La situation sécuritaire continue de se dégrader au Kurdistan irakien, cible à la fois des bombardements récurrents turcs, des attaques par drones explosifs des milices chiites irakiennes pro-iraniennes et désormais des Gardiens de la révolution iraniens
Après les bombardements, le 31 décembre, par un drone chargé d’explosifs d’une base de Peshmergas près de Pirmam, au nord d’Erbil, les milices chiites pro-iraniennes se réclamant d’une « Résistance islamique en Irak » ont lancé de nouvelles attaques le 2 janvier cotre une base de la Coalition internationale près de l’aéroport d’Erbil, le 4 janvier contre une base de la même Coalition à Harir, à 77 km au nord-est d’Erbil, et le 11 janvier à nouveau contre l’aéroport d’Erbil. Ces drones suicides ont été abattus par la défense anti-aérienne de la Coalition internationale et ils n’ont pas fait de victimes mais ont commencé à diffuser au sein de la population civile un sentiment d’inquiétude et d’insécurité.
Le 15 janvier, c’est une attaque d’une autre ampleur qui a déchiré la paisible nuit de la capitale kurde et suscité une vague d’indignation. Une salve de 11 missiles balistiques venant de l’Iran s’est abattue sur la périphérie d’Erbil, à quelques encablures du consulat général américain, sur la résidence d’un promoteur immobilier kurde Peshraw Dizayee, 62 ans, qui a été tué sur le coup ainsi que sa fille de 11 mois, Jîna, la nounou philippine de celle-ci et un homme d’affaires chrétien de Bagdad de passage à Erbil. 17 civils, dont Madame Dizayee, dentiste de profession, ont été grièvement blessés.
Les Gardiens de la révolution iraniens ont revendiqué cette attaque contre « le quartier général de l’espionnage israélien dans la région ». Une accusation farfelue car cet homme d’affaires prospère, PDG du groupe FALCON, réputé sympathisant du Parti Démocratique du Kurdistan, n’était pas impliqué dans la politique. Une mission diligentée par le Premier irakien al-Soudani, dirigée par son conseiller de sécurité nationale Qassim al-Araji, s’est rendue sur place et a pu constater qu’il s’agissait d’une résidence civile sans aucune installation technique particulière. Le ministère des Affaires étrangères irakien a condamné dans la foulée ces tirs de missiles meurtriers et dénoncé « une agression visant la souveraineté de l’Irak et la sécurité du peuple ». Bagdad a rappelé son ambassadeur à Téhéran et promis de porter l’affaire devant le Conseil de sécurité des Nations-Unies.
Le Conseil de sécurité de la Région du Kurdistan rappelant que les attaques avaient visé des zones résidentielles civiles et que les accusations iraniennes étaient dénuées du moindre fondement a dénoncé cette « violation flagrante de la souveraineté de la Région du Kurdistan et de l’Irak ». « Le gouvernement fédéral et la communauté internationale ne doivent pas rester silencieux face à ce crime » déclare le communiqué du Conseil.
Ce crime non justifié est survenu alors que nombre de dirigeants de la planète étaient réunis à Davos, y compris le Premier ministre du Kurdistan, Masrour Barzani. Celui-ci y a rencontré le Président Macron, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, le conseiller de sécurité nationale américain Jake Sullivan, qui ont tous exprimé leur solidarité avec le peuple kurde et condamné avec fermeté l’agression iranienne. Le Premier ministre irakien et son homologue kurde ont annulé une rencontre prévue avec le ministre iranien des Affaires étrangères à Davos. Lors de s^on audience générale du 17 janvier, le Pape François a exprimé « sa proximité et sa solidarité avec les victimes de l’attaque de missiles dans le zone urbaine d’Erbil » (voir p.55).
Au Kurdistan, après les funérailles des victimes, en présence de l’ancien président Massoud Barzani et de très nombreuses personnalités politiques, culturelles, religieuses de tous bords, plusieurs manifestations populaires de protestation ont eu lieu. Un appel à boycotter les produits iraniens a rencontré un large écho médiatique (voir p.63).
De son côté, l’Iran a continué à défendre sa version officielle. Dans une conférence de presse donnée le 17 janvier à Téhéran, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian a déclaré « Nous avons frappé une base du Mossad en un endroit de la Région du Kurdistan de l’Irak et nous avons frappé avec des missiles de précision. Cela ne veut pas dire que nous avons frappé et ciblé l’Irak. Nous avons ciblé Israël qui reste un ennemi commun de nos deux pays ». Pour « étayer » cette version, des média iraniens, notamment l’agence de presse TASMIM proche des Gardiens de la révolution, ont diffusé des photo-montages montrant l’homme d’affaires kurde Dizayee en compagnie d’un Israélien présenté comme responsable du Mossad. Manipulation grossière démontée entre autres média par France 24 et la chaîne kurde RUDAW (https://www.institutkurde.org/info/des-medias-iraniens-participent-a-la-desinformation-pour-justifier-les-frap-1232552337) et dénoncée comme une campagne de désinformation par le Département d’État américain (voir p.79).
Sur le plan politique, les députés irakiens soutenus par l’Iran ont commencé à recueillir des signatures pour une pétition demandant la tenue d’une session extraordinaire visant à mettre fin légalement à la présence américaine en Irak. La pétition a été introduite après que le Premier ministre irakien Mohammed Shia al Soudani qui a qualifié la frappe aérienne américaine de « violation de la souveraineté de l’Irak » et a annoncé la formation d’un comité conjoint chargé de planifier le retrait américain du pays. Aucun député kurde n’avait signé la pétition.
Au cours des quatre derniers mois, les employés de la région du Kurdistan n'ont pas reçu leurs salaires car le gouvernement fédéral n'a pas encore publié le budget fédéral du Kurdistan. Une délégation du Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) s’est rendue à Bagdad pour discuter des contrats du GRK avec des compagnies pétrolières étrangères, alors que le gouvernement fédéral a pris le contrôle des exportations pétrolières kurdes. Cela dit, les exportations de pétrole du Kurdistan restent stoppées par la Turquie et l’Irak depuis mars 2023.
Le secrétaire de presse du Pentagone, le général de division Pat Ryder, a répondu aux efforts des partis soutenus par l'Iran pour expulser les forces américaines d'Irak en déclarant que le personnel américain se concentrait sur la mission anti-EI (Daech) et se trouvait dans le pays à l'invitation du Gouvernement irakien. Le Premier ministre irakien Mohammed Shia al Soudani a déclaré à Reuters que le gouvernement irakien cherchait un retrait rapide des États-Unis mais n'avait pas encore fixé de date limite pour un tel retrait. Cela dit, le ministre irakien des Affaires étrangères Fouad Hussein a déclaré à Al Arabiya que l'Irak ne voulait pas créer une « situation chaotique dans ses relations avec Washington » et a souligné l'importance de « la préparation interne avant le début des négociations ».
Les attaques des milices chiites pro-iraniennes se sont poursuivies tout au long du mois. Le 20 janvier, la base américaine d’Al-Asad, dans l’ouest de l’Irak, a subi une série de tirs de rockets et de drones de ces miliciens qui voulaient venger la mort le même jour de 5 « conseillers » iraniens de haut rang à Damas dans une attaque attribuée à Israël (Le Figaro, NYT, 20 janvier). Deux soldats américains ont été blessés. Le 25 avril, le système de défense anti-aérien américain a déjoué une attaque de drones d’une milice chiite contre une base située près de l’aéroport d’Erbil. Le même jour, des milices soutenues par l'Iran avaient déjà frappé le champ gazier de Khor Mor avec des drones, privant d'électricité des millions de personnes. Parallèlement, la chaîne kurde Rudaw a révélé que le gouvernement irakien n'avait pas encore déposé de plainte contre l'Iran auprès du Conseil de sécurité des Nations Unies, comme il l'avait annoncé après l'attaque de missiles balistiques iraniens sur Erbil. Par ailleurs, le département du Trésor américain a sanctionné trois dirigeants de la milice Kata'ib Hezbollah et trois sociétés, dont la compagnie aérienne irakienne Fly Baghdad et al Huda Bank, pour avoir soutenu la Force Quds du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI-QF) et les milices soutenues par l'Iran à travers des activités comme le blanchiment d’argent et la contrebande d’armes.
L'Association de l'industrie pétrolière du Kurdistan (APIKUR) a appelé le Congrès à prendre des mesures « pour aider à persuader » le gouvernement irakien de reprendre les exportations de pétrole du Kurdistan, interrompues depuis mars 2023. L'APIKUR a évalué le manque à gagner à plus de dix milliards de dollars de dollars américains et affirmé que l'investissement international est menacé en raison de la pause des exportations. L’APIKUR a également appelé à la mise en œuvre de la loi budgétaire irakienne afin que les entreprises qui investissent dans la région soient rémunérées. Les fonctionnaires du Kurdistan restent impayés pour le quatrième mois consécutif alors que Bagdad refuse de débloquer le budget alloué au Kurdistan.
Le 28 janvier, des milices chiites irakiennes ont attaqué avec un drone chargé d’explosifs une base américaine en Jordanie. Le bilan est lourd : 3 militaires américains tués, une trentaine de blessés. Le président Biden a désigné « des groupes pro-Iran » et menacé de représailles : « N’ayez aucune doute, nous allons faire rendre des comptes à tous les responsables au moment et de la manière que nous voulons » (AFP, Le Monde, 28 janvier). L’Irak s’est empressé de condamner cette attaque meurtrière sans être en mesure d’arrêter et de juger ses responsables. L’Iran, de son côté, a dénié toute responsabilité.
La Turquie est entrée de plain-pied dans la campagne pour les élections municipales du 31 mars. Les enjeux sont importants pour la coalition gouvernementale AKP-MHP qui déploie des grands moyens pour reconquérir les municipalités des grandes métropoles comme Istanbul, Ankara et Izmir ravies par l’opposition lors des dernières municipales.
Pour y parvenir, le président turc, en campagne permanente, dépense sans compter, multiplie les promesses et laisse clairement entendre que des municipalités dirigées par des partis d’opposition ne bénéficieront pas de la pleine coopération des services de l’Etat. Ainsi, la ville sinistrée d’Antakya (Antioche), détruite à plus 80% lors du terrible tremblement de terre du 6 février 2023, actuellement dirigée par une municipalité d’opposition, ne peut espérer une reconstruction rapide que s’il y a une bonne coopération entre la future équipe municipale et les services de l’État, c’est-à-dire si les deux sont sur la même ligne, celle de l’AKP a rappelé sans détour le président Erdogan.
Dans cet esprit de campagne, le gouvernement turc a décidé le 2 janvier de doubler le salaire minimum afin de reconstituer en partie le pouvoir d’achat des plus modestes gravement touché par une inflation galopante. Il sera désormais de 17.000 LT, soit environ € 520, par mois. Mais l’inflation est, elle, parmi les plus élevées du monde. Officiellement, son taux annuel a été de 64,8% en 2023. Mais ce taux serait très largement sous-évalué selon les économistes du goupe indépendant ENAG qui le situe à 123% en 2023 (Le Figaro, 3 janvier). Selon la même source, la Turquie termine l’année 2023 en tant que quatrième pays du monde avec l’inflation alimentaire la plus élevée (+ 99% en un an), derrière le Liban (+208%) et le Zimbabwe (+321%). Une denrée de base comme le riz coûtait il y a quatre ans 5 à 6 livres le kilo, coûte 121 livres turques actuellement devenant désormais « un produit de luxe ».
Le gouvernement promet que le pire est derrière nous et qu’à partir de l’été prochain, après les élections, tout rentrera dans l’ordre. En attendant, pour mobiliser à fond sa base islamo-nationaliste, il donne une très large place dans les média au « génocide de nos frères musulmans à Gaza » tout en poursuivant dans le même temps son juteux commerce avec Israël. Ce que lors de sa visite officielle à Ankara , le 24 janvier, le président iranien Raïssi a dénoncé en des termes peu voilés. La lutte contre « le terrorisme du PKK jusqu’à l’élimination du dernier terroriste » est l’autre thème récurrent de la propagande turque. La mort, le 12 janvier, de 9 soldats turcs dans des affrontements avec les combattants du PKK dans les zones montagneuses et enneigées du Kurdistan irakien a relancé la campagne de vengeance des milieux nationalistes.
Les pertes de l’armée turque ont également suscité un débat dans l’opinion. Certains commentateurs et des proches des soldats tués ont publiquement interrogé le bien-fondé de la stratégie turque : Pourquoi sommes-nous sur le territoire irakien ? Pourquoi y avons-nous des bases difficilement défendables exposant la vie de nos soldats ?, sont les questions les plus fréquemment évoquées. Le gouvernement y répond en affirmant qu’il y va de « la survie de la Turquie », qu’il « faut poursuivre les terroristes dans leur ultimes refuges et grottes pour les éliminer un à un ». Des discours entendus en Turquie depuis plusieurs décennies avec des résultats que l’on sait. Coupant court à ce débat, l’armée turque a lancé le 11 janvier de vastes opérations contre le Kurdistan syrien dont la population n’a pourtant rien à voir avec la guerre entre le PKK et l’armée turque. De nombreuses infrastructures civiles, dont 7 centrales hydroélectriques ont été mises hors d’usage privant de courant près de deux millions d’habitants. Les bombardements turcs ont provoqué de nombreux dégâts dans le Kurdistan irakien aussi. Depuis, le ministère turc de la défense diffuse chaque jour des bulletins de victoire avec des nombres souvent fantaisistes de terroristes éliminés, etc. Et cette propagande semble séduire une frange importante de l’opinion turque, renforçant l’image de « leader puissant et protecteur » du président turc.
Sur le plan extérieur, celui-ci adopte désormais un ton plus conciliateur dans l’espoir d’attirer à nouveau des investisseurs étrangers dont l’économie turque a cruellement besoin. Ainsi, après un an de tensions, de bras de fer et des marchandages, le Parlement turc a approuvé, le 23 janvier, l’adhésion de la Suède à l’OTAN. Dès le lendemain de la publication de cette décision dans la « Gazette officielle de la République turque », la Maison Blanche a annoncé avoir donné son feu vert à la vente de 40 avions F-16 et à la modernisation de 76 autres appareils similaires pour un montant total de 23 milliards de dollars (Le Monde, 27 janvier). Exclue du programme plus avancé des F-35 américains pour avoir acheté des systèmes de défense russes S-400, la Turquie trouve ainsi un lot de consolation. Elle affirme continuer à chercher à acquérir également des bombardiers Eurofighters européens.
Un autre geste envers les Occidentaux : l’arrestation le 3 janvier de 56 personnes recherchées par 18 pays pour trafic de drogue, criminalité organisée et autres crimes mafieux. Certains de ces chefs mafieux avaient trouvé refuge de longue date en Turquie, y prospéraient et avaient même acquis, à grands frais, la nationalité turque les mettant à l’abri de toute procédure d’extradition (AFP). Le Monde du 30 janvier a publié un reportage bien documenté à ce sujet intitulé « Turquie : coup de sifflet au pays des narcos » (Voir p.91-94).
Reste à savoir si ces quelques gestes suffiront à détendre un peu les relations compliquées de la Turquie avec ses partenaires occidentaux. Le président turc, boudé par son homologue américain Joe Biden, qui ne l’a jamais invité à la Maison Blanche, semble miser sur la réélection de Donald Trump. En attendant, il continue sont flirt avec son autre ami, Vladimir Poutine, qu’il a à nouveau invité à Ankara pour une visite officielle en février.
Plongé dans une profonde crise économique et sociale, contesté par la grande majorité de la population, le régime iranien s’enfonce dans une répression féroce à l’intérieur et se montre agressif vis-à-vis de ses voisins. Grâce à son vaste réseau de milices chiites il sème la violence en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen tout en veillant à préserver le territoire iranien d’éventuelles représailles militaires américaines.
Cette stratégie, longtemps mise en œuvre par le chef de son corps expéditionnaire al Qods, le général Ghassem Soleimani, tué le 3 janvier 2020 par un drone américain à Bagdad, sur ordre de Donald Trump, montre ses limites. Son chantage à l’arme nucléaire semble également marquer le pas. Le régime, pour dissuader toute intervention militaire américaine éventuelle a choisi de montrer ses muscles à grand renfort de déploiement de ses missiles à courte, moyenne et longue portée et de drones, intervenant, par le biais des milices inféodées, sur de nombreux théâtres de guerre. Il vient de monter d’un crâne son agressivité en bombardant par des missiles balistiques des cibles dans deux États voisins et théoriquement « amis » : l’Irak et le Pakistan.
Le prétexte invoqué est l’attentat sanglant perpétré le 3 janvier près de la tombe du général Soleimani lors de la commémoration du 4e anniversaire de l’assassinat de cette figure importante du régime. Une double explosion a fait 90 morts dans la foule. Il s’agit de l’attentat le plus meurtrier perpétré sous la République Islamique, depuis celui commis en 1980 par les Moudjahiddine du Peuple à Téhéran qui avait décapité le régime en tuant plusieurs dizaines de ses dirigeants, dont l’ayatollah Beheshti.
Le régime iranien n’a pas tardé à accuser les États-Unis et Israël d’avoir organisé cette tuerie. Accusation rejetée immédiatement par Washington qui a condamné fermement cet acte terroriste et présenté ses condoléances aux familles des victimes. Israël a également nié toute implication. Finalement c’est l’État islamique qui a revendiqué l’attentat en affirmant que le général Soleimani était coupable de la mort de milliers de djihadistes de Daech et qu’il s’agissait d’’une action de vengeance.
Le récit du régime iranien a alors évolué vers la version complotiste bien connue : Daech est une création des Américains et des sionistes qui le manipulent à leur guise pour déstabiliser les pays musulmans de la région, il feint d’ignorer que cette organisation terroriste, comme sa précédente, al Qaida, en Irak, ont été organisées, structurées, armées et financées par les cadres militaires du régime déchu de Saddam Hussein avec la complicité de certaines pétro-monarchies.
En conformité à ce récit, le régime iranien a lancé, le 15 janvier, une salve de missiles contre « le quartier général de l’espionnage sioniste » à Erbil, tuant l’homme d’affaires kurde Peshraw Dizayee, son bébé, Jina, âgée de 11 mois, la nounou philippine de celle-ci et un chercheur irakien de passage et blessant 17 autres civils (voir notre article sur l’Irak).
Le 16 janvier, des missiles iraniennes ont bombardé une localité de l’ouest du Pakistan dans la province de Baloutchistan. Une base d’un groupe islamiste sunnite Jaish al-Adil (Armée de la Justice) aurait été détruite et plusieurs « terroristes » auraient été tué. Réagissant vivement à cette attaque contre son territoire le Pakistan a déclaré que toutes les victimes de l’agression iranienne étaient des civils.
Il a répondu à l’attaque iranienne par des bombardement aériens contre des villages situés près de la frontière commune dans la partie iranienne du Baloutchistan. Selon le bilan officiel annoncé, l’attaque pakistanaise a fait 9 morts, dont 3 femmes et 4 enfants, tous des « réfugiés pakistanais ». Un conflit entre un Pakistan possédant l’arme nucléaire et l’Iran se présentant comme une puissante militaire maîtrisant les nouvelles technologiques de missiles et de drones aurait des conséquences dramatiques dans la région. La Chine a offert ses services pour apaiser les tensions entre ses deux alliés régionaux. Finalement, les deux États en crise qui ne semblent avoir ni envie ni les moyens d’en découdre ont décidé, à la faveur de la visite du ministre iranien des Affaires étrangères à Islamabad, de normaliser leurs relations et de « coopérer dans la lutte le terrorisme ».
Un conflit interétatique d’ampleur ayant été évité, on en est revenu à la guerre de l’ombre et des opérations plus ou moins secrètes entre l’Iran et ses adversaires sur d’autres théâtres d’opération.
Ainsi, le 20 janvier, dans une frappe attribuée à Israël, cinq « conseillers militaires » iranien ont été tués. Il s’agit de hauts gradés des Gardiens de la Révolution servant en Syrie, dont le général Sadegh Omidzadeh, « responsable en Syrie du renseignement de la force al-Quds ». Sept autres personnes ont péri au cours de cette attaque menée par un avion contre « une réunion des chefs » des renseignements militaires iraniens en Syrie. Le 25 décembre une autre frappe aérienne, attribuée à Israël avait tué Razi Moussavi, général iranien de haut rang. Le président iranien a dénoncé « ce lâche attentat » et promis que « les martyrs seront vengés le moment venu. ».
Voici la chronique des faits marquants de la répression au Kurdistan iranien.
Selon le rapport annuel de l'Organisation Hengaw pour les droits de l'homme, les gardes-frontières iraniens ont tué 41 kolbars, porte-faix transfrontaliers, en 2023, et 259 autres ont été blessés. En 2023, le régime a exécuté 823 personnes, dont 31 prisonniers. Les Baloutches ont enregistré le plus grand nombre de victimes (21,5 %), suivis par les Kurdes (18,5 %).
La police des moeurs a infligé 74 coups de fouet à une femme kurde nommée Roya Hishmati pour avoir publiquement refusé de porter le hijab en avril 2023. L'ONG Hengaw a rapporté qu'Hishmati avait initialement été condamnée à un an avec sursis et à une interdiction de voyager de trois ans. Hishmati a affirmé sur les réseaux sociaux que le régime la menaçait d'actions plus agressives, y compris d'une nouvelle inculpation, si elle ne cessait pas son militantisme. Un adolescent kurde de Sardasht est décédé après avoir été torturé pendant un an par les forces de sécurité iraniennes pour avoir participé à des manifestations antigouvernementales. Trois manifestants de Bokan risquent d'être condamnés à mort après avoir été reconnus coupables de « propagation de la corruption sur Terre » pour leur participation aux manifestations Femmes, Vie, Liberté.
Dans la première semaine de janvier, sept Kurdes ont été exécutés dans la prison de Karaj pour « trafic de drogue ». Une autre exécution a été signalée le 16 janvier, portant à vingt le nombre total d’exécutions kurdes en 2024. Au même moment, deux Kurdes sont morts sous la torture en prison après des mois de détention, identifiés comme étant Iman Hassanwanad et Paiman Abdi. Par ailleurs, les gardes-frontières du régime et les Pasdars ont blessé au moins 18 porteurs frontaliers kurdes (kolbar) et en ont tué deux au cours de la semaine la plus sanglante de 2024, près de Nowsud et Baneh.
Le 18 janvier, les gardes-frontières irakiens ont tué un autre porteur transfrontalier kurde (kolbar) près de Nowsud et en ont blessé deux autres. Hoshyar Mahmoudi voyageait avec un groupe d'autres kolbars qui ne transportaient aucune cargaison lorsque les gardes-frontières irakiens lui ont tiré dessus. Les gardes-frontières irakiens avaient déjà torturé six kolbars et leur avaient rasé la tête avant de les relâcher près de la localité de Tawela . Les autorités irakiennes ont commencé à réprimer les kolbars après que Bagdad et Téhéran sont parvenus à un accord de sécurité en juin 2023. Du côté iranien de la frontière, les gardes-frontières iraniens ont tué un kolbar et en ont blessé neuf à Nowsud et Baneh.
Des agents des renseignements iraniens (Ettela’at) ont tué une femme kurde de 20 ans originaire du Lorestan dans un véhicule et ont grièvement blessé le conducteur. L’ONG Hengaw a rapporté que les agents d’Ettela’at portait des vêtements civils lorsqu’ils ont demandé aux victimes de s’arrêter et de descendre de la voiture. Le conducteur a tenté de s’enfuir parce qu’il ne savait pas qui étaient ces hommes, ce qui a amené les agents d’Ettela’at à ouvrir le feu. Par ailleurs, le régime iranien a arrêté un certain nombre de Kurdes, dont sept à Piranshahr, six à Bokan, trois à Naqadeh et un chanteur kurde à Ilam. Par la suite, les tribunaux révolutionnaires islamiques ont condamné une militante kurde nommée Gulala Watendost à six ans et sept mois de prison à Marivan et une autre nommée Bayan Farajullah à un an de prison à Senna. Un autre tribunal a condamné un Kurde nommé Yadullah Shakri à six mois de prison dans le Delawan pour « diffusion de propagande ». Pendant ce temps, un prisonnier kurde nommé Amir Shahbazi s'est suicidé en prenant des pilules après qu'un tribunal l'ait condamné à la prison et à l'amputation de ses doigts pour « vol ». Enfin, Kurdistan Human Rights a rapporté que le régime iranien avait exécuté cinq autres prisonniers.
Le régime iranien a exécuté le 22 janvier quatre prisonniers politiques kurdes dans la tristement célèbre prison Ghezel Hesar à Karaj, près de Téhéran. Les quatre Kurdes, Mohsen Mazloum, Vafa Azarbar, Pejman Fatehi et Mohammad Faramarzi, avaient été arrêtés à l'été 2022 à Ourmia et accusés d'espionnage pour le compte d'Israël, une accusation souvent portée contre les prisonniers politiques, et d'appartenance au parti kurded’extrême gauche Komala. Mazloum, Azarbar, Fatehi et Faramarzi ont ensuite été condamnés à mort en septembre 2023 pour « propagation de la corruption sur Terre ». Plusieurs groupes de défense des droits humains ont appelé le 23 janvier à une grève publique pour protester contre les exécutions. Le Parti Komala et le Parti démocratique du Kurdistan iranien (PDKI) ont également condamné les exécutions et le régime. Pendant ce temps, le Réseau des droits de l'homme du Kurdistan a rapporté que le régime avait exécuté trois autres hommes kurdes pour des accusations sans rapport avec des activités politiques. Enfin, l'ONG Hengaw a rapporté que les autorités iraniennes ont arrêté quatorze militants et civils kurdes à Bokan, Piranshahr, Marivan, Shinno, Jwanro, Baneh, Miandoab et Mahabad.
Le président iranien Ebrahim Raisi a rencontré le président turc Recep Tayyip Erdogan à Ankara le 24 janvier pour discuter de Gaza et des échanges commerciaux florissants entre les deux pays. La Turquie n’applique pas les sanctions occidentales contre l’Iran tout comme elle refuse d’appliquer celles visant la Russie. Elle est même considérée comme la plaque tournante de détournement de ces sanctions. Une banque d’Etat turque, Halk Bank, est poursuivie depuis plusieurs années par la justice américaine pour son rôle dans le détournement des sanctions américaines contre l’Iran. La chaîne de télévision publique turque TRT World a rapporté qu’Erdogan a également souligné « l’importance du soutien iranien dans la lutte de la Turquie contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ». En outre, le gouvernement iranien a publié des images de Raisi et Erdogan signant « dix documents de coopération » destinés à élargir « la coopération économique et l’interaction régionale ».
L’armée turque a procédé les 12, 14 et 15 janvier à d’intenses bombardements aériens contre les infrastructures civiles et militaires du Rojava. Au cours de cette nouvelle offensive, sept centrales électriques alimentant la région kurde ont été gravement endommagées et mises hors service, privant des centaines de localités et près de deux millions de citoyens de courant électrique en plein hiver. Selon l’administration kurde, citée par l’AFP, toutes les stations de pompage d’eau de la région de Kamishli sont désormais hors d’usage exposant la population civile à des épidémies. 45 autres infrastructures civiles ont été détruites.
Dépourvue de moyens de défense anti-aérienne, l’administration kurde a appelé les pays de la Coalition internationale, dirigée par les Etats-Unis et la Russie, à « mettre fin à l’agression turque contre nos régions et au ciblage des civils ». Appel resté sans réponse car aucun pays ne souhaite affronter la Turquie d’Erdogan, membre de l’OTAN dont les crimes de guerre contre la population civile restent ainsi impunis.
L’AANES a également déclaré que la Turquie commet depuis des années des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dans le nord de la Syrie. Les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont réfuté les affirmations turques selon lesquelles des membres des FDS auraient été tués dans les frappes et ont qualifié ces attaques de « destruction systématique des institutions de services de base et de prise pour cible délibérée des infrastructures vitales de millions de personnes ».
Ankara justifie ces bombardements par son prétendu « droit à l’auto-défense » après la mort de 9 soldats turcs dans des affrontements avec le PKK dans le Kurdistan irakien. Pour se venger du PKK, l’armée turque bombarde la population civile kurde syrienne tout comme pour se venger d’Israël, qui a éliminé nombre de ses responsables militaires en Syrie, l’Iran bombarde Erbil.
Par ailleurs, les FDS, soutenues par les forces américaines, ont lancé une nouvelle opération de sécurité ciblant les terroristes de Daech dans le camp d’al Hol, qui continue d’héberger des milliers de membres de Daech et leurs proches. Les responsables des FDS ont déclaré que Daech exploitait les « conditions humanitaires désastreuses » du camp et la « préoccupation des militaires et des forces de sécurité des FDS de faire face aux attaques venant de Turquie ». En outre, les FDS ont révélé que Daech prévoyait une attaque contre al Hol en coordination avec les cellules terroristes à l’intérieur du camp. Simultanément, les FDS ont mené une opération de sécurité massive à Raqqa, arrêtant de nombreux criminels, membres de Daesh et mercenaires du régime d’Assad.
Enfin, le Pentagone a démenti les informations selon lesquelles les États-Unis envisageaient de se retirer de Syrie. Le 22 janvier, al Monitor a affirmé que des responsables américains avaient discuté d’un plan de retrait de Syrie et de protection des Forces démocratiques syriennes (FDS) en les associant au régime d’Assad pour combattre l’État islamique (Daech).