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Liste
NO: 125 |
12/2/1999 DÉGRADATION DES CONDITIONS DE DÉTENTION DE LEYLA ZANA ET DE SES COLLÈGUESLes députés kurdes du Parti de la Démocratie (DEP) emprisonnés depuis bientôt cinq ans à la Prison Centrale d'Ankara ont vu une dégradation significative de leurs conditions de détention. Après l'interdiction faite aux délégations étrangères, y compris celles du Parlement européen de leur rendre visite, les familles assistent également à des restrictions de plus en plus sévères à leur droit de visite. Désormais seuls les membres directs de la famille sont autorisés à leur rendre une visite hebdomadaire de moins d'une heure derrière les parloirs. Les visites ouvertes où les députés emprisonnés pouvaient, sous la surveillance permanente des gardiens, recevoir dans une pièce leurs femme et enfants sont depuis plus d'un an interdites même pour les fêtes traditionnelles ou pour le Nouvel an alors que ces visites sont accordées à des prisonniers de droit commun. Les visites médicales sont devenues plus difficiles. Elles sont désormais accompagnées de vexations diverses, d'insultes et de mauvais traitements. Pour protester contre ces mauvais traitements Leyla Zana, qui souffre maintenant de problème de foie, refuse les visites à l'hôpital sous escorte militaire et son état de santé nourrit à nouveau de sérieuses inquiétudes. Les autorités turques cherchent à lui faire payer son refus d'être libérée seule pour raisons médicales et sa demande constante d'une libération concomitante des quatre députés kurdes actuellement emprisonnés. Par ailleurs la procédure devant la Cour européenne des droits de l'homme avance lentement. La Commission des droits d' homme statuera finalement vers le 4 mars, jour anniversaire de l'arrestation de Leyla Zana et de ses collègues sur la suite à donner à leur requête au fond. Si, comme c'est très probable, la requête est transmise à la Cour européenne, celle-ci prendra ensuite de longs mois pour fixer une date pour l'audience publique, ensuite encore quelques mois pour rendre public son verdict. À ce compte là, les députés kurdes risquent de passer l'année 1999 aussi derrière les barreaux. LE BILAN DE JANVIER 1999 DES VIOLATIONS DE DROITS DE L'HOMME EN TURQUIEL'association turque des droits de l'homme a publié, mercredi 10 février, son bilan des violations des droits de l'homme pour le mois de janvier 1999. Le bilan se présente comme suit:
LE BILAN DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME POUR L'ANNÉE 1998L'Association turque des droits de l'homme (IHD) a rendu public son bilan 1998 des violations des droits de l'homme. L'IHD a déploré qu'aucune amélioration soit observée.
SANAR YURDATAPAN CONDAMNÉ À DEUX MOIS DE PRISON PAR UN TRIBUNAL MILITAIRELe Tribunal militaire de l'État-major turc a, mardi 9 février 1999, condamné à 2 mois de prison et à une amende de 1,5 million de livres turques Sanar Yurdatan, le défenseur des droits de l'homme et animateur de l'Initiative pour la paix en Turquie, pour "publication en vue de rebuter le peuple de l'Armée". Comparaissant devant un Tribunal militaire, M. Yurdatapan, fils d'un général turc célèbre, a refusé en tant que civil de répondre aux questions posées par un tribunal martial et a souligné l'incompatibilité des lois turques avec les conventions et accords internationaux. APRÈS DIX SEPT ANS D'EXIL LE FILM "YOL" SORT ENFIN EN TURQUIELe film "Yol", chef d'uvre de Yilmaz Guney, réalisateur kurde qui a obtenu la Palme d'or au festival de Cannes en 1982 sort, vendredi 12 février, en Turquie après 17 ans d'interdiction. Les uvres du cinéaste- livres, articles et films- avaient été interdites en Turquie en 1982 et les négatifs de plus de 100 films qu'il a dirigés ou dans lesquels il a joué avaient alors été détruits par les autorités turques. Le réalisateur avait fui la Turquie lors d'une permission en 1981, alors qu'une peine de prison à vie avait été prononcée à son encontre. Écrivain, acteur, cinéaste de gauche et cofondateur de l'Institut kurde de Paris, il avait été déchu de sa nationalité en 1983 et est mort en exil en France en 1984. Il repose au cimetière parisien du Père-Lâchaise. "Yol" dépeint le sort de cinq prisonniers en permission d'une semaine et les pressions politique, culturelle et économique qu'ils subissent. Plus largement ce film traite de la question kurde. Le cinéaste a rédigé le scénario derrière les barreaux et dirigé ce film, comme quelques autres dont l'inoubliable "Troupeau" par l'intermédiaire de ses assistants. Craignant une nouvelle censure pour "propagande séparatiste", la Fondation Guney qui veut réhabiliter et réconcilier le cinéaste avec la Turquie d'aujourd'hui et qui est à l'initiative de cette projection, a dû couper un passage dans lequel le lieu de l'action était localisé par une insertion en grandes lettres rouges, comme le "Kurdistan". Fatos Guney, la veuve du cinéaste, a déclaré: "nous avons dû le sacrifier, sinon le film n'aurait pas été montré pendant encore dix-sept ans" puis elle a ajouté "il aurait adoré voir le film sortir en Turquie". À NOUVEAU UN EX- DÉPUTÉ DU PARTI DE LA DÉMOCRATIE DERRIÈRE LES BARREAUXNaif Gunes, ancien député du parti de la Démocratie (DEP- pro-kurde) de Siirt, a été arrêté, mardi 9 février 1999, par les autorités turques aussitôt qu'il est entré sur le territoire turc. Placé en garde à vue, aucune information n'a été communiquée sur le lieu de sa détention. M. Gunes avait quitté la Turquie pour l'Allemagne , avant la dissolution, le 16 juin 1994, par la Cour constitutionnelle turque du DEP. Il n'était pas membre du "Parlement kurde en exil". LA CAMPAGNE ÉLECTORALE SOUS ÉTROITE SURVEILLANCEEn vue des élections législatives et municipales du 18 avril, le Premier ministre turc Bulent Ecevit mène une campagne quelque peu étrange. Jeudi 4 février, la presse turque a reproduit une circulaire ministérielle dans laquelle le Premier ministre turc réclamait une lutte efficace contre l'activisme islamiste. La circulaire rédigée sur recommandation du Conseil national de Sécurité (MGK) et envoyée aux ministères et gouverneurs, énonce que "l'utilisation abusive de la religion pour gagner une influence politique, économique, commerciale et sociale sera fermement empêchée". L'accent est mis sur le contrôle des radios et télévisions susceptibles de diffuser des programmes qui ne seront pas aux goûts de l'armée et des kémalistes, mais également sur l'interdiction du foulard islamique dans la fonction publique et les établissements d'enseignement. De plus, le texte annonce que la campagne des candidats sera surveillée de près et des mesures légales seront prises contre ceux dont les discours contiendraient "des éléments criminels". Nul doute que c'est d'une part le parti de la Vertu (Fazilet), actuellement la première force au Parlement et d'autre part le parti pro-kurde HADEP qui sont la cible de ces mesures. En 1997, le premier ministre islamiste Necmettin Erbakan avait dû démissionner sous la pression de l'armée et son parti, le Refah, a été interdit en janvier 1998. Récemment l'armée turque est intervenue à trois reprises par des communiqués, pour mettre en garde contre toute atteinte à l'État laïc. TENSION DANS LES RELATIONS TURCO-ESPAGNOLESLe Parlement régional basque a accepté, mardi 9 février, d'accueillir dans ses murs en juillet prochain une réunion du "Parlement kurde en exil". Les autorités turques sont montées au créneau rapidement pour critiquer la décision et ont demandé solennellement, mercredi 10 février, à l'Espagne d'intervenir pour empêcher une telle réunion. Le Premier ministre turc, Bulent Ecevit a déclaré: "je ne pense pas que le peuple basque y soit favorable. Le gouvernement espagnol est également contre. Bien sûr, il s'agirait d'un acte inamical". Sermet Atacanli, porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères a ajouté "c'est évident que ceci ne contribuera pas positivement aux relations turco-espagnoles" en faisant évidement planer l'idée des menaces habituelles. Le Parlement kurde en exil, composé de 65 personnes vivant dans différentes villes d'Europe, a tenu ses précédentes réunions en Italie, aux Pays-Bas, en Norvège, en Autriche et au Danemark provoquant à chaque fois des tensions diplomatiques entre les pays hôtes et la Turquie. Le gouvernement espagnol a déclaré qu'il regrettait la décision de l'Assemblée autonome basque mais qu'il n'avait pas de compétence en la matière. Par ailleurs, le "Parlement kurde en exil" a demandé au Parlement européen à être reçu avant le 21 mars. Nihat Akyol, le représentant permanent de la Turquie auprès de l'Union européenne, a d'ores et déjà contacté les différents groupes politiques de même que la présidence du Parlement européen pour leur signifier les conséquences éventuelles d'une telle réunion. Un porte-parole du cabinet de la présidence du Parlement européen a déclaré que "n'importe quel groupe au sein du Parlement européen peut inviter qui il veut au Parlement européen. Mais une telle invitation, ou une telle réunion, ne donne aucun statut à ce groupe". EUROCOPTER ÉCARTÉ PAR LA TURQUIE D'UN MARCHÉ DE 150 HÉLICOPTÈRES POUR DES RAISONS POLITIQUESLa Turquie a rejeté la proposition que lui avait adressée le groupe franco-allemand Eurocopter de lui livrer des hélicoptères de transport militaire dans le cadre d'une offre d'achat portant au total sur 150 à 200 exemplaires. Les autorités turques ont choisi le constructeur américain Sikorski dans un premier temps pour 50 hélicoptères Blackhawk. Il semble que la France et l'Allemagne ont attiré la disgrâce des autorités turques pour leurs prises de position politique. D'abord, l'adoption, le 29 mai 1998, par les députés français, d'une proposition de loi reconnaissant le génocide arménien de 1915 a déplu aux dirigeants turcs. Une série de contrats, parmi lesquels la vente de missiles antichars Eryx, ont été bloqués par la Turquie à la suite de cela. L'Allemagne, quant à lui, s'est opposé, l'été dernier, à la présentation en vol par les Français, au profit de l'armée turque de l'hélicoptère d'attaque Tigre, jugeant que la Turquie bafouait les droits de l'homme. Ankara a l'intention de s'équiper à terme de quelques 150 hélicoptères armés pour un montant total de 16 milliards de francs. Sont en compétion outre le Tigre, l'Apache et le Super Cobra américains- autrement plus "agressives" que Blackhawk, le Kamov-50 russe et le Mangusta italien. VISITE DU VICE-PRÉSIDENT IRAKIEN TARIK AZIZConvié par le premier ministre turc, Bulent Ecevit, grand admirateur de Saddam Hussein, le vice- président irakien Tarik Aziz, sera en visite officielle à Ankara, lundi 15 février 1999. Cette visite semble ne pas faire plaisir aux Américains qui se prononcent publiquement pour le renversement de la dictature irakienne. Des commantateurs turcs estiment qu'à l'approche des élections municipales et législatives en Turquie, le premier ministre turc veut montrer au peuple l'image d'un homme qui n'est pas aligné sur les idées américaines. Les autorités irakiennes ont déclaré que l'objectif de la visite était d'améliorer les relations bilatérales. Affectée fortement pas les sanctions économiques onusiennes sur l'Irak, Ankara est aussi très sensible à la question des Kurdes d'Irak et s'oppose catégoriquement à l'idée d'une quelconque autonomie en faveur des Kurdes dans cette région. Washington, quant à lui, s'efforce de réunir les opposants du régime irakien- 97 millions de dollars sont attribués à cet effet par le Congrès américain à sept groupes opposants- afin de provoquer la chute de Saddam Hussein. La base américaine d'Incirlik en Turquie à partir de laquelle les avions britanniques et américaines décollent pour faire resserrer la zone d'exclusion aérienne du Kurdistan irakien est aussi source d'un problème majeur entre les deux pays. Cela étant la Turquie et l'Irak ont tous deux nommé des ambassadeurs respectivement mais les diplomates attendent toujours de présenter leurs lettres de créances. UNE CHANSON INTERPRÉTÉE EN KURDE SUFFIT À FÂCHER LE MONDE DE LA CHANSON EN TURQUIELa cérémonie de "l'objectif or", sixième du nom, organisé par l'association des journalistes des magazines, jeudi 11 février, s'est déroulée dans une ambiance chahutée à Istanbul. Ahmet Kaya, un des musiciens, d'origine kurde, primé a été accompagné par la police chez lui lorsqu'il a déclaré "dans mon nouveau album j'ai chanté une chanson en kurde. Je vais aussi tourner un clip en kurde. Et je demanderai des comptes à ceux qui refuseront de passer ce clip". Des personnalités du monde du cinéma et de la chanson turque n'ont pas hésité à lui jeter des fourchettes et des couteaux pour protester contre ses propos et ont repris en chur une chanson nationaliste turque intitulée "ma patrie". |