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Liste
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7/7/1995 ARRESTATION DE 242 PERSONNESvenues assister au procès des dirigeants du parti Hadep devant la Cour de Sûreté de l'État d'Ankara. Le 6 juillet plusieurs centaines de personnes venues assister au procès de quatre dirigeants du Parti populaire de la démocratie (HADEP) devant la Cour de Sûreté de l'État d'Ankara ont d'abord été interdites d'accès à la salle d'audience. Puis, sur ordre du procureur général de cette cour, M. Nusret Demiral, la police a arrêté environ 250 personnes qu'elle a placées en garde à vue dans les locaux de la Section anti-terroriste de la Sûreté d'Ankara. Parmi les personnes placées en garde à vue figurent le député kurde Sirri Sakik, le président de la Fédération des droits de l'Homme, Yavuz Önen, l'un des principaux avocats de la défense, Me Hüsnü Öndül ainsi que la plupart des dirigeants nationaux et régionaux du HADEP. Cette Cour de Sûreté de l'État qui avait, le 8 décembre dernier, condamné à de lourdes peines de prison 8 députés kurdes, poursuit désormais à huis clos le procès des quatre dirigeants du HADEP, dont ses deux vice-présidents Sahabettin Özaslaner et Hikmet Fidan. Au cours des derniers mois 13 dirigeants de ce parti d'opposition légale ont été assassinés par des escadrons de la mort de la police turque. LA TURQUIE REFUSE TOUT RÈGLEMENT À L'AMIABLE DANS L'AFFAIRE DES DÉPUTÉS KURDES EMPRISONNÉSA la suite de la décision prise le 25 mai 1995 par la Commission européenne des droits de l'Homme, déclarant recevable les recours présentés par un collectif d'avocats européens contre l'arrêt rendu le 8 décembre 1994 par la Cour de Sûreté de l'État Turc, condamnant six parlementaires d'origine kurde à de lourdes peines d'emprisonnement. Maîtres Christian CHARRIERE-BOURNAZEL et Daniel JACOBY, avocats au Barreau de Paris ont demandé à être reçus par le Procureur général près la Cour de Cassation, le Président de la Cour de Cassation, le ministre de la Justice et Madame le Premier ministre de l'État turc, pour tenter de parvenir à un règlement à l'amiable de l'affaire d'ici le 14 juillet 1995 conformément au souhait exprimé par la Commission, par application de l'article 28, par 1, b de la Convention. L'État turc vient d'opposer une fin de non-recevoir à ces demandes tendant à une conciliation, sous le prétexte de l'indépendance des autorités judiciaires turques. Il apparaît plus que jamais nécessaire que les instances communautaires opposent la plus grande fermeté à un État qui s'obstine à ne tenir aucun compte de ses engagements internationaux en matière de droits de l'Homme, tout en frappant avec insistance à la porte de l'Union européenne. L'ARMÉE TURQUE SE DÉCLARE OPPOSÉE À LA DÉMOCRATISATION DU RÉGIMELe 30 juin, en plein débat parlementaire sur les projets d'amendement de la Constitution turque, le général Çörekçi, chef-adjoint de l'état-major des armées, numéro deux de la hiérarchie militaire, a convoqué les responsables des principaux médias du pays à un " briefing ". Passant en revue les problèmes de sécurité intérieure et extérieure du pays, le général a déclaré que l'armée ne souhaitait pas la suppression de l'article 8 de la loi dite anti-terreur qui sert à la répression des opinions jugées "séparatistes" ou "portant atteinte à l'unité nationale". Plus d'une centaine d'universitaires, journalistes et écrivains turcs et kurdes se trouvent actuellement derrière les barreaux pour infraction à cet article liberticide. Parmi eux, le sociologue turc Ismaïl Besikçi, universitaire sans affiliation politique, condamné à un total de 198 ans de réclusion pour ses divers écrits et livres sur les Kurdes; Mehdi Zana, ancien maire de Diyarbakir, qui a déjà passé 15 années de sa vie en prison pour délit d'opinion et qui purge actuellement une nouvelle peine de 4 ans pour son témoignage devant le Parlement européen; Récep Marasli, journaliste, qui a déjà passé 13 ans en prison pour ses écrits; le professeur Haluk Gerger, etc... Le romancier Yachar Kemal est également poursuivi, en vertu de l'article 8 pour un texte paru en janvier dernier dans l'hebdomadaire allemand "Der Spiegel". Il est passible de 2 à 5 ans de prison. L'abrogation de l'article 8 fait partie des "mesures concrètes de démocratisation" attendues par le Parlement européen pour la ratification du traité d'union douanière avec la Turquie. Elle figure, depuis novembre dernier, en tête des priorités de la coalition gouvernementale. Annoncée comme imminente à de nombreuses délégations occidentales en visite à Ankara, cette abrogation n'a pu, à ce jour, être débattue au Parlement. Des observateurs attentifs de la scène turque soupçonnaient l'armée d'être derrière ces tergiversations. Celle-ci donc vient de prendre publiquement position à ce sujet, ne se contentant plus de son rôle occulte mais décisif dans la définition de la politique turque à travers le Conseil national de sécurité, véritable gouvernement du pays. Au cours de son briefing, le général Çörekçi a déclaré que "les considérations humanitaires constituaient un frein à la lutte des forces armées contre le PKK". Venant de la part du chef d'une armée qui a rasé plus de 2000 villages kurdes, brûlé une dizaine de millions d'hectares de forêts, déplacé plus de 3 millions de civils kurdes, cette déclaration laisse supposer que les militaires turcs ne se sentiront vraiment satisfaits que le jour où ils seront libres de raser des villes entières et de pratiquer une extermination massive des populations comme à l'époque de Tamerlan ou du génocide arménien. Le général a souligné une nouvelle fois que "l'état-major de l'armée s'opposait à tout compromis sur les revendications culturelles kurdes". "C'est la tactique du salami" a-t-il commenté, "plus vous coupez de tranches, plus ils en prennent". Ces déclarations émanant des véritables maîtres de la Turquie ramènent à leur juste mesure les promesses de démocratisation que le Premier ministre turc, ne cesse de faire à ses interlocuteurs occidentaux. Prenant acte de l'échec de ses tentatives, Mme. Çiller a annoncé le 6 juillet qu'elle avait décidé de "surseoir à son projet de réforme de la Constitution". Article 8, de la loi dite "anti-terreur" romulguée le 12 avril 1991 Toute propagande écrite ou orale, toute réunion, manifestation ou démonstration visant à porter atteinte à l'intégrité indivisible du territoire et de la nation de l'Etat de la République turque, quels qu'en soient les méthodes, les buts et les idées, est interdite. Les contrevenant sont passibles d'une peine de réclusion criminelle de 2 à 5 ans et d'une amende lourde de cinquante à cent millions de livres turques. DÉBAT SUR LE SORT DES KURDES EN TURQUIE À LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS DES ÉTATS-UNISL'examen du programme d'aide américaine à la Turquie a donné lieu à un débat très animé à la Chambre des représentants du Congrès américain. Une vingtaine d'élus ont pris la parole pour dénoncer, en des termes parfois virulents, la politique d'Ankara à l'égard de la population kurde. S'appuyant sur les très officiels rapports du Département d'État et du Pentagone, les représentants américains ont affirmé qu'un État violant aussi massivement les droits de ses propres citoyens ne devait pas être aidé par l'argent des contribuables américains. En dépit d'une lettre du général Shalikashvili, chef d'état-major inter-armes américains soulignant "l'importance stratégique essentielle de la Turquie pour les intérêts nationaux américains", malgré un article de l'ancien secrétaire d'État américain Alexandre Haig, dans le Washington Times, insistant sur "le rôle de cet allié-clé dans la stratégie américaine", la Chambre a voté -par 247 pour, 155 contre- un amendement proposé par M. John Posrter, républicain d'Illinois réduisant l'aide économique sous forme de dons de 46 millions de dollars à 21 millions de dollars. Dans son projet initial, l'administration américaine avait prévu pour l'exercice d'une aide économique de 100 millions de dollars à la Turquie. Pour devenir définitif, l'amendement Porter, vivement dénoncé par Ankara et critiqué par l'Administration, devra être adopté dans les mêmes termes par le Sénat au cours des semaines à venir. L'aide militaire américaine, accordée désormais sous forme de prêts, n'est pas affectée par l'amendement Porter. Elle sera de 320 millions de dollars en 1996. Le Congrès se réserve toutefois le droit de s'opposer à la vente d'armes susceptibles d'être utilisées contre les populations civiles. L'année dernière, le Congrès, malgré l'opposition de l'Administration, avait décidé de geler, à titre d'avertissement, 10% de l'aide économique et militaire américaine à la Turquie. Sur une enveloppe globale de 360 millions de dollars, le déblocage de 36 millions était lié à l'amélioration de la situation des droits de l'Homme en Turquie. Ankara avait réagi vivement contre "cette ingérence dans les affaires intérieures d'un État souverain et allié" et renoncé ainsi à ces 36 millions de dollars. DÉMISSION DU MINISTRE DE LA CULTURE QUI REFUSE UNE NOUVELLE PROLONGATION DE "L'ÉTAT D'EXCEPTION" DANS LES PROVINCES KURDESRappelant que le protocole d'accord de la coalition gouvernementale prévoyait la levée de "l'état d'exception" (équivalent turc de l'état de siège) dans ces provinces et qu'à ce jour aucune des réformes de démocratisation promises par le gouvernement n'avait été réalisée, M. Ercan Karakas, ministre social-démocrate de la Culture, a le 24 juin, présenté sa démission. Celle-ci intervient quelques jours après la démission d'un autre ministre social-démocrtate, le professeur Aydin Güven Gürkan, ministre du Travail, soucieux lui-aussi de "ne plus cautionner un gouvernement reniant tous ses engagements en faveur de la démocratie". Le gouvernement turc devient de plus en plus bancal. Le 29 juin un conseil de ministres, boycotté ostensiblement par 6 ministres social-démocrates a dû être annulé par le Premier ministre. L'état d'exception est en vigueur dans la plupart des provinces kurdes depuis 16 ans. Depuis la création de la République turque en 1923, le Kurdistan turc aura, au total, passé 49 ans sous des régimes d'exception de l'état d'urgence, de l'état de siège ou de la loi martiale suspendant l'exercice des libertés publiques et accordant pleins pouvoirs aux généraux en uniforme ou en civil (inspecteur général de l'Est dans les années 1920-1940, super-gouverneur de la Région de l'état d'exception dans les années 1980-1990). |