À DIYARBAKIR LES FESTIVITÉS ONT RASSEMBLÉ DANS LE CALME PLUS DE 500 000 PERSONNES ; NOMBREUX INCIDENTS À ISTANBUL
La fête du Newroz, le Nouvel an kurde, a été marquée par des incidents et des interpellations, le 21 mars, à Istanbul, mais célébrée dans le calme par plus d’un demi million de personnes dans les provinces kurdes.
La police anti-émeutes est intervenue à Istanbul contre un groupe de 200 personnes qui auraient scandé des slogans en faveur d’Abdullah Ocalan, après une manifestation dans le calme d'une foule de 3.000 personnes sur une place près du palais de Topkapi. La police a tiré en l'air pour disperser les manifestants et a interpellé plusieurs personnes. Toujours à Istanbul, la police a interpellé une personne en intervenant contre des manifestants qui avaient allumé un feu à Dolapdere.
Le Parti de la Démocratie du Peuple (HADEP, pro-kurde) n'a pas été autorisé par la préfecture d'Istanbul d'y organiser des festivités à l'occasion du Newroz.
La veille au soir, neuf personnes, dont un policier, avaient été blessées et une cinquantaine d'autres interpellées dans plusieurs villes kurdes. D'importantes mesures de sécurité avaient été prises à travers la Turquie pour la circonstance. À Mersin, qui compte une forte communauté kurde, 300 manifestants réunis, le 20 mars, "illégalement" ont scandé des slogans. Lors de l'intervention de forces de l'ordre, un policier a été blessé par un jet de pierre, 45 manifestants ont été interpellés, dont 32 ont été relâchés par la suite. À Antalya, des inconnus ont lancé des pierres contre un véhicule de la police, cassant son phare-- Quatre suspects ont été interpellés. À Siirt, la police est intervenue pour mettre fin à une manifestation "illégale". Sept personnes, dont deux enfants, ont été blessées. Des célébrations se sont déroulées sans incident dans plusieurs autres grandes villes turques comme Ankara, Izmir et Bursa.
Le Newroz, fête païenne d'origine zoroastrienne, qui annonce le réveil de la nature, est traditionnellement pour les Kurdes l'occasion d'affirmer leur identité, et a souvent été perturbé dans le passé par des affrontements sanglants. Pour les Kurdes, il commémore également la première révolte de l'histoire de leur peuple, qui s'est soulevé, selon la légende, contre le tyran perse Dehaq, sous la direction du forgeron Kawa. Celui-ci appela ses compatriotes à la rébellion en allumant des feux dans les montagnes. Suivant cet exemple, les participants aux festivités mettent le feu à des pneus et dansent autour. Cette année, pour des raisons "écologiques", le gouvernorat de Batman a distribué du bois pour ces feux. Le HADEP en a fait autant à Diyarbakir.
Après avoir interdit pendant sept décennies cette fête "séparatiste", l'Etat turc a récupéré le Newroz depuis 1995 en le présentant comme un Nouvel an traditionnel pour de nombreux peuples de la région y compris les Turcs. En 1992, cette fête avait été marquée par des affrontements avec les forces de l'ordre, faisant une centaine de morts, notamment à Cizre.
Le HADEP a en revanche été autorisé pour la deuxième année consécutive à organiser des festivités à Diyarbakir, principale ville kurde, et dans la province voisine de Batman où elles se sont déroulées sans incident.
À Diyarbakir, quelque 500.000 personnes se sont rassemblées sur un emplacement utilisé pour des foires à la lisière de la ville, dansant sur des airs folkloriques et allumant des feux selon la tradition, sous la surveillance de la police. De nombreux représentants d'organisations non gouvernementales italiennes et allemandes ont assisté aux festivités. "Le Newroz est la fête de la paix et de la fraternité (...) Nous sommes en faveur de la démocratie et du dialogue", a déclaré le président du HADEP, Murat Bozlak, qui s'est adressé à la foule.
Au Kurdistan irakien, le Newroz a été fêté officiellement, avec des concerts et des manifestations artistiques en plein air dans les principales villes et des pique-niques à la campagne. La fête a donné lieu à trois jours de congé. Au Kurdistan iranien la célébration du Newroz se fait dans les familles. Cependant cette année il y a eu des manifestations dans certaines villes comme Sanandaj et Mahabad, une vingtaine de jeunes ont été interpellés pour avoir " lancé des slogans hostiles au régime ".
A Paris, l'Institut kurde a organisé un dîner de Newroz animé par les musiciens Issa, Canê, Adnan ainsi qu'une chanteuse gitane roumaine. Outre des convives kurdes, des invités catalans, arméniens, français, latino-américains, dont le Président du PEN Club International, ont participé à cette fête d'amitié et d'espoir.
L’arrivée sur les côtes françaises d’un bateau chargé de boat-people kurdes a suscité une vive émotion dans l’opinion publique française et européenne.
Qui sont ces réfugiés ? Pourquoi fuient-ils leur pays ?
Quelles sont les raisons structurelles et conjoncturelles de cet exode kurde vers l’Europe ?
Peut-on régler la question des réfugiés sans traiter ses causes politiques, sans aborder les conditions politiques qui poussent les populations kurdes à quitter leur pays ?
Pour débattre de toutes ces questions, dresser un état des lieux et évoquer les perspectives, l’Institut kurde a organisé le 10 mars 2001, de 9h à 18h30 au Centre des Conférences Internationales, 19, avenue Kléber, 75016 Paris, une Conférence Internationale sur les déportations et déplacements des populations civiles kurdes en Irak et en Turquie, les deux pays qui génèrent le plus gros contingent de réfugiés kurdes vers l’Europe.
Cette conférence a rassemblé à Paris les meilleurs experts (universitaires, journalistes) de la question ainsi que des personnalités politiques dans le but de contribuer à l’information et à la réflexion de l’opinion, en particulier des décideurs politiques, des responsables des associations et des services sociaux, des journalistes et des citoyens s’intéressant aux Kurdes.
La session de la matinée présidée par Me Patrick Baudoin, président d’honneur de la Fédération Internationale des ligues des droits de l’homme, a été consacrée à dresser l’état des lieux. Après la présentation de la conférence par Mme Joyce Blau, professeur à l’INALCO et rédactrice en chef de la revue Etudes Kurdes, Hosham Dawud, du CNRS, a évoqué les travaux de feu Ali Babakhan sur la déportation des Kurdes faylis en Irak, souligné le rôle de pionnier de ce chercheur pour les études de déportation des Kurdes, rappelé les raisons pour lesquelles la conférence est dédiée à sa mémoire. Ensuite, Hamit Bozarslan, maître de conférences, à l’EHESS, a parlé de la place de la déportation dans l’histoire politique kurde et a illustré, son analyse par des exemples précis des communautés kurdes déportées hors de tout contexte de révolte, en Syrie, dans l’ex-URSS et en Turquie. Mme Hania Mufti, de Human Rights Watch, a fait une analyse fine et argumentée des déplacements des Kurdes irakiens au regard du Droit international. Puis, Fuad Hussein, vice-président de l’Institut kurde, a longuement exposé la politique d’arabisation des régions kurdes en Irak depuis l’accession au pouvoir du Parti Baath. Après la projection d’un film documentaire poignant du journaliste britannique Gwynne Roberts intitulé " déportation et disparition de masse : l’opération Anfal à travers les documents des services de renseignements irakiens ". diffusé par la BBC mais inédit en France, la matinée s’est achevée par un exposé très documenté du chercheur néerlandais Joost Jongerden, de l’Université d’Amsterdam, sur les déplacements forcés des Kurdes en Turquie dans les années 1990, exposé suivi d’un débat avec tous les intervenants de la session.
La session de l’après-midi a débuté par un exposé de Khosrow Abdullahi, de l’INALCO, sur la situation des Kurdes en Iran. Puis, dans une première table ronde présidée par le journaliste Marc Kravetz, Mme Ferda Cemiloglu, présidente de Migration and Asylum Center de Turquie, Kendal Nezan président de l’Institut kurde de Paris, Francis Wurtz, président du Groupe de la Gauche unie au Parlement européen, Me Feridun Yazar, vice-président du Parti démocratique du peuple (Hadep) chargé des relations internationales et Ragip Zarakoglu, directeur du quotidien Yeni Gündem, d’Istanbul ont discuté de l’avenir des Kurdes en Turquie dans la perspective de la candidature turque à l’Union européenne.
L’avenir des Kurdes en Irak a fait l’objet d’une deuxième table ronde présidée par Bernard Dorin, ambassadeur de France. En introduction au débat, Mme Nasrine Berwari, ministre de la Reconstruction et du développement du gouvernement kurde d’Erbil a fait le bilan de l’action de son administration grâce aux financements affectés aux provinces kurdes par la résolution 986 de l’ONU dite pétrole contre-nourriture et évoqué les perspectives : "sans ces 13% des revenus de la vente du pétrole alloués au Kurdistan et sans la protection aérienne l’œuvre déjà accomplie, considérable mais fragile, pourrait être détruite et les populations civiles reprendre les chemins de l’exode". Son collègue, Salih Rashid, ministre des réfugiés et des déplacés du gouvernement régionale kurde de Suleimanieh a affirmé partager entièrement cette analyse avant d’évoquer " le sort des dizaines de milliers de déplacés kurdes vivant encore dans des conditions matérielles très précaires. Il s’agit pour la plupart des Kurdes expulsés des territoires sous contrôle du régime irakien. Privés d’avenir, ils continuent à vouloir émigrer vers l’Europe. Le seul moyen d’arrêter cet exode est de stabiliser la situation économique et politique au Kurdistan ", a conclu le responsable kurde. Dr. Mahmoud Osman, qui, en tant que proche collaborateur du général Barzani, puis comme président du Parti socialiste du Kurdistan irakien, a participé pratiquement à toutes les négociations kurdo-irakiennes, a expliqué " pourquoi un compromis avec le régime de Saddam Hussein lui semblait improbable. Et étant donné la faiblesse d’une opposition irakienne morcelée, la solution la moins mauvaise est le maintien du statu quo actuel jusqu’à la chute de Saddam Hussein. À condition que les mouvements kurdes surmontent leurs divisions pour parler d’une seule voix et qu’ils sachent mobiliser le soutien des opinions publiques des pays occidentaux, la conjoncture internationale, pour une fois, leur est favorable ", a-t-il conclu.
Dr. Najmaddine O. Karim, président de l’Institut kurde de Washington et Jonathan Randal ont évoqué les incertitudes de la politique étrangère américaine. Enfin, en l’absence de M. Védrine, invité mai en déplacement dans les Balkans, son représentant a exposé : la politique française envers les Kurdes et l’Irak : respect des résolutions de l’ONU, y compris de la résolution 688 sur la protection des Kurdes, défense des droits culturels et de l’identité kurdes dans tous les pays où ils vivent, désarmement de l’Irak et révision de la politique actuelle des sanctions qui pénalisent surtout les populations civiles.
Après un débat avec l’auditoire, Kendal Nezan, président de l’Institut kurde a clos les travaux en réitérant l’appel à l’organisation d’une conférence des ministres des Affaires étrangères des pays de l’Union européenne pour définir une politique commune de l’Europe sur la question kurde : " Cet appel soutenu par le bureau national du parti socialiste français, par le parti, communiste, les Verts, une vingtaine d’ONG françaises et de nombreuses personnalités jouit aussi l’appui de l’Internationale socialiste. Il est grand temps qu’il trouve une traduction politique au niveau des gouvernements et que la France qui a des responsabilités historiques dans la tragédie kurde, prenne l’initiative dans ce domaine " a-t-il conclu.
Les actes de cette conférence seront publiés ultérieurement dans la revue d’Etudes Kurdes.
Sur les six mille langues parlées actuellement dans le monde 80% pourraient disparaître d’ici deux ou trois générations.
Fragilisées, marginalisées, broyées par le rouleau compresseur des langues officielles des Etats, ces langues des peuples indigènes et/ou minorisés représentent une part irremplaçable du patrimoine culturel et linguistique de l’humanité. Elles ont besoin d’être reconnues, protégées et assurées dans leur expression et développement.
Le Conseil de l’Europe, après des années de débats, a élaboré une Charte européenne des droits linguistiques qui constitue une avancée considérable dans le domaine de la protection de la diversité linguistique de l’Europe. Cependant plusieurs Etats européens, dont la France et la Turquie, n’ont pas encore ratifié cette Charte qui ne concerne que le continent européen.
Que faire pour les langues menacées d’autres continents qui, des langues amérindiennes à celles d’Afrique et d’Asie, sont légion ?
À l’appel du Pen International une soixantaine d’ONGs, dont l'Institut krude, engagées dans la défense des langues en péril sur les cinq continents ont adopté le 6 juin 1996 à Barcelone une Déclaration universelle des droits linguistiques. Cette Déclaration a reçu le soutien des grandes figures morales à travers le monde dont Nelson Mandela, Desmond Tutu, le Dalaï Lama, Alfonso Pérez Esquivel, Seamus Heaney, Rigoberta Menchu, Octavio Paz, etc.
Pour faire l'état des lieux et sensibiliser les responsabilités de l'UNESCO le Comité d’accompagnement de la Déclaration, en coopération avec plusieurs ONG cosignataires, dont le PEN International et l'Institut kurde, a organisé une journée des langues menacées le mardi 20 mars de 10h à 17h à la Salle 12 de la Maison de l’UNESCO, 7, place Fontenoy, 75007 Paris.
En organisant cette journée dans les locaux même de l’UNESCO, les ONGs signataires espèrent que cette organisation internationale, qui a pour mission la sauvegarde du patrimoine culturel universel, prendra dans des délais raisonnables les mesures nécessaires pour l’examen et l’adoption de cette Déclaration Universelle des droits linguistiques qui exprime les aspirations à la survie de leur culture et de leur langue d’une partie délaissée et ignorée de l’humanité.
La matinée a commencé par une table ronde réunissant des experts des langues menacées en Amérique du Sud, en Afrique, au Proche-Orient et en Europe. M. Juan De Dios Yapita a décrit "le difficile combat pour la survie des langues amérindiennes". Salim Chaker, vice-président du Conseil scientifique de l'INALCO, a exposé le statut de la langue berbère dans les pays du Maghreb, langue ni reconnue ni interdite, laissé à son sort, assiégée, minorisée, fragilisée par la politique linguistique des divers régimes qui, au nom d'une conception centralisatrice et autoritaire de l'Etat-nation, imposent le seul usage officiel de l'arabe. Kendal Nezan, a présenté la situation contrastée du kurde dans les Etats se partageant le Kurdistan : langue officielle de l'enseignement, de l'administration et des media dans le Kurdistan irakien, langue tolérée mais non enseignée au Kurdistan iranien et syrien, langue faisant l'objet d'une politique systématique d'éradication au Kurdistan de Turquie; enfin langue connaissant un véritable renouveau dans la diaspora kurde d'Europe occidentale. Le président de l'Institut a également évoqué le sort de deux autres langues de peuples sans Etat: l'araméen, qui fut pendant plusieurs siècles une grande langue de culture de civilisation et d'échanges internationaux et qui est en train de dépérir dans les montagnes du Kurdistan irakien et le béloutch, langue indo-européenne d'une population écartelée entre plusieurs Etats et non reconnue.
Après ce tableau sombre, M. Léo Conradie, ministre plénipotentiaire de l'Ambassade de l'Afrique du Sud auprès de l'UNESCO, a rappelé que comme le prouve l'exemple de son pays le dépérissement des langues minoritaires n'est pas une fatalité, qu'avec une volonté politique de pluralisme on peut renverser la tendance. Ainsi, après la fin de l'apartheid, le nouveau régime sud-africain a mis en œuvre une politique qui permet aux principales communautés ethno-linguistiques du pays le libre usage de leur langue dans l'enseignement et les média sans que cela n'encourage un quelconque séparatisme, bien au contraire. De son coté, M. Jouis Jou, directeur général de la politique linguistique du gouvernement de la Catalogne a exposé les réalisations remarquables de son gouvernement pour le renouveau et la diffusion de la langue catalane depuis l'autonomie obtenue après la fin du franquisme.
Pour élargir le débat, Yves Plasseraud, président du Groupement pour les minorités, a fait un exposé comparatif de l'état des langues minoritaires en France et en Europe.
Le directeur général de l'UNESCO qui avait été invité, mais absent de Paris s'est fait représenter par la directrice de la division de l'Education qui a assisté à toute la session de la matinée.
Le colloque s'est poursuivi par un déjeuner de travail présidé par Mme Mitterrand avec la participation d'ambassadeurs et de diplomates d'une quinzaine de pays dont l'Allemagne, le Mexique, la Bolivie, l'Afrique du Sud, etc.
La session de l'après-mini a été consacrée à la réflexion sur les moyens de faire avancer la cause des langues menacées. Au nom du Comité du suivi de la Déclaration universelle des droits linguistiques Carlos Torner a décrit l'historique de la démarche entreprise d'abord à Barcelone, en 1996, avec la participation d'une soixantaine d'ONG de cinq continents qui ont élaboré ensemble la Déclaration universelle. Depuis, un chemin appréciable a été parcouru et l'objectif de faire adopter par l'UNESCO une convention s'inspirant des principes de cette Déclaration n'est pas hors d'atteinte malgré la résistance opiniâtre des représentants de certains Etats, comme la Turquie, l'Algérie ou la Chine. Aureli Argemi, secrétaire général du CIEMEN a présenté les principales dispositions de la Déclaration dont certains articles ont été lus en kurde, en araméen, en catalan, en turc, en berbère, etc… M. Homeo Aridjis, président du PEN Club International a conclu les travaux avec un vibrant plaidoyer en faveur de la diversité linguistique de l'humanité, aussi vitale pour la survie de l'homme et de la civilisation que la biodiversité pour celle de la planète.
Les principaux intervenants ont ensuite rejoint les convives de l'Institut kurde pour fêter ensemble le Nouvel an kurde, Newroz, dans une véritable ambiance multilinguistique et multiculturelle autour d'un dîner oriental avec des chants dans plusieurs langues.
La Turquie a, le 19 mars adopté un programme de réformes en vue d'adhérer à l'Union européenne loin de répondre aux demandes de l'Europe sur l'octroi de droits culturels aux Kurdes, l'abolition de la peine de mort et une diminution du rôle de l'armée.
Le "programme national", entériné en conseil des ministres, prévoit en termes généraux des amendements légaux pour améliorer la liberté de pensée et d'expression, les conditions dans les prisons, et la lutte contre la torture. Mais il exclut tout enseignement en kurde, maintenant que la "langue officielle de la Turquie, y compris dans l'éducation, est le turc". Il reconnaît aux citoyens le droit "d'utiliser librement des langues ou dialectes différents dans leur vie quotidienne", à condition que cela ne soit pas dans des "buts séparatistes". Le programme laisse au Parlement la responsabilité de se prononcer, à moyen terme, sur une abolition de la peine de mort, et décrit comme un organe "consultatif" le Conseil national de sécurité (MGK), instance dominée par l'armée réunissant les plus hauts dirigeants civils et militaires à travers lequel ces derniers pèsent ouvertement sur la vie politique. Son rôle et sa structure, ancrés dans la Constitution comme dans les mentalités dans un pays où la population fait apparemment plus confiance à son armée qu'à ses hommes politiques, doivent être revus "à moyen terme".
La Turquie a été déclarée candidate à l'UE en décembre 1999, mais doit remplir les critères de Copenhague sur le respect des droits de l'homme et de la démocratie pour pouvoir ouvrir des négociations d'adhésion. Ce programme est le fruit d'un compromis entre les partenaires de coalition du Premier ministre Bulent Ecevit : son parti de la Gauche démocratique DSP (gauche nationaliste), le parti de la Mère patrie ANAP et le parti de l'Action nationaliste MHP (ultra nationaliste).
Le MHP est opposé à des droits culturels pour les Kurdes, comme l'armée. Le MHP est également opposé à l'abolition de la peine de mort à cause d'Ocalan. Il avait mené campagne pour son exécution avant son arrivée au pouvoir aux législatives d'avril 1999. La Turquie a repoussé son exécution dans l'attente d'une décision de la Cour européenne des droits de l'homme.
Mesut Yilmaz, ministre chargé de l'Europe et chef du parti de la Mère patrie (ANAP), a souligné devant la presse que le programme "doit être achevé en cinq ans au plus. Sinon je crains que nous n'arrivions plus à suivre le calendrier d'élargissement de l'UE".
"La balle est toujours dans le camp de la Turquie", souligne un autre diplomate européen. "Les Européens peuvent dire que ça ne va pas assez loin, mais c'est aux Turcs de fixer le rythme. Au moins, le programme fait passer le message que le gouvernement reste engagé dans le processus européen malgré tous les problèmes".
Le programme comprend aussi un volet économique en vue d'une harmonisation avec l'UE. Mais la crise que traverse la Turquie, dont la monnaie a été dévaluée de 30 % face au dollar, est désormais passée au premier plan des préoccupations du gouvernement et de la population, et risque de rendre plus difficile sa mise en œuvre. L'Union européenne a, le 26 mars, accordé un satisfecit au volet économique du programme turc d'adhésion à l'UE, mais a souligné que des " efforts supplémentaires " étaient nécessaires en matière de respect des droits de l'Homme et d'abolition de la peine de mort.
Ce programme d'adhésion constitue un paquet d'environ 200 nouvelles lois et amendements qui devront être débattus d'ici cinq ans. Ce programme " est une contribution importante à la préparation de la Turquie à l'adhésion à l'UE et la première étape d'un programme profond de réformes politiques ", a commenté Gunter Verheugen, le commissaire européen à l'élargissement. En ce sens, il constitue " le point de départ pour la transformation fondamentale de la Turquie en une démocratie moderne". Toutefois, a poursuivi M. Verheugen, " une analyse préliminaire laisse apparaître que des efforts supplémentaires seront requis dans des domaines tels que l'abolition de la peine de mort et l'assurance des droits culturels pour tous les citoyens, quelle que soit leur origine ", a-t-il indiqué en faisant implicitement référence à la question kurde.
Le treizième anniversaire du gazage par l'aviation irakienne des habitants de la ville kurde de Halabja a été marqué, le 16 mars, par une série de manifestations de souvenir un peu partout au Kurdistan et dans la diaspora kurde.
Au Kurdistan irakien, dans des régions gouvernées par les Kurdes, la journée de Halabja a été commémorée dans les écoles, les universités et les administrations. Les média locaux ont accordé une large place à cet événement tragique inscrit dans la mémoire collective comme le "Hiroshima kurde". Dans les provinces kurdes sous contrôle irakien, turc, irakien et syrien, le contexte politique n'a pas permis la tenu de réunions publiques, mais les habitants ont suivi avec émotion les programmes spéciaux des chaînes de télévision kurdes par satellite consacrées à Halabja. Dans la plupart des villes européennes, des associations kurdes ont organisé des expositions de photos, des conférences ou des réunions de souvenir pour commémorer Halabja.
Enfin à Washington, le 16 mars le porte-parole du département d'Etat, Richard boucher, a fait une déclaration dont voici les principaux extraits :
"Aujourd'hui, il y a treize ans, Saddam Hussein attaquait aux armes chimiques la ville de Halabja, à majorité kurde, au nord-est de l'Irak. Le 16 mars 1988, près de 5.000 personnes étaient tuées et 10.000 blessées lorsque l'aviation irakienne a bombardé la ville de Halabja avec du gaz moutarde et d'autres gaz empoisonnés. Treize ans après ce massacre, la population de Halabja souffre encore d'un grand nombre de maladies graves. Les cas de cancer, de désordres neurologiques, d'enfants nés difformes, de fausses couches sont d'une très haute fréquence.
L' attaque de Saddam Hussein à l'arme chimique n'était pas un incident isolé. Elle faisait partie d'une campagne systématique organisée par Saddam Hussein et menée par son adjoint Ali Hasan al-Majid, l'infame "Ali, le chimique", contre des civils kurdes irakiens.
Les observateurs internationaux estiment qu'en 1988 lors des campagnes, connues sous le nom d'Anfal, le "butin", les forces armées irakiennes ont tué 50.000 à 100 000 personnes. De plus, entre 1983 et 1988, lors de la guerre Iran-Irak, le régime irakien a également tué a l'arme chimique des milliers d'Iraniens.
Nous œuvrons pour qu'un jour prochain les responsables qui ont donné l'ordre de bombarder Halabja au gaz chimique, soient traînés, là où ils seraient, devant un tribunal international, dans un Irak libre et démocratique.
Ces crimes ne seront jamais oubliés. De même que nous nous rappelons de Halabja, nous réaffirmons et nous demandons à la communauté internationale de faire de sorte à ce que le régime de Saddam Hussein ne soit plus jamais autorisé à reconstruire son programme de développement des armes de destruction massive".
La Turquie a, le 1er mars, été condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme à Strasbourg pour "traitements inhumains" commis sur un jeune Kurde, au cours d'une garde-à-vue.
Devrim Berktay, âgé de 17 ans à l'époque des faits, avait été grièvement blessé en 1993 à Diyarbakir, après avoir été poussé de son balcon par des policiers turcs qui menaient une perquisition à son domicile. Le père du jeune homme, Huseyin Berktay, accusait également les policiers de l'avoir retardé, alors qu'il voulait emmener son fils recevoir des soins, de toute urgence.
Les policiers assuraient quant à eux que le jeune garçon, qui se trouvait en garde-à-vue, s'était précipité par-dessus la balustrade.
Le gouvernement turc, qui aurait dû fournir une "explication plausible" aux blessures du jeune homme, s'est contenté "de renvoyer à l'issue de la procédure pénale interne, où un poids décisif a été attaché aux explications des policiers", selon les juges européens.
La Turquie devra verser un total de 69.500 livres sterling à Devrim Berktay et à son père.
Le Parlement turc a, le 27 mars, reconduit l'état d'urgence en vigueur depuis 14 ans dans quatre provinces kurdes. Le Parlement se prononce tous les quatre mois sur le maintien de l'état d'urgence. Les provinces concernées sont Diyarbakir, Hakkari Sirnak et Tunceli.
Sa levée fait partie des mesures politiques réclamées à "moyen terme" à la Turquie par l'Union européenne si elle veut ouvrir des négociations d'adhésion. Le gouvernement turc s'est engagé à le lever, mais sans donner de date, dans son "programme national", vaste catalogue de mesures devant mettre la Turquie en conformité avec les normes européennes en matière politique et économique.
Les combats ont quasiment cessé dans la région, mais l'armée turque s'est déclarée déterminée à pourchasser jusqu'au bout les "rebelles du PKK" à moins qu'ils ne se rendent, et elle mène régulièrement des opérations dans le Kurdistan irakien, où la plupart des combattants du PKK se sont repliés.
Un regain de tension s'est fait cependant sentir fin janvier 2001 avec un attentat qui a coûté la vie au chef de la police de Diyarbakir, dont les auteurs n'ont toujours pas été retrouvés, et la disparition de deux responsables du HADEP de la province de Sirnak après une visite au poste de gendarmerie, qui n'ont toujours pas réapparu. Nombreux sont ceux qui accusent "l’Etat profond" de cultiver la terreur dans la région pour maintenir celle-ci sous un régime d’exception.
La police turque a, le 24 mars, arrêté quatre hommes, dont le neveu et le chauffeur de Mustafa Bayram, député turc, qui auraient essayé de vendre deux tableaux volés de Pablo Picasso à des policiers en civil. Le neveu de M. Bayram venait apparemment d'accepter de vendre les tableaux aux policiers en civil pour 1,5 million de dollars pièce.
Ces deux tableaux saisis s'ajoutent à six autres, qui seraient également des œuvres du peintre espagnol, retrouvés en Turquie au cours de l'année écoulée. Ils auraient été volés dans un palais au Koweït pendant la guerre du golfe, en 1991, et passés en contrebande en Turquie via l'Irak.
Depuis l’arrestation du député de Van, les médias turcs ne manquent pas de révélations jusqu’alors passées sous silence. Alors que la première déclaration de M. Bayram a été "Vous ne savez pas à qui vous avez affaire. Je suis un représentant du peuple à l’Assemblée turque". Mustafa Bayram, aujourd’hui député indépendant, a d’abord été présenté sur une liste ANAP pour les élections de 1995 puis s’est présenté sur la liste du parti islamiste (RP) au cours des élections de 1999. Interrogée sur la question, la Commission électorale rétorque que M. Bayram, poursuivi dans le cadre de huit affaires, comprenant l’homicide et trafic de drogue, aurait trompé la commission électorale en faisant une erreur volontaire sur son nom, passant de "Bayram" à "Bayrak" évitant ainsi toute opposition.
Le Parlement turc comprend aujourd’hui dans ses rangs de nombreuses personnes impliquées dans des crimes et délits, mais ces dernières échappent aux poursuites grâce à l’amnistie, aux prescriptions dûes à la lenteur de l’instruction, ou aux subterfuges grotesques comme cette dernière affaire. Alors que Leyla Zana et ses collègues purgent depuis plus de 7 ans leurs peines de 15 ans de prison pour avoir osé dénoncer la politique turque sur les Kurdes, l’immunité parlementaire, levée avec aisance quand de délits d’opinion sont commis, protège un gros bataillon de députés turcs impliqués dans des crimes infamants et des trafics de toutes sortes.
Cengiz Soydas est décédé le 21 mars à l’âge de 28 ans des suites d’une grève lancée en novembre 2000 dans les prisons turques. Selon la Chambre des médecins d'Ankara, 31 autres détenus, courent le "risque d'une mort soudaine que même leurs médecins ne seront pas en mesure de prévoir".
Les prisonniers ont entamé ce mouvement de grève de la faim pour protester contre leur transfert dans de nouveaux établissements pénitentiaires dotés de cellules pour une ou trois personnes. Incarcérés jusqu'à présent dans des dortoirs collectifs, ils déclarent craindre des abus commis par des gardiens en cas d’isolement. Les forces de l'ordre turques avaient lancé du 19 au 22 décembre un assaut massif pour briser un mouvement de grève de la faim de détenus d'extrême gauche dans les prisons. 19 prisonniers avaient succombé à leurs brûlures après s'être immolés par le feu selon les autorités, 10 autres morts dans les affrontements avec les forces de sécurité, et un détenu est décédé de blessures dont la nature n'a pas été précisée. Deux gendarmes avaient trouvé la mort dans l'assaut.
Une détenue, Hatice Yazgan, se trouve dans un état particulièrement critique. À 30 kg, elle a perdu toute intelligence, incapable de dire son âge, dans quel pays elle se trouve, ne reconnaissant même pas sa famille.
Le Conseil de l'Europe a, le 16 mars, exhorté les autorités d'Ankara à réformer les prisons turques et à enquêter sur les allégations relatives à des abus dont seraient victimes des détenus. Tabassages de prisonniers, tirs sur des détenues qui n'opposaient pas de résistance : le Comité anti-torture du Conseil de l'Europe ne ménage pas ses critiques contre les méthodes des autorités turques, lors de l'assaut meurtrier contre le mouvement de grève de la faim dans les prisons.
Le Comité pour la prévention de la torture (CPT), dont une délégation s'est rendue à deux reprises en Turquie, en décembre et janvier, a pointé les méthodes "pas toujours proportionnées" des forces de l'ordre, au cours de ces interventions, menées du 19 au 22 décembre, et qui s'étaient soldées par 32 morts.
Dans des observations préliminaires, rendues publiques, le 15 mars, à Strasbourg avec l'assentiment des autorités turques, la délégation du CPT confie notamment ses "sérieux doutes" sur la manière dont l'intervention a été menée dans un dortoir de femmes de la prison et maison d'arrêt d'Istanbul, Bayrampasa: Six femmes, sur les 27 occupantes du dortoir C1, ont été tuées et plusieurs autres blessées ou brûlées, alors qu'elles s'étaient simplement enfermées, sans opposer de "résistance violente", selon les explications recueillies par la délégation. Les détenues auraient néanmoins été "bombardées de grenades lacrymogènes" pendant plusieurs heures et des "coups de feu auraient été tirés sur elle" par intermittence. Par ailleurs, un incendie aurait été provoqué au dernier étage du dortoir sans que les forces de sécurité -qui en avaient les moyens matériels-- interviennent immédiatement pour éteindre le sinistre, affirme le CPT dans un communiqué.
La délégation, qui s'est rendue en Turquie du 10 au 16 décembre et du 10 au 15 janvier, pointe également des passages à tabac de détenus déjà maîtrisés, ainsi que des fouilles "indiscrètes ou humiliantes". "Des détenus auraient été frappés par les membres de la gendarmerie après leur évacuation des dortoirs des prisons où les interventions se sont déroulées", relate le CPT, qui cite de "nombreuses allégations concordantes" et "des données médicales compatibles aves des allégations de passage à tabac de détenus".
Le CPT, qui note que "les forces de sécurité se sont heurtées à des barricades et à une violente résistance" dans de nombreuses prisons, réclame donc une "enquête approfondie et indépendante" concernant le dortoir C1 et toutes les interventions effectuées à partir du 19 décembre.
Le CPT, habilité à entrer dans toutes les prisons des Etats membres du Conseil de l'Europe afin de prévenir la torture et les mauvais traitements, établira prochainement un rapport détaillé sur ses visites en Turquie, mais l'autorisation d'Ankara sera nécessaire pour qu'il soit rendu public.
Un appel en faveur de l'écrivain kurde suédois Mehmed Uzun, poursuivi par la justice turque, a été signé par trois lauréats de prix Nobel : L'écrivaine sud-africain Nadine Gordimer (Prix Nobel de littérature 1991), son homologue allemand Gunther Grass (Prix Nobel de littérature 1999) et l'écrivain américain d'origine roumaine Elie Wiesel (Prix Nobel de la paix 1986), ont soutenu et signé l'appel rédigé par l'écrivaine suédoise Kerstin Ekman. Ces écrivains et intellectuels protestent contre les poursuites entreprises par la Cour de sûreté de l’Etat d'Istanbul qui accuse Mehmed Uzun d'avoir "soutenu le terrorisme, incité à la révolte menant vers le séparatisme".
"Tous les membres de l'Académie royale de Suède et de l'Académie royale du Danemark ont aussi signé cet appel, sans compter d'autres écrivains célèbres du monde entier", a déclaré Mme Kerstin Ekman. Cet appel a été envoyé au président de la République turque, au Premier ministre et autres membres du gouvernement turc, a précisé l'écrivaine suédoise.
Mehmet Uzun, arrivé en 1980 en Suède en tant que réfugié, est un romancier écrivant en langue kurde. Ses livres ont été traduits en suédois, en allemand et en français. Deux de ses romans "Clair comme l'amour, sombre comme la mort" et "Floraison d'une grenade", traduits en turc et publiés à Istanbul font l’objet de poursuites judiciaires.
L'auteur suédois d'origine kurde s'est rendu, le 30 mars, à Istanbul où, début avril, se tiendra son procès, et où il risque une peine de 15 ans de prison. "Il est important que je me présente devant le procureur turc de ce procès pour repousser ces accusations grossières selon lesquelles je soutiendrais le terrorisme", a affirmé Mehmed Uzun. "Je dois effectuer cette démarche car je crois en la liberté d’expression, au combat pour la démocratie et aux droits de l'homme", a-t-il ajouté.
Mehmed Uzun a rencontré, le 29 mars, la ministre suédoise de la Culture, Mme Marita Ulvskog qui l'a rassuré du soutien du gouvernement suédois qui assume actuellement la présidence de l'Union européenne.
Dr. Zeki Budak, citoyen français d’origine kurde arrêté le 16 janvier 2001 à l’aéroport d’Istanbul et détenu depuis à la prison Bayrampasa, a comparu le 29 mars devant la cour de sûreté de l’Etat n°1 d’Istanbul. Après la vérification de l’identité de l’accusé, la cour a entendu les témoignages de deux voisins français de ce dentiste marié à une Française et père de trois enfants. Les témoins ont confirmé qu’ils voyaient depuis des années régulièrement Dr. Budak, habitant comme eux Rouen depuis 1992, qu’ils connaissaient ses opinions humanitaires et non violentes et que l’accusation du procureur selon laquelle il aurait été le chef du PKK dans la ville de Cologne leur paraissait invraisemblable.
Selon le procureur, cette accusation aurait été portée par trois membres présumés du PKK. Or, l’avocat de ces derniers, Me Ummuhan Yasar, a attesté devant la cour que la police turque avait fait signer sous la torture ces accusations par ses clients qui lui ont formellement déclaré qu’ils ne connaissaient pas Dr. Budak.
L’avocat de la défense Me Seref Yilmaz a appelé la cour à constater le vide et l’inconstance du dossier d’accusation et à relaxer son client. Le procureur a demandé le maintien en détention pour " vérification supplémentaire ". Accédant à cette demande, la cour a décidé de proroger jusqu’au 7 juin la détention arbitraire du Dr. Budak.
Les autorités françaises suivent ce procès sans intervenir officiellement parce qu’il s’agit de quelqu’un qui a la double nationalité.
Le quotidien pro-kurde " 2000’de Yeni Gündem ", publié pour la première fois le 27 mars 2000 en Turquie en langue turque, a été contraint de mettre fin à sa parution le 31 mars 2001. Après les quotidiens Yeni Ülke, Özgür Gündem, Özgür Ülke, Yeni Politika, Demokrasi, Ülkede Gündem et Özgür Bakis, interdits les uns après les autres, 2000’de Yeni Gündem n’a pas pu résister plus longtemps aux pressions de toutes sortes de la part des autorités turques.
Dès le 6e jour de sa parution, le quotidien avait été interdit dans la région sous état d’urgence (OHAL) par la super-préfecture d’OHAL prétextant simplement qu’il était " nuisible ". Or, 40 % de ses lecteurs se trouvent dans cette région. Il a fait l’objet d’une quinzaine de saisies, la première dès le 13 juillet pour avoir dénoncé l’intervention musclée des autorités turques dans la prison de Burdur. Le quotidien était également poursuivi dans le cadre de 53 affaires pour la plupart instruites par les cours de sûreté de l’Etat. La justice turque n’avait pas non plus hésité à prononcer des condamnations d’amendes sans précédent contre le journal et ses dirigeants.
Ragip Zarakoglu, rédacteur en chef du quotidien disparu a déclaré : " Gündem a fait écho à la voix d’une autre Turquie, et dans l’une des périodes les plus difficiles pour la Turque, il a essayé d’apporter sa contribution à plus de démocratisation du pays. "
Selon le quotidien turc Hurriyet du 31 mars, le Premier ministre Bülent Ecevit, décidé à lutter contre les noms de lieux en une autre langue que le turc, s’est lancé dans une campagne de
" turquisation ". Aussi a-t-il publié une circulaire ministérielle demandant aux institutions et aux organisations de consacrer une attention particulière et de turquiser les noms trop souvent en kurde à son goût. Il a également envoyé aux administrations et collectivités un dictionnaire guide toponymique – Dictionnaire d’utilisation et d’explication du turc – publié à cet effet et " conforme à la structure politique, historique, nationale et culturelle du pays ".
Dans sa circulaire, le Premier ministre se dit préoccupé par " la détérioration de la langue turque " et souligne " le poids de la protection de l’identité politique et culturelle de la Turquie et de la consolidation de l’union nationale dans le renforcement et l’importance de la Turquie en cette période de globalisation ". " Nous savons que ceux qui ont des desseins sur notre pays mettent d’abord en question la langue, c’est-à-dire le turc, et ceci afin de provoquer des aspirations et des mouvements séparatistes dans la société turque " a-t-il ajouté.
Toujours selon la circulaire, les applications seront appréciées par un comité d’observation et d’orientation, regroupant des responsables du Haut comité d’histoire, de la langue et de la culture d’Atatürk, du Cabinet du Premier ministre, de l’état-major des armées turc, des ministères de l’Intérieur, des affaires étrangères, de l’éducation et de la culture, de même que du très controversé Haut comité de l’éducation (YOK).