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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 41

13/9/1996

  1. LA COUR DE CASSATION TURQUE CONFIRME LES CONDAMNATIONS DE 4 EX-DÉPUTÉS KURDES
  2. COMPARUTION LE 28 SEPTEMBRE DE 41 DIRIGEANTS DU HADEP DEVANT LA COUR DE SÛRETÉ D'ÉTAT D'ANKARA
  3. ARRESTATION DU PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION TURQUE DES DROITS DE L'HOMME (IHD), M. AKIN BIRDAL
  4. LES ATTEINTES TURQUES AUX DROITS DE L'HOMME DÉNONCÉES À L'ONU, À GENÈVE
  5. CLAUDIA ROTH OBTIENT LA CONDAMNATION D'UN EX-MINISTRE TURC
  6. CRISE DE CONFIANCE ENTRE WASHINGTON ET ANKARA
  7. UN DIRIGEANT RUSSE ESTIME QUE L'ONU DEVRAIT DÉCRÉTER UN EMBARGO CONTRE LA TURQUIE POUR SA PERSÉCUTION DES KURDES
  8. "TURQUIE: LE GOUVERNEMENT CHANGE, LA RÉPRESSION CONTINUE"
  9. MED TV ÉMET À NOUVEAU


LA COUR DE CASSATION TURQUE CONFIRME LES CONDAMNATIONS DE 4 EX-DÉPUTÉS KURDES


La 9ème Chambre de la Cour de Cassation turque a rendu public, le 12 septembre, son verdict sur le recours introduit par les avocats des 4 ex-députés kurdes. Ce verdict confirme la condamnation à 1 an 2 mois de prison pour "propagande séparatiste" de Mahmut Alinak, Sirri Sakik, Ahmet Turk, et Sedat Yurtas par la Cour de Sûreté de l'État d'Ankara en janvier dernier. Ces députés avaient été arrêtés en même temps que Leyla Zana en mars et juillet 1994 et poursuivis pour "trahison à la patrie". Le 8 décembre 1994, La Cour de Sûreté d'État d'Ankara avait condamné Ahmet Turk à 15 ans de prison et ses trois autres collègues à 7,5 ans. La Cour de Cassation, qui a confirmé les condamnations à 15 ans de Leyla Zana, Orhan Dogan, Hatip Dicle et Salim Sadak, avait infirmé, le 26 octobre 1995, celles d'Ahmet Turk, Mahmut Alinak, Sedat Yurtas et Sirri Sakik et demandé leur rejugement. C'est à la suite de ce rejugement que leurs peines furent finalement ramenées à 14 mois de prison. Ahmet Turk et Sedat Yurtas n'auront pas à retourner en prison car la durée de leur détention antérieure couvre leur peine. Mahmut Alinak devra séjourner un mois dans la prison d'Ankara. Quant à Sirri Sakik, il y est déjà depuis son arrestation le 23 juin à la suite du Congrès du HADEP.



COMPARUTION LE 28 SEPTEMBRE DE 41 DIRIGEANTS DU HADEP DEVANT LA COUR DE SÛRETÉ D'ÉTAT D'ANKARA


Ces responsables du Parti de la démocratie du peuple (HADEP) arrêtés le 23 juin dernier à Ankara et placés en détention préventive après une garde-à-vue de 12 jours, vont comparaître le 28 septembre devant la Cour de Sûreté de l'État N° 1 d'Ankara. Au cours de ce Congrès, un jeune homme cagoulé avait décroché le drapeau turc hissé sur un mur de la salle et accroché à sa place le drapeau du PKK. Les dirigeants du HADEP ont dénoncé cette "provocation policière" et présenté leurs excuses au peuple turc pour cette "offense". Mais cela n'a pas suffi aux autorités turques qui ont décidé d'arrêter 70 dirigeants nationaux et régionaux de ce parti légal pro-kurde. Après des interrogatoires de police, 41 d'entre eux furent écroués et doivent répondre de leur "crime collectif" de "liens avec une organisation terroriste". La Cour turque semble être pressée de les condamner. Selon les avocats de la défense, qui craignent une "justice sommaire et expéditive", la Cour prévoit une seule journée d'audience pour entendre ces 41 prévenus, l'acte d'accusation et la défense. S'exprimant au nom de ses collègues, Me Mehmet Ali Aslan, a indiqué le 4 septembre qu'une journée suffirait à peine à l'interrogatoire d'identité des accusés et à la lecture du réquisitoire du procureur, et que, dans ces conditions, la défense ne disposerait même pas de temps pour s'exprimer, encore moins pour faire citer des témoins ou demander des expertises. Même dans le contexte turc cela est "manifestement contraire au Code de procédure pénale" a conclu l'avocat qui s'indigne de "cette dérive d'une justice aux ordres du pouvoir politique faisant de moins en moins de cas des droits de la défense". Il a appelé les organisations internationales à envoyer des observateurs à ce procès.



ARRESTATION DU PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION TURQUE DES DROITS DE L'HOMME (IHD), M. AKIN BIRDAL


La police turque a fait une descente dans le domicile du président de l'Association turque des droits de l'homme, M. Akin Birdal, 2 septembre, à 20h 30, à Ankara. M. Birdal a été arrêté et gardé à vue dans les locaux de la police d'Ankara. Cette arrestation est intervenue immédiatement après le retour de M. Birdal du Kurdistan d'Irak où, accompagné d'un député islamiste du parti Refah d'Erbakan et du vice président d'une autre association des droits de l'homme Mazlum-Der, il s'était rendu pour intervenir auprès du PKK afin qu'il libère les soldats turcs prisonniers qu'il détient. M. Birdal est accusé par la police turque d'avoir eu "des entretiens avec les représentants d'une organisation terroriste séparatiste".

"Selon nous, ce genre d'attaques sont en vain. Nous avons toujours enduré toutes sortes de persécution dans notre lutte pour la paix, pour la pleine jouissance et amélioration des droits de l'homme. Et nous sommes toujours décidés à continuer. Nous défendrons nos opinions" a déclaré le secrétaire général d'IHD, M. Hüsnü Öndül à la suite de cette arrestation. "Nous croyons que les solutions à la question kurdes par d'autres moyens que militaires sont possibles" a-t-il ajouté. Par ailleurs, le procureur de la Cour de sûreté d'Ankara a ouvert une enquête contre le député islamiste, Fethullah Erbas, membre de cette mission humanitaire. Mais il ne peut être arrêté car il bénéficie de l'immunité parlementaire. M. Birdal ainsi que le vice-président de Muzlum-Der ont été libérés le vendredi, 6 septembre, après une garde à vue de 4 jours.



LES ATTEINTES TURQUES AUX DROITS DE L'HOMME DÉNONCÉES À L'ONU, À GENÈVE


La Turquie a été, le 4 août, mise sur la sellette à la réunion de la Sous-Commission des droits de l'homme pour la lutte contre les mesures discriminatoires et la protection des minorités. Le représentant de la Fédération Internationale des Ligues des droits de l'homme FIDH a affirmé que "152 lois ont pour unique objet la "régulation" de la liberté d'opinion et d'expression. La situation ne cesse de d'empirer. Le recours abusif à l'état d'urgence et aux lois d'exception a pour effet de restreindre gravement les libertés, notamment celle d'expression". Par ailleurs, le représentant de l'Association turque des droits de l'homme IHD a dressé un bilan accablant de la situation en Turquie: "461 journalistes ont été détenus en 1995. 231 disparitions en détention, 122 exécutions extrajudiciaires, 321 meurtres par des assaillants inconnus, 57 décès en détention à la suite de torture, 1412 cas de tortures"

Le cas de la députée kurde Leyla Zana, condamnée à 15 ans de prison, notamment pour s'être exprimée en langue kurde à la tribune parlementaire, a été rappelé au cours de cette réunion de l'ONU.

CLAUDIA ROTH OBTIENT LA CONDAMNATION D'UN EX-MINISTRE TURC


Le Tribunal d'instance N° 7 d'Istanbul a condamné le 11 septembre à une amende de 500 millions de livres turques (environ $ 6250) l'ancien ministre d'État turc Ayvaz Gökdemir qui, le 2 juin 1995, avait publiquement qualifié de "prostituées" Mme. Pauline Green, Catherine Lalumière et Claudia Roth, respectivement présidentes des groupes socialiste, radical et vert du Parlement européen. En visite en Turquie pour s'informer sur la situation des droits de l'homme dans ce pays et demander la libération des parlementaires kurdes emprisonnés, ces trois euro-députés avaient apparemment irrité ce ministre d'État d'extrême droite du Cabinet Çiller qui, au cours d'un meeting électoral, avait martelé: "La Turquie ne va pas changer sa politique pour faire plaisir à 3 prostituées européennes". S'estimant agressée et injuriée, notre vice-présidente Claudia Roth avait intenté un procès contre ce grossier ministre turc. Ce personnage ayant été depuis marginalisé y compris au sein du parti de Tansu Çiller, le Tribunal turc n'a pas pris de gros risques en le condamnant à une amende. Et les Turcs ne sont pas mécontents de montrer par ce biais, à peu de frais, qu'ils ont malgré tout des tribunaux indépendants !

CRISE DE CONFIANCE ENTRE WASHINGTON ET ANKARA


Les relations turco-américaines traversent une véritable crise. L'administration américaine qui misait sur Tansu Çiller pour faire rempart à l'arrivée au pouvoir du Refah islamiste a essuyé un revers sérieux lorsque celle-ci, pour sauver sa tête, a rompu la coalition avec le conservateur Mesut Yilmaz et servi de marchepied à l'accession au pouvoir de l'islamiste Erbakan. Fidèle à sa réputation, le nouveau Premier ministre turc n'a pas hésité à effectuer sa première visite officielle en Iran, où il a signé un contrat gazier de 23 milliards de dollars narguant ainsi ostensiblement la politique américaine de "containement" de la République islamique. Dans la foulée il a dépêché 3 de ses ministres en Irak et deux autres en Libye pour "développer la coopération" avec ces deux autres régimes abhorrés et mis à l'index par Washington.

Lorsque Saddam Hussein a envoyé ses troupes dans le Kurdistan irakien, les États-Unis ont entamé avec leurs alliés turcs une série de consultations pour décider d'une riposte à la provocation du dictateur irakien, ils ont ostensiblement ignoré la Turquie. Le président Clinton qui a parlé avec John Major, Jacques Chirac, Hosni Mobarak et d'autres dirigeants arabes n'a pas jugé utile de s'entretenir avec le président turc et son secrétaire d'État n'a pas davantage appelé ni le Premier ministre turc ni Tansu Çiller, ministre des Affaires étrangères. Soucieuse de se mettre en valeur, celle-ci a affirmé avec un aplomb inouï que le président Clinton l'avait appelée le 2 septembre pour l'informer de la riposte américaine. Elle a été rapidement démentie par la Maison Blanche, par l'ambassadeur américain à Ankara et par le porte-parole de son propre ministère. On a appris par la suite que le seul contact turco-américain dans cette affaire avait été la visite-éclair du chef d'état major américain, général Shalikashvili, qui, le 2 septembre vers 12 h, a rencontré pendant une heure dans le plus grand secret son homologue turc, le général Karadayi, dans une base militaire près d'Izmir. Celui-ci n'avait pas jugé nécessaire d'informer les dirigeants civils de ce rendez-vous secret et de la teneur de l'entretien. Cet épisode en dit long sur le rôle respectif des civils et des militaires turcs dans le système turc et sur le pragmatisme américain sur cette question.

La presse a pendant 2 jours égratigné un peu Tansu Çiller, qualifiée de "menteuse de la décennie" et révélé que le chancelier Kohl venait de lui refuser un rendez-vous lors de la visite officielle qu'elle envisageait d'effectuer à Bonn. Dépitée, celle-ci se vantait d'être la coqueluche des dirigeants occidentaux a annulé sa visite en Allemagne.

Autre revers pour la diplomatie turque: le monde arabe et la plupart des pays européens se déclarent hostiles au projet turc d'instaurer une zone de sécurité d'une profondeur de 15 à 20 km à l'intérieur du Kurdistan irakien. Seuls Washington et Londres ont affirmé "comprendre" les soucis de sécurité d'Ankara, laissant entendre qu'ils ne s'opposeraient pas à un tel projet à condition que cela soit "temporaire" et que les Turcs n'y stationnent pas des troupes en permanence. Mais ces deux capitales n'ont apparemment pas la même conception de la "temporalité" que les Turcs et semblent oublier que "l'occupation temporaire turque" en Chypre du Nord dure depuis 22 ans! Devant l'hostilité de nombre de pays et des menaces de représailles "par tous moyens" de l'Irak, dont une délégation a été dépêchée à Ankara, les Turcs hésitent pour l'instant à franchir le pas. Leurs troupes restent pour le moment sur la ligne frontalière, sans franchir le Rubicond.

UN DIRIGEANT RUSSE ESTIME QUE L'ONU DEVRAIT DÉCRÉTER UN EMBARGO CONTRE LA TURQUIE POUR SA PERSÉCUTION DES KURDES


Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Victor Posuvalionk, dans une interview au journal "Argumenti I Fakti" accuse les États-Unis de pratiquer une politique de "deux poids deux mesures" sur le problème kurde. A la question "Pourquoi le Conseil de Sécurité de l'ONU ne se saisit pas de la question kurde en Turquie alors que l'armée turque anéantit les kurdes qui vivent sur son territoire et qui sont privés d'autonomie, pourquoi les États-Unis ne recourent pas à des représailles militaires et économiques contre la Turquie ?" le vice-ministre russe répond: "Nous sommes opposés à cette politique de deux poids deux mesures qui consiste à punir l'Irak et à épargner la Turquie alors que ces deux États persécutent également leurs populations kurdes. La Russie souhaite que les persécutions à l'encontre du peuple kurde prennent fin et que ce peuple puisse jouir de son autonomie partout où il vit". Le vice-ministre russe n'a pas indiqué si son pays allait saisir le Conseil de Sécurité de l'ONU du sort du peuple kurde en Turquie.



"TURQUIE: LE GOUVERNEMENT CHANGE, LA RÉPRESSION CONTINUE"


C'est ainsi qu' a choisi d'intituler son intervention à l'audience consacrée à la Turquie d'Helsinki Commission, branche américaine de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération d'Europe CSCE, le Représentant Christopher H. Smith, le 10 septembre. Dénombrant les derniers événements portant atteinte aux droits de l'homme en Turquie -arrestation de 41 cadres dirigeants du parti pro-kurde HADEP, inculpation de 2 journalistes du quotidien turc en langue anglaise Turkish Daily News, y compris le rédacteur en chef Ilnur Çevik, pour "atteinte au prestige des forces armées" à la suite de publication d'un sondage sur les alternatives au gouvernement actuel, ces deux journalistes qui sont par ailleurs acquis au "système", et l'arrestation d'Akin Birdal président d'IHD- M. Smith déclare que ces atteintes aux droits de l'homme: " ponctuent la routinière répression quotidienne qui a lieu en Turquie. Aucun de ces accusés n'a commis un acte de violence mais ils ont été réduits au silence pour leur dénonciation de la politique de la violence sponsorisée par le gouvernement" et d'ajouter: "Notre important allié qu'est la Turquie se trouve en face d'une crise multidimensionnelle. Si nous avons à aider la Turquie afin qu'elle surmonte cette crise, nous devons rester ferme dans notre soutien à une solution politique au conflit qui a coûté la vie de 21 000 personnes et causé le déplacement de plus de 3 millions de personnes... Ils (dirigeants turcs) continueront à appliquer ce genre de politiques tant que l'Occident laisse passer ces atteintes aux droits de l'homme pour des raisons d'ordre securitaire et économique. Les alliés de la Turquie ne devraient pas ménager leurs efforts pour venir en aide aux victimes de cette étrange démocratie. Je m'adresse à mes collègues afin qu'ils dénoncent ces restrictions au droit à l'expression en Turquie et je m'adresse, encore une fois, au gouvernement turc pour qu'il libère ceux qui sont emprisonnés pour expression non-violente, y compris les membres du HADEP et des ex-parlementaires du DEP"



MED TV ÉMET À NOUVEAU


. Montée sur le satellite européen Eutelsat, où Polonais, Portugais et Français lui avaient fait une place, Med TV avait dû suspendre ses émissions le premier juillet après une vaste campagne de lobbying turque dénonçant cette chaîne kurde comme "une branche médiatique de propagande du PKK" conduisant la plupart des satellites européens à refuser de signer un contrat avec cette chaîne. Celle-ci vient de reprendre ses émissions cette fois sur le satellite américain Intelsat. Est-ce une manière américaine de faire pression sur le gouvernement turc qui vient de passer la main à une coalition à dominante islamiste? C'est ce qu'affirment certains commentateurs turcs et que dément Le Département d'État américain.