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Liste
NO: 208 |
10/7/2001 SELON LE RAPPORT 2001 DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN DES NATIONS-UNIES, SUR 162 PAYS LA TURQUIE SE SITUE AU 82ÈME RANGLe rapport 2001 du développement humain des Nations-Unies, rendu public le 10 juillet, sous le titre de " Faire travailler les nouvelles technologies pour le développement humain " [Making New Technologies Work for Human Development], place la Turquie au 82ème rang sur 162 pays étudiés au regard de l’index de développement humain 2001. Située au 85ème rang l’année précédente, la Turquie enregistre une faible amélioration mais échoue une nouvelle fois à améliorer la qualité de vie de ses 65 millions d’habitants, tout en consacrant la plus impo rtante part des dépenses publiques aux dépenses militaires avec 5 % du PNB [ndlr : 3,5 % du PNB en 1990]. Le taux des dépenses publiques en matière d’éducation est en faible augmentation mais le secteur du développement et de la recherche ne représente que 0,5 % du PNB. Alfredo Witschi-Cestari, le coordinateur des Nations-Unies et le représentant du Programme de Développement des Nations-Unies (UNDP) en Turquie a déclaré au quotidien anglophone Turkish Daily News du 10 juillet que : " Ce qui est important ce n’est pas d’avoir la technologie mais la façon dont vous l’utilisez… Par exemple, en matière de santé, vous pouvez avoir les meilleurs traitements médicaux à Istanbul mais un niveau extrêmement bas à Harran, Agri ou Mardin (régions kurdes)… La Turquie a un niveau important en termes de revenu et de croissance, mais non en termes d’accès à l’éducation et à la santé, ni d’accès des femmes à l’économie ". SCISSION DU MOUVEMENT ISLAMISTE ENTRE " CONSERVATEURS " ET " MODERNISTES "Après la disparition du Parlement du parti islamiste de la Vertu (Fazilet), interdit par la justice, la saison des transferts bat son plein en Turquie pour les députés. Sur les 102 députés (sur 550) que comptait le Fazilet au Parlement avant sa fermeture fin juin 2001 par la Cour constitutionnelle pour " activités anti-laïques ", 100 sont devenus indépendants et deux ont été déchus de leur mandat. Deux nouveaux partis devraient être prochainement créés sur les cendres du Fazilet. Depuis longtemps déjà, ce parti était tiraillé par une lutte de pouvoir entre modernistes et conservateurs, mouvements emmenés par deux dirigeants interdits de politique, mais à présent, la hache de guerre est déterrée. L'ex-maire d'Istanbul, Recep Tayyip Erdogan, 46 ans, interdit de politique à vie pour un discours incitant à la " haine religieuse ", revendique le leadership des modernistes qui se veulent " libéraux ". M. Erdogan fédère déjà une trentaine de députés. L'ex-Premier ministre islamiste et chef de file des conservateurs, Necmettin Erbakan, 76 ans, qui a quelque peu perdu son emprise sur l'islam politique depuis son interdiction de politique pour cinq ans en 1998, lorsque son parti de la Prospérité (Refah) fut fermé, espère garder quelque 70 députés. Ils comptent déposer les statuts d'une nouvelle formation dans les semaines à venir. Les modernistes ont gagné des points cette semaine : leur première recrue a été Meral Aksener, une ancienne ministre de l'Intérieur tombée en disgrâce auprès de Mme Tansu Ciller, chef du parti de la Juste voie (DYP), dont elle fut l'une des plus proches collaboratrices. " Notre objectif sera de surmonter les tensions en Turquie et d'apporter des solutions concrètes aux nombreux problèmes de notre peuple ", a-t-elle déclaré devant la presse aux côtés des futurs dirigeants de la nouvelle formation. Est venu s'ajouter un député d'extrême droite du parti de l'Action nationaliste (MHP). Sadik Yakut, élu de Kayseri (centre), un bastion du conservatisme religieux, a expliqué qu'il voulait " écrire l'histoire plutôt que de la subir ". Un autre député DYP, Huseyin Celik, de Van, a, le 6 juillet, quitté son parti (81 sièges) et devrait se rallier aux modernistes. D'autres encore pourraient suivre l'exemple dans les prochains jours, également dans les rangs du parti de la Mère patrie (ANAP, 88 sièges), troisième partenaire du gouvernement, estiment les observateurs. Pourtant, aucun des dirigeants de ces tendances politiques n'a jusqu'ici ouvertement évoqué les solutions qu'il préconise aux problèmes du pays : l'économie en crise, les relations avec l'Europe, la question kurde et la lutte contre la corruption etc. Les transferts de députés entre partis de tendances les plus diverses et en pleine législature sont habituels en Turquie, mais la fermeture du Fazilet précipite le mouvement. Reste à voir si le MHP arrive à " recruter " sept députés, ce qui en ferait le premier parti au Parlement où seuls six sièges le séparent du Parti de la gauche démocratique (DSP) du Premier ministre Bulent Ecevit (126 à 132). Son chef Devlet Bahceli a affirmé que même s'il y arrivait, il ne briguerait pas le poste de M. Ecevit. Mais il peut encore changer d'avis. L’ancien président turc, Suleyman Demirel, de même que son ancien Premier ministre, Madame Tansu Çiller, ont tous deux demandé l’organisation de nouvelles élections législatives. LE FMI ET LA BANQUE MONDIALE BLOQUENT LES CRÉDITS DE LA TURQUIELe Fonds monétaire international (FMI) a, le 2 juillet, suspendu le versement d'une tranche de 1,562 milliard de dollars de prêts en exprimant des réserves sur la réforme du secteur bancaire turc et sur la composition du conseil d'administration de Turk Telekom, qui détient le monopole du réseau téléphonique terrestre du pays. Les tiraillements politiques sur la mise en œuvre du programme compliquent la tâche du ministre de l'Economie, Kemal Dervis, qui tente d'appliquer des réformes de fond --restructuration des banques, privatisations, rigueur budgétaire. Le Premier ministre Bulent Ecevit avait déjà révélé que le chef du FMI, Horst Koehler, lui avait téléphoné pour exprimer sa préoccupation de voir qu'une loi fermant Emlak Bank, l'un des trois instituts publics dont les pertes totalisent 20 milliards de dollars, n'était toujours pas promulguée. Cette fermeture conditionne le déblocage d'une tranche de 1,5 milliard de dollars, sur quelque 17 milliards de crédits promis par le Fonds et la Banque mondiale depuis décembre. Le président Ahmet Necdet Sezer a, le 1er juillet, finalement ratifié cette loi. Mais le FMI a presque simultanément annoncé le report de la réunion de son Conseil d'administration, relevant dans un communiqué que " plusieurs mesures (du programme) n'ont pas encore été appliquées ". Selon Deniz Gokce, professeur de sciences économiques à l'Université du Bosphore, " le Fonds devrait donner l'argent promis, mais à contre-coeur, car il est dans le même bateau que nous désormais. La dette a augmenté, le secteur bancaire est complètement à plat, et rien n'incite à la confiance. " Le processus de nomination de la direction des Turk Telekom en vue de sa privatisation, elle aussi avec retard, a montré un Kemal Dervis obligé de discuter pied à pied avec des partis politiques peu désireux de lâcher leur emprise sur le secteur public, véritable vache à lait de la classe politique. Le MHP, deuxième partenaire de la coalition, avait nommé, le 28 juin, 4 des 7 membres de cette direction qui devait être composée de professionnels, et non de proches de partis politiques. Le Fonds considérant que certains membres du conseil d'administration manquent d'une expérience suffisante du secteur privé pour la tâche qui les attend, a insisté pour que deux autres professionnels du secteur privé s’ajoutent au conseil d’administration, augmentant à 9 les membres composant la direction du Turk Telekom. Et la bouffée d'espoir quasi irrationnel qui a accompagné l'arrivée en mars de M. Dervis a laissé place dans les médias à l'écho des manifestations d'hostilité qui accompagnent ses visites dans le pays, où il tend à être identifié avec la politique de rigueur du FMI, alors que les prix galopent. Le salaire minimum est passé de 102 à 107 millions de livres turques au 1er juillet, soit 85 dollars. Une augmentation théorique, en fait une perte substantielle en termes de dollars, la livre s'étant dévaluée de 40 % face au billet vert. L'économie s'est contractée de 4,2 % au premier trimestre par rapport à l'année précédente. Mais la grosse inquiétude, c'est la dette --externe et interne -- qui atteint environ 100 % du Produit national brut (PNB). Les relations d'Ankara avec le FMI traversent une période " très sensible ", a déclaré, le 7 juillet, le Premier ministre turc Bulent Ecevit. " Les critiques visant la Turquie sont injustifiées. Le Parlement turc a travaillé jour et nuit pour adopter toutes les lois demandées par le FMI. Le FMI semble oublier que la Turquie est un Etat de droit ", a dit M. Ecevit lors d'une conférence de presse. Il a cependant indiqué avoir reçu une lettre du directeur général du FMI, Horst Koehler, qui " reflète la volonté de l'institution de préserver des relations étroites avec la Turquie ", sans plus de détails. " Nos liens avec le FMI se poursuivront dans le cadre de l'accord (d'austérité) que nous avons conclu " en mai 2001 pour surmonter une grave crise économique en février 2001 qui a contraint Ankara à dévaluer de 40% sa monnaie nationale contre le dollar, a-t-il ajouté. M. Ecevit a estimé que l'annulation de ces réunions, destinées à accorder à la Turquie des prêts pour un montant total de quelque 3,2 milliards de dollars, " endommage " la confiance dans la Turquie sur les marchés intérieurs et extérieurs. LE PARLEMENT TURC RECONDUIT L’ETAT D’URGENCE DANS QUATRE PROVINCES KURDESLe Parlement turc a reconduit, le 29 juin, l'état d'urgence en vigueur depuis 14 ans dans quatre provinces kurdes. Ces provinces sont Tunceli, Diyarbakir, Hakkari et Sirnak. La mesure s'applique pour quatre mois à partir du 30 juillet. Le Parlement se prononce tous les quatre mois sur le maintien de ce régime d'exception. Sa levée fait partie des mesures politiques réclamées à " moyen terme " à la Turquie par l'Union européenne si elle veut ouvrir des négociations d'adhésion. Le gouvernement turc s'est engagé à le lever, mais sans donner de date. LA COMMISSION EUROPÉENNE CONTRE LE RACISME ET L’INTOLÉRANCE CRITIQUE LA TURQUIELe Conseil de l'Europe a déploré, dans un rapport publié le 3 juillet, que les dispositions pénales permettant de lutter contre le racisme et les discriminations en Turquie soient insuffisamment appliquées et même dévoyées pour réprimer le séparatisme. La Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), dont une délégation s'est rendue en Turquie en novembre 2000, relève que l'article 312 du code pénal turc, qui sanctionne l'incitation publique à la haine pour des motifs liés à la classe sociale, à la race, à la religion, aux convictions ou au régime politique, " a été employé jusqu'à présent dans des cas d'incitation au séparatisme ou d'opinions fondamentalistes ". En revanche, cet article " ne semble pas être utilisé " pour sanctionner des cas de " manifestations orales, écrites ou autres, notamment à caractère antisémite, visant des groupes minoritaires de Turquie ", déplore le rapport, adopté par la commission en décembre 2000. Le rapport relève en outre que " la Turquie ne s'est pas à ce jour dotée de dispositions légales interdisant spécifiquement la discrimination raciale dans l'emploi ". 28ÈME VICTIME DE LA GRÈVE DE LA FAIM DES PRISONS TURQUESAli Koc, 30 ans, est décédé, le 8 juillet, dans un hôpital d'Ankara après avoir jeûné de façon intermittente pendant 251 jours. Détenu dans une prison d'Ankara, il était en attente de procès pour appartenance présumée au Front révolutionnaire de libération du peuple, une organisation interdite en Turquie. Il est la 28e personne à mourir en Turquie dans le cadre d'un mouvement de protestation contre le nouveau système pénitentiaire de haute sécurité qui isole les détenus. Mahmut Gokhan Ozocak, 41 ans, membre de la même organisation, était décédé, au domicile d'un ami, le 4 juillet, à Izmir. M. G. Ozocak avait entamé son jeûne voilà plus de six mois alors qu'il purgeait une peine de 14 ans en raison de son appartenance à une organisation interdite. Il avait poursuivi sa grève de la faim après sa libération en mai 2001. Plus de 200 personnes, des détenus politiques et des membres de leur famille, sont en grève de la faim depuis l'an dernier. La plupart prennent de l'eau salée et sucrée avec des vitamines pour prolonger au maximum leur mouvement. Toutes protestent contre les transferts depuis des établissements traditionnels vers de nouvelles prisons, où les cellules n'abritent qu'un seul prisonnier, trois dans le meilleur des cas. Selon les grévistes de la faim, ce nouveau système place les détenus à la merci des gardiens. Les premiers transferts en décembre ont déclenché des affrontements qui ont fait 30 morts parmi les prisonniers et deux chez les militaires. UN RAPPORT D’AUTOPSIE MET À NOUVEAU EN CAUSE L’INTERVENTION DANS LES PRISONS TURQUESL’intervention, appelée " l’Opération de retour à la vie " en décembre 2000 des militaires turques dans les prisons, continue à soulever de nombreuses polémiques. Le rapport d’autopsie d’Alp Ata Akçayöz, un des détenus de la prison d’Umraniye, victime de l’opération, indique clairement qu’il a été tué par " une arme de longue portée " de deux balles tirées d’une longue distance. Dans une lettre adressée à la famille de la victime [ndlr : reprise par le quotidien Milliyet du 10 juillet ], Mehmet Akdemir, un de ses codétenus, écrit : " Ils ont percé huit trous dans le plafond avec des compresseurs… et y ont projeté des produits toxiques qui nous brûlaient de partout. C’était comme une chambre à gaz… Nous avons commencé à sortir par trois ou par quatre. Ata était dans le premier groupe… Et puis nous avons entendu trois ou quatre tirs ". La famille de la victime s’insurge et dénonce le fait que le rapport d’autopsie ne puisse être dans leurs mains qu’au bout de sept mois de lutte administrative. BARRAGE D’ILISU : LE GOUVERNMENT BRITANNIQUE FAIT MACHINE ARRIÈRE PRENANT EN COMPTE L’ASPECT ENVIRONNEMENTAL ET HUMAIN DU PROJETLe gouvernement britannique a décidé d’abandonner son soutien au très controversé projet de construction du barrage d’Ilisu, après publication d’un rapport officiel dénonçant l’impact néfaste sur l’environnement et les droits de l’homme du projet, très loin de satisfaire les normes internationales. Le rapport ordonné en 1999 par Stephen Byers, ancien ministre du commerce et de l’industrie, indique que le projet risque de ruiner la vie des dizaines de milliers d’autochtones. Le rapport, à l’ordre du jour du gouvernement le 29 juin, dévoile que le projet causera notamment le déplacement d’au moins 70 000 Kurdes et la destruction de l’archéologique site d’Hasankeyf. |