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avec revues de presse

Bulletin N° 191 | Février 2001

 

 

908 BOAT PEOPLE KURDES S’ECHOUENT SUR LES COTES FRANÇAISES

Un cargo, l’East Sea, battant pavillon cambodgien s’est échoué dans la nuit du 16 au 17 février sur les côtes méditerranéennes de la France, près de la ville de Saint-Raphaël. A son bord, 908 "boat people" kurdes dont 428 enfants ainsi que des personnes âgées. Les réfugiés, pour la plupart des Kurdes irakiens, de confession yézidie, fuyant le district de Sinjar, sous contrôle du régime Saddam Hussein, ont affirmé que leur périple avait duré sept jours et qu’ils avaient été entassés dans les cales du cargo dans des conditions d’hygiène épouvantables. Selon eux, le bateau est parti de Turquie, probablement du port d’Alexandrette, avec la complicité des autorités turques. Chaque passager adulte a dû payer $ 3.000, les enfants la moitié de cette somme, pour ce singulier voyage "vers n’importe quel pays démocratique d’Europe".

Finalement, pour des raisons non encore élucidées, le cargo s’est délibérément échoué sur les côtés françaises. Etait-ce en raison de la surveillance maritime étroite des côtés italiennes de plus en plus difficiles d’accès ou est-ce qu’un pays de la région, en l’occurence, la Turquie, a voulu délivrer un message particulier à la France? Comment dans la mer la plus surveillée du monde un cargo douteux avec près d’un millier de réfugiés à bord n’a-t-il pas été répéré? De nombreuses questions se posent et attendent réponse.

L’arrivée de réfugiés démunis fuyant le régime tyrannique de Bagdad, largement couverte par les média français et internationaux (voir une sélection représentative de ces articles dans notre revue de presse), a suscité une vive émotion et un grand élan de solidarité dans la population française. Bousculées par cet événement imprévisible, les autorités ont décidé d’héberger ces réfugiés dans une caserne près de Fréjus, qu’elles ont décrétée "zone d’attente" en attendant justement de statuer sur leur sort. Après quelques cafouillages au début et sous la pression de l’opinion publique, le gouvernement a finalement décidé de lever la zone d’attente entravant la liberté de mouvement des réfugiés, d’accueillir ces derniers et ont délivré à chacun d’entre eux une autorisation provisoire de séjour. Il appartiendra à l’OFPRA d’examiner cas par cas leurs dossiers de demande d’asile.

Ensuite, les réfugiés ont été répartis entre plusieurs centres d’hébergement. Certains d’entre eux ont choisi de rejoindre leurs proches déjà installés en Allemagne et aux Pays-Bas. Ces deux pays ainsi que la Grande-Bretagne ont demandé à Paris de garder ces Kurdes sur le territoire français.

Le débat sur le sort des réfugiés s’est progressivement élargi au sort du peuple kurde dans son ensemble. De nombreuses voix se sont élevées pour appeler la France à s’intéresser aux causes de cet exode kurde et à convoquer une conférence des ministres des Affaires étrangères de l’Union pour définir une politique européenne commune sur la question kurde. Le bureau national du PS, le secrétaire national du PCF, une douzaine d’ONG, des députés Verts et certaines personnalités de droite ont, chacun de leur côté, appelé le gouvernment français à prendre une telle initiative (voir revue de presse). L’idée lancée d’abord par le président de l’Institut kurde semble progresser dans les esprits car pratiquement tous les pays de l’Union européenne sont affectés par l’afflux des réfugiés kurdes.

L’Union, qui a déjà près d’un million de Kurdes, peut-elle se permettre d’en accueillir plusieurs millions d’autres fuyant les persécutions? Il est donc urgent que l’Europe parle d’une seule voix pour amener les pays du Proche-Orient à accorder à leurs citoyens kurdes un statut acceptable respectant les frontières, reconnaissant l’identité et la culture kurdes et permettant aux Kurdes de vivre dans la liberté et la dignité sur la terre de leurs ancêtres avec une maîtrise dans la gestion de leurs affaires.

TURQUIE : LA CRISE ATTEINT LE SOMMET DE L’ETAT ET FAIT PLONGER L’ECONOMIE

a violence qui affecte tous les secteurs de la société turque atteint désormais le Parlement et le sommet de l’Etat. Moins de trois semaines après la mort à la suite d’une violente bagarre d’un député, Fevzi Sihanlioglu, en pleine Assemblée nationale, une vive altercation a, le 19 février, opposé le premier ministre au président de la République turque au cours d’une réunion mensuelle du Conseil national de sécurité (CSN). Accusé par le président de ne pas agir sérieusement contre la corruption qui touche plusieurs de ses ministres, B. Ecevit lui a rétorqué de ne pas se méler des affaires du gouvernement qui ne le regardent pas. Sur ce, le président lui aurait jeté à la figure un exemplaire de la Constitution que le premier ministre n’aurait pas manqué de renvoyer à son expéditeur. Puis, selon la presse turque, l’incident aurait dégénéré en une violente altercation sous l’oeil goguenard des généraux assistant à la réunion du CSN. M. Ecevit et ses ministres ont alors quitté la réunion de cette instance décisionnelle turque qui rassemble les dix plus hauts dirigeants civils et militaires du pays.

Le Premier ministre, visiblement effondré, s’est adressé à la presse en évoquant la "grave crise" l’opposant au président turc. "Le président m’a attaqué en portant de lourdes accusations, négligeant les règles de politesse. Il s’agit d’une attitude sans précédent sur le plan des traditions de l’Etat", a ajouté M. Ecevit, cité par AFP.

La colère de ce dernier est d’autant plus grande que c’est lui qui avait proposé le juge Sezer au poste de président en espérant en faire une potiche préposée à la signature des décrets et lois adoptés par le gouvernment et à l’inauguration des chrysanthèmes. Et voilà que le "petit juge" élu président refuse de jouer ce rôle de marionnette invoquant l’Etat de droit et résolu à utiliser pleinement les pouvoirs que lui confère la Constitution. Son discours sur l’Etat de droit et la lutte contre la corruption qui gangrène l’appareil de l’Etat, et la société toute entière, lui vaut d’ailleurs une réelle popularité auprès de l’opinion turque. Cependant, les escarmouches de plus en plus fréquentes entre les deux têtes de l’exécutif turc n’avaient pas jusqu’ici inquiété outre mesure les milieux économiques turcs.

C’est sans doute le fait qu’un conflit ouvert éclate dans le saint des saints des institutions turques, au Conseil national de Sécurité, en présence des généraux tant redoutés qui cette fois-ci a convaincu les décideurs économiques de la gravité de la situation et suscité une véritable panique.

En quelques jours environ 10 milliards de dollars de capitaux ont quitté le pays. La bourse d’Istanbul s’est effondrée. Le taux d’argent au jour le jour a atteint 6500 % . Finalement, le 22 février, à l’issue d’une réunion marathon de 13 heures, les autorités ont dû abandonner le taux d’échange fixe de la livre turque vis-à-vis du dollar qu’elles avaient, sur la recommandation du FMI, adopté pour lutter contre l’inflation. Devenue flottante, la monnaie turque a perdu 30% de sa valeur par rapport au dollar s’échangeant à 991.669 L.T. contre 689.000 L.T. à la mi-février. Cette dévaluation va entraîner 12 % supplémentaires en terme d’inflation qui pourrait atteindre 33.33 % en fin d’année au lieu des 12 % espérés par le gouvernement selon des experts cités par l’AFP (22 février).

Par ailleurs, d’après l’Institut National des Statistiques (DIE), le déficit commercial de la Turquie a augmenté de 89,1% en 2000 par rapport à 1999 pour s’établir à 26,6 milliards de dollars. Les exportations de la Turquie pour cette période s’élèvent à 27,3 milliards de dollars alors que les importations se montent à 53,9 milliards de dollars. Appelé au secours, le FMI s’emploie à mettre en place un enième.plan de sauvetage de l’économie turque sans illusion de succès car l’argent injecté va, pour l’essentiel, via un secteur bancaire pourri et vampirisé, dans les poches des hommes politiques et des mafia auxquelles ils sont liés. Tandis qu’une petite minorité s’enrichit ainsi grâce au pillage de ressources de l’Etat, les classes moyennes sont laminées et la grande majorité de la population sombre dans la pauvreté.

Privé désormais du spectre du "terrorisme" qui servait de justification pour expliquer tous les maux du pays, et de forger un semblant d’unité nationale, le système politique turc est de plus en plus contesté et discrédité aux yeux de la population. Il cherche sa survie en espérant que chaque nouvelle crise fera oublier la précédente et ses responsables. Mais jusqu’à quand?

LE 2ème CONGRÈS DE L’UNION PATRIOTIQUE DU KURDISTAN (UPK)

L’Union patriotique du Kurdistan, l’une des deux principales formations politico-militaires du Kurdistan irakien a tenu son second congrès, du 30 janvier au 5 février 2001.

D’après le communiqué final publié par cette organisation le 8 janvier, 1247 membres et délégués des organisations et institutions de l’UPK ont participé à ce congrès. Après la minute du silence pour " les martyrs de l’UPK ", le congrès a désigné un présidium pour diriger ses débats et élu par applaudissement Jalal Talabani, secrétaire général du l’UPK " président du Congrès ".

Celui-ci a lu un long rapport analysant les événements intervenus dans la vie du parti et du Kurdistan irakien depuis le dernier congrès de l’UPK (27. I – 11.II. 1992). Après cette lecture, le Congrès a réélu par acclamation J. Talabani secrétaire général et une dizaine de ses collaborateurs, proposés par lui, membres du Comité central. Ensuite le présidium du Congrès a mis en place une série de commissions : commission pour l’évaluation du rapport du secrétaire général, commission pour le programme et le règlement interne, commission des peshmergas, commission des résolutions et des recom-mandations, commission des doléances et commissions des finances. Les rapports de ces commissions ont fait l’objet de débats pendant deux jours. Ensuite pendant deux jours les délégués ont discuté des projets de résolutions et des recom-mandations.

Le rapport du secrétaire général J. Talabani a été approuvé à l’unanimité et considéré comme "la base du programme, des résolutions et de la future politiques de l’UPK".

Après l’examen des doléances et du rapport financier, le Congrès a procédé à des élections pour compléter le Comité central et la direction du parti il a achevé ses assises présentées comme "un festival politique et culturel fraternel pour le développement de l’UPK et de l’expérience démocratique de notre peuple".

Le communiqué final du Congrès souligne que l’UPK "rejette par tous les moyens la partition et la division de l’Irak", défend "son intégrité territoriale", et se prononce pour un Irak démocratique et fédéral L’UPK déclare qu’elle ne participera à "aucun plan étranger contre l’Irak".

À propos du conflit fratricide qui l’a opposé au PDK, le communiqué affirme : "L’UPK devrait admettre courageusement sa part d’erreurs qui ont conduit à l’embrasement du conflit (…). Ce serait injuste de tenir le PDK comme entièrement responsable ou pour le PDK de nous tenir entièrement responsable. Les deux parties ont commis leur part d’erreurs et n’ont pas déployé les efforts requis pour régler le conflit d’une manière rapide et appropriée. Il n’y a pas de doute qu’afin de parvenir à la juste solution, nous devrions accepter le fait que les disputes entre nous sont des disputes dans les rangs d’un même peuple qui devraient être réglées à travers le dialogue fraternel, parce qu’aucune des parties ne pourrait être vainqueur ou perdante seule et les deux parties seront considérées comme perdantes. C’est pourquoi nous ne devrions avoir recours aux armes en aucune circonstance. L’UPK réaffirme son engagement à l’accord de Washington signé le 27 septembre 1998. Elle considère qu’il est nécessaire d’accélérer l’établissement du Conseil de transition afin d’accomplir les autres tâches normalement et en vue de développer la coopération entre les deux parties et de réduire la tension dans l’atmosphère politique du Kurdistan irakien ".

Enfin, quelques jours avant le Congrès, par le décret n°9 du 20 janvier de Jalal Talabani, un nouveau gouvernement de la région sous administration de l’UPK était nommé. Ce gouvernement dirigé par Dr. Barham Ahmad Salih, ancien représentant de l’UPK à Washington, compte 19 membres dont Adnan R. Mufti, vice-premier ministre et ministre des Finances, Dr. Jamal A. Fuad, ministre de l’Action humanitaire et de la Coppération, Mme Narmeen Usman Hasan, ministre des Affaires sociales (cf. liste complète de ce cabinet régional p. : 188 )

LU DANS LA PRESSE TURQUE

LE SILENCE DES MÉDIA SUR LES DISPARUS


Umur Talu, rédacteur en chef du quotidien turc Milliyet revient, dans son éditorial du 4 février, sur la disparition mystérieuse des deux responsables du parti HADEP en dénonçant également le mutisme des média turcs sur l’affaire. Voici de larges extraits de son article intitulé " Mais qui sont-ils ? " :

" Vous êtes-vous déjà perdu ? Je ne parle pas de se perdre dans une ville étrangère, un quartier inconnu, une rue déserte ou encore un centre commercial. Pas non plus du pire, d’une perte de mémoire, d’une vie végétative ou encore la mort.

Exister, en n’étant pas mort, plus exactement en n’étant pas officiellement mort ou retrouvé mort, se montrer à un endroit puis tout d’un coup disparaître.

Vous êtes-vous retrouvé dans la situation d’un proche cherchant le disparu, ne sachant pas où et qui interroger, ou encore interroger mais ne pas avoir de réponses ?

Dans un cas ou dans un autre, Serdar Tanis et Ebubekir Deniz sont, depuis plus d’une semaine, disparus.

Qui sont-ils ?

Vous ne les connaissez pas.

Vous n’en avez probablement pas entendu parler. Est-ce que vous vous en seriez préoccupé, si vous en aviez entendu parler ? Cela est également " non élucidé ". Mais vous n’aurez pas tort malgré tout !

Les journaux qui relatent ces nouvelles n’ont pas le droit de circuler dans la région où " les disparus ont disparu ".

Quant aux journaux qui circulent dans la région et la télévision, ils ne donnent pas l’information que " les disparus ont disparu ".

Pendant ou après ces lignes, si " mort ou vif " leurs traces, leurs corps ne sont pas retrouvés…

Les disparus ou les portés disparus sont Tanis, président du HADEP à Silopi ; Deniz, le secrétaire du district.

Le 25 janvier, on voit et l’on sait qu’ils sont partis pour la Gendarmerie.

Le reste est inconnu.

Selon les témoins, ils s’y sont rendus de " leur propre gré ".

La gendarmerie, la préfecture de Sirnak et la super-préfecture d’OHAL, qui avaikt déclaré au début qu’ " il n’y a rien eu de tout cela ", reviennent sur leur version après l’intervention de Salih Yildirim, président adjoint du parti de la Mère patrie (ANAP) et disent : " Ils sont venus et ils sont repartis ".

De plus, on dit qu’aujourd’hui, même la gendarmerie s’est mise à leur recherche par voie d’affiches.

Les familles déclarent qu’ils avaient déjà été menacés et que le commandant de la région leur avait demandé de " démissionner du parti "…

Qui sont-ils ? Ils ne sont pas célèbres et ils ne sont pas des proches. Ce sont deux étrangers ! N’est-ce pas eux qui ont crié " la fraternité, la paix, le calme, l’union et l’unité ", pendant les funérailles de Okkan [ndlr : chef de la police de Diyarbakir, assassiné le 24 janvier 2001] ?…

Heureusement que vous n’êtes pas vous-même disparu !

Si vous l’étiez…

Est-ce que vous auriez désiré que l’on donne de vos nouvelles…?

Que j’écrive sur vous ?

AINSI QUE...

LE PKK ET DHKP-C INTERDITS PAR LE GOUVERNEMENT BRITANNIQUE


Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et une organisation turque d’extrême gauche (DHKP-C), ont été interdits par le gouvernement britannique, au même titre que 21 autres organisations qualifiées de "terroristes".

Le PKK a déposé les armes en septembre 1999 après la condamnation à mort en juin de la même année de son chef Abdullah Ocalan par la justice turque. Issu de la scission du mouvement Dev Sol (gauche révolutionnaire), le DHKP-C, interdit déjà en Allemagne, prône une révolution populaire. Cette organisation était également à l’origine des grèves de la faim qui ont commencé en décembre dernier dans les pénitenciers turcs, réprimées par la force par la police turque.


LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNE LA TURQUIE POUR " VIOLATION DU DROIT À LA VIE "


La Cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg a, le 27 février, condamné la Turquie pour "violation du droit à la vie" après la disparition de trois Kurdes dans la région de Diyarbakir.

Les deux fils et le petit-fils de la requérante, Hamsa Cicek, avaient disparu en 1994 après avoir été arrêtés, puis libérés par les autorités turques, à la suite d’un contrôle d’identité, dans le village de Dernek.

La Cour a jugé que l’absence de toute information depuis six ans et demi concernant les fils de Mme Cicek, Tahsin et Ali Ihsan, permettait de penser que les deux hommes, âgés de 44 et 20 ans, avaient "trouvé la mort à la suite d’une détention non reconnue entre les mains des forces de l’ordre".

Ankara devra verser un total de 70.000 livres sterling à la requérante et aux héritiers de ses fils, en réparation des dommages matériels et moraux, ainsi que pour les frais et dépens.

AKIN BIRDAL POURSUIVI POUR AVOIR RÉCLAMÉ D’ANKARA DES EXCUSES POUR LES ARMÉNIENS


La justice turque a, le 8 février, lancé de nouvelles poursuites contre Akin Birdal, vice-président de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et ancien président de l’Association turque des droits de l’homme (IHD), pour " avoir réclamé que la Turquie fasse des excuses " pour ce qu’elle a fait subir par le passé aux Arméniens et à d’autres minorités.

Akin Birdal est accusé d’avoir " ouvertement insulté la turquitude " pour des propos tenus en Allemagne l’année dernière. Il encourt une peine maximale de six ans de prison. " Tout le monde sait ce qui a été fait aux Arméniens. La Turquie doit s’excuser pour ce qu’elle a fait aux minorités ", aurait-il déclaré, selon l’acte d’accusation.

Selon son avocat, Akin Birdal parlait des minorités en général, et pas uniquement des Arméniens. Birdal avait été libéré en septembre 2000 après dix mois de prison pour " incitation à la haine raciale ", condamné pour des discours en faveur des droits des Kurdes en 1995 et en 1996.

PERTE DE MARCHÉS PAR LA FRANCE EN TURQUIE : SANCTION OU DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES ?


Trois semaines après l’adoption par le Parlement français de la loi reconnaissant le génocide arménien, la colère turque retombe et les sanctions économiques se résument pour l’essentiel à une mise à l’écart d’entreprises françaises d’appels d’offre. Derrière les effets d’annonce politiques, les dégâts pour les industriels français semblent devoir être limités.

Jusqu’ici, aucun contrat n’a été annulé en relation directe avec l’adoption de la loi. Le seul apparaissant l’objet d’une sanction, concerne la construction d’un satellite espion conclu avec Alcatel et Astrium, connaissait en fait déjà des difficultés d’ordre non politique ayant abouti à une sanction légale et administrative. De plus le Journal officiel turc du 7 février annonce que : "Les sociétés mentionnées ci-dessous ont l’interdiction de participer à tous les appels d’offre du ministère de la Défense pendant un an à compter d’aujourd’hui". Il cite Alcatel Space Industries et Matra Marconi Space, détenu par European Aeronautic Defence & Space et le britannique BAE Systems.

Le projet de pont autoroutier au-dessus du golfe d’Izmit, annulé pour participation de firmes françaises, était déjà incertain, tant pour son coût, estimé jusqu’à un milliard de dollars, en période de restriction budgétaire, que pour sa localisation dans une zone frappée par un violent séisme en 1999, note-t-on de source industrielle.

L’annulation le 3 février d’un contrat avec Thales (ex Thomson-CSF) pour la modernisation du système de navigation de 80 F-16 est toujours suspendue à une décision officielle qui n’a toujours pas été annoncée à la firme.

Côté diplomatique, la tonalité est à l’apaisement, la Turquie étant consciente que la France est un important soutien à sa candidature à l’Union européenne. Et il s’agissait aussi de marquer le coup pour décourager d’autres pays susceptibles de suivre l’exemple français, en particulier les Etats-Unis, où une résolution similaire du Congrès américain, retirée d’extrême justesse de l’ordre du jour, sous la pression du président Clinton en octobre dernier, pourrait ressurgir.

La fâcherie continue toutefois et l’ambassadeur turc à Paris Sonmez Koksal, rappelé pour consultations sitôt la loi votée le 18 janvier, n’a toujours pas regagné son poste.

C’est sans doute du côté de l’armée turque que la glaciation est la plus nette. La coopération militaire est gelée depuis le vote et les médias turcs se font l’écho de décisions de l’état-major, non confirmées officiellement, selon lesquelles les militaires ont instruction de boycotter toute activité liée à leurs homologues français, y compris sociales. Côté français, aucune notification officielle de ces décisions n’a été reçue, mais la mission militaire à Ankara est de fait quasiment en chômage technique.


DRÔLE DE PRESSE ET DRÔLE DE JUSTICE


: Le journaliste turc Melih Asik, dans ses colonnes du 2 février sous le titre de " Erreur de traduction… ! ", dénonce la campagne de dénigrement menée contre l’Association turque des droits de l’homme (IHD) en Turquie, en mettant en relief la collaboration étroite entre la presse et le Parquet turcs. Voici l’intégralité de l’article :

" L’agence de presse turque Anadolu a, le 20 janvier, publié une information intéressante : " La Grèce a dévoilé les ONGs auxquelles elle apporte une aide financière. En Turquie c’est l’Association des droits de l’homme (IHD) qui figure parmi ces organisations…"

Après, c’est vraiment tout un scénario…

La première scène… L’Agence de presse Anadolu, juste après cette nouvelle (une heure après), diffuse une seconde information sur le même sujet et annonce : "Le porte-parole grec des Affaires étrangères a déclaré que les ONGs bénéficiant de l’aide financière, siègent en Grèce, et a indiqué leur soutien pour des projets de ces organisations à l’étranger."

Second acte… Le lendemain, la presse en prenant en considération la première information diffusée, a annoncé que l’IHD bénéficiait du soutien de la Grèce.

Troisième acte… La police d’Ankara perquisitionne le siège de l’IHD et saisit de nombreux documents et disquettes. L’enquête sur " les liens " entre la Grèce l’association démarre…

L’agence Anadolu publie " un erratum dû à la traduction " une semaine après tout cela. C’est déjà trop tard, l’instruction est déjà en route.

Informé de l’erratum de l’agence d’Anadolu, le procureur répond : " Une instruction a commencé, elle ne s’arrêtera pas ".

La Direction de la sécurité continue à déclarer : " Nous avons trouvé des éléments de preuve que nous allons transmettre au parquet ".

Conclusion… Quelqu’un à Ankara travaille pour prouver les droits de l’IHD qui crie pour dénoncer " qu’en Turquie il n’y a pas de droit et de Justice ".