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avec revues de presse

Bulletin N° 178 | Janvier 2000

 

 

OPÉRATION HIZBULLAH : L’ÉTAT TURC SE LAVE LES MAINS

L’actualité turque est, depuis le 17 janvier, dominée par la vaste opération policière lancée contre l’organi-sation terroriste Hizbullah. Quelques jours après la décision de surseoir à l’exécution d’Ocalan et alors que cette décision suscitait des remous dans les rangs de la coalition gouvernementale la police turque a lancé, le 17 janvier, une attaque, retransmise en direct à la télévision, contre le QG d’Istanbul du Hizbullah. Le chef de cette organisation, Hüseyin Velioglu, a été tué au cours de la fusillade.

Cette première opération a été suivie d’autres dans les provinces de Konya, Mersin, Adana. De véritables charniers ont été découverts. Les médias turcs accordent une très large place à ces images de barbarie. Sur les 58 victimes comptabilisées, fin janvier, on compte une femme, l’écrivain islamiste réformiste Konca Kuris. Les autres sont des dissidents de ce groupe ou des hommes d’affaires kurdes étranglés, mutilés, la gorge tranchée pour avoir refusé de payer la rançon réclamée ou soupçonnés de nationalisme kurde.

La majorité des victimes ont été exhumées à Istanbul avec 19 corps, suivi de Diyarbakir avec 13 corps, puis Konya 12 victimes, Tarsus 7, Ankara 3, Batman 2, Adana 1 et Antalya 1. Les policiers de Diyarbakir ont découvert 12 corps dont deux enveloppés dans des sacs de plastique et les ossements d’un jeune homme de 18 ans

Dans un premier temps les médias turcs ont accusé l’Iran d’être derrière le Hizbullah. Cependant cette manœuvre a vite montré ses limites. Nombre de commenta-teurs et surtout des représentants de la société civile ont rappelé que ce soi-disant parti de Dieu a pendant très longtemps, bénéficié de la complicité active de certains services de l’Etat pour éliminer en toute impunité des milliers de patriotes kurdes ou supposés tels. Petit groupuscule extrémiste dans les années 1980, le Hizbullah a été protégé, soutenu et armé par les autorités turques qui l’ont utilisé comme un instrument dans l’exécution de leurs basses besognes dans la lutte contre le PKK et plus généralement contre le nationalisme kurde laïc.

Les commandos de tueurs du Hizbullah ont abattu, souvent d’une balle dans la nuque, en plein jour, des médecins, des ingénieurs, des enseignants, des étudiants kurdes d’après des listes de " séparatistes à éliminer " que leur fournissaient des services locaux de la gendarmerie et de la police turques. Quand la population arrêtait des tueurs, la police intervenait pour les évacuer sans que cela donne lieu à une quelconque forme de procès. Ce jeu criminel a été joué d’une manière tellement fréquente et visible, notamment dans les provinces de Diyarbakir, Silvan et Batman, que la population kurde a pris l’habitude d’appeler le Hizbullah " Hizbi-Kontra ", le parti des contras.

L’un des instruments de " la sale guerre " menée au Kurdistan turc, aux côtés des équipes spéciales Özel Tim, formée de loups gris et des escadrons de la mort de la gendarmerie et de la police politique, le Hizbullah avait aussi de temps à autre réalisé des opérations ponctuelles contre des opposants iraniens en Turquie, à la demande de Téhéran. Les services turcs ont également envoyé en Tchétchénie nombre des militants aguerris de cette organisation.

Toute cette politique étant connue et attestée par des milliers de témoignages, les protestations du président Demirel affirmant que " l’Etat ne commet pas de crimes " ou de l’état-major des armées déclarant " ne rien avoir avec cette organisation criminelle " ne convainquent pas grand monde en Turquie, pas même, Mesut Yilmaz, ancien Premier ministre et président du parti gouver-nemental Anap qui a, le 25 janvier, déclaré, devant les députés de son parti : " Ma conviction est que le Hizbullah n’a pas pu faire ce qu’il a fait sans la coopération de certains traîtres à l’intérieur de l’État ". En fait tout se passe comme si les autorités turques avaient décidé de tourner la page de la guerre sale, de nettoyer les écuries d’Augias et de se laver les mains à bon compte. Les chefs du Hizbullah liquidés à la va-vite auraient pu être autant de témoins embarrassants pour les crimes d’Etat commis ces dernières années au Kurdistan turc. Et les champs de la mort du Kurdistan restent à explorer. " Pendant des années le Hizbullah a tué ouvertement des milliers de personnes au Kurdistan au vu et au su du gouvernement. Les forces obscures, qui, au sein de l’Etat, ont protégé cette organisation doivent être déférées à la justice. Si on explore le sous-sol des régions kurdes, on découvrira des centaines de corps. Les préfets de ces régions devraient être interrogés " a déclaré le 24 janvier Cemil Aydogan, président de la branche de Mardin de l’Association des droits de l’homme. Vœu pieux, car en Turquie qui peut interroger ou poursuivre en justice les préfets, les généraux ou les chefs de polices ?

De son côté, le quotidien anglophone Turkish Daily News comme la plupart des journaux turcs, s’interroge dans son édition du 31 janvier 2000, sur les " meurtres non élucidés " dans la région kurde et en Turquie. " Hizbullah est le premier exemple de la politique de ‘jouer avec les uns contre les autres’ pratiquée par de l’Etat " s’intitule l’article en question. " Depuis les années 80 jusqu’à la capture du leader du parti des travailleurs du Kurdistan, Abdullah Öcalan au milieu de l’année 1999, l’organisation de terreur islamiste radicale, s’appelant Hizbullah (…) a commis approximativement 2000 meurtres au sud-est de la Turquie. La plupart des funestes attaques contre les sympathisants du PKK aussi bien que contre des membres des partis politiques, comprenant le parti du travail du peuple (HEP), le parti de la Démocratie (DEP) et le parti de la Démocratie du Peuple (HADEP), n’ont pas été élucidées. Au début des années 90, le nombre de meurtres a rapidement augmenté, éveillant les allégations que l’organisation est soutenue par l’Etat. " écrit le journal.

" Le journaliste Halit Güngen, la première personne qui a mis du poids dans cette thèse en prouvant le soutien de l’Etat à l’appui de photos a été tué au cours d’une attaque armée alors qu’il travaillait au bureau de Diyarbakir du journal 2000’e Dogru (Vers l’an 2000) (…) Les photos prises par Güngen montraient des militants armés du Hizbullah recevant des exercices de tirs sur le terrain des forces anti-terroristes de la police de Diyarbakir. Le sort de Güngen a également été réservé à Hafiz Özdemir, journaliste au quotidien pro-kurde de Diyarbakir, Özgür Gündem, qui avait suivi la même approche. Et puis, plusieurs autres journalistes ont été assassinés, tous travaillant pour Özgür Gündem ou bien 2000’e Dogru. Au début des années 90, un sommaire " massacre de journalistes " s’est déroulé au Sud-Est, et aucun de ces meurtres n’est élucidés " continu le journal.

" Le fait est que la plupart des journalistes assassinés étaient ceux qui menaient des investigations sur le Hizbullah, écrivaient des articles concernant l’organisation terroriste ou publiaient des interviews sur le terrorisme. De plus, aucun des assassins n’a été appréhendé par la police. Cette situation a accru plus encore les soupçons sur le soutien de l’Etat au Hizbullah. "

Le journal ajoute que " le soutien ne consistait pas simplement à donner des cours de tirs au Hizbullah au QG des corps expéditionnaires. Selon certaines allégations, les terroristes d’Hizbullah capturés par des habitants locaux au péril de leur vie, étaient libérés par la police en quelques jours. Au milieu de l’année 1992, un homme d’affaires qui possédait une boutique de souvenirs à Nusaybin, province de Mardin, a été assassiné dans son magasin par un terroriste. L’assassin a été capturé par les propriétaires du magasin voisin et délivré à la police. À la surprise générale, il a été libéré après quelques jours. "

" Sur la base de l’augmentation des taux de meurtres non élucidés dans la région et de l’importance des allégations affirmant que l’organisation terroriste reçoit l’aide de l’Etat, une commission d’investigation parlementaire a été formée au début de 1993 (…) En réponse à des questions posées par le président de la commission, Sadik Avundukluoglu, député du parti de la Juste Voie (DYP) et autres membres de la commission (…), le chef de la police de Batman, Öztürk Yildiz, a admis que les militants du Hizbullah effectuent des exercices de tirs dans leurs camps des villages Sekili, Çiçekli, et Gönüllü de Gercus et que la gendarmerie fournit une aide logistique à l’organisation. Cette conversation, qui a eu lieu dans le bureau du gouverneur adjoint de Batman, a été enregistrée dans une cassette audio par le juge Akman Akyürek, qui est mort d’un troublant accident de voiture en 1997. Suite à sa mort, cette cassette a disparu mystérieusement. Des détails de la conversation entre le chef de la police et les membres de la commission d’investigation ont été publiés dans la presse (…) Cependant, le bureau du chef d’état-major a censuré l’émission ‘Arena’, un célèbre programme de télévision (…) juste avant que l’information sur la cassette audio ne soit annoncée. "

Les raisons de démantèlement du Hizbullah sont également dénoncées par le journal : " Aujourd’hui, l’Etat n’a plus besoin d’Hizbullah. L’organisation terroriste PKK est d’une part réduite (…) et plus encore (…) les militants du PKK ont commencé à quitter la Turquie. Ce retournement de situation a laissé l’Etat face à la menace du Hizbullah. Sur la base d’informations obtenues par les informateurs du Hizbullah (…) les forces de sécurité turques ont lancé des attaques contre le Hizbullah dans le Sud-Est, causant de lourdes pertes à l’organisation terroriste. Réalisant qu’il ne restait plus de place pour eux pour se cacher et dans l’intention de couvrir leurs pistes, les terroristes ont commencé à migrer dans des villes comme Istanbul, Ankara, Izmir, et Konya et subséquemment ont pris pour cibles des membres qui avaient déserté l’organisation. (…) De nombreuses personnes, y compris des hommes d’affaires accomplis d’origine kurde, ont été kidnappées dans ce but et exécutées après de longues séances de tortures et d’interrogatoire. "

ANKARA DÉCIDE DE SURSEOIR À L’EXÉCUTION D’ABDULLAH ÖCALAN

Après plusieurs semaines de débat et de tension, les dirigeants des trois partis formant la coalition gouverne-mentale turque ont, le 12 janvier, au terme d’une réunion de sept heures, décidé de surseoir à l’exécution du chef du PKK. Le sursis court en principe jusqu’au terme de la procédure d’appel engagée par les avocats d’Öcalan devant la Cour européenne des droits de l’homme et pourrait durer deux ans. Cependant le Premier ministre turc a déclaré : " nous avons convenu que si l’organisation terroriste et ses sympathisants manipulent notre décision au détriment des intérêts supérieurs de la Turquie, le sursis sera terminé et le processus commencera immédiatement ". M. Ecevit a aussi pris soin de souligner à l’adresse des ultranationalistes qu’il était " exclu que la Cour européenne des droits de l’homme modifie une sentence prononcée par la justice turque (…) Quand le processus découlant de nos engagements internationaux et de notre Constitution prendra fin, le dossier sera immédiatement envoyé au Parlement ".

Le différend entre les trois partis de coalition dirigée par le Premier ministre Bülent Ecevit, du parti de la gauche démocratique (DSP), mettait en jeu la survie du gouvernement "né prématu-rément" à la suite des élections anticipées du 18 avril 1999. Le principal partenaire du DSP, le parti de l’Action nationaliste (MHP-néo-fasciste) insistait sur l’exécution sans délai d’Abdullah Öcalan, alors que les deux autres partis de la coalition, le DSP et le parti de la Mère patrie (ANAP) de l’ancien Premier ministre Mesut Yilmaz, plaidaient pour attendre la décision de la Cour européenne. Bülent Ecevit avait estimé le 9 janvier 2000 que son pays pourrait s’attirer des problèmes au niveau international au cas où il ne respecterait pas la décision de la Cour européenne : " la question urgente qui se pose devant le gouvernement est la décision de la Cour européenne (…) Si nous ne nous y conformons pas, il est évident que cela nous attirera des ennuis dans le domaine international ". Le vice-Premier ministre Devlet Bahçeli du MHP, tenu par son électorat à qui il a promis la tête d’A. Öcalan, avait déclaré la semaine dernière " Rien ne peut empêcher l’application d’une punition décidée par la justice indépendante envers un terroriste qui a plongé le pays dans un bain de sang ". À la veille du sommet du gouvernement, Sabahattin Çakmakoglu, ministre turc de la Défense, issu du MHP, avait indiqué que la sentence de mort rendue contre Abdullah Öcalan devait être exécutée : " Nous pensons que la peine de mort rendue contre Öcalan doit être mise en exécution (…) Le Parlement a le dernier mot sur la punition d’Öcalan (…) Le Parlement devrait donc évaluer la décision de la Cour européenne des droits de l’homme ".

Les pressions et les menaces allaient bon train à la veille de la réunion du 12 janvier 2000. Yavuz Alphan, président de l’association des familles de victimes à Izmir, avait affirmé que si Öcalan n’était pas pendu, les membres des 46 associations dans le pays rendraient les médailles décernées aux soldats morts en les jetant dans le jardin du Parlement. Deux hommes appartenant à l’une de ces associations se sont aspergés d’essence et ont menacé de s’immoler en plein centre d’Ankara pour réclamer l’exécution d’A. Öcalan. Le président de la chambre des commerçants et artisans d’Ankara, Ali Riza Ercan, a également appelé à l’exécution du chef du PKK en soulignant que dans le cas contraire, ses membres "apporteraient la réponse appropriée au gouvernement " lors des prochaines élections.

Le quotidien turc Hürriyet du 12 janvier 2000 affirmait que le Parti islamiste de la Vertu (FP) profite de la tension existante au sein du gouvernement et a proposé au MHP de former un gouvernement avec lui et le Parti de la Juste Voie (DYP) de l’ancienne Premier ministre Tansu Çiller. Le journal ajoute cependant que les nationalistes ont rejeté la proposition.

Au Kurdistan, le 11 janvier, 37 maires du parti pro-kurde de la Démocratie du peuple (HADEP) avaient lancé à Diyarbakir un appel au gouvernement pour qu’il respecte la décision de la Cour européenne des droits de l’homme. " Une erreur dans ce domaine engendrera certainement une période sanglante. Nous ne voulons pas voir à nouveau l’atmosphère des combats intensifs, des larmes et de la douleur. Nous appelons tous les partis politiques à faire preuve de bon sens sur la question " a déclaré Mme Fatma Kurtulan, membre du conseil d’administration du HADEP.

En Europe, M. Francisco Seixas da Costa, ministre portugais chargé des Affaires européennes dont le pays préside actuellement l’Union, avait mis en garde Ankara quant aux conséquences d’une exécution du dirigeant du PKK : " on ne partirait pas d’un bon pied dans l’effort de rapprochement entre l’Union et la Turquie si la Turquie prenait des décisions non compatibles aves les principes européens ".

Côté libéraux turcs, le président du parti de la liberté et de la solidarité (ÖDP), Ufuk Uras, avait déclaré, déclaré qu’ " aucun pays ne pouvait fonder son avenir sur des potences (…) L’important est d’éviter de vivre de nouvelles douleurs et d’empêcher d’acculer la Turquie dans un conflit intérieur l’éloignant du cadre de la paix ". Le président de l’association des droits de l’homme (IHD) de Turquie, Hüsnü Öndül, a lancé un appel similaire, soulignant que la Turquie risquait d’être expulsée du Conseil de l’Europe.

Par ailleurs, les élus kurdes de la région au Parlement turc, issus du parti de la Juste Voie (DYP) et du parti islamiste de la Vertu (FP), ont vivement critiqué l’attitude de leur parti sur la question.

IRAK : SELON AMNESTY LA REPRESSION EST SYSTEMATIQUE ET MASSIVE

L’organisation humani-taire Amnesty International vient de rendre public un rapport sur l’Irak, daté du 24 novembre 1999, qui atteste des violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme toujours en vigueur dans ce pays. La grande majorité des victimes se compose de chiites du sud de l’Irak et de certains quartiers de Bagdad ainsi que de Kurdes habitant les régions administées par le régime irakien, notamment Kirkouk. Selon Amnesty les manquements au respect des droits de l’homme s’articulent autour de cinq points:

1° Les arrestations et les détentions arbitraires : Elles se produisent en général dans le secret ; la famille ne sait ni qu’un de ses membres est incarcéré, ni où il est incarcéré. Les arresta-tions et les placements en détention arbitraire des opposants présumés du gouvernement se font sur une grande échelle. A la suite de l’arrestation, le gouvernement ne fournit aucune explication aux victimes quant au motif de leur interpellation et ils ne se voient présenter aucun mandat d’arrêt.

2° La torture et les mauvais traitements : Les autorités irakiennes recourent systémati-quement à une torture aussi bien physique que psychologique durant les interrogatoires : immédiatement après leur arrestation, les victimes sont soumises à des tortures physiques. Les modes de torture les plus courants sont les décharges électriques ou les brûlures de cigarette sur différentes parties du corps, l’arrachage des ongles des mains, la suspension prolongée par les membres, le passage à tabac à bout de câbles, la falaqa (coups assénés sur la plante des pieds), le transpercement des mains des victimes à l’aide d’une perceuse électrique, on va même jusqu’à arracher les yeux aux détenus. D’ailleurs, de nombreux décrets prévoient des peines judiciaires apparentées à des actes de tortures ou châtiments dégradants et inhumains (peines d’amputation, peines de marquage au fer rouge de la lettre " X " sur le front…). Les tortures psycholo-giques ne sont pas non plus absentes, on peut citer parmi elles le viol d’un membre de la famille de la victime sous ses yeux (sa mère ou son épouse en général), les menaces faites à la victime de s’en prendre à d’autres membres de sa famille, les simulacres d’exécution et enfin l’isolement prolongé du détenu.

3° La peine de mort : Elle est massivement appliquée. En effet, des centaines d’exécutions ont lieu chaque année, ces dernières sont rarement communiquées par le gouvernement. Il n’y a d’ailleurs aucun communiqué officiel relatif à la peine de mort. La majorité des victimes sont des musulmans chiites du Sud de l’Irak (et également des groupes armés d’opposition islamistes) et de certains quartiers de Bagdad ainsi que des Kurdes du Nord. Le secret autour des exécutions rend quasi impossible le fait de savoir si les exécutions ont constitué un châtiment judiciaire ou extrajudiciaire.

4° Les " disparitions " et les exécutions judiciaires et extrajudiciaire : Depuis le début des années 1980, des centaines de milliers de Kurdes et de chiites ont " disparu ", leur sort demeure encore à la date d’aujourd’hui, non élucidé. En outre, plusieurs hauts dignitaires chiites ont été tués dans le Sud de l’Irak depuis 1997, leurs conditions d’exécutions laissent penser qu’il s’agit d’exécutions extrajudiciaires (au terme de procès sommaires et inéquitables) émanant d’agents du gouverne-ment ou de forces sur ordre du gouvernement. Depuis la tentative de soulèvement chiite en 1991 à l’issue de la guerre du Golfe, la répression gouvernementale à l’égard de la dissidence chiite demeure toujours aussi vigoureuse.

5° Les expulsions forcées des ressortissants non-arabes : Des milliers de familles kurdes dans le Nord ont été chassées de leurs foyers et déplacées vers trois gouvernorats du Kurdistan irakien (Erbil, Dohuk, Suleimanieh) contrôlés par les deux principaux partis politiques kurdes.

Toujours d’après Amnesty International , on assiste à un " black-out total sur les atrocités commises par les forces irakiennes à l’encontre des opposants présumés au régime ", et " le gouvernement irakien refuse systémati-quement aux spécialistes des droits de l’homme des Nations-Unies et notamment au rapporteur spécial sur l’Irak d’enquêter dans le pays sur les violations des libertés fondamentales" Aucune organisation internationale n’a visité l’Irak au cours des dernières années " . Or, la résolution 688 du 5 avril 1991 appelait le gouvernement à mettre fin à " la répression des populations civiles iraqui-ennes " et à permettre un "accès immédiat des organi-sations humanitaires à tous ceux qui ont besoin d’assistance dans toutes les parties de l’Irak ". Elle est restée lettre morte.

D’un autre côté, on dénonce à cor et à cris les conditions déplorables de vie de la population du fait du régime de sanctions imposé à l’Irak et l’on permet aux journalistes, hommes politiques et personnalités étrangères de se rendre dans le pays pour dénoncer cet état de fait. Les violations massives des droits de l’homme ainsi que le climat de terreur ont conduit des milliers de ressortissants irakiens à prendre la fuite illégalement et à demander l’asile aux pays voisins et à d’autres Etats dans le monde…

En avril 1999 : la Commission des Droits de l’Homme des Nations-Unies a condamné les "violations systématiques, généralisées et extrêmement graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises par le gouvernement irakien, qui se traduisent partout par un état de répression et d’oppression fondé sur une discrimination et une terreur généralisées ", les " exécutions sommaires et arbitraires " et la "pratique généralisée et systématique de la torture, ainsi que la promulgation et l’application de décrets prescrivant des peines cruelles et inhumaines pour sanctionner les délits ".

ISMAIL BESIKÇI EST PESSIMISTE POUR L’AVENIR

L’universitaire turc dissident, déclaré prisonnier de conscience par Amnesty International depuis son long calvaire dans les geôles turques en raison de ses recherches sur les Kurdes, et libéré récemment à la suite d’une loi ajournant les peines infligées pour les délits commis par voie de presse et de publication, vient de d’exprimer dans l’hebdomadaire kurde Roja Teze daté 21 janvier 2000.

Faisant allusion à l’affaire Öcalan, Besikçi déclare que " les politiciens peuvent bien renoncer à défendre ce qu’ils défendaient dans le passé ", mais "un universitaire ne peut se permettre de renoncer à défendre les faits scientifiques. Dans les conditions actuelles, défendre ces faits est un exercice à risque. Il appartient alors à chacun de nous d’en assumer le risque". Il ajoute "que les conditions pour ceux qui s’intéressent aux Kurdes et pour les Kurdes eux-mêmes sont devenues plus difficiles. Alors que l’on devrait, grâce au sacrifice fait jusqu’à présent, s’attendre à ce que cette question [kurde] soit abordée plus facilement, on assiste, au contraire, à un durcissement dans les conditions du traitement de la question. On ne peut toujours pas en parler comme il faudrait. On risque encore d’être condamné à de lourdes peines de prison à cause de la question".

Pour Besikçi, qui a passé plus de 16 ans de sa vie dans les prisons turques en raison de ses travaux et publications sur les Kurdes, le régime continue toujours d’avoir des préjugés envers les Kurdes et de les traiter de manière humiliante : "Lorsqu’on évoque les Tchétchènes ou les Bosniaques, on évite soigneusement d’utiliser un adjectif pour les présenter. Quand il s’agit de nommer Fahriye Erdal, qui a tenté d’assassiner l’homme d’affaires turc Sabanci, on se contente de la citer nommément alors que quand il s’agit d’un Kurde de Turquie, on utilisera les adjectifs "terroriste" ou séparatiste". Si c’est un Kurde d’Irak, on dira "chef de tribu" en utilisant toujours des adjectifs humiliants". Se prononçant sur le règlement, à court ou moyen terme, de la question kurde, Besikçi se montre assez pessimiste et indique que le statut de candidat dont la Turquie dispose pour entrer dans l’UE ne changera pas pour autant le règlement de la question kurde.

Mettant en avant l’importance de la langue kurde qu’il considère comme étant le seul élément différenciant les Kurdes des Turcs, Besikçi ajoute qu’il est, de ce fait, important de maintenir vif l’usage de celle-ci.

Quant aux conditions du monde extérieur par rapport à la vie de prisonnier qu’il a subie, il pense "qu’il existe toujours un état de répression et de siège. Il n’est donc pas possible que des gens comme moi puissent faire des projets à long terme. Il est tout à fait possible qu’un travail qu’on entamerait reste à mi-chemin en cas d’arrestation ou pour des raisons similaires. Ce n’est pas vous-mêmes qui déterminez ce que vous faites, mais ce sont toujours les autres".

Les livres qu’il a écrits sur la question kurde sont toujours vus d’un mauvais œil de la part des autorités et sont toujours interdits de diffusion alors qu’une large littérature communiste, sujet auparavant tabou en Turquie, circule sans aucune entrave. Malgré cela, il a le projet de publication d’un livre sur la situation des Kurdes jusqu’en 1974, qui a recours à un large usage de notions scientifiques en remettant notamment en cause la négation dont les Kurdes font toujours l’objet.

16 ANS APRÈS SA MORT GÜNEY AGITE TOUJOURS L’OPINION TURQUE

UNE vive polémique agite ces derniers jours les médias turcs autour de la personnalité et de l’art du cinéaste kurde Yilmaz Güney.

Tout est parti d’une interview de la scénariste Inci Aral, publiée dans le quotidien Hürriyet du 26 janvier où elle parle du projet d’un film sur la vie de Güney. Le scénario qu’elle a écrit a été présenté au cinéaste Costa Gavras qui l’a lu et aimé. Elle est en train d’y apporter les ultimes retouches. De son côté Mme Güney a pris une série de contacts autorisant à penser que ce projet de film pourrait se réaliser dans un avenir assez proche.

L’interview a déclenché une série de réactions véhémentes dans les médias nationalistes et conservateurs turcs qui crient à " un nouveau complot contre la Turquie ". Si le Grec Costa Gavras réalise un film magnifiant la vie du cinéaste Güney connu pour être un communiste et un séparatiste kurde, affirment les nationalistes turcs, c’est pour internationaliser la question kurde et dénigrer la Turquie. Du coup, ils versent sur le cinéaste disparu de tombereaux d’insultes. De leurs côtés, les intellectuels libéraux prennent la défense d’un "artiste exceptionnel " sans partager ses opinions. " Qui a entaché l’image de la Turquie ? Le cinéaste Güney qui a tendu le miroir de son art pour montrer les travers de notre société ou bien ceux qui au nom de la patrie ont détruit des milliers de villages, tué des milliers d’innocents, torturé des enfants? " demande l’éditori-aliste Ali Sirmen dans le quotidien Cumhuriyet du 28 janvier.

Excédée par cette polémique, Mme Güney a porté plainte pour injures et diffamation contre plusieurs journalistes de droite. Dans le même temps, elle prépare la sortie prochaine dans les salles de deux chefs d’œuvre du cinéaste disparu, Umut (Espoir) et Sürü (le Troupeau), interdits d’écrans turcs depuis le coup d’Etat militaire de 1980. L’auteur de l’inoubliable Yol, qui obtint la Palme d’or au festival de Cannes de 1982, est décédé en 1984 en exil à Paris à l’âge de 47 ans après avoir passé douze années de sa brève vie dans les geôles turques.

IRAN : LETTRE OUVERTE D’UN DÉPUTÉ KURDE AU PRÉSIDENT KHATAMI

Nous venons de prendre connaissance d’une lettre ouverte envoyée par Mohammad Karimiyan, député kurde de Sardasht et Piranshahr au Khatami sur le sort des Kurdes, dans la République islamique d’Iran. Nous en publions de larges extraits pour l’information de nos lecteurs.

" Sa Haute Sainteté, lors de la campagne officielle pour l’élection à la présidence de la République, sur les libertés culturelles et l’authenticité du peuple kurde (…) vous avez énoncé des paroles justes et belles (…). Malheureusement, jusqu’à aujourd’hui, en ce qui concerne le respect à l’égard de la culture, la civilisation et la littérature kurdes, qui sont les plus authentiques de la terre d’Iran, et de même en ce qui concerne la participation des citoyens kurdes et des sunnites dans les hautes sphères administratives de l’Etat dans les grandes villes et les petites villes, il n’y a pas de nouveau et osons dire que les responsables ne tiennent pas compte de vos directives, de votre politique et de votre point de vue objectif et en réalité, ils montrent un certain dédain à l’égard de vos recommandations (…).

Malgré les sessions nombreuses du Parlement et des hautes sphères de l’Etat, on ne peut pas trouver, mis à part quelques députés, un seul Kurde, ni un seul sunnite assumant des fonctions de ministre ou secrétaire d’Etat, pas un ni au niveau ministériel, ni au niveau de l’Administration centrale, ni au niveau de l’appareil judiciaire à qui soit confié un poste de confiance. Ne doutez point que dans l’opinion publique des régions kurdes, ce point est vigoureusement reproché au pouvoir. Pourquoi dans le régime précédent, malgré tout ce qu’on peut lui reprocher sur la question du chiisme et du sunnisme et le fait d’être kurde, le choix à ce sujet se faisait beaucoup plus simplement qu’aujourd’hui et la confiance envers les sunnites et les Kurdes était plus grande. En ce qui me concerne, je ne sais pas ce que les gens non autochtones (du Kurdistan) savent que les Kurdes et les sunnites ne sachent pas ? Ou encore quelle autre particularité peuvent-ils avoir que les autochtones (kurdes) n’ont pas ? Il y a lieu de se poser la question de savoir ce qu’il se passerait si un jour, un Kurde sunnite atteignait le plus haut niveau d’études et si son expérience et ses atouts lui permettaient d’être nommé au moins comme gouverneur ou juge dans une ville non kurde, est-ce que les gens de cette ville pourraient le supporter ou non ? Et s’ils ne le pouvaient pas, pourquoi ? Et si oui, alors pourquoi les Kurdes sont condamnés obligatoirement à supporter n’importe quelle manière de penser des autres peuples et des autres races et des éducations et des goûts familiaux divers et l’inexpérience et la naïveté de telles personnes : c’est ce qu’ils ont rencontré jusqu’à aujourd’hui (…).

Dans les slogans, discours (…) et occasions diverses, apparemment, tous les peuples sont frères, au même niveau et " dans la même tranchée ". Cependant, quant à la division administrative, on ne trouve pas une place pour les Kurdes sunnites dans la participation aux affaires politiques, sociales, économiques, culturelles (…) les Kurdes au début de la révolution islamique ont participé d’une façon très active, très sérieuse, à l’instar de leurs compatriotes en affrontant tous les dangers pour la réussite de la révolution et le renversement du régime des " Pahlévis " et la mise en place de l’Etat et de la république islamique (…) Pourquoi au lieu de mépriser et critiquer les jeunes filles et garçons, ne pouvons-nous pas profiter de leur potentiel intellectuel en les laissant s’épanouir ? (…). Est-ce que le souci des jeunes filles et garçons de sortir du pays est pris en compte et y-a-t-on remédié et fondamentalement s’en préoccupe t-on ? (…) Les femmes kurdes braves font partie des oubliés dans le potentiel national particulièrement au niveau de leur participation aux affaires politiques, sociales et culturelles (…) Il faudrait leur accorder une attention particulière sur le plan intellectuel, émotionnel, sur le plan du travail, sportif (…) Il faut prendre des initiatives essentielles dans le sens de leur émancipation (…).

Je souhaite que Dieu vous permette de réussir la tête haute construisant un avenir plus optimiste pour notre cher peuple d’Iran en mettant en place une cohabitation harmonieuse allant dans le sens de la charia et de la reconnaissance de Dieu en supprimant les inégalités ".

LU DANS LA PRESSE TURQUE

" LE HIZBULLAH : L’ÉTAT ET LE CRIME"


Hasan Cemal, éditorialiste, écrit dans le quotidien Milliyet du jeudi 20 janvier 2000. : " Hizbollah est une organisation qui depuis de longues années se sert des méthodes violentes et terroristes. Elle kidnappe, fait du hold-up, elle torture, commet des assassinats. (…).

Elle a de l’argent. Elle a des armes, des systèmes d’informatique. Et puisqu’elle possède tous ces moyens, une question nous revient à l’esprit : les liens extérieurs de Hizbollah… Pour certains, il est possible d’établir un lien entre Téhéran-Hizbullah, identique à celui de Damas avec le PKK. (…) "

A propos de Hizbollah, une autre hypothèse est montrée du doigt : l’Etat profond… On dit que : " Principalement au début des années 90 le Hizbollah a été utilisé comme une arme dans la lutte contre le PKK. Plusieurs sympatisants du PKK ont été assasinés dans le sud-est, par exemple à Batman, par le Hizbollah. Pour cette raison certains au sein de l’Etat ont fermé les yeux devant l’évolution de Hizbollah à cette époque. "

Le commentaire qui suit est le suivant : "Maintenant l’Etat profond se lave les mains ". (…)

Dans le quotidien Sabah du 25 janvier, Zülfü Livaneli, dans un éditorial intitulé " L’État et le Crime " se montre plus incisif. Extraits : " Le président Demirel affirme que l’État ne commet pas de crime. Ah si seulement cela pouvait être vrai ! Si seulement nous avions un véritable Etat de droit. Si seulement l’Etat n’était pas du tout impliqué dans de sombres affaires. Mais malheureu-sement nous ne pouvons affirmer cela. Des milliers d’événements, de témoignages et de dépositions montrent malheureusement que l’Etat est impliqué dans ces sales affaires. Il est très difficile d’expliquer seulement par "manque de vigilance " l’existence d’une organisation qui, dans une région comme le sud-est où des mesures de sécurité strictes empêchaient même les oiseaux de voler, a pu kidnapper des centaines de personnes et les tuer sous la torture. Dans un pays où les parrains de la mafia voyagent avec des passeports rouges (NdT diplomatiques), où de criminels sont pourvus de cartes d’identité " d’officiers de sécurité ", où Susurluk a révélé un étrange réseau de relations, où ministres et criminels sont en relations téléphoniques, où les marchés publics sont attribués dans des conditions bizarres, mêmes les personnes les mieux intentionnées ont de quoi devenir soupçonneuses (…).

Selon Isment Sezgin (NdT. ancien ministre de l’intérieur et de la défense) : " il faut malheureu-sement reconnaître que l’Etat, se sert de certains criminels. À leur tour, ces derniers se servent de l’Etat et dès lors un tableau très compliqué se dessine " (…).

La politique de faire casser des chiens par d’autres chiens a conduit certains responsables à la collaboration avec des militants nationalistes et religieux contre d’abord la gauche, ensuite contre le PKK. Des criminels encouragés et soutenus par des responsables de l’Etat, ont commis des massacres. Ces crimes protégés sont restés dans l’ombre.

Tant que " ceux qui tirent des balles au nom de l’État (Ndt. l’expression est de Mme. Çiller défendant les chefs mafieux " patriotes " !), il n’est pas possible d’écarter ces soupçons ".

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QUAND LE PKK DÉFEND LA TURQUIE


Taha Akyol, éditorialiste, commente dans le quotidien turc Milliyet du 18 janvier 2000 , l’évolution récente du PKK et de son chef. Extraits : " La Turquie n’a qu’un seul problème sérieux et c’est la question kurde. " Le danger réactionnaire " n’est qu’un concept ‘paranoïde’ et de toute façon il s’est avéré sans contenu.

La condamnation d’Ocalan et la suspension, à certaines conditions, de la décision de la peine de mort par le gouvernement est un tournant absolu. Aussi bien pour la Turquie qu’Ocalan et le PKK…

Je donne de l’importance aux déclarations faites, le 14 Janvier, juste après la suspension de la peine de mort, par Ocalan et le PKK.

Selon l’Agence Anatolie, Ocalan a déclaré qu’à partir de maintenant PKK sera constructif et a ajouté :

" Je ne suis pas séparatiste, je me suis écarté des erreurs historiques commises dans le passé… "

A la même date, dans un communiqué adressé à la presse, le comité central du PKK, défend le concept de la ‘Turquie démocratique’. (…) ‘Notre parti ne permettra pas que la Turquie soit affaiblie et ses intérêts endommagés... ‘

Donc, la thèse de Ismail Besikçi " Kurdistan : une colonie internationale " et celle d’Ocalan " colonialisme de la RT ( la république turque) " étaient fausses. (…)

J’apprécie quand Ocalan dit " Je me suis écarté de l’erreur historique " qui a coûté la vie de 30.000 personnes, et je ne considère pas cela comme un mensonge fait par intérêt. Le PKK s’est rendu compte qu’il etait impossible de vaincre la Turquie aujourd’hui et dans l’avenir ni militairement, ni politiquement. Ils ont vu cela et ont été influencés par cette réalité. (…)

AINSI QUE...

EN TURQUIE, POUR PLUS DE SÉCURITÉ, IL VAUT MIEUX VIVRE À ISTANBUL : 17 547 DOSSIERS DE MEURTRES NON ÉLUCIDÉS DONT 10 842 À DIYARBAKIR


Selon les derniers chiffres de la Direction générale des casiers judiciaires et des statistiques du ministère de la Justice, à la fin de l’année 1998, 17 547 dossiers de " meurtres non élucidés " se trouvaient au parquet des cours de sûreté de l’Etat turques (DGM). La capitale kurde, Diyarbakir se situe en tête de cette sinistre liste avec plus de 10 842 dossiers. Le rapport souligne qu’entre le 1er janvier 1998 et 31 décembre 1998, 1 625 dossiers de " meurtres non élucidés " ont été enregistrés dans les différents parquets des DGM turcs. Plus de 16 765 affaires étant déjà en cours, au total 18 390 dossiers étaient devant la justice turque, mais 150 d’entre eux - 20 à Diyarbakir, 9 à Izmir, 46 à Malatya, 8 à Erzurum 67 à Adana– ont été résolus et 693 autres sont tombés sous le coup de la prescription. C’est la province kurde de Van qui suit Diyarbakir avec 3 115, Erzurum, kurde, avec 1 551, Malatya, également kurde, avec 1 203, Ankara avec 482, Adana 227 affaires, Izmir avec 118 dossiers. Istanbul est en fin d’affiche avec 9 cas enregistrés. Le rapport a montré que les dossiers de " meurtres non élucidés " représentaient 65,2 % des affaires des 8 parquets des cours de sûreté de l’Etat (DGM) turques. Ce chiffre atteint 81,5 % à Diyarbakir, 67,3 % à Malatya, 15,4 % à Izmir, 42,3 % à Ankara, 1 % à Istanbul, 28,1 % à Adana, 91,8 % à Erzurum et 76,5 % à Van.

Dans les provinces kurdes, les meurtres non élucidés sont, pour l’essentiel, ceux commis par des escadrons de la mort des forces paramilitaires turques. Les victimes sont des " séparatistes " kurdes supposés ou potentiels. Rien d’étonnant que les cours turques ne fassent pas d’effort particulier pour identifier et punir les meurtriers.

L’ASSOCIATION DES DROITS DE L’HOMME A DÉNOMBRÉ 1964 MEURTRES POLITIQUES NON ELUCIDÉS


Dans un communiqué rendu public, le 24 janvier, à l’occasion du 7ème anniversaire de l’assassinat du journaliste Ugur Mumcu, le président de l’Association des droits de l’homme de Turquie (IHD), Hüsnü Öndöl, indique que son association a pu identifier 1964 meurtres politiques, commis depuis 1989, dont les auteurs n’ont pas été arrêtés. 80% de ces meurtres ont été perpétrés dans le Sud-Est kurde. Le décompte selon les années est le suivant :

Année nombre

de meurtres

1989-1991: 42
1992: 210
1993: 510
1994: 292
1995: 321
1996: 78
1997: 109
1998: 192
1999: 210


Total 1964

" Au cours des 10 dernières années en Turquie, les autorités publiques ont qualifié certains groupes ou certains individus ayant des opinons idéologiques et politiques de pro-Etat ou ennemis de l’Etat et ont accordé aux groupes ou individus qualifiés de pro-Etat le privilège de commettre des crimes. Cela veut dire qu’il n’y a pas d’Etat de droit " affirme encore le président de l’IHD dans son communiqué. Si l’IHD a pu établir une liste de 1964 meurtres non-élucidés celles-ci reste très en deçà de la réalité car les estimations courantes chiffrent à plus de 4500 le nombre de meurtres politiques non élucidés commis au cours de la dernière décennie en Turquie. Une étude exhaustive sur ces meurtres reste encore à faire.

BILAN DES PLAINTES CONTRE LA TURQUIE À LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME


La Cour européenne des droits de l’homme a été saisie de 3 880 affaires contre la Turquie. 51 d’entre elles ont été jugées et Ankara a été condamné à plus de 629 milliards de livres turques (TL) dont 158 milliards TL ont été jusqu’alors payés. La majorité des affaires pendantes devant la Cour, soit 2 250, ont été conduites par les chypriotes du sud de l’île accusant les autorités turques de les avoir spoliés de leurs biens situés dans le nord de Chypre sous occupation turque. Le second groupe, soit 418 affaires, émane des familles kurdes accusant les autorités d’avoir détruit et incendié leur village. 350 saisines s’appuient sur des plaintes de tortures, 22 pour refus d’asile politique en Turquie, et 455 pour confiscation de propriété. La Cour européenne des droits de l’homme est également saisie de 134 affaires dites " de meurtres non élucidés " et de 75 affaires pour atteinte à la liberté de l’expression de l’opinion.

Outre les civils, des militaires turcs, expulsés des rangs de l’armée pour " menace réactionnaire " après la réunion du conseil de sécurité nationale (MGK) du 28 février 1997, ont également eu recours à la Cour dans 62 affaires. Par ailleurs, 13 autres dossiers concernant des partis politiques ou syndicats interdits ou dissous, sont également instruits par la Cour. Deux pays, le Danemark et Chypre, ont déféré la Turquie devant la Cour. Le premier reprochant la torture d’un de ses ressortissants d’origine kurde et pour le second, le dossier a été rejeté à trois reprises.

Selon les documents fournis aux parlementaires turcs, la Turquie a été condamnée dans 41 de ces affaires par la Cour européenne, 4 plaintes ont eu des conclusions favorables à Ankara et 6 réglées à l’amiable. La Turquie a versé pour les différentes condamnations 107 milliards de livres turques, 344 000 FF et 27 000? (soit 158 milliards de livres turques). Il lui resterait toujours à payer 788 643$, 1 294 000 FF et 181 000? (soit 629,5 milliards de livres turques).

L’ÉCONOMIE KURDE DÉVASTÉE PAR LA POLI-TIQUE DU GOUVERNEMENT TURC


L’économie basée essentiellement sur l’agriculture et l’élevage dans les provinces kurdes se trouve aujourd’hui dévastée par la politique du gouvernement turc. Le 13 septembre 1999, le ministre turc de l’agriculture, Hüsnü Yusuf Gökalp, du parti de l’Action nationaliste (MHP-néo-fasciste), avait envoyé une circulaire demandant la fermeture des marchés d’animaux dans les provinces kurdes de Hakkari, Van, Sirnak, Igdir et Agri et interdisant par la même occasion l’exportation d’animaux de ces provinces vers les autres régions de la Turquie. Une quarantaine sur le bétail était imposée sur ces régions déjà touchées par le rationnement. La Turquie, qui était il y a peu un pays exportateur de la viande, se trouve aujourd’hui incapable de répondre à ses propres besoins. Les autorités turques justifient leur politique en soutenant agir contre une importante contrebande de bétails malades venus d’Iran et d’Irak mais aussi contre le terrorisme qui s’approvisionnerait dans la région. Les autres accusent le gouvernement de vouloir favoriser l’économie des autres régions en appliquant la quarantaine dans les provinces kurdes, les plus gros fournisseurs de viande du pays.

Par ailleurs, M. Gökalp a annoncé le 3 janvier 2000 qu’il avait donné les instructions nécessaires à ce qu’une nouvelle race de vaches, purement turque, soient reproduites en Turquie.

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TURQUERIES : VERS LA SUPPRESSION DES LETTRES " P " ET " K " DANS LES MA-NUELS SCOLAIRES EN TURQUIE ?


Le ministère turc de l’éducation nationale a demandé aux éditeurs du manuel scolaire Can Matematik de supprimer les lettres " P " et " K " des problèmes d’équation. Le ministère a exigé que les lettres " E ", " G ", " F " et " H " soient utilisées en algèbre pour éviter " des interprétations inconvenables " trouvant que cela pourrait évoquer l’organisation kurde PKK (le parti des travailleurs du Kurdistan ). La question avait même été discutée jusqu’au Parlement turc, lorsqu’un député du parti de la Juste Voie (DYP), Saffet Arikan Beduk, a interpellé par une motion le ministre de l’éducation nationale Metin Bostancioglu : " Considerez-vous que cela soit approprié pour nos enfants d’écrire de leur propre stylo ces lettres, qui conduit à penser au PKK ? ". Ce dernier n’a pas perdu son temps, il a d’abord demandé le retrait du livre des ventes, exigé les modifications et informé le député S.A. Beduk. Ankara va-t-il pousser son obsession éradicatrice jusqu’à supprimer tout bonnement les lettres " P " et " K " de son alphabet ? Ne craignant pas le ridicule, les autorités turques avaient déjà décidé de remplacer les lampes vertes des feux tricolores du trafic par des lampes bleues dans les provinces kurdes car le vert, le rouge et le jaune sont les trois couleurs " séparatistes " du drapeau kurde.

PLAINTE CONTRE ISMAIL CEM POUR " PROPAGANDE SÉPARATISTE "


Selon le quotidien turc Sabah du 4 janvier 2000, le parquet général de la Cour de sûreté de l’Etat d’Ankara a été saisi d’une demande d’enquête à l’encontre d’Ismail Cem, ministre turc des affaires étrangères, après que ce dernier s’est prononcé le 13 décembre 1999 en faveur des émissions télévisées en langue kurde sur la chaîne de télévision turque CNN-Turk. L’enquête ferait suite à la plainte d’un chimiste habitant la capitale qui accuse le chef de la diplomatie d’avoir contrevenu à un article de la Constitution qui déclare le turc langue officielle de la Turquie. Après examen, le procureur de la république, Talat Salk, a décidé le même jour de ne pas donner suite à l’affaire.

12 MORTS AU COURS DES COMBATS À TUNCELI


Six soldats turcs et six combattants du PKK ont trouvé la mort le 9 janvier 2000 au cours des affrontements dans la province de Tunceli. Un hélicoptère Sikorsky a été sérieusement touché par les combattants du PKK. Le Premier ministre turc avait déclaré, début janvier, que les combats étaient " presque au niveau zéro ". Une déclaration du PKK indiquait le 7 janvier que " ces personnes ne sont plus liées à notre groupe (…) Le parti n’est plus responsable de leur vie ou ce qu’ils pourraient faire dans l’avenir ".

La dissidence gagne également la mouvance du PKK en Europe. Réunis au sein d’une " Initiative Kurde en Europe ", des dissidents se présentant comme des " intellectuels membres et anciens membres du PKK en Europe ", ont indiqué leur opposition à " la nouvelle ligne politique " de l’organisation et critiqué l’abandon de la lutte armée prônée par Abdullah Öcalan. Dans un communiqué daté du 11 janvier 2000, le groupe a affirmé avoir décidé d’apporter " son soutien à Hamili Yildirim ", commandant des forces de la région de Dersim (Tunceli) et aux forces sous son commandement ". Selon le communique, Hamili Yildirim, " membre du comité central du PKK et un des dirigeants de l’aile militaire, ainsi que des dirigeants historiques de l’organisation, dont Mehmet Can Yuce et Meral Kidir, anciens membres du comité central en prison depuis plus de 20 ans, se sont opposés à la ‘ nouvelle ligne politique ‘ adoptée par Öcalan et une partie de l’organisation (…) Le retrait de Turquie et l’abandon de la lutte armée ne peuvent qu’être consécutifs à des négociations et à un accord entre les parties en conflit ".

Un ancien responsable du PKK en Europe a indiqué à l’AFP que les structures dirigeantes de l’Initiative Kurde en Europe, " actuellement en cours de constitution, devraient officiellement voir le jour en février ". Parmi les membres de ce groupe devraient figurer notamment des ex-responsables kurdes en Europe, d’anciens membres du comité central du PKK.

LA TURQUIE NE SAIT PLUS QUOI FAIRE DE SES PROTECTEURS DE VILLAGES


Depuis que la question de la levée de l’état d’urgence (OHAL) dans les provinces kurdes se pose, le débat sur la levée du système de protecteurs de villages s’envenime. Les régions kurdes– au départ 13 préfectures, aujourd’hui 5– sont sous un régime d’état d’exception depuis le 17 juillet 1987 et les articles 74 et 75 de la loi 3175 du code rural a instauré le système de " protecteurs de villages " en 1985 pour contrer " le terrorisme " selon les autorités turques. Cependant, aujourd’hui ces dernières semblent elles-mêmes dépassées et n’arrivent pas à contrôler ces " protecteurs " qui ont pris l’habitude d’imposer arbitrairement leur propre loi sur la population. Les autorités turques essayent aujourd’hui de trouver du travail de substitution pour les tenir en laisse. Ainsi à Silopi dans la province de Sirnak, 21 protecteurs de villages sont embauchés dans la Société internationale de pétrole-les Pétroles turcs (TPIC) comme employés de sécurité chargés de contrôler le pétrole arrivant de l’Irak par la frontière de Khabour en vue d’imposition. Diplômés tous de primaire, les anciens " protecteurs " touchent un salaire mensuel de 250 millions de livres turques ($460).

La région compte aujourd’hui 67 507 protecteurs de villages dont 17 440 dits volontaires et 50067 " provisoires ". Ces dernières années, ils ont été accusés de beaucoup de crimes tels que kidnapping, contrebande, meurtre, escroquerie et vol. Environ 3000 d’entre eux sont aujourd’hui poursuivis et 117 ont été remerciés.

PERQUISITION DES LOCAUX KURDES : ONZE ARRESTATIONS


La direction générale de sécurité a effectué le 4 janvier 2000 une perquisition dans différents locaux du parti de la démocratie du peuple (HADEP-prokurde) à Diyarbakir, Agri, Kirsehir, Mus, Bulanik mais aussi dans toutes les sections du syndicat KESK à Diyarbakir, au centre culturel de la femme à Dicle, aux journaux Yeni Evrensel et Özgür Bakis et a placé en garde-à-vue 11 membres du HADEP. Au cours de la perquisition, différentes revues et journaux ont été saisies.

L’ALLEMAGNE : LES VENTES D’ARMES A ANKARA COMPROMISES POUR CAUSE DE DROITS DE L’HOMME


Le gouvernement allemand a décidé de prendre en compte les critères des droits de l’homme dans les ventes d’armes, même vers les pays faisant partie de l’OTAN.

Selon cette décision, l’exportation des ventes d’armes ne sera pas permise si on arrive à la conclusion que les armes destinées à la défense du pays concerné pourraient être utilisées dans les conflits internes et les violations des droits de l’homme. Celles-ci seront estimées non seulement d’après les rapports des autorités allemandes mais également d’après ceux, préparés par les Nations Unies, l’OSCE et l’Union Européenne.

Mme Claudia Roth, présidente de la commission des droits de l’homme du Bundestag en commentant ce sujet a dit : " dans la situation actuelle, on ne pourra pas vendre des chars allemands à la Turquie ". Cependant cette décision n’affectera pas les contrats de co-production mutuelle signés auparavant.

LES SERVICES SECRETS TURCS (MIT), EN COLLABORATION AVEC LE MOSSAD, AURAIENT MIS SUR ECOUTE LES REUNIONS DE LA COMMISSION EUROPEENNE


D’après le journal autrichien, Die Presse, à la suite des rumeurs sur à l’existence d’une taupe au sein de la Commission Européenne, une enquête a révélé que les cabines des interprètes simultanés auraient été placées sur écoute.

Ces cabines fabriquées par une société israélienne auraient été équipées, par le MOSSAD, d’un système d’espionnage. Les informations recueillies auraient été transmises au MIT. Un responsable de l’Union Européenne, commentant cette information, a déclaré : " A la lumière des faits, on comprend mieux pourquoi la Turquie était aussi vite informée des conclusions des débats de la Commission la concernant. "

SELON STANDARD & POOR’S L’ADHESION DE LA TURQUIE EST IMPROBABLE AVANT 2015


L’un des plus grands consultants financiers du monde Standard & Poor’s (S & P), dans son dernier Bulletin International de la Finance, paru en janvier, estime que la question de Chypre et ‘les violations des droits de l’homme dans la guerre civile contre la minorité kurde’ rendent improbable l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne avant 2015.

Selon Stéphane Gagne, le spécialiste de S & P, le point reprochant à la Turquie les violations des droits de l’homme contre la minorité kurde a donné lieu à de nombreuses protestations dans les milieux financiers turcs.