6/9/2001
JOURNEE MONDIALE DE LA PAIX: LA POLICE TURQUE A PROCEDE A L’ARRESTATION DE CENTAINES DE KURDES ET INTERDIT TOUTE MANIFESTATION La police a arrêté des centaines de personnes en Turquie le samedi 1er septembre, lors du rassemblement annuel à Ankara du parti pro-kurde de la démocratie du peuple (HADEP), à l’occasion de la célébration de la journée mondiale de la paix.
La veille, dans tout le pays, des milliers de kurdes avaient été interpellés, chez eux ou aux gares routières, afin d’être empêchés d’aller à Ankara. Des affrontements entre membres du HADEP et forces de l’ordre se sont produits alors que les premiers s’apprêtaient à prendre l’autobus pour la capitale à Diyarbakir et à Istanbul. Selon un porte-parole du HADEP, les policiers " ont arrêté les chauffeurs de bus, confisqué les documents des véhicules et les permis de conduire. Ils ont dit aux compagnies d’autobus, avec lesquelles " le HADEP avait conclu un arrangement pour l’organisation du voyage de ses membres à Ankara, " qu’ils n’iraient nulle part ". Le même porte-parole dénonce cet incident comme une atteinte directe à leur droit de libre circulation.
Après ces incidents, d’importantes mesures de sécurité ont été prises le 1er septembre. Selon un quotidien turc, cinq mille policiers ont été déployés à Ankara. Très tôt le matin, les bus sur les routes allant à la capitale ont été systématiquement contrôlés et les personnes jugées "suspectes" ont été mises en garde-à-vue. Les mêmes contrôles d’identité et arrestations ont eu lieu dans les rues d’Ankara toute la journée. Les prisons de la capitale étant très rapidement complètes, les autorités turques ont dû envoyer les manifestants en état d’arrestation, dans les gendarmeries des environs.
À l’instar d’Ankara, Istanbul et d’autres villes du sud-est à majorité kurde ont également été le théâtre d’affrontements entre forces de police et militants pro-kurdes. À Batman, la police est intervenue contre les membres du HADEP, en affirmant que la conférence de presse qu’ils avaient prévu de tenir était illégale. L’intervention s’est soldée par une vingtaine de blessés parmi les manifestants. De même, la police est massivement intervenue lors d’une manifestation à Siirt, ville toute proche. Quant à Istanbul, quelque 1000 sympathisants, parmi lesquels de hauts responsables du parti, ont été incarcérés, selon un porte-parole du HADEP. Dans le district de Topkapi, à Istanbul, la police anti-émeutes est intervenue contre une foule de 350 manifestants qui criaient des slogans pro-kurdes et qui lançaient des pierres contre les forces de l’ordre. Elle a riposté par des jets de gaz lacrymogène contre les manifestants qui se sont réfugiés dans des rues adjacentes.
En fin de compte, HADEP, qui revendique des droits culturels pour les Kurdes, a dû annuler son projet de rassemblement dans la capitale. Le parti a refusé d’entreprendre toute action susceptible de mettre en péril la paix civile.
Les autorités d’Ankara avaient rejeté la demande d’autorisation de rassemblement du HADEP, évoquant les possibilités de sérieux désordres publics, et s’appuyant sur l’article 17 de la loi relative aux réunions publiques et marches contestataires.
Bien que les événements de cette journée mondiale de la paix n’aient été que succinctement relatés dans les principaux journaux nationaux turcs (souvent relégués aux dernières pages), le bilan est lourd: plusieurs blessés et un mort parmi les manifestants. Zeynel Durmus, 19 ans, est mort vendredi dernier en tombant du 5e étage en tentant de fuir un raid de la police dans les locaux du HADEP à Istanbul-- raid qui s’est terminé par plusieurs dizaines d’arrestations. Par la suite les forces de gendarmerie ont perturbé le bon déroulement de l’enterrement de Durmus en bloquant le cortège à l’entrée de la ville de Sanliurfa. " Sur les quelque 500 personnes interpellées à Istanbul, parmi lesquelles tous les responsables régionaux, 300 demeurent en garde-à-vue et un de nos militants demeure hospitalisé dans un état sérieux ", a déclaré Halil Salik, secrétaire régional du HADEP, lors d’une conférence de presse à Istanbul. Dans la seule ville d’Ankara, plus de 2700 avaient été mis en garde-à-vue a précisé lundi à l’AFP Mehmet Emin Araz, secrétaire régional du HADEP, et au moins 3 d’entre eux demeurent sous contrôle de la police.
Vendredi dernier, le 31 août, à Diyarbakir, capitale du Kurdistan turc, la police a tiré en l’air pour disperser quelque 3000 personnes qui chantaient des slogans de soutien au chef kurde du PKK, Ocalan, en prison, en dépit des avertissements des forces de l’ordre et des représentants du HADEP.
Interviewé par le quotidien Milliyet, Murat Bozlak, Secrétaire Général du HADEP, a tenu à rappeler, lundi 3 septembre, qu’à aucun moment depuis la formation du parti en 1994, les membres de leur mouvement politique ne se sont considérés comme appartenant à un parti kurde :" Nous ne sommes pas un parti nationaliste ethnique. Nous sommes un parti de Turquie. HADEP est un jeune parti (…) Lorsque notre parti s’est formé, le sud-est du pays était en plein conflit. Nous avons parlé ouvertement des problèmes que nos compatriotes kurdes de la région rencontraient ","nous ne sommes pas l’extension d’un parti illégal (PKK)", "nous sommes pour l’unité du pays ".
La journée mondiale de la paix, le 1er septembre, est devenue un jour traditionnel de protestation pour les activistes kurdes qui réclament des droits culturels, ou l’autonomie, pour les quinze millions de Kurdes de Turquie. Dans l’immédiat, leurs demandes incluent l’usage libre de la langue kurde dans le système éducatif et les médias (objectifs sur lesquels l’Union Européenne, que la Turquie veut intégrer, est d’accord).
La journée représente également le deuxième anniversaire de la décision d’abandonner la lutte armée du PKK: en 1999, le chef kurde, Ocalan avait donné l’ordre à ses membres du PKK de se retirer de la Turquie et d’abandonner l’action armée contre les forces de sécurité turcs au plus tard le 1er septembre 1999. Depuis cette date butoir, le combat entre les forces militaires turques et le PKK s’est atténué, malgré le fait que la Turquie considère le retrait unilatéral du PKK comme un complot et refuse tout cessez-le-feu. Le PKK affirme avoir abandonné le combat armé pour un Kurdistan indépendant et revendique dorénavant des droits culturels pour les Kurdes de Turquie.
AFFLUX DE REFUGIES KURDES EN ITALIE ET EN GRECE la capitainerie du port de Crotone a annoncé l’arrivée d’un bateau avec, à bord, 292 immigrés clandestins, principalement des Kurdes, samedi matin, le 1er septembre, vers 05H00 GMT. Dès vendredi 31 août au soir, les autorités italiennes avaient repéré le navire au large des côtes de la Calabre. Ils l’avaient fait escorter jusqu’au port pour y arrêter six personnes soupçonnées de faire partie de l’équipage qui a conduit les immigrés en Italie. Après inspection du bateau, les responsables italiens ont remarqué que celui-ci était dans un excellent état et propre, y compris à l’intérieur. Cela indiquerait qu’il n’a été utilisé que pour la dernière partie des candidats à l’immigration.
CLANDESTINS EN GRECE : 215 RECUPERES, TROIS " PASSEURS " TURCS ARRETES le 5 septembre, deux cent quinze immigrés clandestins, dont la plupart des Kurdes, mais aussi des Afghans, ont été récupérés au petit matin, sur une plage de l’île d’Eubée ( à l’est d’Athènes). Quant à l’équipage du bateau, il a été mis en état d’arrestation, a précisé un responsable du ministère de la marine marchande (AFP).
Parmi les clandestins débarqués, près de Mandoudi (nord-est de l’île), on compte 13 femmes et 12 enfants. Ils semblent ne manifester aucun problème de santé majeur, même si la plupart d’entre eux étaient affamés lors de leur arrivée en Grèce. Les autorités grecques les ont arrêtés et hébergés dans un gymnase de Mandoudi. Ils y ont reçu les premiers secours et ont été nourris. Ils ont ensuite été transféré dans un centre d’apprentissage du même village.
Par ailleurs, trois " passeurs " turcs ont également été arrêtés. Ils ont reconnu avoir "facilité la sortie de ces immigrés " contre la somme de 1500 dollars par immigré, selon le responsable de la Marine marchande.
Les autorités portuaires sont toujours à la recherche d’autres immigrés (le nombre total des clandestins, qui auraient été transportés par un bateau turc, s’élèverait à 350). Cinq corps ont été trouvés mardi dernier, et la crainte de découvrir d’autres personnes noyées, augmente. Des témoignages contradictoires au sujet de ces cinq cadavres, de la part des survivants, ont été enregistrés par les autorités grecques. Certains affirment que les cinq clandestins sont morts de suffocation et que l’équipage les a jetés par-dessus bord.
NOUVELLE MORT D’UNE GRÉVISTE DE LA FAIM avec le décès de Hülya Simsek, le nombre de personnes mortes des suites de la grève de la faim contre les prisons de Type-F, s’est élevé à 32.
Hülya Simsek qui protestait contre le déplacement de détenus dans des prisons récemment construites s’est éteinte au 285e jour de la grève de la faim, vendredi 31 août. Elle avaient entamé une grève de la faim à Bursa à la fin de l’année 2000, alors que les autorités turques avaient commencé à transférer de force des prisonniers d’un certain nombre de prisons du pays dans les nouvelles geôles de type-F. Par la suite, elle était venue à Küçükarmutlu (Istanbul), où elle est décédée.
Les nouvelles prisons de Type-F comportent des cellules pour une ou trois personnes, au lieu de cellules dortoirs comme dans les anciennes geôles. Les prisonniers ainsi que les personnes qui les soutiennent à l’extérieur craignent l’isolement, ainsi que la violation de leurs droits civils par les gardiens de ces nouvelles prisons. L’état répond que ces prisons sont nécessaires pour prévenir d’éventuelles émeutes et toute activité illégale au sein du système pénitencier, qui est par ailleurs, toujours au dire des autorités turques, conforme aux standards internationaux.
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