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Liste
NO: 109 |
4/9/1998 INCARCÉRATION DE FERIDUN YAZAR, ANCIEN PRÉSIDENT DU HEPM. Feridun Yazar, ancien président du Parti du Travail du Peuple (HEP) et l'un des principaux avocats de Leyla Zana et de ses collègues, a été incarcéré le 1er septembre à la prison de Suruç dans la province d'Urfa. M. Yazar avait été condamné à 2 ans de prison pour un discours prononcé le 19 septembre 1992 au 2ème Congrès du HEP à Ankara pour «atteinte à l'unité nationale et propagande séparatiste» en application de l'article 8 de la loi 3713 dite anti-terreur. Il avait fait appel de ce verdict devant la Cour de cassation turque. Celle-ci vient de confirmer sa condamnation pour délit d'opinion rendant sa peine immédiatement exécutoire. M. Yazar est l'une des personnalités kurdes indépendantes qui a été un interlocuteur régulier des délégations occidentales en visite en Turquie pour s'informer de la situation des droits de l'homme. Il était également fréquemment consulté par les missions diplomatiques occidentales à Ankara. Son incarcération confirme que malgré les promesses réitérées de démocratisation le régime turc continue sa politique visant à créer une société silencieuse en faisant taire par les assassinats et la prison toutes les voix d'opposition. Avant son emprisonnement, M. Yazar a déclaré à la presse : « Chaque jour qui passe la faillite des méthodes employées par l'État pour le règlement du problème kurde devient de plus en plus manifeste. Pour avoir lutté pour une solution pacifique de ce problème je suis à mon tour condamné et emprisonné et je serai de ce fait privé de mes droits politiques. Cela ne m'empêchera aucunement de continuer de combattre en faveur de la liberté de mon peuple et de la démocratie. Le monde entier doit comprendre que la Turquie malgré les apparences démocratiques qu'elle cherche à se donner est toujours un pays où on jette en prison les intellectuels pour leurs opinions, un pays où l'État considère les intellectuels et artistes critiques comme des suppôts moraux du terrorisme. Pendant ce temps, les auteurs de massacres de civils, de meurtres d'intellectuels, les mafieux travaillant main dans la main avec les services de l'État courent les rues. Nous sommes dans un pays où voleurs et assassins font la loi et jettent en prison les citoyens honnêtes luttant pour la paix civile, la démocratie et une société propre». LE PREMIER MINISTRE TURC REJETTE L'OFFRE DE CESSEZ-LE-FEU DU PKKAbdullah Ocalan, chef du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a décrété le 28 août un cessez-le-feu unilatéral dans le conflit qui oppose depuis août 1984 ses partisans aux forces armées turques. «Les guérilleros du PKK n'attaquerons pas les militaires turcs à partir du 1er septembre, Journée Mondiale de la Paix» a déclaré Ocalan dans un entretien téléphonique sur l'antenne de Med TV, chaîne de télévision kurde par satellite proche du PKK. Ce cessez-le-feu unilatéral devrait rester en vigueur jusqu'au terme des élections législatives anticipées d'avril 1999. Le chef du PKK s'est dit prêt à engager des pourparlers avec les autorités turques afin de trouver une solution politique à la question kurde et de mettre un terme à un conflit qui a à ce jour fait au moins 37.000 morts et des millions de déplacés. Cet appel a été accueilli avec satisfaction par de nombreuses ONG turques et occidentales ainsi que par certains parlementaires européens. En Turquie, outre de petites formations de gauche politiques non représentées au Parlement et les milieux pacifistes, le Parti de la démocratie du peuple (Hadep), pro-kurde, qui avait accueilli 4,5% des voix aux législatives de 1995, s'est prononcé en faveur du cessez-le-feu et de la recherche d'une solution négociée au problème kurde. «La Turquie a besoin de courage démocratique. Toute personne vivant en Turquie doit contribuer à ce processus de cessez-le-feu» déclare un communiqué du Hadep rendu public le 29 août. Cependant l'appel du Hadep a peu de chances d'être entendu par les autorités turques car les principaux dirigeants de ce parti sont actuellement détenus, sous l'accusation «d'être la branche politique du PKK et d'avoir agi et tenu des propos en faveur du PKK». A Ankara, le Premier ministre M. Yilmaz a, dès le 29 août, rejeté catégoriquement l'offre de cessez-le-feu d'Ocalan: «Nous ne le prendrons jamais comme interlocuteur (...) S'il fait un pas pour se rendre, après avoir compris qu'il est dans une situation désespérée et qu'il ne peut pas lutter contre l'État turc, je considère cela comme positif» a déclaré M. Yilmaz. «Mais si ses efforts visent à créer une plateforme politique en Europe, alors ils sont vains» a ajouté le Premier ministre. De son côté le nouveau chef d'état-major, le général Huseyin Kuvrikoglu, a également rejeté l'offre du cessez-le-feu. «Le PKK est entrain de mourir comme une bougie qui s'éteint. Qu'Ocalan se rende à l'État ou qu'il abandonne la lutte avec tous ses hommes, il n'existe pas d'autre issue» a-t-il déclarée à des journalistes lors d'une réception le 31 août à Ankara. Le chef du PKK avait par le passé déclaré au moins à deux reprises un cessez-le-feu pour plusieurs mois, en mars 1993 et décembre 1995. Ces trêves n'avaient pas été reconnues par les forces armées turques. «LE BUS DE LA PAIX» D'IHD N'IRA PAS A DIYARBAKIRA l'occasion de la journée mondiale de la paix l'association turque des droits de l'homme voulait organiser le 1er septembre une vaste manifestation pacifiste à Diyarbakir, capitale du Kurdistan turc. Un «bus de la paix» affrété par l'IHD partant d'Istanbul devait emmener des intellectuels et artistes turcs désireux de participer aux manifestations de Diyarbakir. Le 31 août, la police turque est intervenue avec brutalité contre les pacifistes, interdit le départ des bus, arrêté et placé en garde-à-vue 128 personnes dont plusieurs dirigeants de la branche d'Istanbul d'IHD et du Hadep et des syndicalistes. Les personnes placées en garde-vue ont été relâchées le lendemain et un groupe d'avocats conduit par Me Eren Kestin, vice-présidente de l'IHD a porté plainte contre les policiers auteurs de violences à l'égard des manifestants pacifiques. A Diyarbakir, la police a placé des blindés aux principaux carrefours, verrouillé les entrées et sorties de la ville et interdit toute manifestation. Près de 150 pacifistes passant outre à cette interdiction ont été placés en garde-à-vue. Les autorités turques ont interdit les manifestations pacifistes dans plusieurs autres villes comme Adana, Batman, Siirt. A Istanbul, des pacifistes distribuant des tracts en faveur de la paix sur la place de Taksim ont été interpellés par la police. Le 29 aôut, toujours à Istanbul, la police turque avait dispersé à coups de matraques et de jets d'eau une manifestation en faveur des personnes disparues lors d'interrogatoires policiers et placé à vue une centaine de manifestants, dont plusieurs dizaines de «Mères du Samedi». Celles-ci se rassemblent tous les samedis devant le lycée francophone Galatasaray, dans la partie européenne d'Istanbul, pour demander que l'État turc retrouve leurs proches, disparus ces dernières années en raison de leurs opinions politiques. NEUF ANS DE PRISON POUR 4 ADOLESCENTS KURDES COUPABLES DE VOL DE PATISSERIELa cour de cassation tuque a, le 31 août, confirmé la condamnation à 9 ans de prison ferme de quatre enfants mineurs kurdes coupables d'avoir volé en 1997 deux kilos de baklavas (pâtisserie orientale) dans un magasin de Gaziantep. Les jeunes avaient reconnu les faits et affirmé qu'ils avaient eu très envie de ces baklavas mais n'avaient pas les moyens d'en acheter. Malgré leurs excuses présentées devant le tribunal de Gaziantep pour ce chapardage, ils avaient été condamné à 9 ans de prison. Des avocats bénévoles ont fait appel de ce verdict inique devant la Cour de cassation qui vient de confirmer la lourde condamnation des «voleurs de baklavas». Même les défenseurs les plus zélés du système judiciaire turc se disent «troublés» par une justice qui condamne à des peines aussi lourdes des enfants ayant commis un larcin et laissent courrir des auteurs de détournements de centaines de millions de dollars de fonds publics et des mafieux rackettant et pillant en plein jour. «A ce niveau d'aberration il faut convenir que la République d'Ataturk est bien malade, bien pourrie» a déclaré à la presse l'un des avocats des gamins. Selon les estimations courantes, près de cinq mille enfants âgés de 11 à 15 ans se trouvent dans les prisons turques qui enferment également plus de dix mille mineurs de 15 à 18 ans. VISITE AU KURDISTAN D'UNE DÉLÉGATION DU PARLEMENT EUROPÉENUne délégation de quatre euro-députés effectuera les 7 et 8 septembre une visite d'information au Kurdistan turc afin d'évaluer sur place la situation actuelle des droits de l'homme et le sort des populations déplacées. La délégation doit rencontrer à Ankara le président du Parlement, Hikmet Çetin ainsi que les ministres des Affaires étrangères et des droits de l'homme afin de recueillir également les points de vue officiels. Au terme de cette visite, les euro-députés présenteront un rapport au Parlement européen. BONN : LA CSU CONDAMNE UNE «INGÉRENCE STUPIDE» DU PREMIER MINISTRE TURC DANS LES ÉLECTIONS ALLEMANDESA la suite de l'appel du Premier ministre turc aux Allemands d'origine turque de «punir Helmut Kohl pour sa politique anti-turque», l'Union chrétienne-sociale (CSU), branche bavaroise du parti du chancelier Kohl, dans un communiqué daté du 19 août, s'en est vivement pris à M. Yilmaz : «L'ingérence maladroite de M. Yilmaz dans la campagne électorale allemande est stupide, et indigne d'un homme politique qui veut faire partie des démocrates européens», a estimé le porte-parole du groupe parlementaire de la CSU aux affaires étrangères, Christian Schmidt. «Avec sa polémique primaire M. Yilmaz empoisonne l'atmosphère nécessaire à une cohabitation pacifique entre étrangers et Allemands», a ajouté M. Schmidt dans un communiqué. Il y voit une confirmation de la justesse de la ligne de son parti, qui est contre l'accord de la double nationalité aux enfants d'immigrés, estimant qu'elle créera «un conflit de loyauté». ARRESTATION EN FRANCE D'UN CHEF DE LA MAFIA LIÉE A L'ÉTAT TURCAlacitin Çakici, l'un des plus célèbres chefs de la mafia turque d'extrême droite liée aux services de renseignement turcs (MIT) a été arrêté le 17 août dans un palace de Nice avec sa compagne et un garde du corps armé. Recherché par Interpole pour meurtre et activités mafieuses, Çakici étaient en possession d'un passeport diplomatique turc lui permettant de circuler sans visa dans la plupart des pays du monde. Au cours de conversations téléphoniques enregistrées divulguées par la presse truque, A. Çakici a déclaré avoir des liens avec plusieurs ministres, les services de renseignement turcs et les hommes politique de premier plan. «Je suis un personnage très important pour la Turquie, j'ai des relations très haut placées et l'État turc devrait me protéger, sinon je pourrais parler et dire tout ce que je sais sur le monde politique turc» a affirmé Çakici selon le quotidien turc Sabah du 30 août. Membre d'un groupe de Loups Gris (milice para militaire néo-fasciste du Colonel Turkes) impliqué dans une quarantaine d'assassinats de militants de gauche à la fin des années 1970, Çakici avait été arrêté et emprisonné pendant quelques mois après le Coup d'État militaire de septembre 1980. Puis comme bon nombre d'activistes de l'extrême droite il a été recruté par la MIT pour ses bases besognes en Turquie et en Europe. Trafic de drogue, «opérations spéciales» contre les Kurdes et les Arméniens, etc). Au début des années 1990, surtout à partir de l'accession au pouvoir de Mme Çiller en juillet 1993 les services turcs ont décidé de systématiser et d'amplifier leurs activités «extra-légales» d'assassinats d'opposants et de trafic de drogue pour financer la guerre de l'ombre. Selon la déposition en février 1997 devant la Commission Susurluk du Parlement de Havefi AVCI, chef-adjoint du Bureau de renseignement de la police d'Istanbul, Çakici est l'un des éléments mafieux d'extrême droite utilisé par l'unité de guerre spéciale de la MIT, organisée par Mehmet Eymu, actuellement en poste à l'ambassade turque à Washington et Yavuz Ataç en poste à Pékin. Quant leur chef de la MIT pendant cette période où plus de 4500 civils supposés «ennemis de l'État» ont été assassinés Sounnez Koksal, a été promu au poste d'ambassadeur de Turquie en France. Après avoir servi le gouvernement Çiller dans ses basses besognes, Çakici et ses acolyte, sur instruction de la MIT, se sont retournés contre «Mme. Çiller lorsque celle-ci s'est alliée aux islamistes. Les Turcs se souviennent d'une émission de télévision de Flash TV au cours de laquelle Çakici était intervenu par téléphone pour dénoncer «les magouilles du gang Çiller» en affirmant notamment que le mari de Mme. Çiller avait réclamé une commission de $20 millions pour arranger la vente d'une banque publique (Turkbank) à un homme d'affaires «protégé» par Çakici. Le lendemain plusieurs dizaines de «sympathisants armés de Mme. Çiller avaient effectué un raid contre les studios de Flash TV qu'ils ont mis à sac. Depuis, Çakici, protégé par la MIT, avait poursuivi sa «guerre contre le gang Çiller». Récemment il avait appelé deux ministres du gouvernement Yilmaz pour exiger le rappel à Ankara de son «protecteur» de la MIT, Yavuz Ataç. La décision tardant à venir, il avait rappelé pour dire que si on ne satisfaisait pas sa demande rapidement, il punirait le Premier ministre en personne. C'est sans doute cette menace qui a incité Ankara à demander à Interpole son arrestation et à réclamer son extradition. Sans compter, une fois en Turquie il pourrait faire des révélations contre la famille Çiller, ce qui en période électorale pourrait servir le parti de M. Yilmaz qui pourrait ainsi se targuer d'avoir commencé à lutté contre «les gangs mafieux installés au coeur de l'État». En attendant, le vice-Premier ministre turc Bulent Ecevit a confirmé que Çakici était effectivement porteur d'un vrai passeport diplomatique turc et qu'il avait effectivement téléphoné récemment à deux ministres. «Si les ministres eux-mêmes l'avaient appelé, il y aurait eu un problème, mais c'est lui qui a appelé les ministres à qui on ne peut donc rien reprocher». M. Ecevit n'a pas préciser pourquoi un chef mafieux pouvait avoir un accès direct facile à deux ministres en exercice. |