Ce mois a commencé avec la répression des manifestations du 1er mai: 119 personnes ayant tenté de défiler à Taksim (Istanbul) ont été incarcérées. Puis le 3, c’était la 26e «Journée mondiale de la liberté de la presse». Quand la Cour constitutionnelle turque a annoncé, après 2 ans, qu’elle examinerait à cette date les appels soumis par 9 journalistes au nom du non-respect des libertés fondamentales, ce choix a suscité quelque d’espoir. Il a été rapidement déçu, tous les appels ayant été rejetés. Arab Weekly a rappelé le 5 comment 92% des médias turcs sont maintenant directement contrôlés par le Président Erdoğan, alors qu’une nouvelle Direction des communications, installée directement dans son palais, intervient dans quasiment tous les médias pro-gouvernementaux… Les citoyens à la recherche d’information objective regardent les sites créés par des journalistes turcs en exil comme Ahval, ou les canaux étrangers en turc comme la BBC ou Deutsche Welle… Dans son rapport 2019 publié justement le 3 (->), l’Union des journalistes de Turquie relève les faits suivants: d’avril 2018 à avril 2019, 74 journalistes ont reçu un total de 256 ans d’emprisonnement, dont 3 à perpétuité; le total des amendes ou indemnisations imposées a atteint 170 millions de lires (28,4 millions de dollars); 4 sur 5 des journalistes jugés ont été condamnés; durant les 3 dernières années, 1.954 cartes de presse ont été annulées: un journaliste sur quatre est aujourd’hui sans emploi. Le même jour, la «Plate-forme Mésopotamie des femmes journalistes» (MKGP, Mezopotamya kadın gazetciler platformu) a présenté à Diyarbakir son propre rapport couvrant ces 4 derniers mois (Bianet). Publié en turc et en kurde, celui-ci mentionne 12 journalistes incarcérés en grève de la faim, 14 femmes journalistes emprisonnées, 30 ayant fait l’objet d’un procès, 2 acquittées, 2 battues et… 2 assassinées. Pour cette journée mondiale, la branche turque d’Amnesty International a demandé aux journalistes de décrire leur situation. Les contributions, certaines envoyées de prison, ont été publiées (en turc) sur internet (->).
Par ailleurs, l’actualité politique a été dominée par la suite des résultats des municipales du 31 mars, dans lesquelles les votants des grandes villes de l’Ouest ont sanctionné le pouvoir pour la crise économique, tandis qu’à l’Est, les électeurs kurdes rejetaient les «administrateurs» (kayyum) nommés par Ankara pour élire des candidats du HDP (Parti démocratique des peuples, progressiste et «pro-kurde»). Décidément mauvais perdant, M. Erdoğan a mené le forcing durant tout avril pour obtenir du YSK (Haute commission électorale) l’annulation du résultat d’Istanbul. Il l’a enfin obtenue le 6 mai avec une «objection extraordinaire» de l’AKP basée sur le fait que certains assesseurs du dépouillement n’étaient pas des fonctionnaires… Dès le lendemain, le ministère de l’Intérieur a nommé le gouverneur maire intérimaire, alors que le candidat CHP, Ekrem Imamoğlu, annonçait qu’il ne céderait pas et donnait à ses électeurs rendez-vous au 23 juin, date du nouveau vote. Après qu’Imamoğlu ait déclaré en meeting «Tout ira bien» (Hersey güzel olacak), le pouvoir a fait interdire le 13 une banderole portant ces mots lors du défilé commémorant la catastrophe minière de Manisa qui avait fait 301 morts en 2014… Plusieurs partis d’opposition ont annoncé leur soutien à İmamoğlu; le Parti communiste a retiré son candidat. Le HDP a annoncé que de nouveau, il ne présenterait pas de candidat. Le 28, la co-présidente du HDP, Pervin Buldan, a déclaré: «Les élections du 23 juin sont aussi celles de Şırnak, Muş, Bitlis et Bağlar. Ce sont les élections de nos six municipalités qui ont été saisies». Le CHP, de son côté, a tenté d’attirer le vote kurde en mentionnant le «droit fondamental» à l’éducation dans sa langue maternelle…
La perspective n’est pas en faveur de l’AKP, la situation économique étant particulièrement mauvaise dans cette ville qui génère 31% du PIB turc. Au 31 mai, l’indice de confiance des consommateurs affichait une baisse de 13% par rapport au mois précédent, et les statistiques montrent que quand cet indice baisse, le vote pro-AKP en fait autant… Il semble qu’en réponse, les autorités tentent de manipuler la liste électorale, alors qu’elle devrait demeurer identique à celle du 31 mars: Cumhuriyet rapporte que certains votants ont constaté qu’ils en avaient été retirés et remplacés (à la même adresse!) par de parfaits inconnus (Al-Monitor)…
Le soi-disant indépendant YSK, qui n’a annulé que le résultat du CHP, alors que les conditions étaient les mêmes dans les autres districts, s’est publiquement dévoilé comme aux ordres du Président turc. Même les anciens leaders de l’AKP Abdullah Gül et Ahmet Davutoğlu ont réagi négativement (Bianet). Le candidat HDP pour Ankara, Filiz Keresecioğlu, a déclaré: «Maintenant, la Turquie voit que ce qui s’est fait dans les provinces kurdes peut aussi être fait à Istanbul et à l’Ouest»: le YSK a également déclaré inéligibles plusieurs nouveaux maires HDP, au prétexte qu’ils avaient été démis en 2016 par des décrets d’urgence de M. Erdoğan. Il avait pourtant validé par écrit le dépôt de leur candidature… Ainsi à Bağlar (Diyarbakir), Zeyyat Ceylan, vainqueur avec 70,34% des voix, a dû laisser la mairie au candidat AKP (25,46%), de même pour l’élu HDP de Tusba à Van (52,93%), celle de Caldiran, aussi à Van (53%), ou encore à Tekman (Erzurum)… Le YSK a aussi invalidé l’élection de 10 moukhtars (chefs de village ou de quartier) du district de Lice (Diyarbakir), remplacés par des administrateurs nommés (Ahval)…
La «guérilla» du pouvoir contre les municipalités HDP ne s’est pas limitée à l’invalidation d’élus. Déjà, le mois dernier, des administrateurs AKP avaient avant de quitter leur poste remis des bâtiments municipaux à la police ou à l’administration provinciale. Le 8 mai, le site Bianet a annoncé que dans les districts de Cizre, İdil et Sılopi (Şırnak), repris par le HDP, la police avait installé devant l’entrée des mairies des points de contrôle avec des appareils à rayons X, voire des postes de garde, ainsi qu’à Kiziltepe (Mardin), devant la mairie métropolitaine de Mardin, et selon RojInfo dans 26 municipalités. Raison invoquée par les autorités pour ces actions d’intimidation illégales, car sans ordre écrit: empêcher des personnes déchues de la fonction publique par décret-loi «d’interférer dans l’administration des municipalités» (RojInfo)… La municipalité de Tunceli, conquise le 31 mars par le seul maire communiste du pays, Fatih Mehmet Maçoğlu, s’est aussi attiré les foudres des ultranationalistes: lors de sa première session le 23, son conseil municipal a décidé de modifier le nom inscrit sur la mairie en rétablissant son nom kurde de «Dersim», autoritairement changé en 1935, et d’offrir à ses administrés des services en zazakî et en kurmancî (Bianet). Le leader du MHP, Devlet Bahceli, a stigmatisé un «complot communiste et séparatiste», et le ministère de l’Intérieur a dépêché un inspecteur sur place (Ahval).
Par ailleurs, la semaine du 13, la Présidence turque a déposé pas moins de 33 plaintes contre 21 députés kurdes (et 1 de l'opposition CHP) pour les priver de leur immunité et permettre leur condamnation ou leur destitution. Selon les médias d'État turcs, parmi les députés visés se trouvent les deux co-présidents du HDP Pervin Buldan et Sezai Temelli, Leyla Güven (Diyarbakir), initiatrice des grèves de la faim, et Ahmet Şık (Istanbul), ancien journaliste connu pour ses enquêtes sur le réseau Gülen (comme son ouvrage İmamın Ordusu, «L’armée de l’Imam») et l’administration Erdoğan (Kurdistan 24).
Autre événement marquant de ce mois, le succès du mouvement de grève de la faim demandant la fin de l’isolement du leader kurde emprisonné Abdullah Öcalan. La secousse électorale du 31 mars et l’inquiétude du pouvoir devant des milliers de prisonniers en jeûne (7.000 au 6 mai selon l’Humanité), dont 8 déjà s’étaient suicidés, ont probablement toutes deux pesé sur la décision de lever l’isolement, prise le 16. Le 2, jour où la police dispersait violemment à Diyarbakir un rassemblement de mères et d’épouses de prisonniers grévistes de la faim (AFP), arrêtant dans plusieurs villes une quarantaine de proches, les avocats d’Öcalan ont pu rencontrer celui-ci (après 8 ans et 810 demandes rejetées!). Craignant une manœuvre pour stopper le mouvement, les prisonniers annonçaient poursuivre celui-ci; les jeûneurs de Strasbourg déclarant notamment: «Nous ne nous arrêterons pas tant que l’isolement ne sera pas terminé. La visite a eu lieu, mais l’important est la prochaine étape» (RojInfo). Le HDP appelait la communauté internationale à sortir de son silence, 15 prisonniers ayant entamé un «jeûne à mort». Le 14, ils étaient 30.
Le 16, le ministre de la Justice Abdülhamit Gül annonçait la levée de l’isolement. Les avocats d’Öcalan avaient relayé le 6 en conférence de presse un courrier où leur client appelait les jeûneurs à ne pas mettre leur vie en danger, déclarant également que «les problèmes en Syrie doivent être résolus loin de la culture de violence et dans le but d'instaurer une démocratie locale dans le respect de l'intégrité territoriale de la Syrie». Main tendue ? Öcalan ajoutait: «Les sensibilités de la Turquie doivent être prises en considération»… Le 20, la police réprimait de nouveau violemment devant la prison pour femmes de Gebze un rassemblement organisé par des mères de prisonniers politiques; plusieurs manifestantes étaient blessées, les 2 représentantes locales du HDP arrêtées, et la députée HDP Ayşe Sürücü frappée (RojInfo). Le 22, deux des avocats d’Öcalan, après plusieurs demandes rejetées, ont pu de nouveau le visiter. Le 26, après qu’ils aient relayé un nouveau message d’Öcalan appelant à la fin du mouvement, dont «l'objectif [...] a été atteint», le représentant des prisonniers en jeûne, Deniz Kaya, annonçait la fin du mouvement, rapidement suivi par l’initiatrice du mouvement, Leyla Güven, qui saluait «une victoire de la démocratie turque», tout en regrettant la mort des 8 prisonniers suicidés.
Cette victoire ne doit pas faire oublier combien la situation carcérale en Turquie demeure préoccupante. Selon un Rapport d’avril 2019 de l'Association des droits de l'homme (İHD), tortures ou mauvais traitements en prison ont fortement augmenté ces dernières années: 1.149 plaignants ont déclaré en avoir subi, et au moins 23 prisonniers ont connu des décès suspects. Le 7, le député HDP de Van, Tayip Menzel, a déposé au Parlement une question écrite sur l’usage systématique de la torture dans la prison n° 2 d’Elaziğ, soulignant que malgré plusieurs plaintes de prisonniers, aucune enquête n’avait été ouverte. Le 23, après que le Turkey's Center for Prison Studies (TCPS, sigle turc CISST) a annoncé la publication sur internet en anglais et en turc d’un rapport intitulé Freedom of Speech in Prison (Hapishaneler'de ifade özgürlügü), le site de l’organisation semble avoir été immédiatement fermé (Ci-après les liens indiqués: anglais -> et turc ->).
Parallèlement, le mécanisme répressif bien rôdé des arrestations, inculpations et condamnations continue de «tourner». Après des universitaires signataires de la pétition contre les violences dans les provinces kurdes «Nous ne participerons pas à ce crime», les membres (démis) du Conseil de direction de l’Association médicale turque (TTB) qui avaient critiqué l’opération d’Afrîn ont été condamnés le 3 à des peines d’emprisonnement (Bianet).
Le 7, la peine infligée à la journaliste Pelin Ünker, de Cumhuriyet, a été annulée en appel. Ünker avait été condamnée à plus d’un an d’emprisonnement pour diffamation après un rapport sur les Paradise Papers impliquant Binali Yıldırım et ses fils, qui avaient pourtant reconnu les faits! Le 8, la journaliste Cansu Pişkin, du quotidien Evrensel, a été condamnée à 10 mois d’emprisonnement avec sursis pour avoir publié le nom du procureur de l’affaire des étudiants de l’université Boğaziçi, jugés pour avoir protesté contre l’attaque turque d’Afrîn. Ses avocats ont indiqué que la publication du nom du magistrat dans des médias pro-gouvernementaux comme Sabah n’avait déclenché aucune poursuite…
Le 10, la Cour constitutionnelle a prononcé la libération de l’enseignante Ayşe Çelik pour «violation de sa liberté d’expression». Çelik avait été condamnée pour «propagande terroriste» après avoir appelé en direct un programme de télévision pour dénoncer les morts d’enfants causées par les opérations militaires dans les provinces kurdes du pays. L’un de ses avocats, Mahsuni Kahraman, a déclaré espérer que ce verdict fasse jurisprudence dans les affaires des universitaires et médecins condamnés pour leurs déclarations (Bianet). Le 14, une délégation de médecins s’est rendu au ministère de la Justice pour remettre une pétition appelant à la libération des dirigeants de la TTB.
Les poursuites contre les quelque 2.000 signataires de la pétition «Nous ne serons pas complices de ce crime» ont pris de l’ampleur, visant aussi des personnes résidant à l’étranger, comme le mathématicien Tuna Altınel, enseignant en France à l’université Lyon 2, arrêté le 11 lors d’une visite à Balıkesir pour «propagande terroriste». Son arrestation a déclenché un important mouvement de solidarité en France. Le 21, Ayşe Gül Altınay, signataire de la même pétition, a été condamnée pour «propagande terroriste» à 2 ans et un mois d’emprisonnement fermes (une peine supérieure à 2 ans interdit le sursis). Enseignante à l’Université Sabanci, anthropologue, Altınay avait co-signé en 2011 avec Fethiye Cetin le Livre des petits enfants (Torunlar), qui rassemble des témoignages de descendants d’Arméniens victimes du génocide de 1915. Bianet a publié en ligne son émouvante déclaration de défense (->). Le même jour, 7 journalistes du journal «pro-kurde» Özgur Gündem, fermé par décret en 2016, dont ses rédacteurs en chef Eren Keskin et Huseyin Aykol, ont été condamnés pour les mêmes charges à des peines de prison allant de 15 à 45 mois (AFP).
Le 15, a enfin été prononcé le jugement concernant la révélation du convoi clandestin d’armes vers la Syrie des services de renseignement turcs (MIT), une affaire dans laquelle le Président turc avait personnellement déposé plainte et demandant notamment la perpétuité pour le rédacteur en chef de Cumhuriyet, Can Dündar. En février, la Cour constitutionnelle avait jugé que les emprisonnements de Dündar et du responsable du journal à Ankara, Erdem Gül, constituaient une violation de leurs droits, une décision qui avait provoqué la colère d’Erdoğan… Le tribunal d’Istanbul a cette fois prononcé l’acquittement de Gül et la cessation des poursuites contre le député CHP et journaliste Enis Berberoğlu. Lors du procès tenu en février dernier, leurs affaires avaient été séparées de celle de Dündar, dont le tribunal attend maintenant l’extradition pour poursuivre le procès…
À partir du 20, une autre affaire d’exactions policières a défrayé la chronique, celle du village d’Halfeti (Şanlıurfa). Ce soir-là, le député HDP et défenseur des Droits de l’homme Ömer Faruk Gergerlioğlu a posté sur Twitter une photo montrant une douzaine de personnes menottées mains dans le dos et étendues sur le sol. Puis des détails sur la situation ont émergé progressivement. Après une opération anti-PKK dans le quartier de Dergili le 18, au cours de laquelle un officier de police a été tué et 2 autres blessés, les forces de sécurité ont exercé des représailles sur le village, plaçant 53 personnes en garde à vue pour les interroger et en torturant certaines à l’électricité, dont des enfants, pour leur extorquer des aveux… Les personnes détenues se sont vues interdire illégalement l’accès à un avocat. Le 20, un hélicoptère militaire a bombardé la zone presque tout l’après-midi. La branche de Şanlıurfa de l’association des Droits de l’homme İHD a accusé la police de tortures et de mauvais traitements, ce que procureur de la ville a nié. Le 24, Amnesty International a lancé une campagne dénonçant les risques de torture des personnes détenues et appelant ses adhérents à écrire au ministre turc de l’Intérieur (->).
À l’international, les relations avec les États-Unis continuent à se tendre. Le 4, le Secrétaire à la défense, Patrick Shanahan, a menacé d’exclure la Turquie du programme de production de l’avion militaire F-35 si le pays persistait à vouloir acquérir le système de défense antiaérien russe S-400. Ankara, qui a investi plus d’un milliard de dollars dans ce programme, doit recevoir une centaine d’appareils. Le 24, la chaîne américaine CNBC a même annoncé que les États-Unis avaient menacé la Turquie de sanctions…
L’armée turque a encore intensifié ses opérations anti-PKK au Kurdistan d’Irak. Le PKK a revendiqué en début de mois la mort de 6 soldats turcs la semaine précédente, tandis que le ministère turc de la Défense annonçait avoir «neutralisé» 14 combattants kurdes dans une frappe aérienne sur une grotte au nord de Dohouk, ce que le PKK a réfuté. Le 2, d’autres frappes ont endommagé sans faire de victimes plusieurs villages de la région de Qandîl. Le 3, le ministère turc de la Défense a annoncé la mort de 3 soldats au Kurdistan d’Irak dans des tirs de mortier sur leur base de Sherwan Mazin, face à la province turque d’Hakkari. En représailles des hélicoptères ont pilonné le lendemain soir plusieurs villages, terrifiant les habitants (Rûdaw). Le 6 et le 7, des avions ont également bombardé le district d’Amêdî (Dohouk), non loin de Shiladze. Le matin du 10, un soldat turc a été tué et un autre blessé par une bombe artisanale à Dilucu (Iğdır), près de la frontière iranienne (Rûdaw). Le 11, Riza Altun, un dirigeant du PKK que l’armée turque avait annoncé (juste avant les élections…) avoir blessé dans une frappe le 21 mars, a démenti l’information. Le 14, un sergent a été tué à Derecik (Hakkari), provoquant une frappe de représailles côté irakien, et un civil kurde sorti ramasser des champignons a été tué.
Le 15, un drone militaire turc s’est écrasé côté irakien près de Sarsing (Dohouk), abattu ou victime de problèmes techniques (Kurdistan 24). Le 13, le PKK a revendiqué avoir tué 3 soldats et avoir fait «de nombreux blessés» à Şırnak (Roj News). L’agence ANF a aussi annoncé «de nombreux morts» à Cukurca (Hakkari). L’armée turque a quant à elle annoncé l’élimination de 4 combattants kurdes au Dersim, et de 4 autres à Hakkari. Le 16, 5 agents du MIT ont été blessés à Sarsing (Amêdî), au Kurdistan d’Irak quand leur convoi a été visé par une bombe artisanale (NRT). Le 19, RojInfo a rapporté qu’une autre explosion similaire avait fait 9 morts et 21 blessés chez les militaires turcs, toujours à Amêdî. D’autres affrontements impliquant des hélicoptères ont duré presqu’une semaine à Sidakan. Le PKK a déclaré avoir «attaqué l’armée d’invasion turque» tôt le matin près de Khwakurk (Rûdaw). Le 21, de nouvelles frappes aériennes ont tué un civil près de Barzan.
Le 28, l’agence Anatolie a annoncé le lancement la veille au soir au Kurdistan d’Irak d’une importante offensive anti-PKK à Khwakurk (nord de la province d’Erbil). Supervisée personnellement par le ministre de la Défense Hulusi Akar, l’opération, baptisée «Griffe», débutée par un pilonnage d’artillerie lourde, impliquait aussi des commandos et 10 avions de chasse, ainsi qu’au moins 30 hélicoptères de type Cobra. Selon le maire de Sidakan (Soran), on entendait les frappes depuis les villes de Soran et Rawandouz, dont les habitants étaient terrorisés. L’opération a été largement médiatisée, le Président turc en faisant lui-même mention dans un tweet. Le HPG (aile militaire du PKK) a dénoncé la propagande turque et revendiqué 5 morts et «de nombreux blessés» dans l’attaque d’un convoi militaire à Basan (Iğdır). Le 29 au matin, des chasseurs turcs ont effectué pour la deuxième fois dans la semaine des frappes près de Shiladze (Dohouk), un événement de plus en plus fréquent depuis quelques semaines. Le 31, le HPG a annoncé avoir repoussé le 29 l’armée d’invasion turque, lui infligeant un «coup historique» et tuant 9 soldats, au prix de 3 de ses propres combattants tués dans des frappes aériennes (RojInfo).
Ces opérations militaires semblent surtout remplir une fonction de propagande intérieure. Comme le remarquait en avril le site Ahval, si elles sont si efficaces, comment expliquer alors que l'armée turque, la 2e de l’OTAN par ses effectifs, n’ait pu encore mettre fin à une guérilla qui dure depuis des décennies, ni prendre le contrôle du sanctuaire montagneux de son adversaire?
Selon Al-Monitor, des négociations indirectes auraient commencé entre les services secrets turcs (MIT) et le PYD, le parti kurde de Syrie dominant l’administration autonome du Nord Syrien. Le 6, le journal en ligne a rapporté des informations d’une source anonyme selon laquelle des émissaires du MIT auraient rencontré à deux reprises fin avril Mazloum Kobanê, le commandant en chef des FDS. Les États-Unis auraient servi d’intermédiaires pour démarrer ces discussions, que Kobanê a mentionnées début mai, les qualifiant d’«indirectes», menées «au travers d’intermédiaires». Un «deal» est en tout cas loin d’être acquis: la Turquie cherche toujours le contrôle d’une «zone de sécurité» établie dans le Nord syrien (jusqu’à présent sans rien avoir obtenu de concret des États-Unis à ce propos semble-t-il), contrôle absolument refusé par l’administration autonome, et Kobanê a insisté de son côté que tout accord supposait d’abord un retrait turc d’Afrîn, un chemin que la Turquie ne semble guère prendre…
Bien au contraire, les mercenaires djihadistes de la Turquie contrôlant la région et la ville d’Afrîn poursuivent leurs exactions, qui visent manifestement à effrayer les populations kurdes afin de les faire fuir et de mener le nettoyage ethnique souhaité par M. Erdoğan. Le 29 mai dans l’après-midi, ils ont encerclé et attaqué 2 villages du district de Mabata, Kokan Haut et Bas, menaçant de mort les habitants s’ils ne quittaient pas leur domicile, faisant feu sur ceux qui résistaient ou refusaient de partir, blessant 10 personnes, incluant femmes et enfants, dont 2 gravement. Ils ont même interdit d’emmener les blessés à l’hôpital… Le lendemain, des centaines de Kurdes de Syrie sont descendus dans les rues pour protester contre la construction prévue par les Turcs d’un mur isolant Afrîn du reste de la Syrie. Sînem Mohammed, représentante aux États-Unis du Conseil démocratique syrien, a exprimé sa crainte que cette opération ne prépare l’annexion d’Afrîn par la Turquie (Kurdistan 24). Le 5, une autre manifestation rassemblant plusieurs milliers de participants a pris place à Kobanê pour dénoncer aussi bien le silence de la communauté internationale face aux exactions turques à Afrîn que l’isolement imposé par la Turquie au leader kurde emprisonné Abdullah Öcalan (RojInfo).
Plus à l’Est, et notamment dans la région de Deir Ezzor, l’administration autonome de la Fédération du Nord syrien est confrontée depuis trois semaines à une série de manifestations des habitants arabes qui se plaignent du manque de services de base et accusent les dirigeants, majoritairement kurdes, de discrimination à leur encontre. Ces protestations se sont progressivement étendues à des zones riches en pétrole, où certains résidents ont tenté d’arrêter les convois transportant du pétrole vers les territoires tenus par Damas, se plaignant du manque de bénéfices locaux. Dans certains villages, les banderoles décrivaient les FDS et le président syrien comme «complices du même crime». Autre critique, l’augmentation récente de l’insécurité.
Mais l’un des points de friction les plus importants demeure la conscription, notamment à Raqqa. La campagne d’incorporation, qui vise toutes les appartenances ethniques, Kurdes comme Arabes, fait suite à une décision prise le 14 par le Comité de défense chargé du recrutement dans la Région de l’Euphrate d’appeler tous les jeunes gens entre 18 et 28 ans à accomplir une «période d’auto-défense» de 18 mois. Le 18, la police militaire des FDS a arrêté une vingtaine de jeunes gens de plusieurs villages qui refusaient l’incorporation et les a envoyés dans les camps d’entraînement, d’où beaucoup désertent, selon une source anonyme de Raqqa. Certains de ces jeunes appartiennent à des familles pauvres qui ont besoin de leur force de travail, d’autres rejoignent les FDS pour le salaire de 200 dollars mensuels (Al-Monitor).
Pour tenter de faire baisser les tensions, et alors que certains leaders arabes tribaux du Nord et de l’Est de la Syrie ont commencé à discuter avec Damas, l’administration autonome a entamé des discussions avec eux (Reuters). Conscients que, maintenant que la menace de Daech régresse, les anciens alliés risquent de s’éloigner, les autorités du Rojava ont organisé le 3 mai à Aïn al-Issa, près de Raqqa, un forum «kurdo-arabe» auquel ont été invités 5.000 participants, membres et chefs de ces mêmes tribus. La réunion a rassemblé des représentants de quelque 70 clans, et s’est terminée avec une déclaration défendant l’unité de la Syrie et la souveraineté de son peuple, et appelant à la fin de l’occupation turque des régions de Jerablous, Azaz, al-Bab et Idlib et la libération de cette même occupation de la région d’Afrîn et le retour de ses habitants originels. L’administration autonome a affirmé être prête à dialoguer avec le régime, mais a de nouveau rejeté les accords dits «de réconciliation» que celui-ci promeut, les accusant de n’être que des capitulations sans conditions accompagnées de l’évacuation des combattants (AFP).
Après le forum, le ministre russe des Affaires étrangères a accusé les USA et l’administration autonome de chercher à établir un «quasi-État» à l’Est de l’Euphrate, et Damas a qualifié ce forum de «trahison», tandis que le vice-ministre syrien des Affaires étrangères déclarait que les Kurdes n’étaient qu’un «outil entre les mains de Washington». Le Conseil démocratique syrien a réagi le 5 en déclarant dans un communiqué que Damas n’avait aucun droit d’accuser qui que ce soit de trahison ni de prétendre défendre l’unité et la souveraineté du pays après avoir laissé la Turquie occuper Jerablous, Azaz, al-Bab, Afrîn, et des parties de la province d’Idlib… (Rûdaw)
Le 14, l’administration du Nord syrien a accusé le régime de Damas d’inciter aux manifestations, les médias pro-régime à l’inverse affectant de défendre les manifestants. L’animosité du régime, qui s’est engagé avec l’appui de son allié russe dans une offensive pour reprendre la province d’Idlib, pourrait bien être liée à ses difficultés d’approvisionnement en pétrole, les pires depuis le début de la guerre. Alors que 75% lui viennent de l’extérieur, l’Iran a stoppé ses livraisons depuis le retour de sanctions américaines, et les champs pétroliers locaux sont sous le contrôle de l’administration autonome… (AP)
Sur l’autre front, côté turc, la situation se tend de plus en plus. Le 4, le ministère turc de la Défense a annoncé qu’un lieutenant avait été tué et un autre militaire blessé dans une attaque des YPG près de Tell Rifaat, cette ville à l’est d’Afrîn et au sud d’Azaz coincée entre Turcs au nord et régime au sud (Reuters). Plus au sud, à Idlib, des tirs de l’armée syrienne sur un avant-poste turc ont blessé 2 soldats, provoquant l’envoi de 3 hélicoptères et d’un avion (Bloomberg). Un peu plus tard le même jour, le ministère a annoncé avoir lancé une attaque de représailles sur plusieurs villages de la région de Tell Rifaat et avoir «neutralisé» 28 militants. L’«Armée nationale» syrienne (malgré son nom une pure création turque), a également annoncé une attaque, mais a dû selon Reuters se retirer des 3 villages qu’elle avait pris en raison de tirs nourris de l’armée syrienne.
Le 10, de nouveaux tirs de djihadistes ont visé les FDS dans la même région, et le 12, un agriculteur kurde blessé dans son champ par des tirs turcs a dû être hospitalisé à Girê Spî (Tell Abyad). À Afrîn, l’armée turque et deux factions djihadistes ont bombardé le district de Shera à l’artillerie lourde (WKI). Le 15, l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a annoncé que plus de 600 prisonniers kurdes arrêtés à Afrîn après l’invasion turque, et transférés depuis à Azaz, avaient été de nouveau déplacés depuis une semaine. L’OSDH a indiqué avoir reçu des informations selon lesquelles certains d’entre eux avaient été envoyés dans des prisons turques, et indique également qu’un certain nombre ont été torturés. Selon l’OSDH, 2.682 personnes ont été jusqu’à présent arrêtées à Afrîn, dont 1.087 encore incarcérées, les autres ayant été libérées, le plus souvent contre le paiement d’une rançon allant de quelques centaines jusqu’à 100.000 dollars (Ahval). Le 18, Tell Rifaat a été de nouveau visé par des tirs turcs, tandis que des combats opposaient rebelles soutenus par la Turquie et YPG au nord d’Alep. Des milliers de Kurdes se sont rassemblés devant un centre russe à Alep pour dénoncer la complicité russe des bombardements turcs sur Tell Rifaat. Ils ont de bonnes raisons de se montrer suspicieux: en début de mois, le Vice-président turc Fuat Oktay a annoncé un accord turco-russe de déploiement militaire commun à la frontière dans cette région. Même si la Turquie fait régulièrement des annonces qui se révèlent ensuite vides de réalité, celle-ci rappelle de manière inquiétante l’accord de la Russie début 2018 pour l’invasion turque d’Afrîn…
Du côté américain, il semble que, en contradiction avec l’annonce initiale de retrait du président Trump, Washington se prépare à laisser sur place un millier d’hommes, en partie parce que le président turc a refusé de donner l’assurance qu’il n’attaquerait pas les FDS, en partie parce que les experts américains estiment qu’il demeure encore dans le monde près de 20.000 combattants de Daech, dont de nombreux membres de cellules dormantes en Syrie. Et ceux-ci semblent de plus en plus actifs. Le 1er mai, l’un des commandants des Jaysh al-Thuwar, une faction alliée aux FDS, a échappé dans les rues de Manbij à un attentat utilisant une bombe artisanale qui a blessé 2 civils, une attaque confirmée par l’OSDH et ensuite revendiquée par Daech (Hawar, Kurdistan 24). Le 8, une bombe a explosé à Raqqa sans faire de victimes. Le 10, deux explosions, l’une utilisant une moto piégée, l’autre près d’un point de contrôle, ont tué 5 civils à Manbij (WKI). Le 11, l’OSDH a rapporté la mort de 3 membres des FDS à Girê Spî (Tell Abyad), alors qu’une voiture piégée faisait 1 mort et 6 blessés, dont un enfant, à Manbij (Hawar). Le 15 au soir, un attentat-suicide a visé sans faire de victimes un convoi de déminage des FDS dans le sud de la province de Hassakeh.
Fait préoccupant, certaines attaques, notamment dans la province de Deir Ezzor, ont pris place dans des zones supposément nettoyées des djihadistes depuis longtemps, loin derrière les lignes des FDS, ce qui suppose des complicités locales. Un rapport récent du Pentagone (->) insiste sur la persistance de la menace, notamment dans des zones où la population est à majorité arabe et où certains liens tribaux peuvent encore exister avec Daech…
Après avoir lancé le 15 une large offensive mobilisant 5.000 combattants dans la province de Deir Ezzor, les FDS ont annoncé la saisie d’armes et de munitions, le démantèlement d’une cellule dormante à Tabqa, et l’arrestation de 42 djihadistes dans des zones récemment libérées. Le 18 au soir, une bombe a explosé devant le bureau de la Sécurité de Manbij, faisant 10 morts, dont des civils et 3 enfants. Deux autres explosions près de magasins ont aussi fait des dégâts matériels le 21 (WKI).
En fin de mois, les FDS ont pu aussi renvoyer 2 jeunes filles yézidies libérées de Daech rejoindre leur communauté à Shingal (Sinjar). En début de mois, un groupe de 27 yézidis, 14 femmes et 13 enfants, libérés lors de la bataille pour Baghouz, avaient déjà été reconduits côté irakien. Mais le sort de centaines de yézidis demeure inconnu (WKI).
Le 30, la Deutsche Welle, citant le magazine Spiegel, a annoncé que le gouvernement allemand avait mené des discussions avec les États-Unis sur un possible déploiement aérien pour protéger une zone de sécurité installée dans le Nord syrien «aussi bien de la Turquie que du régime Assad»… Ceci permettrait d’éviter tout déploiement de troupes allemandes au sol. Mais les partis politiques allemands sont en désaccord à ce propos: si la CDU a indiqué son soutien, le SPD s’est déclaré très opposé à cette idée (Ahval, Al-Masdar).
Bien que de profonds différends subsistent toujours entre la Région du Kurdistan et le gouvernement fédéral, les relations s’apaisent progressivement. Le 3, le Premier ministre irakien Abdul Mahdi, en visite à Paris, s’en est félicité dans sa conférence de presse commune avec le président français, déclarant que les problèmes concernant le pétrole, le Sindjar et les postes-frontières pourraient être résolus par le dialogue. Il a notamment insisté sur l’unification des procédures douanières qui a permis la suppression des points de contrôle internes entre Kurdistan et reste du pays (Kurdistan 24). Autre exemple de l’amélioration, le 21, peshmergas et militaires irakiens ont rouvert d’un commun accord la dernière route fermée entre Kurdistan et territoire fédéral, celle de Zummar à Dohouk (les routes Sihela-Sindjar et Kirkouk-Erbil étaient déjà rouvertes). On est loin du temps où les Irakiens tentaient de prendre militairement le contrôle du point de passage vers le Rojava de Pêsh Khabour, avant de renoncer face à la résistance des peshmergas…
Mais les tensions sur le pétrole subsistent. Le budget 2019 prévoit qu’en contrepartie du versement par Bagdad des salaires de ses fonctionnaires, la Région du Kurdistan doit fournir 250.000 barils de brut par jour à la compagnie d’État SOMO (State Oil Marketing Organization). Mais au 21 juin, quasiment au milieu de l’année, le GRK n’avait toujours effectué aucune livraison, alors que les rapports établissent sa production à 600 ou 700.000 barils/jour et ses exportations à plus de 400.000 (Asharq Al-Awsat). Pour la première fois depuis sa nomination, le Premier ministre irakien a haussé le ton, menaçant de diminuer le budget de la Région si celle-ci ne remplissait pas ses obligations. Le député Aram Balatayi (PDK), membre de la Commission parlementaire du pétrole et du gaz, a indirectement répondu le lendemain, assurant que sitôt le nouveau gouvernement kurde formé, une délégation se rendrait à Bagdad pour discuter la question. Balatayi a ajouté que le GRK, ayant signé antérieurement des contrats avec les compagnies exploitant ses gisements, devait d’abord vendre son pétrole pour leur payer leur dû, mais que, si Bagdad acceptait de prendre en charge ces frais, il pourrait livrer le pétrole rapidement (Kurdistan 24)…
Autre point de fortes tensions locales, la gouvernance des territoires disputés entre GRK et gouvernement fédéral. Les leaders des factions kurdes au Parlement irakien ont engagé le 18 la création d’une Commission parlementaire devant suivre l’application de l’article 140 de la constitution de 2005. Cet article, jamais appliqué, prévoyait que les populations des territoires disputés devaient se prononcer par référendum en décembre 2007 sur le devenir de ces territoires. Le Parlement irakien a voté le 29 la création de la Commission. Restera à voir si et comment elle fonctionne…
Les pluies torrentielles qui ont provoqué dans tout le Moyen Orient inondations et déplacements de population ont eu une conséquence inattendue dans les zones désertiques du sud de l’Irak: elles ont ramené au jour de nombreux restes humains, provoquant la découverte dans la province de Mouthanna, à 300 km au sud de Bagdad, de trois fosses communes datant des opérations génocidaires de l’Anfal menées par le régime ba’thiste en 1987-88. Une délégation GRK conduite par le ministre des Martyrs et de l’Anfal, Baravan Hamdî, a visité le 19 la dernière fosse découverte, qui contient environ 300 corps. Une équipe médico-légale devrait entamer les exhumations mi-juin (Rûdaw, ISHM).
Toujours en lien avec ce triste héritage, le Premier ministre du GRK a demandé le 21 à Bagdad l’égalisation des pensions entre les anciens prisonniers politiques kurdes et leurs homologues dépendant du gouvernement fédéral: ceux-ci perçoivent mensuellement 1,2 millions de dinars (900 €) contre seulement 500.000 dinars (375 €) pour les Kurdes… Fin mars 2018, le parlement irakien avait voté l’égalité de traitement, Bagdad devant envoyer indépendamment du budget du GRK les pensions des Kurdes au ministère des Martyrs et de l’Anfal. Bien que Bagdad ait accepté le principe le 11 août et que l’Association des prisonniers politiques irakiens ait demandé à enregistrer les prisonniers kurdes, l’égalisation n’est toujours pas appliquée (Rûdaw)…
Concernant un génocide plus récent, celui des Yézidis par Daech en 2014, Hediye Mourad Haider, députée yézidie (PDK) au parlement d’Erbil, a annoncé le 16 avoir déposé un projet de loi proposant d’instituer une commémoration officielle chaque 3 août. Haider a ajouté qu’il était de la responsabilité de l’État irakien d’indemniser les victimes et leurs proches (Kurdistan 24).
Enfin, après des rumeurs concernant la rétention par le GRK d’une partie des fonds envoyés par Bagdad pour payer ses fonctionnaires, le ministre des Finances Rebaz Hamlan a rejeté le 27 toute malversation. Il a indiqué qu’il y avait eu des retards dans l’envoi des salaires 2018, et que pour 2018 comme 2019, les montants reçus n’en couvraient pas la totalité: pour 2019 le GRK a dû compléter les montants reçus, 2,266 milliards de dinars, par 1,831 milliards de son propre budget, pour mettre fin aux retenues sur salaires. En 2018, il avait déjà complété avec 3,618 milliards (Kurdistan 24).
Enfin, la tension demeure élevée dans le pays: le 14, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des manifestants Place Tahrir à Bagdad, faisant 2 morts et 12 blessés (ISHM), et le lendemain, de violentes manifestations anti-corruption à Najaf ont fait 4 morts et 17 blessés (Rûdaw). Le 16, Washington a ordonné l’évacuation de son personnel diplomatique «non indispensable» en poste à Bagdad et Erbil, peu après que le Secrétaire d’État Mike Pompeo ait alerté sur une «menace très spécifique» due à l’«activité iranienne» dans le pays. La délivrance des visas a été arrêtée…
Au Kurdistan, le 2, le mouvement Goran, puis un peu plus tard dans la journée, le porte-parole de l’UPK, Latif Sheikh Omer, ont déclaré en substance être prêts à signer un accord de gouvernement avec le PDK. Omer a indiqué sur la NRT attendre que le PDK fixe une date pour la signature. Le PDK a indiqué espérer la formation du nouveau GRK pour fin mai… Le 5, le PDK et l’UPK ont annoncé avoir trouvé un accord sur la répartition des portefeuilles ministériels (ISHM), et le 7, une délégation du PDK s’est rendue à Suleimaniyeh pour rencontrer Goran et signer formellement l’accord avec l’UPK. Le lendemain, dans une session présidée par sa Présidente Vala Farîd, le parlement du Kurdistan a réactivé la fonction de Président et modifié son mode de désignation pour qu’il soit choisi par les députés à la majorité simple, et non plus au suffrage universel. Les désaccords sur ce point avaient dans le passé provoqué des tensions telles que le parlement avait cessé de fonctionner. L’acceptation par le PDK du nouveau mode de désignation a permis de faire retomber la tension, notamment avec Goran. Le projet de loi a été voté par 82 voix sur les 111 sièges; les 12 députés de «Nouvelle génération» ont voté contre (Al-Monitor), tout comme ceux de l’Union islamique (Yekgirtû); le Groupe islamique (Komal) s'est opposé à certains aspects de l'amendement. La nouvelle loi a aussi créé un poste de second Vice-président. Cette réactivation était une étape nécessaire pour la formation d’un nouveau gouvernement, puisque c’est le président qui doit désigner le Premier ministre chargé de former celui-ci…
Le 12, le Parlement a annoncé que les candidatures à la Présidence devraient être déposées du 12 au 15, et rappelé les 3 conditions d’éligibilité: résider dans la Région du Kurdistan, être âgé de plus de 40 ans, et posséder ses droits civils et politiques. Le candidat du PDK n’est autre que Nechirvan Barzani, qui serait remplacé comme Premier ministre du GRK par Masrour Barzani, l’actuel responsable («Chancelier») du Conseil de la sécurité (Kurdistan 24). Selon l’accord passé entre PDK, Goran et UPK, Moustafa Sayid Qadir (Goran), ancien ministre des Peshmergas, deviendrait Vice-président.
Le 19, le parlement a annoncé 5 candidatures, mais, sans surprise, le 28, Nechirvan Barzani a été élu. Cependant, seuls 81 députés étaient présents sur 111, l'UPK ayant finalement appelé à boycotter la séance (AFP). PDK et UPK se sont ensuite rejeté mutuellement la responsabilité du non-respect de l’accord conclu: l’UPK a accusé le PDK de n’avoir pas mis en œuvre l’accord concernant le choix du gouverneur de Kirkouk, supposé aller à l’UPK, le PDK a répondu qu’il avait bien respecté l’accord, le choix du gouverneur devant être réglé par les deux leaders Massoud Barzani (PDK) et Kosrat Rassoul (UPK). Selon le communiqué du PDK, après qu’ils se soient mis d’accord sur le nom de Faraydoun Abdul-Qadir, l’UPK aurait renvoyé 3 autres noms la veille de la session parlementaire, «ce qui constituait une violation des accords»… Autre point toujours non résolu, le choix du candidat commun au poste de ministre de la Justice à Bagdad, vacant depuis la nomination d’Abdul Mahdi en octobre dernier (Kurdistan 24)…
Le 30, le Parlement a annoncé que la cérémonie de prestation de serment du nouveau Président se tiendrait le 10 juin, non pas au Parlement vu la nombreuse assistance prévue, mais au Centre de conférences Saad Abdullah, près du parc d’Erbil. Selon Kurdistan 24, c’est le 12 juin que Nechirvan Barzani appellera Masrour Barzani à former sous 30 jours le Gouvernement régional.
En matière de politique intérieure de la Région du Kurdistan, une autre affaire a aussi occupé les colonnes de la presse: celle des menaces de chantage au sein du mouvement «Nouvelle génération», qui a fini par mener mi-mai à l’arrestation de son fondateur et leader Shaswar Abdulwahid. Après un raid des Asayish (Sécurité) de Suleimaniyeh, dépendant de l’UPK, sur le bureau du mouvement dans cette ville, et l’arrestation de plusieurs de ses membres, Abdulwahid avait dénoncé des motifs politiques. Le 9, Rûdaw a annoncé que 5 membres du mouvement avaient été arrêtés le 6, et que 5 autres faisaient maintenant l’objet de mandats pour menaces de chantage et insultes à l’encontre d’autres membres du mouvement: le 24 avril, la députée Shadi Nawzad avait déposé plainte après avoir reçu un texto la menaçant de diffuser une vidéo la montrant nue, tournée à son insu par des caméras cachées dans un logement utilisé par le mouvement. Elle avait reçu le soutien de nombreuses femmes députées de tous les partis, à Erbil ou Bagdad. Après le lancement d’une enquête criminelle, les Asayish de Suleimaniyeh ont diffusé le 9 les confessions filmées de 5 personnes. Le 14, un tribunal de Suleimaniyeh a émis un mandat contre Shaswar Abdulwahid lui-même. Incarcéré le 15, il est immédiatement entré en grève de la faim. Le 22 au soir, le mouvement, dénonçant une arrestation politique, a annoncé qu’après une semaine de jeûne, sa santé était «instable». Le gouverneur de Sulaimaniyeh, Haval Aboubakir (Goran), a répondu que l’arrestation résultait bien d’une procédure juridique (Rûdaw). Finalement, Abdulwahid a été libéré sous caution le 30.
Le bilan du mois montre une intensification très préoccupante des attaques des djihadistes dans les territoires disputés où ils se déploient librement entre les lignes des peshmergas kurdes et des militaires irakiens. Déjà le 29 avril, le leader de Daech, Abou-Bakr al-Bagdadi, était réapparu dans une vidéo où il promettait une «longue bataille» à ses ennemis. Le lendemain, les djihadistes déclaraient avoir tué un membre des Asayish de Suleimaniyeh, tombé entre leurs mains 4 jours auparavant. Son corps a été découvert le 5 au pied du Mont Qarachogh, non loin de Makhmour, avec une balle dans la tête (Rûdaw). Entre temps, le 2, la Sécurité irakienne a annoncé avoir tué dans une embuscade tôt le matin dans la province de Ninive un important commandant de Daech et son assistant.
Les djihadistes ont aussi incendié de nombreuses récoltes tout le mois pour obtenir des paiements ou attirer leurs ennemis dans des embuscades. Le 27 mai, la Direction irakienne de la défense civile a fait un bilan effrayant: près de 2.500 hectares (6.103 acres) de champs brûlés depuis 18 jours dans 136 attaques différentes, sur 11 provinces du pays. Les provinces les plus frappées sont justement celles des territoires disputés: Salahaddin, Ninive, Kirkouk et Diyala… (Kurdistan 24)
Le 4, deux bombes artisanales ont explosé successivement dans le village de Moukhaysa (Diyala), faisant 1 mort et 3 blessés. Le 7, les djihadistes ont tué 3 civils à Mazarieh (Salahaddin), et le soir 3 policiers sur un point de contrôle à Altun Kupri, entre Erbil et Kirkouk. Le 9, on a appris qu’ils avaient attaqué la maison d’un moukhtar de village de la province de Ninive, tuant celui-ci et 4 de ses proches (ISHM). Le 12, des agriculteurs de Makhmour (Ninive) ont demandé à être protégé des djihadistes cherchant à leur extorquer la diya («prix du sang») en les menaçant de brûler leurs champs (Iraqi News). Le même soir, les djihadistes ont assassiné un père et son fils, tous deux membres du Parti socialiste démocratique du Kurdistan (RojInfo, NRT). Le lendemain, une bombe artisanale a explosé dans la même province, près de Tell Afar, tuant un soldat irakien et en blessant 3 autres (ISHM). Le 15, les djihadistes ont incendié d’autres champs près du Mont Qarachogh. Les 15 et 16, ils ont tué dans des attaques-éclair près de Hawija, dans le Sud-Ouest de la province de Kirkouk, 9 membres de la sécurité irakienne dont 4 officiers. Le 18, Daech a mis le feu à d’autres cultures dans la province de Diyala. Plusieurs attaques dans cette zone ont fait un total de 4 morts civils en une semaine, dont un enseignant (Kurdistan 24). Le 19, toujours à Diyala, une bombe artisanale visant des véhicules de milices chiites en a tué ou blessé 26 membres. Le lendemain, 1 civil a été tué et 3 autres blessés de la même manière près de Tell Afar (Ninive) (ISHM). Le 22, 1 policier a été tué et 5 autres blessés à Salahaddin.
Le 23, une opération conjointe entre militaires français et peshmergas a permis d’éliminer au moins 3 djihadistes près de Touz Khourmatou, de libérer une dizaine de villages et de démanteler plusieurs dépôts d’armes (Rûdaw). Mais 2 jours plus tard, d’autres champs étaient incendiés à Taza Khourmatou (Hawija) et Daqouq (NRT). Le 26, un attentat à la bombe, non revendiqué, au marché de Rabia, près de la frontière syrienne, faisait 5 morts et au moins 8 blessés. Le 27 au soir, une attaque djihadiste sur les champs pétroliers près des monts Hamrin et de la ville de Tikrit a été repoussée, leur 2e attaque dans cette zone en une semaine (Kurdistan 24).
Mais c’est en fin de mois qu’ont eu lieu les attaques les plus graves. Le 20 au soir, les champs de plusieurs villages kakaïs au sud de la province de Kirkouk ont été incendiés, et le 30, ceux du village de Haftaghar, 35 km au sud de cette ville, l’ont été à leur tour. Alors que les agriculteurs tentaient de sauver leurs récoltes, les djihadistes ont ouvert le feu, faisant 1 mort et 9 blessés (Kurdistan 24). Et la même nuit, une série de 5 explosions (6 selon d’autres sources) a frappé la ville de Kirkouk, faisant au moins 7 morts et des dizaines de blessés (RFI). Le 31, le ministère de la Santé irakien a annoncé 2 morts et 38 blessés, dont des femmes et des enfants.
Le même jour, la Commission parlementaire de suivi des territoires disputés a condamné cette situation comme une «nouvelle campagne d’arabisation»: certains agriculteurs kurdes victimes de l’incendie de leurs champs ont en effet témoigné que les auteurs en étaient des colons arabes de l’époque ba’thiste revenus pour les évincer. Comme le ministère des Peshmergas et les différents partis kurdes, la Commission a demandé le retour des peshmergas et la gestion conjointe de la sécurité de la province entre eux et les militaires irakiens, ainsi que la gestion de la sécurité de la ville à la police et aux forces de sécurité locales, afin d’«en finir avec la militarisation». Elle a aussi demandé le limogeage de Rakan al-Jabouri, le gouverneur intérimaire nommé par l’ancien Premier ministre irakien Haider al-Abadi, et de «sérieux efforts» pour mettre en œuvre l’article 140 de la constitution (Kurdistan 24). Les partis kurdes accusent toujours Jabouri de réactiver la politique d’arabisation du régime précédent (il a émis 14 décrets saisissant des terres appartenant à des Kurdes pour les réattribuer à des Arabes, avant que la Cour fédérale irakienne ne les annule en décembre dernier) et d’engager illégalement les fonds reçus de Bagdad sans consulter le Conseil provincial. Mais ils ne sont toujours pas parvenus à se mettre d’accord sur un candidat susceptible d’être élu par le Conseil provincial pour le remplacer. Le désaccord touche aussi le lieu de réunion: plusieurs conseillers, dont les membres du PDK, refusent de revenir à Kirkouk, qu’ils considèrent comme sous occupation militaire par Bagdad. Le 30 avril, une nouvelle session du Conseil a dû être remise faute de quorum (Kurdistan 24). La faction arabe du Conseil, dirigée par Jabouri lui-même, refuse évidemment de participer aux réunions…
De nombreux témoignages concernent ce mois-ci des tentatives d’éviction de fermiers kurdes par d’anciens colons arabes revenus sur place. Ainsi le 14 au village de Palkana (Sargaran), à l’Ouest de la province, environ 200 familles arabes porteuses de titres de propriété invalides datant du régime ba’thiste sont arrivées dans un convoi de 25 véhicules et ont expulsé par la force plusieurs familles kurdes. Elles ont bénéficié selon les résidents kurdes du soutien des forces de sécurité. Le 16, à Kirkouk, les forces de sécurité ont démoli au bulldozer dans le quartier d’Arafa 4 maisons appartenant à des familles de peshmergas kurdes. La raison invoquée: le terrain appartiendrait à la North Oil Company. Mais selon les habitants, les maisons arabes ou turkmènes dans le même cas n’ont pas été visées… Le 17, plusieurs fermiers kurdes du village de Mama (Dibis) se sont plaints que leurs récoltes avaient été moissonnées la nuit par des Arabes venus de Baaj, dans la province de Ninive voisine… De l’équipement agricole a également été volé (Kurdistan 24). Le 18, une source officielle a déclaré à Shafaaq News que 600 familles kurdes avaient été expulsées de 3 villages de Kirkouk (ISHM). Le 22, quatre citoyens kurdes de Kirkouk ont été arrêtés après avoir refusé de quitter leurs résidences dont la North Oil Company réclamait la propriété. Selon les témoignages locaux, le gouverneur al-Jabouri émettrait régulièrement des ordres administratifs d’expulsion par groupes de 5 maisons (Kurdistan 24). La Commission des Droits de l’homme du Parlement d’Erbil a demandé la suspension des décisions administratives du gouverneur comme constituant des violations de la constitution irakienne de 2005, notamment de son article 140.
Le 22, suite au conflit aigu à Palkana, une réunion a rassemblé les autorités locales, dont le maire du village, des officiels du Département de l’agriculture de Kirkouk, certains des colons arabes, et Jabouri. Une Commission d’enquête a été instituée, et en attendant ses conclusions, les propriétaires kurdes ont été «autorisés à moissonner» leurs champs! Les colons arabes ont déclaré avoir construit des maisons dans la région avant 2003, Jabouri les soutenant en déclarant que «les Arabes étaient les habitants originels de Sargaran»… Ce type de conflit a provoqué l’arrêt des moissons dans 16 zones à majorité kurde de la province de Kirkouk (Rûdaw). Le 27, un membre de la Commission des territoires contestés du Parlement d’Erbil, Naser Ahmed, a indiqué à Kurdistan 24 que les députés allaient former une nouvelle Commission chargée, après visite de ces territoires, de se rendre à Bagdad pour pousser à la remise en œuvre de l’article 140. Un autre député, Mahyadin Hassan, a indiqué que la Commission pourrait aussi demander la destitution de l'actuel Président du Conseil irakien sur les territoires contestés, Hadi al-Ameri, par ailleurs leader de la Coalition Fatah soutenue par l'Iran (Kurdistan 24).
Inquiet des rassemblements du 1er mai, le régime s’est employé à les empêcher dans les villes du Kurdistan, incarcérant notamment à Sanandadj l’activiste Zanyar Dabagian après une condamnation à un an d’emprisonnement pour «propagande contre le gouvernement» (WKI). À Téhéran, une manifestation de plusieurs milliers de personnes, appelée notamment par le syndicat des conducteurs de bus, avait commencé à scander devant le parlement des slogans dénonçant la vie chère et l’inflation, mais la police est intervenue très violemment pour disperser le groupe, n’hésitant pas à frapper des manifestants déjà à terre, et arrêtant au moins 35 participants. Deux journalistes couvrant la manifestation, Kayvan Samimi, rédacteur en chef de Iran-e-Farda, et Marzieh Amiri, de Shargh Daily, ont également été arrêtés. Le 6, le CPJ (Committee to Protect Journalists) a demandé leur libération.
Aussi le 1er mai, un incident impliquant des membres de milices chiites irakiennes (Hashd al-Shaabi), officiellement venus en Iran à la mi-avril pour participer à l’assistance après les inondations, a été rapporté. Les autorités ont été accusées sur les réseaux sociaux d’avoir en fait amené ces miliciens dans les provinces frontalières du pays, en particulier le Kurdistan, pour aider à réprimer les manifestations causées par la dégradation de l’économie, voire assister les pasdaran contre les rebelles kurdes. Selon un témoignage local transmis à Kurdistan 24, par l’intermédiaire de l’organisation de défense des droits de l’homme Hengaw, certains de ces miliciens ont fait feu sur un véhicule à Oshnavieh, tuant deux porteurs transfrontaliers kurdes ou kolbars. Bien que non armés, ceux-ci continuent à être régulièrement pris pour cible par les pasdaran ou les garde-frontières iraniens. Rien que durant la première semaine du mois, six d’entre eux ont été tués, incluant les deux victimes des miliciens irakiens. Le 4, un kolbar a été tué et trois autres blessés dans une embuscade tendue par les pasdaran près de Nowsoud. Une autre attaque a eu lieu près de Salmas. Le 5 mai, deux kolbars se sont noyés en tentant de traverser un lac près d’Ouroumieh. Le 7, le corps d’un autre porteur disparu depuis trois mois a été retrouvé près de Baneh, mort de froid (WKI). Le 9, un autre porteur originaire de Kermanshah s’est tué en chutant dans un ravin alors qu’il tentait d’échapper aux garde-frontières. Le lendemain, ceux-ci ont grièvement blessé un autre kolbar, ensuite décédé à l’hôpital à Piranshahr. Le 11 mai, deux autres kolbars ont été tués par des tirs près de Bokan et le lendemain un autre blessé près de Sardasht. Le 14, un autre, âgé d’à peine 17 ans, est mort noyé dans une rivière près d’Oshnavieh, et le 19, un autre a été tué dans des tirs sur son groupe près de Baneh. Le 28, KMMK et Hengaw ont annoncé que l’armée iranienne avait tué 4 kolbars et en avait blessé 2 autres à Piranshahr. À cette date, la Kurdistan Human Rights Association (KMMK) a décompté depuis début 2019 39 morts et 80 blessés parmi les porteurs (RojInfo).
Les arrestations et condamnations d’activistes kurdes se sont également poursuivies. Ainsi Ataollah Ahsani, de Divandarreh, condamné à 7 ans de prison pour «insulte aux symboles sacrés» après avoir participé à des manifestations contre le régime en 2018, de Daniel Darab, condamné à un an de prison à Kermanshah pour «actes opposés à la sécurité nationale», ou encore de 2 Kurdes d’Ouroumieh arrêtés en octobre 2018, Bihzhad et Mikael Shahswar, condamnés à 5 ans d’emprisonnement pour «appartenance à des partis d’opposition». Le 8, des officiers de l’Etelaat (Service de renseignement) ont arrêté à Sanandadj un militant syndical kurde, Ishaq Rûhî, sans qu’on en connaisse la cause. Parallèlement, 2 défenseurs de l’environnement, Sîrwan Qurbanî et Hadî Kamangar, appréhendés en décembre 2018 en même temps que 6 autres par l’Etelaat, ont été transférés en prison en l’attente de leur procès. Le sort de leurs 6 compagnons demeure inconnu, ce qui arrive fréquemment en cas d’incarcération par l’Etelaat… (WKI).
Malgré la répression, dans plusieurs villes du Kurdistan d’Iran, Kermanshah, Marivan, Sanandaj, Saqqez, Ouroumieh, et Kamyaran, les enseignants ont osé se réunir pour protester contre leurs conditions de travail et s’opposer aux plans du régime pour privatiser certaines écoles. Parmi les nombreux mouvements et grèves faisant suite à la dégradation de l’économie, le 12, les chauffeurs de taxi d’Ouroumieh ont fait grève toute la journée pour protester contre leurs bas revenus et l’augmentation en flèche du prix des pièces détachées automobiles suite à la dévaluation du rial. À Khorramabad, les employés municipaux se sont rassemblés devant la mairie pour protester contre le non-paiement de leurs salaires (WKI).
Le 15 mai, trois membres de l’Association des écrivains iraniens, Baktash Abtin, Reza Khandan Mahabadi, et Keyvan Bajan, ont été condamnés à 6 ans de prison pour «propagande contre l’État» et «collusion contre la sécurité de l’État»: ils avaient osé publier une histoire de leur groupe, fondé en 1968 pour lutter contre la censure, et tenir des cérémonies remémorant leurs camarades assassinés par l’État en 1998, Mohammad Mokhtari et Mohammad Jafar Pouyandeh, en se rassemblant sur leurs tombes (CHRI).
Parmi les récentes arrestations au Kurdistan, on compte un grand nombre de femmes. Ainsi le 14, Iran Rah-Paykar a été arrêtée à Marivan, à son retour du Kurdistan irakien, et transférée au centre de détention de l’Etelaat à Sanandadj. Le 16, les forces de sécurité du régime ont lancé un raid sur le village de Kûlan (Marivan) et y ont arrêté au moins 7 activistes, dont 3 femmes kurdes, Daiman Fat’hi, Somayyeh Rûzbeh et Mojdeh Mardokhi. Là encore, il s’agissait d’empêcher un rassemblement commémoratif sur une tombe, celle de Nermin Vatankhah, précédemment assassinée à Marivan. Le 18 mai, deux des trois femmes arrêtées, Daiman Fat’hi, Somayyeh Rûzbeh, ont été inculpées de «troubles à l’ordre public». Plusieurs autres activistes femmes ont été arrêtées dans tout le pays, notamment sous la charge d’avoir encouragé les femmes à abandonner leur voile (NCR).
Parallèlement, trois nouveaux défenseurs de l’environnement, Mahdi Qubadi, Rashad Montazari, et Jalal Rostami, ont été transférés en prison après des mois de détention dans des cellules de l’Etelaat (WKI, KMMK).
Par ailleurs, après deux mois de grève de la faim, entamés en protestation du traitement inique des prisonniers politiques en Iran, la santé de l’activiste Barzan Mohammadi continue à se détériorer. Mohammadi purge une peine de 6 ans qui lui a été infligée en 2017 pour avoir «rassemblé un groupe contre la sécurité nationale» (WKI).
Au plan national, l’activiste politique et ancienne conseillère du leader du mouvement vert Mehdi Karroubi, Hengameh Shahidi, a été condamnée le 13 par une Cour d’appel de Téhéran à 7 ans et 6 mois de prison pour «propagande contre l’État», «insultes à des fonctionnaires» et «propagation de fausses nouvelles», en fait pour avoir critiqué l’ancien ministre de la Justice Sadegh Larijani (CHRI).
Enfin, un nouveau séisme d’une magnitude 5,3 a frappé le 11 la zone-frontière entre Kurdistan iranien et Région du Kurdistan, en Irak. En contraste avec le tremblement de terre de 2017 qui avait frappé Kermanshah et fait 630 morts et 8.000 blessés dans les zones d’habitat kurde en Iran, celui-ci n’a pas fait de victimes.
Six ans après le triple assassinat de militants kurdes à Paris, le 6 janvier 2013, leurs familles ont obtenu la réouverture de l’enquête. Un juge antiterroriste a été chargé le 14 de reprendre les investigations, et travaillera en particulier sur l'implication des services de renseignement turcs (MIT). Les trois militantes Sakine Cansiz, 54 ans, Fidan Dogan, 28 ans, et Leyla Saylemez 24 ans, avaient été tuées de plusieurs balles dans la tête. Le suspect, Omer Güney, trahi par les caméras de surveillance et des traces de munitions sur ses affaires, était décédé d'un cancer du cerveau en décembre 2016, juste avant l’ouverture de son procès devant la cour d'assises spéciale de Paris, ce qui avait entraîné l’arrêt de l’enquête.
Mais les familles ne pouvaient accepter d’en rester là. Elles se sont battues pour faire reprendre les investigations – non sans difficultés. Début 2017, une nouvelle plainte est déposée sur la base de l’apport d’éléments nouveaux, des documents incriminant indirectement les service secrets turcs. Mais le parquet, une fois ces documents traduits en français, classe la plainte sans suite. En janvier 2018, des milliers de Kurdes manifestent à Paris pour réclamer «vérité» et «justice» et dénoncer l’inaction et le silence des autorités françaises. En mars 2018, les familles déposent encore une nouvelle plainte et se portent partie civile, pour obtenir la désignation d'un juge d'instruction. C’est sur cette base que le parquet de Paris a finalement ouvert une information judiciaire pour «complicité d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste» et «association de malfaiteurs terroriste criminelle», selon une source judiciaire. L’un des avocats des familles, Me Antoine Comte, a déclaré à l’AFP: «C'est historique, la fin de l'impunité pour les assassinats politiques en France commandités depuis l'étranger. […] Le parquet admet que l'affaire n'est pas terminée avec la mort du suspect, un juge va pouvoir examiner tous les éléments, en premier lieu l'implication d'un pays étranger, déjà pointée par l'enquête initiale» (AFP). En effet, la première enquête avait bien relevé l’implication de membres du MIT, au travers des contacts du suspect, et de son plan (déjoué) pour s’évader de prison, qui prévoyait bel et bien la participation d’un membre du MIT… L’enquête n’avait pas cependant permis de déterminer si ces membres des services secrets turcs avaient agi sur ordre ou de leur propre initiative. L’enquête qui démarre devra tenter de répondre à ces questions, parmi de nombreuses autres…
Le 14 mai, jour même où l’enquête sur les meurtres de Paris était relancée, au moins 150 personnes se réunissaient à Lyon pour demander la libération du mathématicien turc Tuna Altınel. Parmi les manifestants, des membres de l’Association Amitiés kurdes de Lyon, mais aussi de nombreux étudiants et étudiants de l’université Lyon 1 et des membres du syndicat Sud Solidaires et du PCF. En effet, établi en France depuis 1996, Altınel, par ailleurs défenseur respecté des droits de l’homme et mathématicien internationalement reconnu, est maître de conférences dans cette université (Le Figaro).
Que lui est-il reproché en Turquie ? D’avoir, comme plus de 2.000 universitaires, signé en 2016 une pétition dénonçant le sort des civils dans les régions kurdes de Turquie face aux violences des forces de sécurité turques. Son procès s’était tenu en février et le verdict devait tomber en juillet. Mais en février dernier, Altinay a eu le tort de servir d’interprète durant la réunion publique d'une association kurde à Villeurbanne à l’ancien député HDP Faysal Yıldız. Cela a entraîné pour lui de nouveaux ennuis judiciaires, les autorités turques ayant utilisé l’article 7/2 de la «Loi anti-terreur» pour le faire arrêter le 10 mai dernier à Balıkesir, où il s’était rendu pour s’informer sur les restrictions imposées à son passeport. Le gouvernement français a confirmé le 13 qu'il était en détention provisoire, exprimant sa «préoccupation». Il est maintenant accusé de «propagande pour une organisation terroriste». Ses collègues et étudiants du département de mathématiques de Lyon 1 ont mis en place un comité de soutien et maintiennent le contact avec les ministères français de l’Enseignement supérieur et de la recherche et des Affaires étrangères. Le Conseil national français de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) a décidé à l’unanimité de demander aux ministres de l'Union européenne, de l'enseignement supérieur et des affaires étrangères en France de «faire le nécessaire pour que la Turquie respecte la liberté d'expression des universitaires». Dans un discours prononcé le 16 mai dernier, la ministre française de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a indiqué sa profonde préoccupation, soulignant que Altınel devait pouvoir revenir en France dès que possible et reprendre son travail. La Société européenne de mathématiques a également fait une déclaration concernant cette arrestation, soulignant qu’il s’agissait d’une violation des droits humains et exigeant sa libération immédiate (Bianet). Plusieurs procès ont commencé aussi ce mois en Turquie contre d’autres universitaires signataires de la même pétition, dont certains qui s’étaient dénoncés eux-mêmes aux autorités judiciaires par solidarité avec leurs collègues inculpés, comme Zeynep Tanbay ou Halim Bulutoğlu, dont l’avocat s’est appuyé sur le verdict de la Cour constitutionnelle prononçant la remise en liberté de Ayşe Celik pour demander leur acquittement immédiat…
Le 16, L’Humanité a fait de Tuna Altınel son «homme du jour», et le 30, deux sénateurs PS du Rhône ont écrit au Premier ministre français Edouard Philippe pour lui demander quelles démarches la France «[envisageait] de prendre pour la libération de monsieur Altinel» (LyonMag.com).
Le 22 mai, 132 Yézidis ont quitté à la mi-journée Erbil, au Kurdistan d’Irak, pour la France, où ils doivent se réinstaller dans le cadre d’un programme de coopération avec l’Organisation internationale des Migrations (ISHM) financé par le ministère français des Affaires étrangères, qui a déjà permis à 16 familles de démarrer une nouvelle vie dans ce pays. Le soir même, 28 femmes yézidies et leurs enfants atterrissaient à Toulouse-Blagnac. C’est à la suite d’une rencontre entre Nadia Mourad, prix Nobel de la paix 2018, et le président français Emmanuel Macron, que cette opération a été mise en place. Le président s’était engagé auprès d’elle pour une «opération exceptionnelle d’accueil» bénéficiant à 100 familles yazidies (Le Télégramme). Une partie des familles sera accueillie dans le Tarn.
Dans une information liée à la précédente, le 29, une association yézidie d’Allemagne a déposé plainte pénalement contre les ministres allemands de la Justice et de l’Intérieur auxquels elle reproche de ne pas faire assez d'efforts en vue de rapatrier en Allemagne des combattants de l'organisation Etat islamique (EI) afin de les juger, pointant notamment leur récent «refus du transfert d'un citoyen allemand détenu par l'administration autonome du nord et de l'est de la Syrie». Selon de récents chiffres du ministère de l'Intérieur, une soixantaine de djihadistes allemands sont actuellement prisonniers des Forces démocratiques syriennes (AFP).
En France également, le rapatriement éventuel de familles de djihadistes détenues au Rojava (ou son refus par les autorités françaises) continue de faire polémique. Le 6 mai, les grands-parents de 2 enfants retenus dans le camp d’al-Hol, au Rojava, avec leur mère, ont saisi la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour obtenir la condamnation de la France qui refuse de les rapatrier. Les avocats argumentent que la décision de la France «constitue une violation du paragraphe 2 de l'article 3 du Protocole numéro 4 selon lequel "nul ne peut être privé du droit d'entrer sur le territoire de l'État dont il est ressortissant"» (AFP). Selon le ministère français des Affaires étrangères, environ 450 ressortissants français sont actuellement détenus en Syrie (Le Figaro). Le 28, la condamnation à mort en Irak de 6 djihadistes français a provoqué une nouvelle polémique. Le Quai d'Orsay a aussitôt réagi en réaffirmant son opposition de principe à la peine capitale. Le 31, l’organisation de défense des Droits de l’homme Human Rights Watch a appelé Paris à ne pas «sous-traiter la gestion» des djihadistes français présumés «à des systèmes judiciaires abusifs». Certains prévenus français, montrant des marques sur leur corps, ont affirmé à l’audience que leurs interrogateurs les avaient frappés pour leur extorquer des aveux ou qu’ils avaient dû signer des aveux en arabe, langue qu’ils ne connaissent pas. Selon HRW, certains interrogateurs irakiens recourent à des tortures ne laissant pas de traces visibles, comme des simulations de noyade.
La photographe Susan Meiselas, bien connue des Kurdes pour son histoire photographique du Kurdistan, présentée dans son livre Kurdistan in the Shadow of History (->) ainsi que sur son site web «akaKurdistan» (->), a remporté le prix 2019 de la Deutsche Börse Photography Foundation. C’est pour sa première rétrospective européenne, Mediations, présentée en 2018 au Musée du Jeu de Paume à Paris, que Meiselas a été récompensée. L’annonce de l’attribution de ce prix a été faite lors d’une cérémonie spéciale à la Photographers’ Gallery de Londres le 16 mai par l’écrivaine et activiste britannique d’origine turque Elif Shafak.
Pour cette exposition, Meiselas avait choisi des travaux issus de son engagement avec les Kurdes. Elle a déclaré dans une interview avec le British Journal of Photography espérer que les visiteurs pourraient acquérir «une appréciation plus profonde de l'expérience des Kurdes et des autres personnes qui ont dû fuir leur pays d'origine et font face à des conditions imprévisibles sans pouvoir rentrer en toute sécurité». Meiselas était arrivée au Kurdistan d’Irak en 1991 avec l’équipe médico-légale exhumant les corps des victimes des opérations génocidaires de l’Anfal lancées par le régime ba’thiste. Outre le livre et le site web déjà mentionnées, cette expérience l’a également menée à organiser une série d’ateliers pour recueillir les souvenirs des Kurdes du monde entier.
Les œuvres des artistes sélectionnés pour le prix resteront exposées à Londres jusqu’au 9 juin, avant de partir pour Francfort du 14 juin au 23 août. Créé par la Photographers’ Gallery de Londres en 1996, le prix portant une récompense de 30.000 £ a ensuite été attribué à la Deutsche Börse Photography Foundation, une organisation à but non lucratif spécifiquement consacrée à la collecte, à l’exposition et à la promotion de la photographie contemporaine (L'Œil de la photographie, British Journal of Photography).
Portant témoignage de l’excellente intégration de la communauté kurde en Europe et dans ses institutions démocratiques, deux femmes kurdes ont été élues au Parlement européen dans deux pays différents lors des élections qui se sont tenues ce mois-ci.
Evin Incir, 34 ans, habitante de la ville d’Upsalla, au nord de Stockholm, a été élue en Suède sur la liste du Parti Social-démocrate, où elle apparaissait en cinquième position. Dans une interview donnée avant le scrutin à la chaîne de télévision kurde d’Irak Kurdistan 24, elle a déclaré si elle était élue vouloir faire avancer la cause kurde et aborder au parlement «l’oppression et l’injustice dont les Kurdes ont souffert et continuent à souffrir».
Özlem Alev Demirel, 35 ans, entrée en politique dès l’âge de 19 ans, a été élue sur la liste du Parti de gauche allemand, dont elle était l’une des deux candidats principaux. Kurde alévie originaire de la ville de Malatya, Demirel, qui a suivi des études supérieures à l’université de Bonn, a exprimé sa volonté de «travailler dur» pour devenir «la voix des sans-voix».
Alors que le 15 mai se place la Fête de la langue kurde (Cejna zimanê kurdî), en hommage à la publication le 15 mai 1932 à Damas de la revue kurde Hawar, publiée par une équipe dirigée par Celadet Elî Bedirxan, nous sommes heureux de signaler à la date du 28 mai la parution du premier numéro de la revue des étudiants de la section kurde de l’INALCO (Institut national des langues et civilisations orientales), Kurd’Înalco.
L’INALCO, où la langue kurde est enseignée depuis 1948, entretient un lien particulier avec les Kurdes et le Kurdistan, puisqu’un des premiers présidents, l’orientaliste Pierre Amédée Jaubert, qui fut interprète de Bonaparte en Égypte, est connu pour s’être lui-même rendu au Kurdistan en 1805… Par ailleurs, les publications kurdes hors du Kurdistan, comme le journal Kurdistan, publié au Caire en 1898 avant de déménager au Royaume-Uni, ou la revue des étudiants kurdes d’Europe, Dengê Kurdistan, ont historiquement joué un rôle important dans la défense de la langue et de la culture kurdes.
Ce premier numéro de Kurd’Înalco, comprenant 83 pages, contient des articles en kurmancî et en soranî qui abordent aussi bien la linguistique, la littérature, l’histoire, les sciences sociales que les mathématiques.
Pour des informations complémentaires ou recevoir la revue: kovarakurdinalco@gmail.com