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Liste
NO: 215 |
13/9/2001 POUR LES AUTORITÉS TURQUES LE PROGRAMME DE TRAITEMENT ET DE RÉHABILITATION DES VICTIMES DE LA TORTURE EN TURQUIE EST UNE " ACTIVITÉ ILLÉGALE "La section de la Fondation turque des droits de l’homme (IHV) à Diyarbakir, spécialisée dans le traitement et la réhabilitation des victimes de torture en Turquie, a, le 9 septembre, été prise d’assaut par la police turque. Le responsable de l’organisation dénonçant l’illégalité de l’opération conduite sans mandat de perquisition, les forces de l’ordre ont obtenu un, deux heures après les faits : Le mandat de perquisition délivré par le bureau du procureur qualifiait le traitement des victimes de la torture comme " activités illégales ". Violant toutes les règles de secret professionnel, tous les documents relatifs aux patients et les informations concernant les médecins ont été confisqués à la demande du procureur. La fondation craint que les patients et le personnel médical puissent être exposés aux risques de harcèlement, d’arrestation ou encore de torture. La police aurait également confisqué certains journaux interdits, même si la détention de ce genre de documents ne constitue pas en soi un délit en Turquie. Créée en 1990, la Fondation conduit depuis ses débuts un programme pour le traitement et la réhabilitation des victimes de la torture. En 2000, plus d’un millier de personnes ont eu recours à l’un ou l’autre de ses cinq centres de traitement existants. La branche de Diyarbakir, fondée en 1998, joue un rôle crucial dans le traitement et la réhabilitation des victimes de la torture dans le Kurdistan où la torture et les mauvais traitements sont particulièrement endémiques. En 1998, la Fondation avait reçu le prix européen des droits de l’homme du Conseil de l’Europe pour " son exceptionnelle contribution à la protection des droits de l’homme en Turquie " et sa lutte pour l’abolition de la torture. Amnesty International a dénoncé les poursuites contre la Fondation et appelé à la mobilisation de l’opinion. LE PARLEMENT TURC S’APPRÊTE À RÉVISER LA CONSTITUTION ISSUE DU COUP D’ETAT MILITAIRE DU 12 SEPTEBMRE 1980Pour la première fois depuis l’adoption de la Constitution de 1982 et conformément aux orientations du Programme national présenté à l’Union européenne, le Parlement turc s’apprête, le 17 septembre, au cours d’une session extraordinaire à discuter d’un ensemble d’amendements portant sur 37 articles de la Constitution. La Constitution turque élaborée par la junte militaire auteur du coup d’état de 1980, a d’ores et déjà été retouchée cinq fois dont une première fois en 1987. La commission constitutionnelle parlementaire, formée des membres de tous les partis politiques siégeant au Parlement, avait, au cours de la précédente législature, mis au point une proposition de révision portant la signature des responsables de ces partis, à l’exception du parti du Bonheur (Saadet), mais l’ensemble des amendements n’a toujours pas le soutien total de tous les partis politiques. Avant le vote du Parlement, la commission constitutionnelle parlementaire devrait être réunie une nouvelle fois en session extraordinaire, ce qui devrait donner la température des débats et des votes. La coalition gouvernementale a, sauf surprise, le nombre suffisant des voix, soit 343, pour faire passer les amendements mais des défections sont à prendre en considération. Selon la procédure turque, 378 voix sont nécessaires pour l’adoption des amendements au cours d’un vote à bulletin secret. Si les voix se situent entre 330 et 367, la question devrait être soumise au référendum. À moins de 330 voix, l’amendement est écarté. Les articles les plus importants du paquet d’amendements sont ceux portant sur les droits de l’homme et les libertés, l’autorisation de diffuser des émissions en kurde et l’abolition de la peine de mort. Les amendements constitutionnels examinés par le Conseil national de sécurité (MGK) en août dernier avaient rencontré l’objection de l’armée turque qui avait " recommandé " que " les amendements soient révisés ". Les réunions prochaines de la commission constitutionnelle devraient préciser la volonté du MGK qui semble particulièrement opposé à la modification des articles 14, 26, et 28 de la Constitution : L’article 14 couvre les droits fondamentaux et les libertés, l’article 26 est relatif à la diffusion et à la liberté de l’expression et l’article 28 porte plus particulièrement sur la liberté de la presse. Par ailleurs, le parti de l’Action nationale (MHP- ultra nationaliste), partenaire de la coalition, semble avoir les mêmes objections en ce qui concerne ces articles mais également l’article 38 relatif à la peine de mort. Autre point important, l’amendement de l’article interdisant toute discussion des règlements légaux de la période coup d’état du 12 septembre 1980. UN ATTENTAT SUICIDE MEURTRIER À ISTANBUL POUR PROTESTER CONTRE LA "BRUTALITÉ DANS LES PRISONS TURQUES"Un attentat-suicide meurtrier, le 10 septembre, à Istanbul a été revendiqué le lendemain par un groupe clandestin d'extrême gauche turc, remettant brutalement à l'avant-scène la longue grève de la faim de détenus de cette mouvance qui a fait 33 morts depuis mars 2001. Il a eu pour effet de durcir immédiatement la position du gouvernement face aux grévistes, le ministre de l'Intérieur évoquant une possible intervention pour mettre fin au mouvement. Le Front-Parti de Libération du Peuple Révolutionnaire (DHKP-C) a revendiqué l'attentat d'Istanbul qui a fait trois morts, dont deux policiers, et 20 blessés. L'attaque a été perpétrée par " un de nos soldats " pour protester contre le nouveau système carcéral, qui renforce la détention en isolement en remplaçant le système des dortoirs par des cellules pour une à trois personnes maximum, explique le communiqué. " Ceux qui nous ont brûlés vifs et font régner la brutalité dans les prisons de type F en paieront le prix ", ajoute-t-il. Le projet d'introduction de nouvelles prisons, dites de type-F, avait provoqué en octobre 2000 une grève de la faim des détenus d'extrême gauche, que le gouvernement turc a essayé de briser en lançant son armée à l'assaut de vingt prisons en décembre. L'opération " Retour à la vie " s'était soldée par 32 morts, deux gendarmes et 30 prisonniers. Un rapport officiel de légistes avait par la suite contredit la version officielle selon laquelle la plupart des détenus étaient morts en s'immolant par le feu, relevant que dans une des prisons d'Istanbul au moins, Bayrampasa, la plupart des détenues étaient mortes brûlées des suites d'un usage excessif de gaz lacrymogènes et innervants par les forces de l'ordre. APRÈS LE TRAFIC DE DROGUE, LA TURQUIE TEND À DEVENIR L’UNE DES PLAQUES TOURNANTES DU TRAFIC DE MATÉRIL NUCLÉAIRESelon le quotidien anglophone Turkish Daily News du 12 septembre qui reprend l’information du très influent journal américain New York Times, 104 tentatives de trafic du matériel nucléaire à travers la Turquie ont été enregistrées ces huit dernières années selon un rapport interne des autorités turques à l’énergie atomique. Le New York Times affirme que le trafic d’uranium est passé d’Europe aux pays de Caucase, d’Asie centrale et à la Turquie. Le quotidien ajoute que Washington répond au problème en envoyant des équipements de détection d’une valeur de plusieurs millions de dollars à quelques pays de la région. Par ailleurs l’Agence internationale à l’énergie atomique a, le 7 septembre, publié de nouveaux chiffres montrant que le nombre des affaires confirmées relatives au trafic de matériel nucléaire a chuté dans le monde sauf en Turquie, dans le Caucase et l’Asie centrale où elles sont en augmentation. En septembre 1998, huit personnes avaient été arrêtées pour " trafic de matériel nucléaire ". La marchandise provenait de la Russie et transitait de la Turquie pour une destination inconnue. La police avait saisi 5 kg d’uranium-235 et 30 g de mixture de plutonium. En mai 1999, un Turc avait été arrêté à la frontière bulgare avec une petite quantité d’uranium enrichi-235. DÉMISSION DU MINISTRE TURC DU LOGEMENT ET DES TRAVAUXLe ministre turc du Logement et des Travaux publics Koray Aydin a, le 5 septembre, annoncé sa démission, nouvelle étape dans la lutte anti-corruption réclamée par le Fonds monétaire international (FMI) à une Turquie en pleine crise économique. M. Aydin, du parti de l'Action nationaliste MHP (ultra-nationaliste), membre du gouvernement de coalition de Bulent Ecevit, a annoncé sa démission des postes de ministre et de député suite à une vaste enquête policière sur la corruption au sein de son ministère lancée le 22 août dernier. Il partage ainsi le sort du ministre de l'Energie, Cumhur Ersumer, contraint à la démission fin avril 2001 après une enquête similaire et d’Enis Oksuz et de Yuksel Yalova, respectivement ministre des Transports et des Privatisations. M. Aydin est le cinquième ministre à quitter le cabinet depuis la grave crise économique qui a frappé le pays fin février, marquée par une dépréciation d'environ 50 % de la livre turque face au dollar et le bouleversement des objectifs économiques du pays. M. Aydin est éclaboussé par une enquête qui a mené à l'arrestation de nombreuses personnes, dont un sous-secrétaire d'Etat adjoint de son ministère. Un réseau impliqué dans des irrégularités en faveur de quelque 200 compagnies aurait ainsi été démantelé. M. Aydin est notamment soupçonné d'avoir attribué des appels d'offres publics à des compagnies qui ne remplissaient pas les conditions requises. La presse turque accuse M. Aydin, ancien entrepreneur, d’avoir reçu des commissions dans plusieurs appels d'offres et orienté les gagnants --notamment pour la construction de plusieurs milliers de logements pour les victimes du séisme d'août 1999-- vers la société de carrelage de son père. Le parti islamiste du Bonheur (Saadet) avait déposé une motion de censure pour le destituer. Selon les analystes, la crise économique a provoqué un changement dans les mœurs politiques turques, dès lors que par le passé, la démission d'un ministre était très rare. Le Premier ministre Bulent Ecevit a salué devant la presse une " attitude très honorable ", remerciant son ex-ministre pour ses " bons travaux ". LU DANS LA PRESSE TURQUE : IMPÉRITIE DU GOUVERNEMENT FACE À LA CRISE ÉCONOMIQUE EN TURQUIEIlnur Çevik, l’éditorialiste du quotidien turc anglophone Turkish Daily News, dans son article daté du 11 septembre, dénonce la crise économique qui frappe la Turquie de plein fouet et appelle le gouvernement à réagir ou sinon à démissionner. Voici de larges extraits de cet article : " Voici quelques scènes de vie en Turquie : Une petite fille blonde, fille d’un certain Kazim Alci, pleure, car son père ne trouve pas les 7 millions de livres turques [ ndlr : 34 Frs] pour acheter un livre d’école d’occasion… Cinq familles se mettent ensemble pour acheter 10 kg de riz… Le Pr. Ersan Bocutoglu rapporte qu’un professeur décédé à l’hôpital ne pouvait pas être enterré car sa famille ne pouvait pas couvrir les dépenses funéraires. Alors d’autres universitaires ont collecté de l’argent pour lui… 40 % des petites et moyennes entreprises du pays devraient être fermées à cause de la crise économique. 7 sur 10 devraient se réduire et licencier… La crise actuelle a déclenché une nouvelle vague de suicides. Les suicides liés à des causes économiques ont augmenté de 50 % en 2000 par rapport à 1999, et une étude dirigée par Dr. Faruk Guclu de l’Université Abant Izzettin Baysal montre que le taux de suicides a été en progression de 70 % après les mesures d’austérité suivant les crises de 1980 et 1994… … Même certains puissants journaux ont commencé à abandonner leur politique qui était d’afficher des images de vie en rose, trompant la nation et se sont mis à décrire la vérité en gras. Ce qui est rapporté dessine un tableau où la colère et l’apathie augmentent… l’image d’un échec total de la coalition gouvernementale. Ce qui est vraiment triste est que le gouvernement est complètement distant et réalise difficilement le désastre que des millions de Turcs traversent. … Nous ne croyons pas que le gouvernement sera capable de faire face aux défis… Tout ce que le gouvernement fait maintenant est d’agir comme un percepteur de dette du FMI. Ils prennent l’argent du peuple turc et payent leurs prêts. Rien ne reste pour établir la production et les exports. Alors, l’autre alternative pour le gouvernement est de démissionner. Et là, vous affrontez les remarques du Premier ministre que ce gouvernement n’a pas d’alternative et le départ de ce gouvernement poussera la Turquie dans une tourmente et les incertitudes. La réponse à cela est simple : Que peut-il y avoir de pire ? … ". |