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Liste
NO: 97 |
20/5/1998 LE PARLEMENT EUROPÉEN CONDAMNE L'ATTENTAT CONTRE AKIN BIRDALLe Parlement européen a adopté le jeudi 14 mai 1998, une résolution condamnant "avec la dernière rigueur" l'attentat commis contre Akin Birdal, président de l'Association turque des droits de l'homme (IHD). Pour les euro-députés Akin Birdal, est "un militant hautement respecté" ayant "régulièrement informé des délégations européennes, des ambassadeurs et plusieurs membres du Parlement" et ayant fait l'objet de "fortes pressions" de la part des autorités turques, dont "plusieurs procédures judiciaires", "engagées contre lui pour ses activités en faveur des droits de l'homme" alors "que l'on n'a pas fait grand-chose pour traduire en justice les auteurs d'attentats commis contre d'autres membres de l'Association". Le Parlement européen a fait part de sa "très vive émotion et de l'indignation que lui inspire l'attentat commis contre Akin Birdal" et s'inquiète "de ce qu'un tel attentat ait été le résultat du climat crée par l'impunité dont jouissent actuellement les personnes responsables d'attentats commis contre d'autres membres d'organisations de défense des droits de l'homme et contre des journalistes" . Il "invite les autorités turques à faire en sorte que les auteurs et les commanditaires de ce crime, et d'autres crimes de même nature, soient traduits en justice"() et demande aux autorités turques "de faire en sorte que l'IHD et les autres ONG uvrant dans le domaine des droits de l'homme puissent exercer librement leurs activités de défense et de promotion des droits de l'homme". D'autre part, toujours dans la même résolution, le Parlement européen exprime "la préoccupation" que lui inspirent la sentence prononcée contre M. Erdogan, maire d'Istanbul, condamné le 21 avril 1998 par la Cour de Sûreté de l'Etat de Diyarbakir, à dix mois d'emprisonnement pour cause "d'incitation à la haine" lors d'une allocution politique "prétendument antilaïque". Considérant que "des procès ont été faits à d'autres membres du parti, y compris des maires et des hommes d'affaires" et rappelant à la Turquie "les engagements qu'elle a contractés dans le cadre de la déclaration universelle des droits de l'homme et des conventions internationales et régionales en matière de droits de l'homme qu'elle a ratifiées"() le Parlement européen "invite le gouvernement et les partis politiques de Turquie à mettre en uvre la législation nécessaire pour une démocratisation fondée sur la liberté de parole et la liberté d'opinion". ENTRETIEN AVEC MME EREN KESKIN, VICE-PRÉSIDENTE D'I.H.DTandis que le Premier ministre turc et son Ministre de l'Intérieur tentent de faire croire qu'Akin Birdal aurait été victime "d'un règlement de compte interne au PKK", le quotidien turc Milliyet du 17 mai a publié une longue interview de Mme Keskin, avocate, vice-présidente d'I.H.D. Victime elle-même d'une tentative d'attentat, faisant toujours l'objet de menaces incessantes, Mme Keskin affirme avoir reçu le jour de l'attentat contre Akin Birdal, trois coups de fil sur son téléphone portable de la part d'individus s'adressant à elle en ces termes : "nos condoléances pour Akin Birdal qui est mort". Selon elle ces individus ne pourraient qu'être de la police car pour cause de sécurité elle n'avait communiqué son numéro personnel qu'à une poignée d'amis. Insistant sur la responsabilité de certains cercles au sein de l'Etat turc qu'elle accuse de tirer parti de la captivité de Semdin Sakik auquel certains journaux turcs avaient attribué des propos mettant en cause Akin Birdal comme responsable d'une association liée au PKK, elle pense que l'attentat a été projeté de longue date et que ces "révélations" dans la presse turque avaient pour but de préparer l'opinion publique. Réagissant aux propos du premier ministre Mesut Yilmaz et du Ministre de l'Intérieur, selon lesquels "il s'agit d'un règlement de compte interne" ou encore "il se peut que ce soient bien le PKK et certains milieux qui ont perpétré cet attentat pour troubler les esprits de nos concitoyens et les rendre méfiants vis-à-vis de notre État", elle accuse le gouvernement de ne pas respecter ses engagements eu égard aux conventions internationales qu'il a signées. Elle évoque aussi le durcissement des conditions de travail de l'Association des Droits de l'Homme dont les subventions accordées par l'Union Européenne ont été confisquées par Mehmet Agar, ministre de l'Intérieur de l'époque et personnage du premier plan impliqué dans l'affaire Susurluk. Avocate de profession, elle s'interroge sur la véracité des "révélations" faites par l'ex-commandant du PKK, Semdin Sakik : "Parlons tout d'abord de sa déposition. On dit qu'elle a été démentie devant le Procureur de la République. Nous ne savons même pas si elle est faite vraiment par lui-même, personne n'en a la moindre idée, ni l'a vue. Le Ministre de l'Intérieur lui-même est un juriste. Il est censé savoir que l'instruction préparatoire est secrète. La publication de ces révélations par la presse aurait dû être saisie. Au lendemain de l'attentat, nous n'avons guère été surpris par leurs déclarations. Nous pensons que le gouvernement s'est rendu à la contre-guérilla". Elle ajoute "... C'est comme si nous faisions partie du PKK et qu'il existait un autre groupe en son sein contre nous. Nous considérons que ces déclarations ont été faites pour couvrir les criminels. Le Premier Ministre avait d'abord fait part de sa crainte que l'Etat n'y soit impliqué avant de dire qu'il s'agissait d'un règlement de compte. Quant à Ecevit, il a prononcé presque les mêmes mots en disant que certains milieux voulant se substituer à l'Etat auraient pu perpétrer cet attentat. Il se peut qu'ils aient peur également. Ou bien pour continuer à gouverner, ils n'ont pas d'autre choix..." Critiquant la presse turque pour son insensibilité à la situation de l'Association qui a perdu une quinzaine de dirigeants et de membres en l'espace de onze ans, elle souligne le changement constaté dans l'opinion publique turque à son égard "(...) Après la publication des "révélations", il y a eu une vague d'appels téléphoniques menaçants. Mais après l'attentat, le vent a tourné..." 24 ONGs AMÉRICAINES DEMANDENT AUX AUTORITÉS TURQUES DE DILIGENTER UNE ENQUETE SUR "L'ATTENTAT SAUVAGE" PERPÉTRÉ CONTRE A. BIRDALDans une lettre datée du 15 mai et adressée aux autorités civiles et militaires turques avec copies au président Clinton, à Mme Albright et à Mme Mary Robinson, Haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme, 24 ONGs américaines demandent l'ouverture immédiate d'une enquête sur l'attentat perpétré le 12 mai contre A. Birdal dans son bureau d'IHD à Ankara. Voici le contenu de cette missive : "Le travail de M. Birdal et d'IHD est reconnu et respecté internationalement. M. Birdal est vice-président de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH). L'IHD comme le plus grand groupe de surveillance des droits de l'homme en Turquie continue de payer un lourd prix pour sa défense des droits de l'homme et de la démocratie. Comme vous le savez, plus d'une douzaine de bureaux d'IHD ont été fermés par le gouvernement, des douzaines de ses membres ont été tués par des escadrons de la mort et ses leaders font face à des poursuites légales continuelles. Malgré une répression sévère et un grand risque personnel, Akin Birdal et ses collègues ont continué à parler haut. Nous croyons que l'attaque contre Akin Birdal est une attaque contre les droits de l'homme, la démocratie et le militantisme non violent. En tant que leader d'un gouvernement professant son engagement pour les normes internationales des droits de l'homme, il est essentiel que les agresseurs d'Akin Birdal et les autres responsables de l'attaque soient conduits devant la justice. Il est encore plus essentiel que l'atmosphère critique envahissante qui alimente de telles attaques politiquement motivées soit dissipée afin d'éviter davantage d'effusion de sang. Cette année marque le 50ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Peu de gens ont fait plus qu'Akin Birdal pour commémorer cet anniversaire. Nous espérons sincèrement que votre gouvernement apprécie la gravité de cet attentat comme tous les citoyens de Turquie bénéficient du travail de l'IHD et d'autres moniteurs indépendants des droits de l'homme, nous espérons que votre gouvernement soutiendra et protégera ces efforts. Nous vous appelons encore à mener une enquête rapide et complète et à prendre des mesures pour empêcher d'autres attaques contre les défenseurs des droits de l'homme alors qu'ils accomplissent leur important travail". Cette lettre est signée notamment par Center for Victim of Torture, International Human Rights law Group, Human Rights Alliance, World Organization Against Torture/USA, Robert F. Kennedy Memorial Center for Human Rights, Physician for Human Rights et Washington Kurdish Institute. LE PRÉSIDENT DE LA F.I.D.H. SE REND AU CHEVET DE AKIN BIRDALMe Patrick Baudoin, président de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, s'est rendu en Turquie où il a pu rendre visite, le 18 mai, à Akin Birdal à l'hôpital Sevgi d'Ankara. Dans une conférence de presse donnée à la sortie de l'hôpital, Me Baudoin a indiqué que la famille de la FIDH "a vécu avec émotion et tristesse" l'attentat commis contre son vice-président A. Birdal. "Nous sommes ici pour manifester notre soutien et notre solidarité envers Akin Birdal et les défenseurs des droits de l'homme et rappeler aux dirigeants du pays, leurs responsabilités. Nous ne pouvons plus nous contenter de paroles rassurantes des autorités turque". Le président de la F.I.D.H. a ensuite lu à la presse le texte de la lettre ouverte adressée au président turcs S. Demirel et au Premier Ministre M. Y.Imaz. Pour la FIDH "il ne suffit pas de condamner l'attentat visant Birdal. Les autorités turques devraient prendre des mesures concrètes pour rechercher les auteurs de l'attentat du 12 mai, les arrêter et les remettre dans les plus brefs délais à la justice." JOHN SHATTUCK ÉCRIT À BIRDALLe Secrétaire d'État adjoint américain chargé des droits de l'homme, a écrit le 12 mai à Akin Birdal qu'il avait rencontré à plusieurs reprises. Extrait de cette lettre parue dans le Turkish Daily News du 15 mai : "J'ai été profondément choqué et attristé d'apprendre l'attaque contre votre vie ce matin. De tels actes n'ont pas leur place dans une société démocratique. Le gouvernement des États-Unis a condamné cette attaque dans les termes les plus forts et a appelé le gouvernement turc à remettre à la justice les auteurs de ce crime haineux. Je ne suis pas le seul à croire que la Turquie vous doit une dette de gratitude pour votre travail courageux en faveur des droits de l'homme en Turquie. Votre groupe et la communauté des ONGs des droits de l'homme jouent un rôle vital en promouvant une plus grande démocratie. Nous continuons d'appeler le gouvernement turc à favoriser une atmosphère où de tels groupes puissent opérer librement et ouvertement sans crainte d'intimidation pour que la démocratie puisse s'épanouir en Turquie". |