Le contexte devient de plus en plus délétère en Syrie. L’aviation russe frappe Daech dans le désert syrien, et les factions rebelles pro-turques à Idlib. Les armées turque, syrienne ou russe s’affrontent parfois directement. Israël a bombardé des positions iraniennes, et des drones, probablement iraniens, ont frappé des bases de la coalition anti-Daech où sont stationnés des militaires américains…
La Turquie harcèle maintenant sans discontinuer les Forces démocratiques syriennes (FDS). Celles-ci avaient déjà comptabilisé en septembre 32 attaques dont de nombreux bombardements aveugles de zones civiles, parfois à l’arme chimique ou aux obus à sous-munitions. Le 1er du mois, après une semaine de calme précaire, de nouveaux tirs d’artillerie aux abords d’Ain Issa et sur l’autoroute M4 ont contraint à la fuite de nombreuses familles. Le 2, des bombardements ont visé plusieurs positions militaires du régime et la ville chrétienne de Tall Tamr. Le 7, après qu’une roquette des FDS a tué un soldat turc sur la base d’Al-Twîs, de nouvelles roquettes ont frappé les zones administrées par l’AANES. Le 9, de nouveaux tirs ont visé Tall Tamr. Les Kurdes ont riposté en bombardant les abords d’Azaz et ont abattu un drone turc sur la ligne de front (OSDH). Le 11, une voiture piégée a fait six morts dont trois civils à Afrin, près d’un cantonnement de la faction pro-turque Jaish al-Islam, et à Marea, au sud de Jerablus, l’attaque au mortier d’un convoi turc a tué deux policiers des forces spéciales turques. Accusées par Ankara, les FDS ont nié toute responsabilité, accusant les services secrets turcs. Al-Monitor a rappelé le 15 qu’en 2014, un enregistrement audio avait «fuité» dans lequel le chef du MIT envisageait d’organiser une attaque de missiles sur la Turquie depuis la Syrie pour fournir un prétexte à la guerre…
Suite à ces morts, le président turc a renouvelé ses menaces contre les «terroristes kurdes». «Oubliant» de mentionner le harcèlement permanent mené par ses troupes, il a déclaré que la Turquie était «à bout de patience» et préparait une nouvelle opération en Syrie. Selon des sources distinctes, celle-ci pourrait viser plusieurs zones: Tall Rifaat, ville située entre Afrin et Alep tenue par les FDS (mais où sont aussi stationnés des militaires russes), la ville (et la base militaire) de Manbij et, plus à l’Est, la région de Kobanê. S’emparer de ces différents objectifs offrirait à Ankara le contrôle de quasiment l’ensemble du Nord syrien… Mais une telle opération requerrait l’accord des Russes, maîtres de l’espace aérien.
D’où l’inquiétude des FDS, l’OSDH ayant par ailleurs rapporté que les Russes ont donné leur accord à des frappes de drones turcs jusqu'au 25 octobre contre les cadres non-syriens des FDS, c’est-à-dire les commandants issus du PKK. Toujours selon l’OSDH, les Russes utilisent comme toujours les menaces turques pour tenter de forcer l’AANES à faire des concessions au régime.
Autre effet de la tension croissante, l’acheminement régulier de renforts par toutes les forces en présence: le 17, le régime a amené sur la ligne de front des tanks T-90 et de l’artillerie. Le 22, selon les informateurs de l’OSDH, les chefs des différentes factions pro-turques ont rappelé leurs membres pour pouvoir les renvoyer vers Tall Abyad(Girê Spî), ville kurde frontalière à 30 km à l’est de Kobanê, où les forces turques ont acheminé chars, pièces d'artillerie, armes lourdes et fournitures logistiques… Les FDS ont aussi renforcé leur dispositif près d'Ain Issa…
Parallèlement, alors que les Kurdes réussissaient à couper la route Azaz-Afrin par une opération d’infiltration, tirs d’artillerie et frappes de drones se sont poursuivies sans discontinuer, et notamment le 20 près de Kobanê, où deux combattants des FDS ont été tués dans leur véhicule. Le 21, rassemblés devant l’hôpital de cette ville où étaient soignés des victimes des frappes turques, les habitants ont manifesté leur colère face à l’inaction russe en caillassant les véhicules blindés d’une patrouille. Le 25, pour la seconde fois du mois, les Kurdes ont abattu un drone turc, cette fois-ci près de Tall Rifaat, forçant un second appareil à se retirer.
Le 26, le parlement turc a voté la prolongation pour deux ans de l’autorisation d’opérer pour l’armée turque en Syrie et en Irak. Le même jour, les FDS ont annoncé qu'un drone turc avait tué trois de leurs combattants qui revenaient de l’hôpital de Kobanê où ils venaient d’être soignés d’autres blessures… Le lendemain, Ankara a déployé de nouvelles troupes en Syrie, tandis qu’Erdoğan réitérait ses menaces.
Prise entre Damas et Ankara, l’AANES a aussi tenté de desserrer l’étau par la diplomatie. Le mois dernier, la présidente du Conseil démocratique syrien (CDS), Ilham Ahmed, s’était rendue à Moscou pour demander à la Russie d'user de son influence sur Damas pour convaincre Bachar Al-Assad d'entamer des négociations. Début octobre, elle a conduit à Washington une délégation demandant pour ces négociations un feu vert sans lequel l’AANES se trouverait soumise aux sanctions américaines «César». Ahmed a également demandé aux États-Unis de soutenir la participation de l’AANES aux discussions de Genève sur la Syrie parrainées par l’ONU, ce qui lui donnerait la possibilité de discuter directement avec Damas. Reprises le 18 après neuf mois d’interruption, ces discussions, dont l’Administration autonome est toujours exclue, se sont d’ailleurs refermées le 22 sur un échec; l’envoyé de l’ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, a exprimé son «grand désappointement» (UN News).
Dernier point, mais non le moindre: Ilhan Ahmed a déclaré que l'administration Biden s’était engagée à maintenir sur place les 900 soldats américains soutenant les FDS dans la lutte contre Daech. Leur présence apporte une certaine protection contre la Turquie et ses mercenaires, mais aussi contre Damas (National News)…
Dans la région sous occupation turque d’Afrin, de nouvelles exactions sont régulièrement rapportées: arrestations arbitraires pour «relations avec l’ancienne administration» , demandes de rançon… Le 2 à Jindires, trois civils, dont une femme âgée, ont été arrêtés et mis au secret, tandis que dans la même région, à Kafr Safra, la Liwaa al-Samarqand confisquait près de 3.200 oliviers et interdisait aux propriétaires de récolter. L’OSDH estime que depuis l’invasion turque de 2018, cette faction a saisi dans ce village plus de 36.000 arbres fruitiers! Le 5, un jeune Kurde d’Afrin victime du harcèlement continuel d’un milicien de Jabha al-Shamiyyah a fini par se suicider. Le 12, un voleur d’olives de la Division Sultan Murad a été tué par les gardes protégeant le village de Qurna (Bulbul), qui ont chassé les voleurs. Certains fermiers ayant pu récolter leurs olives ont dû vendre les sacs aux factions pro-turques pour 400$ le sac au lieu du prix normal de 2.500$, sous peine de voir leur récolte saisie. D’autres ont été tabassés pour avoir tenté d’accéder à leurs oliveraies. Le 12, une jeune fille a été blessée à la jambe en tentant d’échapper à un enlèvement par un responsable de Jabha al-Shamiyah. Le 18, l’OSDH a rapporté de nouvelles violations: abattages d’oliviers, vol de récoltes, taxes imposées aux propriétaires… Des membres de Suqur al-Sham ont menacé d'arrestation tous ceux qui récolteraient pour le compte de personnes déplacées. À présent, l’exportation des olives syriennes, qu’elles viennent d’Afrin ou d’Idlib, est totalement monopolisée par une société de droit turc installée à Afrin, contrôlée par les factions soutenues par la Turquie, et… connue pour payer avec retard. Les producteurs côté syrien ne peuvent plus vendre directement côté turc.
Le 19, le Conseil national kurde de Syrie (ENKS, regroupant une dizaine de partis de l’opposition de l’AANES) a condamné comme crimes contre l’humanité les vols, violations et demandes de rançon imposées par les factions occupant Afrin pour le compte de la Turquie. Le Conseil a également condamné l’inaction de la Turquie et de la «Coalition nationale» de l’opposition syrienne, avec laquelle il avait pourtant signé un accord prévoyant le contrôle de ces exactions. L’ENKS a exigé l’expulsion des groupes armés des régions occupées et la restitution de leur administration à leurs habitants d’origine.
Malheureusement, rien ne montre que cette condamnation ait eu un impact sur la situation. Le 20, l’OSDH a rapporté qu’une femme enceinte de six mois originaire du village de Hamshlak, dans le district de Rajo, avait été torturée à mort au QG des services de renseignement turcs (MIT) à Afrin. Arrêtée le 11 avec d’autres civils, accusée d'être impliquée dans l'explosion qui avait fait neuf morts le même jour, elle est morte de ses blessures à l’hôpital. Le MIT a menacé sa famille d'enlèvement si elle parlait aux médias, tentant de l’obliger à déclarer qu'elle était morte en raison d'un problème de santé lié à sa grossesse. Les autres prisonniers ont été libérés faute de preuves.
À la frontière turco-syrienne, les exactions des jandarma turcs se sont poursuivies. Le 18, trois jeunes hommes et une femme qui tentaient de passer en Turquie à l’est de Kobanê ont été battus et torturés avant d’être jetés par-dessus le mur frontalier. Ils ont été hospitalisés à Kobanê.
Parallèlement, les FDS poursuivent leurs opérations contre Daech avec l’aide de la Coalition. Le 3, elles ont annoncé l’élimination de deux djihadistes et la capture de trois autres qui préparaient un attentat à Raqqa. Le 10, deux autres membres de Daech ont été tués et un troisième blessé dans une tentative ratée d’embuscade contre un commandant des FDS à l’Est de Deir Ezzor. Dans cette même zone, un autre djihadiste a été tué le 16 lors d’échanges de tirs avec les FDS durant l’arrestation de 8 personnes, dont un chef de village, soutenue par des hélicoptères de la coalition. Par ailleurs, les FDS ont annoncé l’arrestation de deux autres djihadistes, dont un financier.
Le 23, l’OSDH a appris qu’un responsable de Daech avait été tué par un drone de la Coalition dans un secteur de la province de Raqqa sous contrôle turc. L’homme avait servi dans les rangs de Jabhat al-Nusra, une organisation ayant prêté allégeance à Al-Qaïda, avant de rejoindre Ahrar al-Sharqiyyah. Une fois de plus, est révélée la présence de nombreux djihadistes dans les zones contrôlées par les forces turques en Syrie… Le 26, l’OSDH a d’ailleurs publié un «Rapport exclusif» sous le titre: «Les zones tenues par la Turquie offrent un refuge aux djihadistes et aux membres d'ISIS et d'Al-Qaïda». L’OSDH a comptabilisé depuis 2019 l’élimination de 51 djihadistes «dans différentes zones sous le contrôle d'organisations djihadistes et de factions soutenues par la Turquie»…
Par ailleurs, plusieurs rapatriements de proches de djihadistes ont pris place ce mois-ci. Le 7, l’Allemagne a rapatrié du camp de Roj 8 femmes et 23 enfants, le contingent le plus important depuis 2019, et le Danemark 3 femmes et 14 enfants. Trois des femmes ont été appréhendées à leur arrivée en Allemagne, dont une soupçonnée de crimes contre l’humanité, notamment à l’égard de Yézidis, trois autres au Danemark (AFP). Le 19, l’AANES a annoncé avoir remis 3 enfants au représentant britannique spécial pour la Syrie. Le 21, c’est une délégation suédoise en visite officielle auprès de l’AANES, qui a reçu 3 femmes et 6 enfants. Le même jour, des femmes djihadistes voulant s’échapper du camp de Roj y ont provoqué un incendie puis attaqué les gardes qui avaient réussi à l’éteindre…
Enfin, l’OSDH a signalé le 3 que le Bureau de protection de l’enfance, créé par l’AANES en août 2020 après plusieurs allégations d’enrôlement de mineurs, avait rendu à leur famille 54 mineurs âgés de 15 à 17 ans qui avaient rejoint les FDS. Le commandant en chef des FDS, Mazloum Abdi, avait signé à Genève en juin 2020 un accord avec les Nations Unies interdisant le recrutement ou la conscription d’enfants de moins de 18 ans. Cependant, l’OSDH a accusé le «Mouvement de la jeunesse révolutionnaire» (Tevgera Ciwanên Şoreşger) de poursuivre des recrutements de mineurs (Kurdistan-24).
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Les élections parlementaires anticipées du 10 octobre se sont, dans l’ensemble, déroulées dans le calme, sans incident majeur et sans enthousiasme.
Malgré la réforme du code électoral permettant désormais aux candidats indépendants de se présenter, la participation n’a été que de 41% contre 44,56 % en 2018. Une bonne partie de la population semble désespérer de la classe politique largement corrompue et incompétente qui, malgré l’amélioration notable de la situation sécuritaire, n’a pas réussi à assurer les services de base et reconstruire un pays et une société dévastés par plus de 40 ans de guerres.
Dans ce contexte difficile, les partis disposant de bases populaires fidélisées ont su mobiliser leurs électeurs et sortir vainqueurs d’un scrutin marqué par une très grande fragmentation politique.
167 partis et plus de 3200 candidats étaient en lice pour l’élection de 329 députés.
La Haute commission électorale indépendante, après avoir examiné divers recours et procédé à des vérifications, a annoncé, le 16 octobre, les résultats quasi définitifs au cours d’une conférence de presse à Bagdad. Son président a certifié la sincérité de ce scrutin où, pour la première fois, les électeurs étaient dotés de cartes d’identité biométriques empêchant en principe des votes multiples ou des bourrages d’urnes.
Selon ces résultats, dans la Région du Kurdistan et dans les territoires kurdes sous administration fédérale comme Kirkouk ou Sinjar, le Parti Démocratique du Kurdistan (PDK) a obtenu 33 sièges, son rival historique, l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), 16 sièges, une formation récente d’opposition, Nouvelle Génération, 9 sièges, l’Union Islamique (Yekgirtû) 4 sièges et un autre groupe islamique, le Komala, 1 siège. Le parti Goran (Changement), qui était arrivé en 3e position lors du précédent scrutin au Kurdistan, n’a pu obtenir aucun siège malgré son alliance avec l’UPK. La disparition de son chef charismatique Nowshirvan Mustafa et les querelles de succession qui ont suivi ont eu un impact néfaste sur l’audience de ce parti issu d’une scission de l’UPK. Cette dernière formation est également en net recul car aux élections de 2018 elle avait obtenu 18 sièges.
Dans son fief traditionnel de Suleimaniyeh , le taux de participation n’a été que de 37% contre 54% à Duhok et 46% à Erbil, fiefs du PDK. L’UPK a obtenu 1 siège sur 11 à Dohouk et 2 sièges sur 15 à Erbil.
À Dohouk le PDK obtient 8 sièges sur 11, Union islamique 2 sièges. À Erbil, le PDK obtient 11 sièges sur 15, Nouvelle Génération 3 sièges.
Le PDK a gagné 2 sièges sur 18 à Suleimaniyeh. Le PDK a surtout emporté dans le gouvernorat mixte kurdo-arabe de Ninive, qui inclut Mosssoul, 10 sièges sur 31, dont les 3 sièges dans le canton à majorité kurde yézidie de Sinjar. L'UPK y obtient 1 siège.
À Kirkouk, qui a perdu depuis 2017 une partie de sa population kurde, le taux de participation a été de 44%. Contrairement aux élections précédentes où les partis kurdes se présentaient sur une liste commune pour optimiser leurs chances de victoire, cette fois-ci ils y sont allés en ordre dispersé et cette dispersion leur a coûté 2 sièges. L’UPK a obtenu 3 sièges, le PDK 2 sièges et Nouvelle Génération 1 siège, 4 candidats arabes ont été élus ainsi que 2 Turkmènes dont 1 seul du Front turkmène fortement soutenu et financé par la Turquie. En 2013, la liste unie de l’Alliance du Kurdistan, dirigée par le regretté Dr. Najmaldine Karim, avait obtenu 8 sièges sur 12. Les candidats des petits partis pro-PKK n’ont obtenu aucun siège.
Au total, les députés kurdes seront 63 sur un total de 329 au Parlement irakien, voire même 64 en y ajoutant une candidate kurde indépendante, Nasik Mehdî Kherib, élue dans le gouvernorat de Salahedin. Dans le Parlement sortant, ils étaient 58.
La communauté chrétienne a, de son côté, élu sur quota 2 députés, dont 1 à Erbil et 1 à Mossoul.
Le nouveau Parlement irakien comptera 97 femmes, soit 29,4% des élus, dépassant ainsi le quota minimum obligatoire des 25% inscrit dans la Constitution irakienne de 2005 à l’initiative des partis kurdes. Avec 22 députées sur 64, les femmes représentent 34,37% des élus kurdes. Elles visent la parité d’ici 10 ans.
Dans la partie arabe de l’Irak, c’est la liste du Mouvement sadriste, une coalition regroupée autour de l’influent chef chiite Moqtada al-Sadr, qui arrive en premier avec 73 sièges. L’alliance sunnite al-Taqadum (Progrès), dirigée par le président du Parlement, réalise un bel exploit avec 38 sièges. En troisième position, on trouve la coalition «État de Droit» dirigée par l’ancien Premier Ministre Maliki qui obtient 34 sièges, contre 26 en 2018. Arrivé premier au Kurdistan, le PDK, avec ses 33 sièges, se classe comme 4e groupe parlementaire en Irak. Le plus ancien parti politique de l’Irak (fondé en 1946) après le PCI, actuellement en déshérence, le PDK s’affirme ainsi comme le premier parti au niveau irakien car, contrairement aux autres groupes parlementaires formés de coalitions de partis, le PDK s’est présenté seul aux élections.
L’alliance Fatah (Conquête) regroupant les diverses milices pro-iraniennes est en forte baisse avec seulement 17 sièges. Les candidats indépendants ont obtenu 40 sièges.
Plusieurs partis chiites, dont l’Alliance Fatah, dénoncent les résultats des élections comme «frauduleuses». La Haute Commission électorale va examiner d’ici quelques jours les 356 plaintes déposées. Ensuite, il appartiendra à la Cour suprême fédérale irakienne de ratifier les résultats définitifs.
En raison de la fragmentation de la scène politique, on s’attend à des tractations difficiles et longues de plusieurs semaines ou mois pour la formation du futur gouvernement. En attendant, les partis kurdes ont commencé à se réunir pour définir une ligne commune à Bagdad.
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Début octobre, le président turc s’est enfin décidé à transmettre au parlement pour ratification l’accord de Paris sur le climat. Celui-ci a été voté à l’unanimité le 6. Il ne s’agissait guère de sauver la planète, mais d’éviter le coût économique d’une non-ratification, après l’adoption par l’Union européenne, principal partenaire économique du pays, d’un «pacte vert» permettant de soumettre à une taxe carbone les importations des pays «non vertueux». Selon ce même pacte, cette ratification permettra à la Turquie de bénéficier de 3,1 milliards d’euros de prêts pour l’aider à remplir ses objectifs de réduction CO². Une bonne opération donc, mais qui montre comment la situation économique désastreuse de la Turquie réduit de plus en plus la marge de manœuvre de M. Erdoğan.
Autre exemple de cette situation, l’«affaire des ambassadeurs». Le 23 octobre, une semaine avant le G20, le président turc a déclaré personae non gratae en Turquie dix ambassadeurs occidentaux, dont ceux de la France, de l'Allemagne et des Etats-Unis: ils avaient osé demander dans une déclaration commune la libération du philanthrope Osman Kavala, emprisonné sans jugement depuis quatre ans sous des accusations ridicules de tentative de coup d’État.La Cour européenne des droits de l’homme avait déjà statué en faveur de la libération de M. Kavala ainsi que de celle du leader kurde Selahettin Demirtas embastillé depuis 2016 mais Ankara a choisi d’ignorer les arrêts pourtant obligatoires de cette cour. D’où l’appel des 10 ambassadeurs en poste dans la capitale turque. Les co-présidents du HDP, Pervin Buldan et Mithat Sancar, ont stigmatisé le bellicisme inconsidéré du président turc: «Un pays en conflit avec tous ses voisins, dont la monnaie perd constamment de la valeur, dont la dette extérieure a dépassé les 400 milliards et qui consacre une partie importante des ressources à la guerre et à l'armement n’a pas besoin de nouveaux ennemis».
Cependant alerté par ses diplomates M. Erdoğan n’a pas été au bout de ses menaces: fin octobre, il a renoncé aux expulsions. Là encore, la situation économique a pesé. Avec une inflation bien supérieure aux 19,5% officiels, une livre turque au plus bas, des caisses vides, des investisseurs étrangers aux abonnés absents, il ne peut plus se permettre de défier ses principaux partenaires économiques, diplomatiques et militaires… Par ailleurs, de source diplomatique américaine, M. Biden l’avait mis en garde contre des actions «précipitées» dans cette affaire (L’Express).
À l’international, les déclarations critiquant la ligne politique d’Erdoğan se sont multipliées. Aux États-Unis, huit sénateurs ont exhorté le 30 septembre le président à réagir contre la «privation de droits de la population kurde de Turquie», à condamner la tentative d’Erdoğan d’interdire le parti «pro-kurde» HDP et à «collaborer avec les partenaires de l'[Union Européenne] pour empêcher tout nouveau recul démocratique en Turquie». Le 19 octobre, l’UE a de son côté pointé dans son rapport 2021 sur la Turquie (V. Fr., V. En.), entre autres «de graves déficiences dans le fonctionnement des institutions démocratiques»… En elles-mêmes, de telles déclarations sans conséquences immédiates importent peu au président turc. Mais indirectement, elles impactent l’économie. Lorsque le 21, le Groupe d’action financière (GAFI) a ajouté la Turquie à sa liste des mauvais élèves dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, sa décision a certainement coûté à la Turquie de nouveaux investissements étrangers (Le Monde).
Cela ne rend pas M. Erdoğan moins dangereux. Ses menaces d’expulsion des ambassadeurs visaient à satisfaire sa base islamiste et ultranationaliste et, comme l’en a accusé Kemal Kiliçdaroğlu, le chef du CHP (Parti républicain du peuple, kémaliste, principal parti d’opposition), à «masquer son bilan désastreux» (Le Monde). Cette diversion n’ayant eu aucun effet sur sa chute dans les sondages, il est à craindre que M. Erdoğan ne fasse monter les enchères. S'adressant aux journalistes le 30 après sa rencontre avec M. Biden, en marge du sommet de G20 à Rome, il a déclaré avoir réitéré devant lui l'opposition turque au soutien américain des «terroristes» kurdes syriens du YPG (Reuters). Le 26, le parlement a prolongé de deux ans l’autorisation du déploiement des soldats turcs en Syrie. Une nouvelle invasion du Rojava est peut-être à craindre…
À l’intérieur, le pouvoir donne toujours dans son discours anti-réfugiés. Une vidéo montrant une altercation survenue le 17 à Istanbul entre un homme et un groupe de réfugiés syriens est devenue virale sur Internet. L’homme se plaint de ne plus pouvoir se payer de bananes alors que, selon lui, les Syriens en achètent «des kilos». En réponse, des groupes de jeunes Syriens ont posté sur la toile de nombreuses vidéos les montrant mangeant des bananes et riant! Le 27, les autorités ont annoncé avoir arrêté et ouvert une procédure d'expulsion contre au moins sept migrants, accusés d'avoir mangé des bananes de manière «provocante» dans le cadre d'un défi TikTok… (Insider) Le 28, les médias locaux ont rapporté que les services d'immigration avaient arrêté onze Syriens, accusés d'avoir «humilié le peuple [turc] par haine et hostilité» (Washington Post). Le HDP a dénoncé une «campagne de propagande trompeuse […] faisant passer les migrants pour la cause de la crise économique et sociale».
Parallèlement, la répression des Kurdes et du HDP se poursuit. En début de mois, une trentaine de prévenus ont été condamnés à Hakkari à des peines de prison allant de huit ans et neuf mois à dix-sept ans et neuf mois pour «appartenance à une organisation illégale». Les autorités ont aussi lancé une procédure contre le chef du HDP à Iskenderun(Alexandrette), Abdurrahim Şahin, pour des remarques faites lors d'un discours. Plus d’une dizaine de personnes ont aussi été arrêtées dans des raids à Diyarbakir, Ankara, Hakkari, Istanbul, Bursa et Konya (WKI). Le 10, la police a attaqué à Ankara une réunion de commémoration de l’attentat à la bombe de 2015 qui avait provoqué la mort de 104 personnes, principalement des Kurdes et membres ou sympathisants du HDP. Au parlement, le HDP a déposé une proposition de projet de loi pour instituer une journée nationale de commémoration à cette date. À Urfa, la peine de quatre ans et six mois de prison du chef du HDP de Suruç, Yaşar Gündüzalp, a été confirmée en appel. À Van, l'ancien maire d’Özalp, Yakup Almaç, a reçu huit ans et six mois de prison pour «appartenance à une organisation illégale». D’autres arrestations et condamnations ont eu lieu la semaine suivante, comme à Edirne, ou la chanteuse Hozan Canê a été de nouveau condamnée en son absence à une peine de prison, cette fois trois ans et six semaines pour «soutien» au PKK (citoyenne allemande,Canê réside en Allemagne). À Diyarbakir, le cour a condamné Mehmet Mamedoğlu, un membre de l’assemblée du HDP, à sept ans et six mois de prison pour appartenance au PKK sur la base d’un témoignage anonyme. À Van, le tribunal a condamné le 15 à vingt mois de prison supplémentaires l'ancienne députée HDP Aysel Tuğluk, qui purge déjà une peine de dix ans pour «appartenance» et «propagande» pour le PKK. Le 18, la cinquième audience du «procès Kobanê» contre 108 membres du HDP a pris place à Ankara. Les accusés ont contesté la validité de l'audience, le juge désigné étant absent pour cause de maladie (WKI).
Le 20, la porte-parole du Mouvement des femmes libres (Tevgera Jinên Azad, TJA) et ancienne maire de Nusaybin, Ayşe Gökkan, dont le procès avait été marqué le mois précédent par l’attitude inique du juge et les brutalités de la police contre le public et les avocats de la défense, a été condamnée à trente ans de prison à Diyarbakir (RojInfo). Le 21 octobre, 17 membres du HDP ont été arrêtés à Izmir pour leurs critiques du gouvernement sur les médias sociaux (WKI).
Comme si les milliers d’arrestations de membres ou de sympathisants du HDP comptabilisées en 2021 ne suffisaient pas, le racisme systémique anti-kurde continue à sévir, provoquant parfois des drames. Le 11, la police anti-terroriste d’Ankara (TEM) a fait une descente dans une noce après avoir reçu une plainte selon laquelle certains participants portaient des vêtements kurdes. Selon un participant, la police a demandé à recevoir les vidéos de la soirée afin qu’elles soient «analysées» (Duvar). Le 14, le procureur de Kiziltepe a lancé une enquête pour «incitation du public à la haine et à l’hostilité ou à l'humiliation» contre la journaliste Öznur Değer de l’agence JinNews, qui avait couvert le massacre de sept membres de la famille kurde de Konya le 30 juillet. Certains de ses messages professionnels sur les réseaux sociaux qui dénonçaient le racisme anti-kurde ont été cités comme preuves (Bianet). Enfin, le 29, un Kurde de Siirt, Cemil Taşkesen, a été inculpé de «propagande terroriste» pour avoir déclaré dans une discussion avec Meral Aksener, la candidate du parti Iyi («Bon parti»): «Nous sommes des Kurdes; on nous dénie notre langue, notre identité, et le Kurdistan, mais l'endroit où vous vous trouvez maintenant est le Kurdistan». Aksener avait protesté en mars dernier contre un timbre émis par le Gouvernement régional du Kurdistan d’Irak (GRK) pour commémorer la visite du Pape François, sur lequel se trouvait une carte du Kurdistan… (Kurdistan 24)
Par ailleurs, le 20, un nouvel enfant kurde a été renversé par un véhicule blindé militaire. Cette fois, il s’agit d’une fillette de 5 ans, blessée à Urfa. C’est le 14e enfant à subir ce sort. Le mois dernier, un enfant de sept ans avait été tué à Sirnak; le HDP avait décrit sa mort comme faisant partie d'un «massacre», ajoutant: «Les décès impliquant les forces de sécurité et les véhicules qu'elles utilisent dans les provinces kurdes ne sont pas des accidents» (Rûdaw).
Toujours tenu à distance par l’opposition à Erdoğan, le HDP, qui a publié le mois dernier un programme de défense de la démocratie, a appelé le CHP à mener une «politique transparente» plutôt que des «négociations en coulisses»: il s’agirait de forger une alliance démocratique dans laquelle le HDP trouverait sa place. Jusqu’à présent, le CHP, le «Bon parti» (IYI), et plusieurs anciens compagnons de route d’Erdoğan, comme Ahmet Davutoglu, qui ont lancé de nouvelles formations, ne réagissent guère. Le 15, le co-président du HDP Mithat Sancar a rencontré neuf autres partis kurdes à Diyarbakir dans le cadre d’une «Alliance du Kurdistan». Aux dernières élections municipales, les voix kurdes et HDP avaient été déterminantes pour enlever à l’AKP Istanbul et Ankara…
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Le Parti démocratique du Kurdistan d’Iran (PDK-I) a publié trois rapports alertant sur une politique de changements démographiques au Kurdistan d’Iran de la part du régime (Texte en soranî sur Kurdistan Media). Le parti kurde mentionne notamment la réinstallation récente de dizaines de familles azéries (turcophones) à Mahabad, ainsi que de nombreux achats de terres agricoles par des Azéris dans la région de Bokan et de Piranshahr. Ces récents événements font craindre que le gouvernement, peut-être inspiré par la politique d’arabisation menée en son temps par Saddam Hussein au Kurdistan d’Irak, ne lance à son tour une politique de minorisation des Kurdes d’Iran dans leur propre région…
Par ailleurs, les meurtres de porteurs kurdes transfrontaliers, les kolbars, se sont poursuivis ce mois-ci. Le 14, l’agence Kurdpa a rapporté qu’un porteur avait été abattu sans sommation près de Sardasht. Jian Ali-Pour était marié et père de deux enfants (HRANA) et a été tué dans une embuscade suite à laquelle les garde-frontière iraniens ont saisi des centaines de têtes de bétail. Le 16, un autre kolbar a été blessé près de Baneh, et un autre à Sanandaj. Enfin, un autre a été grièvement blessé par une mine près de Nowsud. Le 23, trois autres porteurs ont été tués et trois autres blessés quand leur véhicule s’est retourné entre Nowdeshah et Marivan. Par ailleurs, deux civils kurdes ont été blessés près de Mahabad et Harsin par des mines datant de la guerre Iran-Irak. Contrairement à l'armée régulière, les pasdaran (Gardiens de la révolution) ne se sont pas préoccupés de récupérer ou répertorier les mines qu’ils avaient posées durant le conflit (WKI).
Ce mois a également compté de nombreuses arrestations et des condamnations. On n’a appris que début octobre certaines arrestations de fin septembre. Ainsi de celle de Salah Hossein-Panah, arrêté à Baneh le 22 septembre et mis au secret sans que les charges contre lui n’aient été précisées, tout comme pour le défenseur de l’environnement Salar Salehi, arrêté le 27 à Sanandaj en même temps qu’Armin Aesparlous (KurdPa). L'organisation Hengaw pour les droits de l'homme a indiqué qu’en septembre, les autorités avaient arrêté 39 Kurdes pour activisme…
Le 5, selon la Human Rights Activist News Agency (HRANA), la Cour Suprême a confirmé la condamnation à mort du prisonnier politique Shaker Behruz, détenu à Ouroumieh, malgré l’existence d’un alibi crédible, mais que le tribunal avait refusé de prendre en compte. Behruz est accusé de l’assassinat d’un Gardien de la révolution (pasdar), alors que 12 témoins déclarent qu’il se trouvait dans son magasin lorsque le crime a été commis. Des officiers de la Sécurité avaient tenté sans succès d’intimider la famille de la victime, qui ne croit pas en la culpabilité de Behruz, pour la forcer à accuser celui-ci. La Cour Suprême a donc statué en l’absence d’accusateurs et sans tenir compte des témoignages.
L'organisation Hengaw pour les droits de l'homme a rapporté que les forces de sécurité iraniennes ont arrêté le 9 octobre quatre Kurdes de la famille Solîmanî à Mahabad. Par ailleurs, des agents de l’Etelaat (Renseignement) ont blessé par balles et arrêté près de Piranshahr un Kurde nommé Hiwa Mosazahad. Parallèlement, un militant kurde emprisonné, Naser Hamilti, a été condamné à un an de prison pour «propagande contre l'État». Hamiti purgeait déjà une peine de deux ans pour des charges similaires après avoir participé aux manifestations de novembre 2019 (WKI).
Le 11 octobre, deux prisonniers ont été exécutés pour meurtre à Kermanshah, sans que les exécutions soient officiellement annoncées. L'un de ces détenus, Ismail Soltan-Abadi, avait été condamné dans une «cérémonie de prestation de serment» (ghassameh) selon laquelle la culpabilité peut être prononcée après serment en ce sens des accusateurs et de leurs proches. Ceux-ci n'ont pas besoin d'être des témoins oculaires, mais doivent être au moins 25 dans le cas d’un meurtre (50 pour un meurtre avec préméditation). Cette cérémonie permet de prononcer des condamnations sans preuve directe. De plus, Soltan-Abadi a été exécuté sans que sa famille soit informée, et a donc été privé de la possibilité d'une dernière visite. Selon le dernier rapport du Centre de statistiques et de publication des militants des droits de l'homme en Iran (HRA), sur les 266 exécutions menées entre le 8 octobre 2020 et le 9 octobre 2021, 82% sont demeurées secrètes, n’étant pas annoncées officiellement… (HRANA).
À Marivan, un Kurde du nom de Hassan Faraji a été condamné à 10 mois de prison pour «propagande contre la République islamique», à Saqqez, l’activiste Ibrahim Shoriani a été condamné à sept mois de prison pour le même motif après des messages sur les réseaux sociaux. À Naqadeh, Mohammed Hussein a été condamné à 15 mois de prison pour participation à une manifestation et «appartenance à un parti d'opposition kurde». Parallèlement, plusieurs arrestations ont eu lieu à Ilam, Piranshahr et Baneh, dont deux visant des femmes (WKI).
Le 22, le syndicaliste Othman Esmaili a été arrêté à 18h devant son domicile de Saqqez par dix agents de la Sécurité puis mis au secret. Les charges retenues contre lui n’ont pas été indiquées (HRANA). Le 25, Roya Jalali, habitante de Sanandaj, a été condamnée à deux ans avec sursis pour «appartenance au Parti de la vie libre du Kurdistan (PJAK)» (WKI). Violemment arrêtée le 2 février à son domicile, elle avait été libérée sous caution après un mois en détention. Atteinte de sclérose en plaques, Jalali s'est vue refuser durant sa détention l'accès à un avocat, les appels téléphoniques et les visites de sa famille. Son mari, Khabat Mafakheri, a été condamné à quatre ans d'emprisonnement, également avec sursis, pour «collaboration avec un parti politique d’opposition» (HRANA). Parallèlement, un autre citoyen âgé de 66 ans, Abdullah Shadab, a été arrêté à Oshnavieh, de même que deux Kurdes de Piranshahr et Bokan (WKI).
La dernière semaine du mois, une nouvelle vague d’arrestations a frappé le Kurdistan d’Iran. Sept personnes ont été arrêtées, un père et son fils de 16 ans près de Chaldiran, un militant écologiste de Marivan, deux Kurdes d’Oshnavieh et deux personnes à Sanandaj et Piranshahr. L'Organisation Hengaw pour les droits de l'homme a indiqué que 31 Kurdes ont été arrêtés pour activisme politique en octobre…
Autre situation préocuppante, celle des femmes victimes de violences, que le régime cherche à faire taire en les intimidant. Plusieurs militantes kurdes se sont rassemblées le 6 devant le tribunal de Sanandaj pour protester contre les violences faites aux femmes en Iran. Les manifestantes portaient des banderoles sur lesquelles on pouvait lire «Stop aux meurtres de femmes» et «Assez» et ont demandé à la police d'enquêter sur le récent suicide suspect d'une femme nommée Faiza Malaki (WKI). Plusieurs affaires récentes ont mis en lumière la manière dont le régime non seulement répugne à sanctionner les auteurs de violences contre les femmes, par exemple dans les cas dits de «crimes d’honneur», mais de plus tente d’imposer le silence aux témoins ou aux victimes elles-mêmes. Le 3 octobre, après qu’un chirurgien a évoqué sur sa page Instagram la mort d’une jeune fille de 22 ans brûlée vive par son père parce qu’elle fréquentait un jeune homme hors mariage, le procureur général de la province a annoncé qu’il serait poursuivi pour avoir rendu publique une affaire «non vérifiée». Le 13, le quotidien réformateur Shargh a révélé que, à la mi-août, au moins six femmes d’Ispahan avaient été blessées par des tirs de fusil à pompe, et que le suspect d’abord arrêté avait été relâché après vingt jours… La pression du régime contre les femmes semble encore s’accentuer depuis quelques temps, et l’arrivée au pouvoir du président ultraconservateur Ebrahim Raïssi risque d’accentuer encore cette tendance (Le Figaro).
Au Kurdistan, les détenues de la prison pour femmes d’Ouroumieh sont entrées en grève le 16 pour protester contre la torture et la répression croissantes visant les prisonnières. Privées de communications téléphoniques si elles refusent d’assister aux cours imposés par l’administration, elles sont même entrées en mutinerie en mettant le feu à leurs couvertures… (Kurdistan au Féminin).
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Les combattantes kurdes exposées à Bayeux
Le 28e Prix Bayeux des correspondants de guerre a débuté le 4 octobre avec l'ouverture de plusieurs expositions photographiques, sur l'entraide entre juifs et musulmans à Sarajevo, la répression en Birmanie ou les combattantes kurdes.
Celles-ci sont le sujet de l’exposition intitulée «S'élever au milieu des ruines, danser entre les balles», de Maryam Ashrafi, qui évoque notamment la transformation de la condition des femmes apportée par le mouvement kurde lors de la guerre civile syrienne (AFP).
http://www.prixbayeux.org/programme/selever-au-milieu-des-ruines-danser-entre-les-balles/
Le 11e festival de cinéma kurde de Berlin
Le festival du film kurde de Berlin, créé en 2002, est considéré comme le plus grand événement consacré aux films kurdes en Europe. Sa 11e édition s’est tenue cette année du 14 au 20 octobre. Elle s’est concentrée particulièrement sur le Kurdistan du Sud (Bashur), c’est-à-dire le Kurdistan d’Irak, dont elle a tenté une rétrospective, avec 40 longs métrages, documentaires et courts métrages, ainsi que des événements complémentaires tels que des tables rondes. Cette année, le film qui «ouvre le bal» était «L’examen», de Shawkat Amin Korki. Parmi les autres longs métrages figuraient aussi deux films du réalisateur franco-kurde Hiner Saleem, dont son film de 2009, «Après la Chute» qui montre la chute du dictateur Saddam Hussein du point de vue de la diaspora kurde de Berlin.
Ont également été projetés 11 courts métrages provenant de toutes les régions du Kurdistan et de la diaspora, ainsi que des œuvres de cinéastes internationaux ayant abordé des sujets kurdes.
Jusqu’à fin novembre, il est encore possible d’acquérir un «Pass» pour visionner de chez soi certains des films projetés au festival.
https://kurdisches-filmfestival.de/
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