turc gardant une base militaire a été tué par un sniper, le 6 juillet, 3 autres ont été tués dans une embuscade tendue sur la route Rajo-Afrîn, et un important commandant, Mohammed al-Souleiman, a été tué le 7 à Bulbul, tandis qu’un engin explosif tuait 2 combattants pro-turcs sur un poste de contrôle près de Shara. Les FDS, qui ont le 24 renvoyé de l’Est 2.000 soldats vers Afrin, ont appelé le 31 les citoyens à la vigilance: des soldats turcs en uniformes YPG volés attaquent les civils pour déconsidérer les FDS.
A Manbij, ville à majorité arabe située à 30 km de la frontière turque, la situation demeure tendue. Après la conclusion courant juin d’une «feuille de route» turco-américaine, qui définit autour de la ville une zone-tampon séparant forces turques et FDS, les militaires turcs ont commencé à patrouiller près de la ville, tandis que les YPG annonçaient un «retrait» très largement cosmétique de leurs «conseillers militaires». Le 2, deux sénateurs américains, l’un républicain, l’autre démocrate, sont arrivés en ville. Lors d'une rencontre avec le Conseil militaire, l’un d’eux a souligné l’importance du maintien de la présence américaine (AFP). Ce même jour, l’agence Fars a rapporté l’arrivée de nouveaux contingents américains. Le 3, le commandant du Conseil militaire, Xelîl Bozî, a indiqué que si les militaires turcs tentaient d’entrer en ville, ils seraient ciblés par des tirs (Spoutnik). Le 5, un rassemblement de protestation contre l’invasion turque d’Afrîn a été visé par une bombe qui a blessé 22 personnes et fait au moins 1 mort (ANF, Ahval). Le 15, les FDS ont indiqué que les derniers membres des YPG avaient quitté la ville, une annonce confirmée le 17 par son Conseil militaire, mais réfutée par la Turquie, selon laquelle le retrait n’est pas terminé. Le 21, le journal pro-régime Al-Watan a annoncé que, selon une source de l’administration locale, le Conseil militaire comme la majorité des habitants, instruits par l’exemple d’Afrîn, préféreraient que la ville repasse sous contrôle syrien plutôt que de tomber aux mains des envahisseurs turcs (Spoutnik). Aucune confirmation de cette affirmation n’est venue de Manbij.
Parallèlement, les FDS ont poursuivi leur offensive contre Daech sur la rive est de l’Euphrate, progressant lentement en raison des nombreux engins explosifs placés par les djihadistes. Le 6, selon l’OSDH, un attentat à la bombe contre le bureau des FDS à Bsayra (province de Deir Ezzor) a tué 11 combattants et 7 civils dont 3 enfants. Vu son mode opératoire, l’attaque, non revendiquée, pourrait provenir de Daech. Les FDS ont cependant capturé les villes de Madina et Qabrata, au Sud-Est de l’ancien fief du groupe, Dashishah (Hassaka). Le 10, la télévision turque TRT a rapporté que la coalition avait fourni aux FDS 200 camions d’armes et de munitions. Une livraison similaire (250 camions) le mois précédent avait déjà provoqué la colère de la Turquie…
Le 13, les FDS ont annoncé le début des opérations contre Hajin, l’un des derniers bastions de Daech. La veille au soir, une frappe aérienne près du village d'al-Soussa, à 25 km au sud-est de Hajin, avait tué 26 djihadistes mais aussi 28 civils utilisés comme boucliers humains (OSDH). La coalition a annoncé l’ouverture d’une enquête sur cette éventuelle «bavure», qui pourrait aussi être le fait d’avions irakiens… Le 14, l’artillerie de la coalition a pilonné plusieurs positions de Daech dans et autour de Hajin. Le 24, les FDS ont annoncé avoir pris d’autres villages dans la région de Rodah, tandis que le secrétaire d'État américain Mike Pompeo vantait dans un communiqué leur «bravoure» et leur «sacrifice».
Autre évolution dans la situation, politique cette fois, des contacts ont débuté entre l’administration autonome du Nord-Syrien et le régime de Damas. Le 2, après que le gouvernement ait rencontré des délégués kurdes à Damas et à Qamishli, Al-Masdar News a annoncé un accord entre l’armée syrienne et les YPG. Ceux-ci auraient accepté de retirer des rues et des zones sous leur contrôle à Hasaka toutes les affiches d’Abdullah Öcalan et de permettre l’ouverture en ville de bureaux de recrutement pour l’armée. En échange, le YPG aurait demandé que Damas introduise la langue kurde dans l’éducation, prenne en compte comme temps de service militaire le temps au sein des YPG, et nomme un Kurde à un poste de responsabilité au Ministère du pétrole. Le 10, quelques jours après une nouvelle réunion tenue à Qamishli, l’armée de Damas a bien hissé le drapeau syrien sur le quartier de Nishwah à Hassaka, tandis que les photographies d’Öcalan étaient retirées des murs. Les autorités kurdes ont cependant démenti tout accord avec Damas.
Le 13, la municipalité de Tabqa, dépendant de la Fédération du Nord Syrien, a accepté que les employés de la société d’État gérant le barrage situé à 50 km de la ville puissent y accéder pour en faire la maintenance, ce qui revient à une gestion partagée entre Fédération et Damas. Pris par Daech début 2014, repris par les FDS en mai 2017, le barrage, très endommagé par les frappes aériennes de la coalition, nécessite des réparations. «La coopération existe dans ce cas parce que le barrage appartient à tous les Syriens», a déclaré Hamid al-Faraj, membre de l’administration de Tabqa. Un autre accord conclu il y a quelques mois concerne le pétrole des sites de Rmeilan et Jabsah (province d'Hassaka), contrôlés par les Kurdes. Ceux-ci en transfèrent un tiers vers la raffinerie d’Homs, raffinant eux-mêmes le reste (Spoutnik). Mais l’agence russe remarque que ce tiers se base sur une production officielle de 38.000 barils/jour, alors qu’avant-guerre elle était de 160.000…
Le 16, le Conseil démocratique syrien (CDS), émanation politique des FDS, a entamé à Tabqa son 3e Congrès, rassemblant pour 2 jours 240 personnalités, des élus locaux, mais aussi des représentants de l'opposition tolérée par Damas. Ces participants doivent décider d'une plate-forme de négociation avec le régime (AFP). Le 19, Ilham Ehmed a annoncé que le CDS ouvrirait des bureaux dans les provinces de Lattaquié, Damas, Hama et Homs, avant de confirmer le 20 les négociations de Tabqa.
Le journal pro-régime al-Watan a annoncé le 20 que, en plus des éléments déjà publiés par Al-Masdar, les forces kurdes remettraient au gouvernement la ville de Raqqa et plusieurs champs pétroliers et gaziers, et que les FDS seraient incorporées dans l’armée de Damas… Ces affirmations ont été réfutées le 30 par Salih Muslim, ancien co-président du PYD et responsable des relations extérieures des FDS, qui a précisé être prêt à négocier avec Damas, mais en présence de médiateurs internationaux et avec certaines garanties. Prenant soin de différencier organismes d’État (comme la société gestionnaire du barrage) et institutions affiliées au régime, il a indiqué que l’accord de Tabqa était dicté par l’intérêt général et n’avait pas de signification politique. Il a par ailleurs estimé les informations trompeuses diffusées par al-Watan prouvaient que Damas n’était pas sincère dans les négociations. Le contenu de cette publication n’avait d’ailleurs pas été confirmé côté kurde. Les FDS ont précisé le 24 qu’elles conservaient le contrôle du barrage.
Le 26, selon l’AFP, une délégation du CDS comprenant responsables civils et militaires est arrivée à Damas à l’invitation du gouvernement. Omar Oussi, un député kurde au Parlement de Damas, a confirmé son arrivée, déclarant que les pourparlers porteraient sur le fait de «faciliter l'entrée de l'armée dans les territoires à majorité kurde à l'est du fleuve Euphrate et le retour des institutions étatiques». En échange, les Kurdes obtiendraient une «reconnaissance par la Constitution de [leurs] droits culturels». Le 28, le CDS a déclaré dans un communiqué qu’il avait été décidé de former des comités conjoints devant poursuivre les négociations «visant à la décentralisation de la Syrie», selon Sihanouk Dibo, un membre du CDS (PYD). Le régime de Damas n'a pas commenté ces déclarations. Les discussions pourraient durer un an, tant la distance reste grande entre les demandes du CDS et la pratique centralisatrice du régime.
En fin de mois, les regards se tournaient vers Idlib, contrôlée par le Front Al-Nosra – ancienne filiale d'Al-Qaïda – et des troupes turques. Cette dernière région rebelle est la cible désignée de la prochaine attaque de Damas et ses alliés. Le 26, Ilham Ehmed a laissé entendre que les FDS pourraient assister Damas. De son côté, Aldar Khalil, co-président du TEV-DEM (Mouvement pour une Société démocratique), a déclaré que l’une des étapes pour reprendre Afrîn était de faire pression sur la Turquie pour qu’elle quitte le sol syrien (Rûdaw).
Durant le mois de juillet, tandis que se succédaient province par province les recomptages de bulletins des élections de mai – avec toujours des résultats contestés – les manifestations dans le Sud du pays contre la corruption et l’absence de services de base ont pris de plus en plus d’ampleur, attirant une violente répression. Malgré cela, les négociations entre partis se sont poursuivies en sous-main pour tenter d’obtenir un accord de gouvernement – jusqu’à présent sans succès. Au Kurdistan, les préparatifs se sont poursuivis pour les élections législatives du 30 septembre. Évaluant la situation du Kurdistan avec un optimisme mesuré, le vétéran de la politique Hoshyar Zebari a déclaré que l’Irak avait changé: les élections n’ayant apporté de majorité suffisante à aucune liste, les différentes listes doivent dialoguer, alors que toutes les communautés irakiennes, chiites, sunnites et Kurdes, sont divisées. Pour Zebari, la situation du Kurdistan s’est améliorée, avec la fin des embargos économique et aérien, l’amélioration des relations avec Bagdad, avec notamment l’envoi régulier du budget. Si les Kurdes veulent l’emporter dans les négociations post-électorales, dit-il, ils doivent s’unir.
Les opérations de recomptage manuel des bulletins, limitées aux bureaux de vote touchés par des accusations de fraude, ont été lancées tout le mois province par province. Elles ont débuté le 3 pour Anbar, Dohouk, Kirkouk, Erbil, Ninewa (Ninive, ou Mossoul), Salahaddine et Sulaimaniyeh. «Le processus de décompte a d'abord commencé à Kirkouk, car c'est là qu'il y a eu le plus grand nombre de contestations», a affirmé à l'AFP Imad Jamil de la commission électorale. C’est d’ailleurs à Kirkouk que, le 1er, un attentat à la voiture piégée visant un entrepôt contenant des bulletins, a fait 1 mort et au moins 19 blessés… sans parvenir à détruire de bulletins, la sécurité ayant ouvert le feu à temps. A Kirkouk, l’UPK l’avait emporté avec 6 sièges, 3 autres allant au Front turkmène, 3 à l’alliance arabe et 1 aux chrétiens. Le 9, plusieurs partis politiques n’ayant pu obtenir d’être présents lors du recomptage ont rejeté les résultats du recomptage, dénonçant une manipulation des bulletins… Pour Sulaimaniyeh, le recomptage, entamé le 10, a été boycotté par les 4 partis kurdes qui avaient contesté les résultats: Goran, l'Union islamique (Yekgirtû), le Komal islamique, et la Coalition pour la démocratie et la justice (CDJ) exigeaient un recomptage général et non limité. Malgré les corrections affectant son score, l’UPK est demeurée en tête, à Kirkouk comme à Sulaimaniyeh. Le 12, le recomptage a commencé à Erbil, boycotté par les mêmes partis qu’à Sulaimaniyeh, le 14 à Dohouk, qui a duré jusqu’au 17. Celui de Ninive (Ninawa, province de Mossoul), commencé le 17 incluait les bulletins des camps de déplacés, jamais pris en compte par décision du Parlement.
Finalement, caractérisé par les observateurs de l’ONU comme «transparent», le recomptage manuel s’est achevé pour tout le pays le 26. Le comité responsable avait annoncé le 24 s’attendre aux plus grands écarts entre résultats initiaux et recomptés pour la province de Kirkouk…
Rendues nécessaires par l’atomisation des résultats, les négociations post-électorales ont été d’abord handicapées par le recomptage, susceptible de modifier les résultats, puis par le développement des manifestations dans le Sud du pays. Au Kurdistan, PDK et UPK, vainqueurs régionaux des élections, ont finalement mis de côté leurs querelles post-référendum pour présenter un front commun dans les pourparlers. Chacun des 2 partis s’est d’abord engagé à ne conclure aucune alliance sans l’autre, puis au milieu du mois, ils ont annoncé qu’un programme susceptible de servir de base commune aux discussions était proche. Selon Rûdaw, ce programme comprend «la mise en œuvre de l’article 140, un référendum pour décider du sort des territoires contestés, la formation d’un gouvernement équilibré entre chiites, sunnites et Kurdes, le passage de toutes les décisions et lois au Parlement sur la base d’un accord et non sur celle de la majorité contre les positions minoritaires, et la répartition équilibrée des positions gouvernementales». Les deux partis ont appelé les autres formations kurdes à se joindre à ce programme.
De manière générale, toutes les listes disaient vouloir éviter la répétition de la situation d’après 2010 de monopole chiite du pouvoir, opposition intercommunautaire et marginalisation des sunnites. Les Kurdes ont cherché à ressusciter l’«alliance historique» kurdo-chiite ayant suivi la chute de Saddam Hussein (Asharq Al-Awsat). Il a été un temps question d’une alliance kurde avec la liste Fatah de Hadi al-Ameri, qui avec 60 députés serait passée devant la coalition Sayrûn de Moqtada Sadr (45 sièges). Le 24, pour la première fois depuis les élections, des délégations de Fatah, et de l’État de droit de Nouri al-Maliki se sont rendues à Erbil. Mais en fin de mois, aucune alliance n’avait émergé…
Par ailleurs, les tractations inter-partis ont dû, sans s’interrompre, se faire plus discrètes devant le développement de la violence au Sud: le 8 juillet à Bassora, la police a tiré à balles réelles sur des manifestants protestant contre le manque d’emplois, d’électricité, d’eau et d’autres services de base et la corruption de la police. Selon la police, 8 manifestants ont été blessés, un élu local a compté 1 tué et 3 blessés. Le 13, les manifestations, dirigées par des chefs tribaux locaux, se sont étendues aux provinces de Nadjaf et Babel. Au moins 3 personnes ont été tuées et des dizaines d’autres blessées. Quand des manifestants ont pris d'assaut l'aéroport de Nadjaf, le leader religieux chiite, l'ayatollah Ali al-Sistani, exprimant sa solidarité avec le mouvement, a demandé une résolution pacifique. Puis les manifestations se sont étendues aux provinces de Kerbela, Maysan et Dhi Qar, ainsi qu’au quartier de Shoula à Bagdad, entrant le 14 dans leur sixième jour. Pour tenter de les endiguer, le gouvernement a interrompu les médias sociaux et la plupart des services internet dans tout le pays. Le 15, alors que le mouvement prenait une tonalité anti-iranienne (une photo de Khomeiny a été brûlée), Bagdad a alterné concessions et répression: tirs sur la foule, faisant 2 morts (12 tués et plus de 250 blessés selon les médias locaux) et nombreuses arrestations. Le 22, Muqtada al-Sadr a décidé la suspension des pourparlers post-électoraux jusqu’à la satisfaction des «exigences légitimes» des Irakiens. Le 24, les manifestations entrant dans leur troisième semaine, le Conseil des ministres s’est réuni pour discuter des moyens de calmer le mouvement, et des personnes arrêtées auraient été relâchées, mais en fin de mois les manifestations se poursuivaient…
La politique interne au Kurdistan a été dominée par la préparation des élections législatives, prévues le 30 septembre. Cela a réactivé le débat sur la Présidence de la Région, vacante depuis la démission le 1er novembre de Massoud Barzani, qui avait refusé de prolonger son mandat comme le Parlement. Ses pouvoirs ont été répartis entre Premier ministre, Parlement et pouvoir judiciaire. Cependant, contrairement aux demandes de certains partis, les élections provinciales et présidentielles n’auront pas lieu avec les législatives… Des députés PDK et UPK ont demandé que la première tâche du prochain Parlement soit la rédaction d’une Constitution qui permettrait de clarifier le rôle de la Présidence (Kurdistan 24).
Le 1er juillet, le Parlement a malgré l’opposition des partis islamistes, prolongé avec le soutien du PDK, de l’UPK et de Goran la loi anti-terroriste votée en 2006 suite aux 2 attentats de 2004 à Erbil qui avaient fait 101 morts. Déjà prolongée 4 fois, elle allait expirer (Kurdistan 24). Human Rights Watch s’est inquiété du sort des 1.200 personnes, pour la plupart arabes, incarcérées dans la Région, et les partis islamistes ont mis en doute tant l’efficacité du texte que la culpabilité d’un certain nombre des jeunes emprisonnés (Al Monitor).
Le 5, la Commission électorale du Kurdistan a annoncé qu’elle recevrait les déclarations de candidature pour les législatives du 7 au 25 juillet. Les candidats de 37 partis et listes électorales ont officiellement commencé à s'inscrire dès le 7. Le 11, le Parlement a voté la suspension de la Présidence de la Région jusqu’à la mise en place de la prochaine législature, qui devra prendre une décision à son sujet durant ses deux premières années d’exercice. Ce vote intervient suite au dépôt par Goran et le PDK de deux projets de lois en ce sens. L’UPK a aussi soutenu cette décision, à laquelle se sont opposés le Groupe islamique (Komal), et l’Union islamique (Yekgirtû), cette dernière appelant soit à supprimer le poste, soit à organiser les élections présidentielles en même temps que les législatives (Kurdistan 24). Les électeurs ont commencé à vérifier leur présence sur la nouvelle liste électorale, basée sur les cartes de rationnement (Rûdaw).
Le 23 au matin, le Kurdistan a été secoué par une nouvelle attaque terroriste: trois hommes armés ont pris des otages dans le gouvernorat d’Erbil. Un fonctionnaire a été tué et quatre membres des forces de sécurité blessés avant que les intrus ne soient abattus après quatre heures de tirs. L’attaque n’a pas été immédiatement revendiquée. Les trois assaillants étaient des adolescents d’Erbil, deux âgés de 16 ans et le troisième de 18 ans (AFP). Le lendemain, la Sécurité d’Erbil (Asayish) a lancé un mandat pour appartenance à Daech contre un membre du Parlement irakien, Mullah Salim Shushkayi (Komal). Il serait en lien avec un mollah arrêté trois semaines plus tôt, Ismail Susai, lui-même lié aux trois assaillants du gouvernorat. Shushkayi, qui se serait réfugié à Sulaimaniyeh, a rejeté ces accusations, et le Mouvement «Nouvelle Génération» a dénoncé un mandat «règlement de compte politique» après que Komal ait voté contre l'extension de la loi antiterroriste. Le 26, Goran, Komal, l’Union islamique du Kurdistan et la Ligue islamique (Yekgirtû), ont aussi exprimé leur soutien à Shushkayi dans un communiqué commun.
Dans les territoires contestés, les actions anti-kurdes continuent. Le 4, le maire de Daquq (Kirkouk), Amir Khudakaram Mohammed (UPK), a été démis de ses fonctions par le gouverneur intérimaire arabe de la province, Rakan Said Jabouri; il a indiqué son intention de faire appel de cette décision, prise selon lui au prétexte de «lever du drapeau du Kurdistan, soutien au référendum d’indépendance, et présence du PKK dans le district»… Le 10 juillet, 600 familles kurdes de trois villages de Kirkouk se sont plaintes d’être chassées de leurs terres par la société pétrolière d’État North Oil Company, dont elles ont reçu des avis d’expulsion, alors que d’autres villages arabes n’ont pas été inquiétés. Leur emplacement actuel leur avait déjà été imposé en 2005 par la société (Rûdaw). Le 17, le maire du sous-district de Sargaran (Kirkouk), Luqman Husein, a accusé le gouverneur de politique d'arabisation contre les villages kurdes du sous-district, dénonçant l’installation dans des villages kurdes de milliers d’Arabes armés qui ont reçu des pièces d’identité (WKI). Le 18, Kurdistan 24 a annoncé avoir obtenu la copie d’un ordre officiel du 11 juillet par lequel le ministère de la Santé démettait le Directeur général (kurde) de la santé à Kirkouk, Sabah Zangana, pour le remplacer par un turkmène. Enfin, Rûdaw relève que depuis la reprise de ces territoires par les forces fédérales le 16 octobre, 30 villages kurdes près de la ville de Dibis, autour de Daquq et Touz Khourmatou (Kirkouk) ont dû être évacués en raison de menaces de groupes non kurdes, notamment des Arabes chiites amenés à l’époque de Saddam Hussein. Dans certains cas, les noms kurdes des villages ont même été changés. Le 26, ce sont 6 officiers de police kurdes qui ont été limogés à Kirkouk (l’UPK a seulement réussi à obtenir une suspension de cette décision). Parmi les responsables kurdes de Kirkouk démis de leurs fonctions depuis octobre 2017, on compte le gouverneur, le Directeur de la sécurité, le Directeur général de la santé, le Directeur général de l’agriculture, les maires des villes de Kirkouk, Dibis, Daquq et Touz Khourmatou, ainsi que les chefs de la police du district et suburbaine… Dans la ville de Kirkouk même, en fin de mois, après qu’un Kurde ait été abattu par un officier de l'armée irakienne, les forces antiterroristes irakiennes ont encerclé l'hôpital Azadi où le corps de l'homme avait été emmené, et se sont déployées dans plusieurs quartiers kurdes par peur d’un soulèvement.
Dans certains cas, les exactions de membres des milices chiites cherchant à expulser des villageois kurdes se combinent avec des attaques provenant probablement de militants de Daech, car la menace des djihadistes ne cesse de croître. En début de mois, Bagdad a déployé de nouvelles forces dans la province et a entamé la construction d’une barrière de sécurité à la frontière syrienne. Les opérations contre Daech sont incessantes. Le 30 juin, le responsable finances et logistique de Daech, Abu Obaida, avait été tué près du mont Qarachogh, non loin de Makhmour, dans une opération conjointe de la coalition et des Peshmergas. Le 2, les Irakiens ont lancé une opération dans les vergers de la région de Baquba (Diyala), détruisant et désamorçant les mines posées par les djihadistes.
C’est à Diyala que le nombre de victimes civiles de Daech a été le plus important durant juin: 16 morts et 36 blessés, devant Kirkouk (10 morts et 36 blessés) et Bagdad (19 morts et 18 blessés). Le 3, un raid au sud de Kirkouk a permis de tuer 14 djihadistes. Le 4, tandis que le Premier ministre kurde, Nechirvan Barzani, déclarait être prêt à coopérer avec Bagdad pour sécuriser les zones contestées, une vaste opération conjointe entre armée irakienne et pechmergas, la première depuis octobre 2017, était lancée près de la frontière iranienne, aboutissant à la mort d’un djihadiste, la capture de 9 autres, et la destruction de 8 véhicules (AFP). Le même jour, aussi pour la première fois depuis le référendum, une rencontre s’est tenue entre militaires kurdes et irakiens, au cours de laquelle ces derniers ont demandé l’autorisation de lancer des raids contre Daech dans des zones tenues par les pechmergas – autorisation refusée par ceux-ci.
Le 10, une bombe déclenchée au passage d’une patrouille de police irakienne a fait 1 mort et trois blessés au sud-ouest de Kirkouk. En représailles, l’aviation irakienne a détruit plusieurs véhicules ainsi qu’un camp des djihadistes, en tuant 7 autres dans une autre opération le 12, avant une opération au sol le 14 vers Touz Khourmatou (Rûdaw). Le 17, des avions de combat irakiens ont mené plusieurs frappes au nord-ouest de Kirkouk, rapportant avoir tué 14 djihadistes. Mais le 18, au moins 11 personnes ont été blessées dans la ville de Kirkouk par 3 explosions non revendiquées, mais évoquant Daech. Le même jour, la police de Ninive a annoncé la capture de 23 djihadistes à l’ouest de Mossoul, et une opération conjointe entre armée irakienne et peshmergas, avec l'appui aérien de la coalition, a encore visé le Mont Qarachogh. Cependant, le jour même de l’attaque du gouvernorat d’Erbil, des hommes armés, supposés être des djihadistes, ont encore pu attaquer en soirée un poste de police à Makhmour et y tuer 4 personnes (Kurdistan 24).
A Mossoul, encore 50 familles Shabak sont parties pour Dohouk en raison du manque de sécurité et de services de base. Vu la dégradation des conditions de sécurité dans les territoires contestés, selon Rûdaw, même des commandants irakiens demandent que les pechmergas puissent à y revenir, en particulier à Kirkouk, Diyala, Saladin et dans les environs des monts Hamrin…
Les tensions ont augmenté ce mois-ci au Kurdistan d’Iran, touchant aussi les zones voisines au Kurdistan d’Irak. Le 2 juillet, les garde-frontières iraniens ont défini côté Kurdistan d’Irak près de Haji Omaran une bande de «no man’s land» de 10 km sur 2 km de profondeur, menaçant de tirs les villageois s’ils n’évacuaient pas la zone sous 72 heures. 50 familles seraient concernées (Kurdistan 24). Depuis plusieurs années, les Iraniens pilonnent régulièrement la région, déclarant viser des combattants de l’opposition. Le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) a appelé le gouvernement iranien à mettre un terme à ces bombardements aveugles, tout en demandant aux combattants kurdes d’Iran de ne pas lancer d’opérations vers l’Iran depuis son territoire.
Le 7 au soir, des combats entre pechmergas du PDKI et Gardiens de la révolution (pasdaran) près du village montagnard de Koke, près de Bokan (Azerbaïdjan occidental) ont fait au moins 4 morts ou blessés chez les pasdaran. Revendiquant l’opération le 9, le PDKI a indiqué que les forces de sécurité iraniennes s’étaient vengées en attaquant et arrêtant des civils. Après les affrontements, de nombreux hélicoptères militaires ont survolé les montagnes. Des combats avaient déjà eu lieu le 23 juin près de Piranshahr.
Le 9 au matin, les garde-frontières iraniens ont passé la frontière du Kurdistan irakien dans la région de Kela Shin, près de Sidakan, et ont confisqué un millier de moutons qui selon eux paissaient trop près de leurs avant-postes. Puis ils ont arrêté 2 bergers venus chercher leurs bêtes, puis leurs proches venus aux nouvelles des bergers… Le maire de Sidakan, Ihsan Chalabi, a souligné qu’aussi bien moutons que civils n'avaient pourtant jamais franchi la frontière. Tous ont été libérés le 10 après intervention des garde-frontières du Kurdistan. Selon Chalabi, la même chose s’était produite en 2017 pour 43 vaches, qui, elles, n’avaient jamais été rendues…
Le 11 au soir, un membre kurde des pasdaran a été tué près de Piranshahr par 2 pechmergas du PDKI, qu’il avait selon cette organisation capturés et blessés dans le passé. Un autre pasdar kurde aurait aussi été tué la même semaine. L’après-midi du 13, l’artillerie iranienne a encore pilonné 20 mn la région de Choman, au Kurdistan d’Irak, forçant les bergers à fuir. Selon le maire de Haji Omaran, Farzang Ahmad, il n’y a pas eu de victimes. Le lendemain, de nouveaux combats ont opposé pasdaran et pechmergas du PDKI à Nowdeshah et à Paveh (Kermanshah). Selon les pasdaran, l’un des leurs et 3 pechmergas auraient été tués; le PDKI a annoncé avoir tué 2 pasdaran (Rûdaw). Le 17, d’intenses tirs d’artillerie ont de nouveau provoqué des incendies et la fuite de civils dans la région de Sidakan, au Kurdistan, sans faire de victimes civiles. Le PDKI a annoncé le lendemain que 2 pechmergas avaient été tués. Dans la nuit du 20 au 21, 11 pasdaran ont été tués et 8 autres blessés lorsque des combattants du PJAK (parti de la mouvance du PKK de Turquie) ont attaqué une de leurs bases près du village de Dari dans la région de Marivan, provoquant l’explosion de son stock de munitions (RFI). Le PJAK a revendiqué l’attaque le lendemain. Le 23, l'Iran a indirectement averti le GRK dans un communiqué, menaçant «certains pays voisins» d’agir lui-même pour «cibler les bastions terroristes dans ces pays» si ceux-ci ne contrôlaient pas davantage l’insécurité frontalière (Kurdistan 24).
Dans ce contexte de plus en plus tendu militairement, arrestations et exécutions se sont succédé tout le mois. Selon Hengaw, durant les 15 premiers jours de juillet, au moins 41 Kurdes, dont 12 bergers, ont été arrêtés et incarcérés en Iran, dix-huit accusés d’“activités politiques”, deux d’“activités religieuses”, un autre d’“activités médiatiques”. Parmi les détenus, huit sont originaires du Kurdistan d’Irak et quatre autres du Kurdistan de Turquie. Pour les exécutions, toujours selon Hengaw, rien que dans la semaine du 16, le gouvernement iranien a pendu dix prisonniers kurdes accusés de meurtre, les 3 derniers à Ouroumieh. Parmi eux, un homme de 65 ans emprisonné depuis 10 ans (Kurdistan 24). Le déni des droits des prisonniers politiques est aussi monnaie courante, comme pour Ghader Mohammad Zadeh, incarcéré dans la prison d’Ouroumieh. Condamné à 18 ans de prison pour moharebeh («inimitié envers Dieu», un verdict inique punissant les dissidents), Zadeh, bien qu’il ait déjà purgé plus de 12 ans de sa peine, s’est vu refuser la libération conditionnelle, et les autorités pénitentiaires lui ont retiré son lit et l’ont transféré de force dans l’aile des travailleurs. En punition de ses protestations, il a été transféré à l’isolement le 9 juin, et a entamé une grève de la faim le 15 qu’il poursuivait en fin de mois.
Un autre prisonnier politique kurde, Ramin Hossein Panahi, 24 ans, se trouve toujours dans le «couloir de la mort» depuis janvier accusé d’«avoir pris les armes contre l'État», sans aucune preuve de sa participation à des opérations armées du parti kurde Komala. En avril, la Cour suprême d’Iran a approuvé la sentence, et son exécution, planifiée pour le 3 mai, a été reportée après le tollé international des Nations Unies et des ONG. Mi-juin, des militants ont manifesté pour l’arrêt de son exécution devant les Nations Unies à Erbil. Un groupe d’avocats, dont celui du prévenu, a envoyé plusieurs lettres appelant à arrêter son exécution au Guide suprême, au Président et au chef de la Cour suprême, restées jusqu’à présent sans réponse. Le 3, le HDP kurde de Turquie a également appelé à l’arrêt immédiat de l’exécution dans une lettre adressée à l’ambassadeur d’Iran en Turquie. Le 4, la famille de Panahi a exprimé son inquiétude après son transfert dans une cellule pour les détenus accusés de trafic de drogue, alors que les autorités auraient annulé tout congé pour le personnel de la prison où il est détenu… (Hengaw) Il semble que les autorités aient cherché à faire croire à une exécution imminente pour le torturer psychologiquement ainsi que ses proches. Le 5, Panahi a été renvoyé vers une cellule publique, mais tous s’inquiètent encore du risque d’exécution, d’autant plus que son frère, Amjad Hossein Panahi, a tweeté que ses gardiens avaient déclaré au prisonnier: «Tu ne quitteras pas ce bloc, tu seras exécuté ou tué dans cette prison» (Iranfocus). Le 20, Amjad a de nouveau exprimé son inquiétude: «Les autorités de la prison de Sanandaj ont dit à Ramin qu'il n'avait pas besoin de soins médicaux car il serait bientôt exécuté». Hengaw, qui rapporte cette déclaration, a aussi indiqué qu’il est envisagé de transférer le prisonnier vers la prison de Rajai Shahr, près de Téhéran, tristement célèbre pour son usage de la torture, du viol et du meurtre, et considérée comme l'une des pires d'Iran…
Le 7, un an jour pour jour après l’attaque menée à Téhéran le 7 juin 2017 contre le parlement et le mausolée de Khomeiny, qui avait fait 12 morts et 42 blessés, 8 Kurdes convaincus d’en être les coupables ont été exécutés. L’opération avait été revendiquée par Daech.
Les services de renseignement iraniens (Ettela'at) continuent aussi à enlever des activistes kurdes. Ainsi le militant Peyman Abdi à Marivan, emmené dans un lieu inconnu, ou Abdulwahid Pûr, enlevé à Mahabad. Par ailleurs, l’étudiante kurde de Téhéran Meryem Faraji, 33 ans, qui avait participé à l’organisation des manifestations contre le régime en janvier 2018 et avait disparu depuis le 5 juillet, a été retrouvée morte. Son corps carbonisé, qui n’a pu être identifié le 15 que par une analyse ADN, portait des traces de torture… (WKI) Elle avait été condamnée à 3 ans de prison, peine ensuite convertie à de la liberté surveillée avec interdiction de sortir du territoire durant 2 ans.
Des dizaines de Kurdes d’Iran ayant soutenu le référendum d’indépendance du Kurdistan d’Irak tenu en septembre dernier ont aussi été incarcérés, condamnés à une amende ou battus (Hengaw). Ainsi la famille de Ramin Kardani, un militant kurde de Saqqez, a indiqué qu’il avait été condamné à 4 ans de prison. Le journaliste Bextyar Xoşnaw, qui avait de plus envoyé des rapports à des médias étrangers, a été condamné à 74 coups de fouet et à une amende de 1.800.000 tomans…
Enfin, plusieurs chrétiennes, dont des Kurdes, ont été arrêtées par les agents des services de renseignement pour «prosélytisme du christianisme sur internet», comme Massoumeh Taqinejad, 30 ans, arrêtée le 19 chez elle à Kermanshah avec son fils, et maintenue au secret depuis. Son ordinateur et ses effets personnels ont été confisqués lors de son arrestation. Le Rapporteur spécial des Nations Unies pour les Droits de l’homme en Iran, Ahmad Shahid, a déclaré durant la 28e session du Conseil de défense des Droits de l’homme des Nations-Unies que l’Iran continuait à violer les droits des minorités religieuses comme les Yarsans, Bahaïs, Chrétiens, Soufis, et musulmans sunnites: entre mars 2017 et mars 2018, au moins 47 femmes kurdes et trois femmes chrétiennes ont été arrêtées pour leur foi par les services de Sécurité.
A l’étranger, une affaire impliquant plusieurs ressortissants iraniens, dont le diplomate iranien Assadollah Assadi, en poste à Vienne depuis 2014, et trois ressortissants de ce pays résidant en Belgique, vient réactiver la mémoire des sinistres assassinats d’opposants commis par les services secrets du régime depuis de longues années. Les personnes arrêtées apparaissent toutes impliquées dans un projet d’attentat contre le Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) lors de sa conférence annuelle près de Paris. D’abord, la police belge a arrêté le 30 juin à Bruxelles un couple belgo-iranien d’Anvers qui transportait dans sa voiture 500 g d’explosifs et un détonateur, cachés dans une trousse de maquillage. Puis c’est Assadi qui a été arrêté le lendemain en Allemagne et accusé d’agir en tant qu’agent de renseignement étranger et de complot en vue de commettre un meurtre. Un quatrième suspect, lui aussi Iranien résidant en Belgique, a ensuite été détenu en France et devrait être rapidement extradé vers la Belgique. Selon les autorités allemandes, Assadi, membre des Renseignements iraniens opérant sous couverture diplomatique, aurait rencontré le couple au Luxembourg fin juin pour leur remettre les explosifs. Le CNRI a identifié le couple comme des infiltrateurs envoyés par Téhéran. Le 5, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a convoqué les ambassadeurs français, allemands et autrichiens à Téhéran pour protester et dénoncer «un complot visant à endommager les relations entre l’Union européenne et l’Iran»… Ces dénégations demeurent peu convaincantes: après les assassinats des leaders historiques du PDKI, Abdulrahman Ghassemlou en Autriche en 1989 et Sadegh Sharafkandi en Allemagne en 1991, les Iraniens avaient attaqué la base du PDKI à Koy Sandjak en 1996 et assassiné plusieurs centaines de membres du parti au Kurdistan d’Irak, dont 3 en 2018… Le dernier activiste kurde assassiné est Iqbal Muradi, un membre de longue date de l'Association des droits de l'homme du Kurdistan, retrouvé le 17 juillet dans une rivière près de Penjwin, avec 7 balles dans le corps… En fin de mois, le PDKI a fait état d’«informations détaillées» selon lesquelles l’Iran planifie «d’importantes opérations militaires et terroristes» contre ce parti pour détourner l’attention de la détérioration de la situation économique et politique en Iran.
Au chapitre des nouvelles générales, la nuit du 11, une collision entre un camion-citerne venant du Kurdistan d’Irak et un bus de passagers, suivie d’une énorme explosion, a fait au moins 27 morts près de Sanandaj. Selon un journaliste local, des affrontements ont opposé des manifestants à la police après la catastrophe. Les autorités locales ont décrété trois jours de deuil au Kurdistan. Le 22, un séisme de magnitude 5,9 a fait au moins 128 blessés dans les régions kurdes d’Iran. La secousse a aussi été ressentie au Kurdistan d’Irak, notamment à Halabja, Sulaimaniyeh, Erbil, Soran et Raparin. Déjà l’an dernier, un puissant séisme avait fait 500 morts, des milliers de blessés et 70.000 sans abris, les habitants se plaignant du manque d’aide du gouvernement.
Au plan économique, bien qu’Iran et GRK discutent de la mise aux standards internationaux de plusieurs points de passage et même de la création d’une zone franche à Parviz-Khan (Sulaimaniyeh), un projet de 650 millions de dollars, la situation des Kurdes d’Iran demeure toujours difficile avec la chute de la monnaie iranienne. En témoigne la grève de centaines de chauffeurs de bus de Kermanshah. À Sanandaj, les agents de nettoyage du district de Salawat sont entrés en grève le 20 et poursuivaient leur mouvement en fin de mois. Ils n’ont pas été payés depuis sept mois.